𝐌𝐈𝐊𝐀𝐒𝐀 𝐗 𝐅.𝐑𝐄𝐀𝐃𝐄𝐑
DARKNESS AT THE HEART OF MY
— L O V E —
• c o m m a n d e s •
par @sor3ange1
ua, enemies to lovers,
smut
dans un club de striptease
La lumière chaleureuse du soleil a quelque chose d’étrange, ici.
Il me semble que les mots ne font plus sens, dans ma tête. Ils flottent sans s’accrocher ni adhérer aux parois de mon crâne. Et je ne suis capable de discerner que la douleur cuisante dans mon lobe frontal.
— Quelque chose me dit que tu regrettes ce verre de trop, (T/N).
La joue vissée sur ma main, laquelle est reliée à mon coude planté dans le bar, j’observe d’un œil vitreux le tatouage de tigre ornant le crâne de Jeff. Ce dernier essuie avec minutie un verre.
Ce gars est un putain de maniaque.
La première fois que je suis arrivée ici, je n’avais pas un sou en poche et seul le désir de m’enrichir m’animait. Je croyais pouvoir mettre le monde à mes pieds et devenir une immense fortune.
Deux ans plus tard, je suis encore ici. Dansant chaque soir à moitié nue autour d’une barre et ne glissant même plus sur les énormes talons que je dois enfiler, bien trop habituée à les porter.
Chaque soir… Sauf maintenant.
— Je ne suis pas en état de danser, la cuite d’hier était trop violente, je marmonne, la bouche pâteuse.
Le night-club a fêté ses 10 ans d’existence hier. Pour l’occasion, Stan, le patron, a insisté pour que ses “plus belles danseuses fassent le show”.
Putain, ce milieu m’a vraiment déglinguée. Parce que, sur le coup, j’ai été touchée par ce “compliment”.
Alors, deux heures durant, j’ai dansé autour d’une barre. La tête en bas, les corps tournoyants, les mains sales glissant des billets dans mes dessous. L’un d’eux m’a saisie par le poignet quand je suis descendue de scène. Dans un rire gras, il m’a ordonné de monter sur ses genoux.
Je me sentais frêle, avec ma chair de poule, en petite tenue devant une vingtaine d’hommes sur des canapés, buvant et riant allègrement. Leurs yeux luisant de luxure semblaient être des lames qui tailladaient, tranchaient toujours plus loin la carapace m’embaumant pour me mettre à nu.
Car là est la seule chose qui compte... Me mettre à nu.
J’ai refusé poliment, lui disant que j’avais besoin de me rafraîchir. Il a alors levé les mains, montrant ses paumes en déclarant qu’il me laissait partir.
Soulagée, j’ai baissé ma garde. Bêtement. Je me suis retournée et je n’ai pas eu le temps de m’en aller. Un bruit de claquement a retenti et une douleur a chauffé ma fesse, aussitôt suivie de hurlements hilares.
Nauséeuse, j’ai voulu me retourner. Leur hurler dessus.
Que j’aimerais ordonner le respect, hausser le ton, faire entendre ma voix. Que j’aimerais agir comme ces nanas dans les séries télévisées. Celles qui, derrière leurs cheveux noirs et du rouge à lèvres pétant, mènent le monde du bout des doigts.
Mais ici, une femme qui hausse le ton signe elle-même son arrêt de mort.
Alors, annihilant le peu de dignité qu’il me reste, j’ai esquissé un sourire forcé. Me retournant, je lui ai montré que j’étais bien obéissante, ravie d’être violentée, de les laisser renier mon humanité encore plus.
Parmi eux, Stan était assis. Le gérant du club et celui qui s’occupe de “punir” les mauvaises filles. Il s’est contenté d’acquiescer.
Sa façon de me féliciter pour mon comportement.
Que faire d’autre ? La dernière fille qui lui a désobéi a encore l’empreinte de sa chevalière sur la tempe, là où il l'a frappée. Sans parler de ses dents manquantes qui l’obligent à se nourrir de liquide.
Alors, je me suis assise au bar. Et j’ai bu. Autant que je pouvais.
— Jeff ? je l’appelle doucement.
— Oui, (T/P) ?
Je souris. Il est le seul qui prenne la peine de nous appeler par nos prénoms. Pas de “ma belle”, “chérie” ou “poupée”.
Un jour, il a déclaré d’un ton léger que sa fille avait aussi été stripteaseuse. Il l’a appris quand elle a attrapé le sida. Elle lui a alors expliqué que les barres non désinfectées avaient eu raison de sa santé.
Je crois qu’il la voit en chacune de nous.
— Je voulais te dire merci.
— Pourquoi ? demande-t-il, surpris.
— De désinfecter les barres sur lesquelles on danse. Le patron ne t’a jamais demandé de le faire et tu n’es pas payé davantage pour ça alors… Merci.
Il ne me regarde pas, continuant d’essuyer ce même verre. À ce stade, je crois qu’il essaye d’en percer la surface.
Au bout d’un instant, il s’exprime d’une voix étranglée :
— Les stripteaseuses attrapent souvent des MST à force de danser sur des barres non désinfectées. Et les conséquences peuvent être…
Il ne finit pas sa phrase. Je devine que ses pensées dérivent vers sa fille.
Mon regard glisse sur le restant du night-club. Qu’il est étrange de le voir, à la lumière du jour. Personne ne danse, nul ne regarde. À vrai dire, il n’y a pas un chat.
Le personnel n’est pas là, le matin. Sauf celui qui a dormi sur place ou qui doit nettoyer le bar saccagé par les tarés de la veille…
— Désolée pour le bordel qu’on a foutu, je marmonne en regardant les verres soigneusement lavés et posés devant lui, attendant d’être séchés.
