Jamila.

Sous-sol...

10h38...

Je me sens horriblement mal. Mon envie de vomir se fait de plus en plus forte et peu importe la façon dont je respire, je n'arrive plus à supporter. Ma tête me fait toujours aussi mal. Le sang séché sur mon front et en dessous de mon nez me procure une sensation horrible.

Mes lèvres et ma bouche sont terriblement sèches, mes poignets me font mal et je ne compte plus le nombre de fois où j'ai souffert de crampes. Je suis tellement fatiguée, et mes yeux brûlent. Je ne sais même pas quelle heure il est. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis assise ainsi dans l'obscurité.

J'ai mal au dos et je ne sais pas pendant combien de temps je tiendrais encore. Si jamais je sors vivante de cette histoire, Ashton et ce Enzo connaîtront le même sort, quoi que...ils connaîtront peut-être pire.

Je soupire doucement et j'essaie de balayer mes cheveux de mon visage. Rien à faire, ils sont collés à mon front à cause de la sueur. Non seulement ça ne sent pas très bon ici et en plus il fait très chaud.

Je me résigne à mon petit exercice, respirer par la bouche pendant quelques secondes, histoire de m'épargner cette horreur. Je penche doucement la tête en arrière et au même moment la porte en face de moi grince et la lumière venant de l'extérieur m'éblouie.

Je ferme brusquement les yeux et je réprime un grognement d'agacement. On dirait vraiment un animal en cage. Celle-ci se referme et je scrute la silhouette qui se dirige vers moi doucement. J'arrive rapidement à distinguer les traits de Enzo, ce qui me fait froncer les sourcils.

- Qu'est-ce que tu fais là?

Enzo: écoute, je m'excuse vraiment pour hier, je me suis enfui comme un lâche. Mais maintenant ma décision est prise, j'ai appris qu'avoir la protection d'un intouchable est vraiment bénéfique alors je ne peux pas laisser cette offre passer.

Et bien-sûr il a fallu que tu me laisses passer toute une nuit dans cette pièce sale et sombre pour t'en rendre compte. Je n'ai rien dit et lui il s'est contenté de passer derrière moi pour détacher mes mains.

J'ai dû me mordre la langue à maintes reprises pour faire taire la douleur, les cordes étaient vraiment très serrées. Je crois aussi qu'en essayant de me détacher toute la nuit, j'ai fini par me blesser.

Il termine avec mes mains et s'attelle à mes jambes. Pendant ce temps, j'essayais de masser mes poignets et comme je l'imaginais en plus des traces violettes bien visibles, je me suis blessée.

Avec ses mains même si je le voulais je ne pourrais pas les utiliser comme bon me semble. Il termine de détacher mes pieds et je soupire de soulagement.

Enzo: tu peux te déplacer seule?

- Comment je le saurais si je ne suis même pas encore debout? Aide-moi allez!

Il m'attrape doucement les mains et m'incite à me lever sans trop tirer dessus. Et malgré le fait que mes chevilles me fassent horriblement mal, j'arrive à me déplacer.

Enzo: sortir d'ici avec toi sera vraiment une tâche compliquée.

- Donc tu veux me dire que tu es venu jusqu'ici sans aucun plan en tête?

Enzo: c'était sur un coup de tête, je n'ai réellement pas réfléchi à un plan.

Je soupire et je fais quelques pas dans la pièce. Je me fais sauver et c'est moi qui doit encore réfléchir à un plan, incroyable.

- D'ailleurs, j'y pense...c'est qui votre fameux jefe?

Enzo: c'est l'un des intouchables. Ashton comptait te livrer à lui, comme ça ce sera plus facile de t'emmener au Mexique sans prendre le risque de se faire attaquer.

Je me tourne vers lui puisque je m'étais mise de dos.

- Un intouchable? Tu connais son nom?

Enzo: son nom? Je crois que c'est un certain Youssef, je ne sais pas trop, moi je suis nouveau dans toute cette histoire.

Youssef.

C'est peut-être lui la solution. Finalement ce n'est pas aujourd'hui que je vais retourner au bercail.

- Il vient quand? Aujourd'hui? Si oui, il est déjà là?