— Oh, mais ce n’est pas toi, petite. Ce sont les autres.
“Petite.” Voilà le seul surnom qu’il s’autorise.
Il hésite un instant, à la fin de sa phrase. Je devine qu’il souhaite me poser une question. Alors, je ne dis rien, je le laisse venir.
Mes yeux contemplent le breuvage contre la gueule de bois qu’il m’a servie.
— Je peux te poser une question ?
— Tout ce que tu veux, Jeff.
— Pourquoi ?
Il ne précise pas sa pensée. Mais je la comprends aussitôt.
Un soupir me prend et je regarde le comptoir si noir qu’il semble avoir été taillé dans l’onyx.
— T’es jeune, tu n’as pas de thunes mais, t’as envie de mettre le monde à tes pieds. Et sur les réseaux sociaux, tout le monde te dit que c’est la clé de l’émancipation. En plus, c’est vrai que c’est un sport magnifique, le pole dance.
Je ris doucement.
— Putain avant, j’adorais ça. Le moment où tu planes dans les airs, que tes moindres pensées sont en suspens. Que tu tournes et pourrais presque vomir…
Mon pouce caresse le verre dans lequel se trouve mon breuvage.
— Je croyais que j’allais mener le monde à la baguette. Que je charmerai, m’enrichirais et m’émanciperais… Et résultat, si un homme décide que sa main doit se réchauffer dans ma culotte, j’ai intérêt à accepter parce que je peux me prendre une balle dans le crâne.
Combien de mes collègues ont disparu ? Combien sont entrées dans le bureau du patron, le sourire aux lèvres, et en sont ressorties en larmes ?
— Tu n’as jamais pensé à en parler aux flics ? Ils ont ouvert une enquête sur un trafic sexuel, tu sais.
— Bien sûr que je le sais, je peste en le fusillant la porte du regard, comme si la tête brune de Mikasa allait en franchir le seuil.
Mikasa Ackerman. Jeune prodige. À peine trente ans et en charge d’une enquête de grande envergure sur un réseau de prostitution.
Police. Légalité. Droiture.
Tout ce que je hais.
— Tu devrais lui parler, elle peut t’aider.
— Cette connasse veut faire coffrer Stan et les filles. Mes lèvres sont une serrure verrouillée et la clé ira soit dans ma tombe, soit dans son cul.
Il soupire.
— Comme tu veux, petite.
Mes talons cognent le sol lorsque je retombe sur mes jambes. La main encore fermée autour de la barre, je m’emploie à exécuter mon plus beau regard charmeur.
Des sifflements retentissent depuis le canapé le plus proche du podium que j’utilise. Sur le banquet juste à droite, deux hommes se détournent même de Cristal, qui danse devant eux, pour mimer une pénétration avec leurs doigts et lancer des billets sur ma scène.
Mon regard se pose aussitôt sur Cristal. Elle continue de danser, imperturbable. Mais je sais qu’elle les a vus me balancer son pourboire.
Je tombe à quatre pattes, ignorant les larmes qui piquent mes yeux. Les sifflements augmentent en intensité tandis que je garde cette position suggestive pour ramasser les billets.
Je n’ai pas le droit de les ramasser d’une autre manière.
— C’est ça, ma belle ! Montre les pare-chocs, un peu ! éclate de rire l’un des hommes en attrapant son entre-jambe.
Ses amis accueillent la scène dans des rires. Certains vont même jusqu’à applaudir.
Mes mains tremblent.
Je m’efforce de me redresser. Ignorant la bile qui brûle ma gorge, je leur envoie un baiser et esquisse un clin d'œil.
Puis, je descends de la scène.
Les néons violets dansent sur mon corps. Mais cette lueur n’a rien de chaleureux comme le soleil de ce matin. Je préfère largement ce night-club lorsqu’il fait jour, que personne n’est là, que je discute avec Jeff.
Ce dernier me fait d’ailleurs un signe.
J’arrive à sa hauteur et m’apprête à lui demander une vodka quand il pousse une tasse fumante dans ma direction.
— Qu’est-ce que c’est ?
— Du lait d’or, une boisson indienne. Tu n’as pas mangé de la journée et ne comptes pas le faire ce soir. Mais tu devrais prendre un minimum soin de ta personne.
— Mais oui, (T/N). Sois gentille et écoute le monsieur.
Nous deux nous tournons vers cette voix féminine. Ma mâchoire se contracte aussitôt.
Elle. La pétasse originelle.
Deux yeux semblables à des onyx à même de sonder n’importe quelle âme. Des cheveux semblant avoir été tissés de ténèbres et tombant en une pluie fine sur un visage malicieux. Un rictus vilain et provocateur.
Elle.
— Mikasa Ackerman.
L’insigne doré à sa hanche tranche avec les sifflements et les musiques assourdissantes battant leur plein. D’un geste gracieux, elle fait pivoter ses hanches voluptueuses et s’assoit sur un tabouret de bar.
— Navré, lieutenant. Je ne peux servir des policiers en service.
— Tu ne peux servir des policiers tout court, Jeff, raille-t-elle avant de se tourner dans ma direction, me lorgnant d’un air goguenard, derrière ses cils.
Cette garce a du cran pour se pointer ici.
— Allons, (T/N). Bois ton lait d’or.
D’un geste, je repousse la tasse vers Jeff qui soupire. Il ne semble pas du tout étonné de ma réaction. Il faut dire qu’elle pouvait largement être préméditée.