Enzo: oui, je l'ai vu arriver tout à l'heure. Mais Jamila, oublie déjà. Ces hommes sont sans pitié tu penses vraiment que tu vas réussir à l'influencer avec quelques paroles?

- Qui te dit que je ne l'ai pas déjà influencé? Conduis-moi jusqu'à lui, si tu veux attache-moi à nouveau, comme ça on pourra se déplacer librement. Les gens croiront que je suis toujours ta prisonnière.

Enzo: et Ashton?

- Quoi Ashton? Tu es l'un des petits toutous qu'il mène par le bout du nez c'est ça? Il ne te fera rien, emmène-moi le temps presse.

Enzo: tu sembles vraiment sûre de ton coup alors je te suis.

Il ramasse une corde à même le sol et m'attache légèrement les mains dans le dos. Je suis très à même de les défaire moi-même, donc c'est bon.

On sort de la pièce et lorsque je me retrouve exposée à la lumière, je plisse des yeux et je papillone plusieurs fois des cils avant de m'habituer à celle-ci.

Ça fait vraiment du bien de respirer de l'air frais. Mon envie de vomir est toujours aussi présente, ce n'est que maintenant que je me rends compte que je me sens toujours aussi mal voire même pire. J'ai perdu l'équilibre en chemin au moins deux fois et Enzo a dû faire des arrêts pour que je reprenne mes esprits à chaque fois.

En réalité je me trouvais dans le sous-sol de l'immeuble dans lequel se trouve l'appartement qu'occupe Ashton. Je pensais qu'il allait me conduire à l'étage, mais non, il m'a mené jusqu'au parking de l'immeuble.

Il n'était pas occupé par des voitures mais plutôt par Ashton qui se tenait en face de Youssef, Evrad et Milan.

J'ai ressenti comme une sorte de grand soulagement lorsque je les ai aperçu, ça fait du bien de savoir que je vais sortir de cette fâcheuse situation.

Ashton est le premier à nous remarquer et il n'a pas caché son mécontentement, il pose son regard menaçant sur Enzo et semble lui reprocher le fait de m'avoir sorti de ce trou un peu trop vite.

Les autres suivent son regard mais aucune émotion n'était lisible sur leurs visages.

Une fois à leur hauteur, je détache mes mains et je jette la corde aux pieds de Ashton.

- Tu as commis une grossière erreur mon cher ami.

Ashton: Enzo, ne me dis pas qu'elle a réussi à entrer dans ta tête? Je t'avais prévenu que c'était une manipulatrice.

Enzo: elle ne m'a pas manipulé, je suis juste un peu plus conscient du risque que je cours. Je ne veux pas mourir comme ça Ashton, ta soif de pouvoir t'empêche de voir...

Youssef: t'empêche de voir que Léo est mort et que tu n'es plus le protégé de qui que ce soit. Tu es certain qu'en ramenant Jamila tu occuperas sa place? Qu'est-ce que tu es naïf mon vieux.

Ashton me fusille du regard puis pose son regard meurtrier sur Youssef.

Youssef: Milan raccompagne Jamila, Evrad et moi on s'occupe de mon ami Ashton.

Enzo s'éloigne un peu de moi et Milan quant à lui se dirige vers moi. Je fais un effort surhumain pour continuer de marcher, parce que plus les minutes s'écoulent et plus je sens mes forces me quitter.

Milan m'attrape par la main et il a le temps de me faire un dernier sourire qui se veut rassurant avant que je n'entende quelqu'un crier mon prénom et de ce cri s'en est suivi un bruit de balle.

Et là, je crois que c'est à ce moment que j'ai perdu le sens de la réalité. Mes oreilles se sont mis à bourdonner exactement comme à mon réveil hier et ma vision s'est flouttée jusqu'à ce que je ne voie plus rien et que je sente mes pieds décoller du sol et mon corps heurter violemment le sol.

[•••]

Hôpital...

17h44...

J'ouvre doucement les yeux et je n'ai pas besoin de m'habituer à la lumière puisque la pièce dans laquelle je me trouvais, était très peu éclairée. La pièce était calme et les seuls bruits que j'entendais étaient des sifflements qui résonnaient dans un intervalle régulier.