— C’est un lieu dangereux dans lequel tu t’aventures, lieutenant.
— Et toi, tu aimes flirter avec le danger, n’est-ce pas ? sourit-elle d’un air venimeux.
Un instant, fugace et presque imperceptible, elle zieute mes lèvres.
Puis, son regard se plante aussitôt dans mes yeux. Il se fait soudain bien plus sérieux. Et je ne peux m’empêcher de remarquer qu’elle paraît différente dans le monde ténébreux qu’est celui de la nuit.
Presque… lumineuse.
Brutalement, je chasse cette pensée en me levant. Quittant ma chaise, je détourne le regard.
Je ne veux pas savoir ce qui animera son visage lorsqu’elle me découvrira dans cette tenue. Elle m’a toujours interrogée habillée. Jamais elle ne m’a vue comme cela.
— (T/N), appelle-t-elle aussitôt en me voyant fuir.
— Laisse-moi tranquille, je dois aller travailler.
Je ne me retourne pas, continuant de marcher. La danse de ma collègue est terminée et je dois remonter sur le podium.
Jeff me double d’ailleurs, un désinfectant dans la main et un chiffon dans l’autre. Je ralentis le pas, voulant lui laisser le temps de nettoyer la barre.
La danseuse qui m’a remplacée affiche un sourire, assise sur la cuisse d’un des hommes. Ce rictus est faux. Il tromperait n’importe qui. Mais pas moi.
Car je le connais ce putain de sourire qu’on doit montrer quand un porc décide que notre chaise pour la soirée sera sa cuisse — quand il n’opte pas pour son entrejambe.
— (T/N) ! crache le lieutenant avec un peu plus de colère. On ne va pas s’en sortir si tu continues d’agir comme si je ne voulais pas ton bien !
— Bon sang, t’as un sacré culot de te pointer ici avec ton insigne ! je réagis aussitôt, me retournant brutalement.
Je réduis la distance entre nous, ne voulant pas que qui que ce soit écoute notre conversation. Mais mon ton demeure furieux lorsque je chuchote :
— Ça t’emmerderait d’arrêter de penser à ta putain de carrière deux secondes et de réaliser ce que j’encours à te parler ? Ici, en plus ? Là où tout le monde peut nous voir ?
Elle ne répond pas, ses sourcils se haussant légèrement.
— Tu n’es qu’une sale porc, comme les autres. Vous ne voulez pas le bien de cette ville, juste vous faire bien voir.
— Parce que je compte te faire coffrer aussi ? demande-t-elle en arquant un sourcil. C’est moi qui t’ai placée autour de cette barre ? Non. Tu es littéralement la seule qui n’a pas de mac, ici. La seule qui ne craint rien à parler et tu refuses de le faire pour ton confort personnel.
Je lâche un rire sans joie.
— Qui ne craint rien ? je répète.
La marque de la chevalière sur une tempe. Une bouche édentée. Des filles ressortant en pleures de son bureau. Des culottes déchirées imbibées de sang dans les bennes à ordure.
Je crains exactement la même chose. Là est la raison pour laquelle le sang que fait pulser mon cœur est devenu noir. Et c’est précisément ce sang de ténèbres qui brûle en moi quand je crache :
— Tu ne sais rien. Espèce de pute écervelée.
Effectivement, je ne suis pas forcée à la prostitution par un maquereau. Et jamais le patron ne m’y contraindra. J’ai la chance d’être la “vitrine”, celle qu’il brandit pour convaincre de la légalité de son affaire.
Je crois que c’est la raison pour laquelle Mikasa tient tant à me voir tomber. Elle me voit comme une complice.
Mais j’essaye vraiment de protéger autant que je le peux les filles. Et quoi qu’elle en dise, je n’ai pas de quoi le faire tomber.
J’ai essayé, réellement.
— J’ai commencé à enquêter parce que tu as fourni des preuves au procureur et maintenant tu laisses tomber l’affaire ? Alors que tu sais que tu en es la clé ? murmure-t-elle de sorte que seule moi l’entende.
— Vous avez retrouvé le corps brûlé vif du comptable le lendemain du jour où vous êtes venu fouiner ici la première fois.
— Et d’autres corps depuis, à cause de toi.
Ma mâchoire se serre.
— Vas bien te faire foutre.
Je crache à ses pieds avant de me retourner.
Furieuse, je m’éloigne, bouillonnante de colère. Mon regard croise celui de Cristal qui descend de la scène. J’arrive à sa hauteur. Elle lève les yeux au ciel.
— Si tu veux me rendre ce pourboire, c’est pas la peine. J’accepte pas la charité.
— Je te rends le double si tu jettes cette flic dehors.
Un rictus étire les lèvres de la fille.
Je n’ai pas envie de mêler la sécurité à cela. Mikasa ne survivrait pas, sinon. Et quoique l’on puisse penser d’elle, elle est la dernière chance des filles. Alors, je compte bien le garder en vie.
Simplement, je prendrais contact avec elle quand je saurai que je peux faire fermer cet endroit. Parce que si je tente un coup de poker avant et que celui-ci foire, je ne vais pas trinquer.
Enfin… Je serais sans doute très amochée. Mais je suis la vitrine. On ne me tuera pas. Mes amies, en revanche… Elles ne risquent pas d’être épargnées.
— Tu payes en avance.
— Pour qui me prends-tu ? Je te connais, je lâche, la liasse de billets déjà dans ma main.
Elle la prend dans un rire malicieux. Je la laisse faire, gravissant les marches me séparant de la scène.
— Allez ! On attend, nous ! Fais sauter un peu de tissu ! Afin de faire pardonner l’attente !
Des rires gras retentissent. Et j’aimerais les ignorer. Mais, je dois aller travailler. Je n’ai pas le choix.
Soudain, mon regard se fige. Une silhouette m’observe, dans un coin de la salle. Je le vois du coin de l'œil. Sombre et presque brumeuse. Je n’ai même pas besoin de regarder en sa direction pour savoir qu’il s’agit de Stan.
Il me surveille.
Pour ma sécurité, je n’ai pas le droit à l’erreur.
De la bile griffe ma gorge et je me force à sourire. Mes cils tombent en une caresse provocante sur mes pommettes.
— Laissez-moi me faire pardonner…
Ils éclatent de rire gras et capiteux, excités.
Je crois que j’aimerais que ce soir soit mon dernier.
Mes dents claquent. Il fait froid, dans ces coulisses. Je ne m’y plais pas. Je ne m’y plairai jamais.
Rien n’est charmant.
Rien, dans les néons grésillant entourant les miroirs. Rien dans l’odeur de la laque mêlée de multitude de parfums. Rien, dans la peinture effritée des murs. Rien, dans la porte des toilettes cassée qui nous oblige à sentir chaque odeur, en permanence. Rien.
— Alors ? Tu kiffes trop ton makeup ?
Dans un rire, Cristal colle son faux-cil au bord du miroir auquel elle fait face. Sur sa tête, un bonnet beige retient ses cheveux. La perruque qu’elle a portée toute la soirée trône sur le sol, là où elle l’a balancée dans un cri victorieux.
Un coton à la main, elle commence à frotter sa peau. De mon côté, je n’ai toujours pas touché à mon maquillage ou à mon postiche.
— Cristal, t’as de la veine d’être tombée sur genoux tremblants ! gueule la voix de Susy.
Dans le miroir, je vois sa jambe dépasser du paravent. Quelques fringues sont lancées dans les airs, atterrissant à quelques centimètres de nous. Je soupire.
Susy se change systématiquement derrière le paravent, comme chacune d’entre nous. Mais au lieu de plier ses vêtements ou de les mettre sur des cintres pour le lendemain, elle les balance en travers de la pièce.
— Susy, range tes fringues, lance Mirta, se démaquillant en regardant son reflet dans l’écran de son téléphone.
Nous n’avons que deux coiffeuses, ici. Cristal et moi étant les plus anciennes, les filles nous les laissent.
— Pourquoi ? Ils sont tellement plus faciles à trouver, sur le sol !
Nous roulons toutes des yeux dans un même mouvement.
— Mais ça ne répond pas à ma question ! Alors, les genoux tremblants ?
Cristal ricane. Puis, dans une moue malicieuse, elle glisse une main dans son corsage et en ressort une liasse de billets. Nous éclatons de rire à cette vision, applaudissant bruyamment.
Genoux tremblants est le client préféré des filles. Chaque soir, il en fait asseoir une sur ses cuisses. Seulement, son corps est si faible qu’il tremble violemment à ce poids. Généralement, nous nous tenons en position squat au-dessus de lui, faisant mine d’être assise et flattant son égo, lui faisant croire qu’il arrive à nous porter tout seul.
Il ne veut jamais rien de sexuel. Mais il est généreux. Très. Il donne énormément d’argent à la personne qu’il “porte”.
— C’est l’anniversaire de mon fils, dans deux jours ! Devinez qui va pouvoir lui offrir ce qu’il veut ! Une vraie fête d’anniversaire !
Elle bouge à toute vitesse, secouant la tête dans un rire excité. Mais je sais qu’elle fait cela pour dissimuler les larmes d’émotion imbibant ses yeux.
Chaque année, elle espère pouvoir organiser une fête pour l’anniversaire de son fils. Et chaque année, le père de l’enfant en organise une plus onéreuse encore et demande à l’enfant de choisir.
Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai reçu un appel de sa part le jour J. Et lorsque je me rends chez elle, elle est toujours accroupie au milieu d’un salon couvert de ballons, en larmes.
Chaque année, une raison différente est évoquée :
“Mickael avait de quoi payer un magicien…”
“Une journée dans un parc d'attractions...”
“Une rencontre avec des joueurs de la NBA…”
Ah, Mickael… Le père qui est parti en découvrant que la gamine avec qui il couchait, du haut de ses quarante ans, était enceinte. Elle avait seize ans et il ne voulait pas en entendre parler.
Mais depuis peu, il s’est découvert une volonté d’intervenir dans la vie de l’enfant. C’est bien Cristal qui peine à le nourrir, à payer le loyer, qui essuie ses colères et l’éduque seul.
Cependant, de temps à autre, Mickael se pointe avec sa thune — dont Cristal n’a jamais vu la couleur — et achète l’affection du petit avec des jouets. Puis, il devient le papa cool.
Les yeux lumineux, elle observe les billets :
— Cette année, c’est notre année ! Je vais fêter les huit ans de mon bébé avec mon bébé !
— Et tu l’as bien mérité !
— Oh, moi aussi, je veux faire un cadeau !
La voix de Susi parvient, déformée par l’effort d’arracher son énorme chaussure de son pied. Elle se contorsionne, grimaçant. Je peux voir sa tête dépassant du paravent quand elle nous regarde.
— Après, j’ai pas grand-chose… Une bombe lacrymo, ça lui irait ?
— Susy ! je la rappelle à l’ordre.
Elle est adorable, mais… Elle n’a vraiment pas le sens des réalités. Par exemple, elle trouve sans doute sincèrement normal de vouloir filer une bombe lacrymo à un gosse de huit ans.