Je soupire doucement et je pose ma main sur mon front. Ma tête ne me fait plus mal et cette horrible envie de vomir n'est plus présente. Je me sens largement mieux.

...: Jamila?

Je tourne ma tête vers la provenance de la voix et j'arrive facilement à distinguer les traits de Evrad, installé dans un siège à ma droite.

- Je suis là depuis combien de temps?

Evrad: depuis plus de six heures, les médecins t'ont administré un calmant, tu en avais vraiment besoin.

Je hoche juste la tête positivement et je ne réponds pas. D'habitude je ne suis pas très douée pour ce genre de choses, mais actuellement je sais qu'il y a quelque chose qui cloche dans le son de sa voix.

Il m'a l'air inquiet.

- Aide-moi à me redresser s'il-te-plaît.

Il s'exécute directement et m'aide à me mettre en position assise en installant l'oreiller dans mon dos.

Evrad: c'est bon?

- Oui, merci.

Il se réinstalle dans son siège en s'avançant un peu plus vers mon lit, il saisit ma main dans la sienne comme la dernière fois dans le jet.

- Evrad.

Il lève les yeux vers moi.

- Tu vas bien?

Il sourit légèrement, même son sourire était triste. Dans un premier temps je me dis que c'est mon kidnapping qui le met dans cet état mais je chasse toutes ces idées de mon esprit. Il a mieux à faire.

Evrad: tu te souviens de ce qui s'est passé?

Je réfléchis pendant quelques instants et quelques évènements me reviennent à l'esprit.

- Je me souviens de tout mon séjour au sous-sol, jusqu'à ce que je sorte de là mais après c'est un peu flou. Quoi? Qu'est-ce qui s'est passé?

Il soupire un instant avant d'entrelacer nos doigts.

Evrad: Milan devait te ramener dans la voiture qui était garée à l'extérieur de l'immeuble, il se tenait devant toi lorsque Ashton a subitement sorti son arme pour te tirer dessus mais sauf que Milan l'a vite su et il s'est interposé.

Il marque un temps d'arrêt et il n'a plus eu besoin de continuer pour que je comprenne ce qui s'est passé.

Encore une fois quelqu'un a sauvé ma vie en y laissant la sienne.

J'ai ressenti comme une sorte de pincement au coeur, le même pincement que j'avais ressenti lorsque j'avais vu ma nounou à même le sol baignant dans son propre sang.

Il attrape mon menton et m'oblige à le regarder.

Evrad: Jamila évite de m'énerver en croyant que tout ça c'est de ta faute. Milan ne méritait pas de mourir de cette façon, mais ce n'est en rien ta faute. Lorsqu'il a été touché, tu t'es effondrée en même temps que lui. J'ai eu peur tu sais?

Je le fixe pendant quelques secondes sans rien dire, en réalité je ne sais pas comment réagir.

- Et Ashton? Enzo?

Evrad: Youssef se charge d'Ashton, il a laissé la vie sauve à Enzo parce que d'après lui, tu lui as promis ta protection et on attendait ton réveil pour te le demander.

Je ne dis rien et je détourne à nouveau le regard. Quoiqu'il dise, je vais toujours m'en vouloir d'une manière ou d'une autre. Milan ne méritait pas ça. Il ne méritait pas de laisser sa vie pour la mienne.

Evrad: fais-moi de la place s'il-te-plaît.

Je lâche sa main et je recule, il y a assez de place dans ce lit pour deux personnes. Il vient s'installer près de moi et passe sa main derrière mon cou. Je pose ma tête sur mon épaule et je ferme les yeux.

Evrad: on peut faire une petite cérémonie, comme chez vous les Mexicains tu vois de quoi je parle?

- On a pas le matériel nécessaire ici tu sais?

Evrad: je suis prêt à aller partout pour trouver tout ce qu'il faut, du moment où on fait cette petite cérémonie et si ça peut apaiser ton coeur.

- Merci Evrad.

Il attrape de nouveau ma main et pose un baiser au dos de celle-ci. C'est vrai que quelqu'un vient de mourir pour me sauver, mais j'ai comme une sensation de bien-être. Chose qui arrive très rarement dans ma vie.

Pour une fois, je peux dire que je me sens bien.

A suivre...

Cartel.