— Quoi ? Je l’ai jamais utilisée !
Cristal éclate de rire, arrachant son bonnet et dévoilant ses véritables cheveux. Je finis par l’imiter, entamant mon démaquillage.
Vivement qu’on rentre à la maison.
Je suis en train d’essuyer la vaisselle lorsque la sonnerie de mon téléphone retentit. Les sourcils froncés, j’hésite un instant à ignorer ce numéro inconnu. Cependant, quelque chose en moi, un mauvais pressentiment, me pousse à glisser mon doigt sur l’icône verte du combiné avant de poser mon portable sur mon oreille.
— Allô ? retentit une voix que je connais bien, à l’autre bout du combiné.
— Putain… Mikasa Ackerman… Qu’est-ce que tu veux encore, sale…
— Ashley Cooper, ça vous dit quelque chose ?
Je soupire en levant les yeux au ciel.
— Ça devrait ?
— Il me semble que vous l’appelez Cristal.
Je me fige.
— Vous savez que c’est l’anniversaire de son gamin, aujourd’hui ?
Ma respiration se bloque. J’en ai été informée, en effet. Depuis quelques jours, Cristal ne parle que de ça, espérant pouvoir passer la journée avec lui, pour une fois. Et le fait que la police soit au courant n’augure rien de bon.
— Pour l’occasion, ce matin, il a reçu un charmant colis sur le pas de sa porte. Un doigt découpé. Le tatouage dessus semble montrer qu’il s’agit de sa mère. Elle est officiellement portée disparue.
Mes doigts s’écartent. L’assiette tombe au sol. Je ne réagis même pas quand elle se brise à mes pieds. Des éclats frappent mes mollets, je ne bouge pas. Les yeux écarquillés, je réalise.
Stan… Stan a envoyé le doigt de Cristal à son propre enfant.
Est-elle vivante ?
Quelqu’un sonne à la porte. Je me fige en entendant le son strident. Est-ce lui ? Vient-il pour moi ? Mais la voix de Mikasa, à l’autre bout du téléphone, met fin à mes doutes.
— C’est moi. Ouvre.
Le ventre noué, je me rends dans l’entrée et prends le temps de regarder par le judas. Reconnaissant les cheveux courts et noirs de la policière, j’ouvre la porte. Au même instant, elle raccroche, plongeant son regard dans le mien.
— Je crois qu’il est temps que tu coopères, non ?
Rien n’aurait pu me préparer à une telle scène.
Assise dans une robe de chambre en satin, une main refermée autour d’une tasse de thé, l’autre pince l’arête de mon nez, se défendant contre l’affreuse migraine qui menace de s’installer.
— J’ai l’impression d’être en plein cauchemar, je chuchote, ignorant la surface brûlante sous mes doigts qui tiraille ma peau.
Debout à l’autre bout de la pièce, Mikasa garde un visage fermé. De la distance qu’elle garde entre nous à l’ombre sur ses traits en passant bien sûr par les bras qu’elle garde croisés sur sa poitrine, tout indique qu’elle donnerait n’importe quoi pour ne pas être là. D’autant plus que je ne suis pas sûre que sa présence dans mon appartement soit légale.
— Explique-moi, je soupire, résignée, jetant un regard par-dessus mon épaule et considérant longuement la bouteille de vin sur le plan de travail.
Se mettre une caisse n’arrangerait en rien les choses. Mais putain, qu’est-ce que la situation serait plus facile à mes yeux.
— Je n’ai pas grand-chose à te dire. Nos informations sont confidentielles, rétorque Mikasa en haussant un sourcil. À vrai dire, si quelqu’un doit des explications à quelqu’un d’autre ici… C’est bien toi.
— Tu t’imagines que je suis liée à ce qu’il s’est passé !?
Outrée, j'abats brutalement la tasse de mon thé sur la table basse. Celle-ci manque de se briser au contact violent mais elle tient bon. Mikasa, elle, ne cille même pas. Silencieuse, elle se contente de m’observer.
Son mutisme ne m’énerve que davantage. Je me lève d’un bond, marchant avec empressement jusqu’à la porte d’entrée.
— Je t’ai laissée entrer, car je pensais que tu pourrais l’aider. J’avais oublié que tu n’es qu’une sale garce avare d’arrestations, je crache en posant la main sur la poignée de la porte. Sors d’ici…
À peine ai-je ouvert la porte qu’elle se referme brusquement. Une main pâle, aux doigts fins, se trouve sur sa surface, juste au-dessus de ma tête. De cette main jaillit un bras dont la propriétaire se trouve derrière moi.
Je sens l’odeur épicée du parfum de Mikasa ainsi que sa crépitante aura dans mon dos. Soudain, l’air s’est épaissi. Étrangement épais, il peine à pénétrer mes poumons tandis que la chaleur s'intensifie autour de moi. Un frisson parcourt mon échine.
Ravalant un spasme, j’observe la main posée sur la porte, juste devant moi.
— Enfin, (T/P)... Est-ce que c’est une façon de traiter ses invités ?
Ma mâchoire se bloque brutalement. Ma confusion se dissipe aussitôt, laissant place à mon habituelle colère. Cette chaleur venimeuse qui m'enivre à chaque fois que sa silhouette se découpe, que sa voix résonne, que son parfum s’étiole.
Brutalement, je me retourne :
— Mais pour qui tu te prends, au j…
Ma voix s’éteint, avalée par ma gorge qui se resserre brutalement. A nouveau, son aura crépitante afflue autour de moi, comme une bouffée de chaleur menaçante, insidieuse. Je n’avais pas réalisé à quel point elle s’était approchée de moi…
D’ici, je peux voir chaque détail. Tout.
La manière qu’ont ses lèvres, rougies, de briller sous n’importe quelle lueur. Je crois que je l’avais déjà remarquée, cette couche étincelante qui habille sa bouche. Du gloss ? Du baume à lèvres ? De la simple salive ? Je ne saurai le dire. Tout ce que je réalise est que ce n’est pas la première fois que je me retrouve à fixer ainsi ses lippes.
Soudainement, ces dernières s'incurvent en un sourire malicieux. Mes yeux remontent alors jusqu’au sien. Son regard se fait moqueur.
— Alors, (T/P)... On a l’esprit ailleurs ?
Vite. Une réponse. N’importe laquelle. Une insulte. Un mot. Quelque chose pour me sortir de cette situation.
Je suis pourtant douée, d’habitude. Ma répartie est aussi affutée que ma langue, venimeuse. Je ne suis pas du genre à mâcher mes mots et sais toujours quoi répondre.
Sauf devant elle. Elle, c’est différent. Elle me fait perdre mes moyens.
Et je déteste ça.
— Sale flic de merde, je crache, non surprise de la voir aussitôt éclater de rire, posant les doigts sur ses lèvres.
— Oh… Ne me dis pas que tu t’es autant concentrée, à l’instant, pour me sortir un truc aussi bidon ? Et quoi d'autre ? Tu veux pas me lâcher un petit “ACAB” pendant que tu y es ?
Mes dents se serrent face à sa mine condescendante. Cela fait partie des nombreuses choses qui m’insupportent chez Mikasa. Elle n’essaye même pas de cacher qu’elle se trouve meilleure que moi.
— ACAB.
— Évidemment, soupire-t-elle en levant les yeux au ciel.
Visiblement agacée par cette conversation, elle tourne les talons, se dirigeant vers la cuisine. Mes sourcils se froncent aussitôt quand je la vois ouvrir le réfrigérateur.
— Non mais ça va ? Je te dérange pas ? Tu crois faire quoi là ?
— Le dîner. À en juger par tes poubelles, tu ne manges que des nouilles instantanées. Ça te fera du bien de manger de la véritable nourriture pour une fo… Quoi ?
Haussant un sourcil interloqué, elle se tourne vers moi tandis que je ris bruyamment. La main sur les lèvres, je tente de réprimer mes spasmes nerveux mais, je n’y arrive pas.
— Qu’est-ce qu’il y a de si marrant ?
— T’es tellement mieux que moi, hein ? je lâche avec animosité. T’as à ce point besoin de me le faire savoir ?
Fermant le réfrigérateur, la noiraude me regarde un moment.
— Mon amie a disparu tragiquement, tu t’invites chez moi, tu m’accuses d’être responsable de son enlèvement, tu refuses de me dire quoi que ce soit qui pourrait me rassurer et, maintenant tu critiques même ce que je mange ?
Elle ne répond pas. Je franchis la distance entre nous d’un pas furieux.
— J’ai bien compris que tu étais meilleure que moi. Tu as réussi, tu fais un travail respecté, tu protèges les citoyens alors que moi, je ne suis qu’une pute…
— Je n’ai jamais dit ça…
— MAIS TU LE PENSES !
Elle recule d’un pas, comme si mes paroles l’avaient brûlée. Et l’éclat de tristesse qui traverse son regard ne m’énerve que davantage.
— Ne te permet même pas de faire semblant d’être désolée ! Et j’espère que tu fais semblant, car tu ne devrais même pas être désolée ! C’est trop facile, sinon. Tu me harcèles depuis des mois en me disant que je suis responsable du malheur de ses filles ! Et maintenant, tu viens sous mon toit, critiquer ce que je consomme ? Alors que mon amie a disparu ?
— Ce n’est pas…
— Est-ce que parfois, quand tu lèves le nez de ton putain d’insigne, tu te rends compte que les gens que tu traites comme un quota d’arrestation sont des humains ? Que mener à bien des procédures ne justifie pas que tu les traites comme de la merde ?
Un rire sans joie franchit mes lèvres. Les yeux écarquillés, elle m’écoute en silence.
— Mais t’as bien raison… Qu’est-ce que tu gagnerais à t’acharner sur autre chose que des prostituées, hein ? Des pédophiles ? Des violeurs ? À quoi bon ! Ils prendront du sursis ! Alors que les putes, elles, elles méritent bien d’être chahutées un peu avant qu’on leur mette la main dessus… C’est vachement plus marrant.
Un moment, elle ne dit rien. Un éclat de détresse traverse son regard.
— C’est… C’est vraiment comme ça que tu me vois ?
— Si ce n’est pas la vérité, qu’est-ce que tu fous dans ma cuisine, au lieu d’enquêter sur son enlèvement ?
Sa lèvre tremble. Je soupire, excédée. Cependant, sentant mes yeux brûler et ne voulant pas pleurer devant elle, je tourne les talons.
À peine ai-je posé un pied sur le seuil que sa voix retentit :
— J’ai peur qu’ils s’en prennent à toi.
Je me fige. Mais, je ne me tourne pas vers elle.
— Je ne veux pas qu’ils s’en prennent à toi.
Des larmes imbibent mon regard et je jette un regard, par-dessus mon épaule. Elle fuit le mien, fixant le sol. J’ignore l’effet que me procure la vision de ses joues rosées.
— J’avais oublié… Si je meurs, ça nique ton dossier, hein ? je raille sans joie.
— Non, enfin… Si, mais ce n’est pas ça.
Un instant, j’ouvre la bouche pour lui ordonner d’arrêter sa comédie. Cependant, au même moment, son regard se lève et croise le mien. Mon estomac se soulève face à la douceur de son regard. Quelque chose change, en moi. Un frisson qui bouleverse l'entièreté de mon être.
Doucement, elle s’approche. Je ne bouge pas, comme figée dans le temps. Mais, à chaque pas qu’elle fait, chaque centimètre qu’elle gravit entre nous, l’air se réchauffe autour de nous.
— Je ne veux vraiment pas qu’il t’arrive quelque chose.
Une larme brille dans son œil. Sa main se pose sur ma joue. Je frissonne à ce geste. Sa peau est douce et chaude. Son pouce lisse ma pommette. Mes entrailles se soulèvent.
— Mikasa…
— Laisse-moi te protéger. Arrête de lutter. Laisse-moi utiliser les outils que je peux utiliser. Témoigne, sois protégée, aide-les.
— Si je suis sous protection, que je témoigne, que le dossier n’est pas assez solide et qu’on perd… C’est à elles qu’il s’en prendra.
Son autre main se pose sur ma joue. Des larmes dévalent mon visage, couvrant ses doigts. Mes yeux se ferment quand son front se pose contre le mien. Il me semble que son aura forme une bulle protectrice, autour de nous. Une chaleur dense que rien ne peut pénétrer.
— Laisse-moi essayer, s’il te plaît.
Pour la première fois depuis que je connais Mikasa, j’entends la vérité.
Femme forte, habituée à n’afficher qu’un regard froid pour que nul ne lui fasse barrage, refusant de montrer la moindre délicatesse de crainte que le monde misogyne dans lequel elle évolue ne l’avale, elle n’avait jamais accepté de révéler ses véritables intentions autour de cette affaire. Alors, je croyais sincèrement que je n’avais à faire qu’à une carriériste souhaitant vivre les échelons.
Cependant, aujourd’hui, j’entends.
J’entends, dans sa voix, l’horreur qu’elle a ressentie en trouvant le corps de certaines prostituées. J’entends, dans sa voix, la révolte qui l’anime en voyant toutes ses femmes prisonnières du night-club. J’entends, dans sa voix, la violence qui la secoue face aux histoires de ces immigrées, venues ici pour une meilleure vie et réduites à l’état d’esclaves.
Mais aussi, j’entends, dans sa voix, la terreur qui l’anime à l’idée que je sois victime de ce monde.
— Promets-moi que même si elles ne témoignent pas, elles seront protégées.
— On fera tout ce qu’on peut pour qu’il ne leur arrive rien. Mais pour avoir une protection, elles devront coopérer.
Les yeux toujours clos, je bouge la tête de droite à gauche.
— Elles n’y arriveront pas. Il est… Il est… si terrifiant.
— Je sais…
— Et j’ai tellement peur…
— Je sais…
Mes yeux s’ouvrent. Je croise son regard larmoyant. Et, dans l’éclat de ses iris désespérés, à la lueur de cette soirée pourtant sombre, je comprends qu’il n’y a qu’une seule personne qui puisse véritablement mettre un terme à tout cela. Et qu’il va me falloir accepter de prendre des risques.
— J’accepte, je chuchote dans un sanglot. Je témoignerai.
Aussitôt, mon visage glisse dans le creux de son épaule. Ses bras s’enroulent autour de mon corps, le pressant contre le sien. Je hoquète bruyamment contre elle, sentant mon cœur s’emballer.
Seulement, sa chaleur parvient à adoucir mes spasmes et son parfum enivrant apaise ma terreur. Je ferme les yeux, pleurant bruyamment.
Et, malgré la douleur de ce moment, quelque chose me pousse à espérer qu’il ne prenne jamais fin.
Cristal.
Mes paupières s’ouvrent dans un sursaut. Je hoquète, me redressant brutalement sur le canapé. Essoufflée, nageant dans une mare de sueur, je distingue à peine les formes des objets autour de moi. Tout n’est qu’un amas flouté et indescriptible au cœur duquel je plonge, m’enlisant désespérément.
Rude est le réveil lorsque les songes n’ont été que cauchemars.
— C… Cristal…
Une larme coule sur ma joue. Je hoquète bruyamment. Mes mains se referment autour du vide, se raccrochant à ce qui n’est plus. Ce qui n’a peut-être jamais été.
— C… Cris…
Ma voix meurt dans ma gorge. Je presse mes paupières de toutes mes forces, espérant que fermer les yeux effacera la réalité de ma rétine. Qu’elle dissipera les spasmes secouant mes souvenirs.
— Cr…
— Chut.
Une voix douce retentit quand une main, plus délicate encore, se pose sur mon épaule. Je sursaute presque, soudain éveillé. Mes yeux s’écarquillent, découvrant un paysage aux contours plus nets, moins vacillants.
Observant les doigts caressant mes omoplates, je remonte le long de leur bras pour découvrir leur propriétaire. Mikasa se tient juste à ma droite, souriant doucement.
— Bois, chuchote-t-elle en me tendant un verre d’eau.
Quelques instants, j’observe le liquide que je finis par avaler. La fraîcheur du breuvage calme aussitôt mes spasmes et je reprends contenance, réalisant où je suis. Avec qui je suis.
Le soleil ne s’est pas encore levé, mais le fera d’ici une heure ou deux. L’obscurité de la nuit déploie encore ses forces partout autour de nous. Mon regard se pose sur la policière debout à côté de moi. Glissant le long de la silhouette de Mikasa, les ombres semblent glisser paresseusement sur elle, jouant avec les courbures minutieuses de ses hanches.
Il me faut quelques instants avant de réaliser ce que je contemple. Brusquement, je tourne la tête, avalant une autre gorgée d’eau afin de me rafraîchir. Mais rien n’apaise la chaleur née dans mes joues.
— Que… Qu’est-ce que tu fais là ? je balbutie sans la regarder, espérant qu’elle n’ait pas surpris mon regard s’égarant.
Elle rit doucement. Un son que je me surprends à trouver mélodieux.
Continuant de regarder mon verre, je lutte contre l’envie de secouer la tête afin de me remettre les idées en place. Cependant, mon corps réagit étrangement ce matin. Encore plus que d’habitude, je ressens sa présence, sa chaleur. Je ne suis pas simplement consciente qu’elle existe là, tout près de moi.
Son aura s’enroule délicatement autour du moindre de mes gestes, l’accompagnant sans qu’elle ne me touche jamais. Son odeur la suit, comme une caresse irisée évoluant dans son sillage. Sa voix jaillit de sa gorge en sphères nébuleuses dansant autour de moi, éclatant en échos qui se réverbère le long de ma colonne vertébrale à la manière de frissons.
Que se passe-t-il ? Mikasa a toujours exulté une certaine force qui attirait mon regard. Les vibrations que provoquait sa simple présence me tendent perpétuellement. Au club, certaines filles en rient souvent, confondant mon agacement naturel pour de l’attirance. Elles me décrivent comme perturbée par la nature sensuelle de la policière. Fréquemment, j’en suis énervée, car elles se trompent.
Seulement aujourd’hui, quelque chose est différent.
— Tu ne comptes pas me répondre ? je maugrée sans oser la regarder, détaillant la surface plane de l’eau, dans mon verre.
Son silence s’éternise davantage, jouant avec mes nerfs. Bientôt, mes doigts se serrent autour du récipient et j’ouvre la bouche, prête à hausser le ton face à cette absence de réponse.
Soudain, deux doigts saisissent mon menton. Je hoquète quand on tourne mon visage. Mon nez frôle alors celui de Mikasa qui, penchée par-dessus l’accoudoir du canapé, une main appuyé sur son dossier derrière moi, m’observe de près.
Une dense chaleur éclate en moi à l’instant où je réalise notre proximité. Je peux presque sentir le mouvement que font ses lèvres lorsqu’elle sourit, tant sa bouche se fait proche de la mienne. Ses cils frôlent ma pommette tandis que ses paupières tombent. Elle n’ouvre qu’à demi les yeux, laissant ses pupilles observer mon épaule dénudée avant de se concentrer à nouveau sur moi.
Je déglutis péniblement.
— Voilà qui est mieux…
La gorge serrée, luttant contre les mouvements de mon estomac, je ne réponds pas. Cette proximité me tourmente bien plus qu’elle ne le devrait. Je n’arrive même plus à bouger, tétanisée par sa prestance.
— Comment veux-tu que nous discutions si tu ne me regardes même pas ? souffle-t-elle contre ma bouche.
Je frissonne. Elle se redresse dans un rire, s’écartant de moi. Son parfum capiteux se dissipe, me permettant de reprendre mes esprits. Je bats aussitôt des cils, revenant à moi.
— Je ne suis pas obligée de te dévisager pour qu’on ait une discussion, Mikasa. Nous pouvons agir comme des adultes, bon sang.
— Je t’en prie, depuis quand agissons-nous comme des adultes ? rit-elle en s’écroulant sur des dossiers éparpillés sur l’autre canapé, ses jambes basculant par-dessus l’accoudoir.
Mon regard s’attarde sur ces dernières et je tourne la tête, agacée par la chaleur se répandant dans mes joues.
— Tu n’as tout de même pas répondu à ma question, je tente de changer de sujet, la gorge sèche.
Un soupir franchit ses lèvres. Je lui lance un bref regard et surprends sa mine affligée. Je réalise alors qu’elle porte toujours son jean ainsi que son insigne. Elle ne s’est pas changée pour dormir… Elle n’a pas fermé l'œil de la nuit.
Notre conversation d’hier me revient et je ne peux nier les battements affolés de mon cœur. Je n’aurais jamais cru Mikasa capable de s’inquiéter profondément pour moi ou le restant des filles. Mais la nuit blanche qu’elle vient de passer prouve le contraire.
— Je vais te faire du café, je déclare en me levant, ne pouvant ignorer plus longtemps les cernes creusant son regard.
Ce même regard s’anime soudain quand je me lève. Il me faut quelques secondes avant de réaliser qu’elle vient de se laisser distraire par mes jambes dénudées. La couverture est tombée quand je me suis levée, les dévoilant. Je frissonne.
Je suis consciente que je devrais ramasser le drap pour l’enrouler autour de moi en regardant Mikasa de travers. Cependant, la chaleur qui se répand en moi ne me déplaît plus — si tant est qu’elle m’ait un jour réellement agacée. Faisant mine de ne rien avoir remarqué, je marche jusqu’à la cuisine. Mon cœur bat à tout rompre en sentant ses yeux brûlant suivre le moindre de mes mouvements.
— Noir ou au lait ? Avec ou sans sucre ? je demande en arrivant devant le plan de travail, levant le bras afin d’accéder aux armoires.
Soudain, je tressaille. Levant la tête, je réalise qu’une main vient d’attraper la mienne. Dans mon dos, la présence de Mikasa se devine, chaude et vibrante. Mes yeux s’écarquillent. Je n’ose pas me retourner. Ses doigts restent fermés sur mon poignet.
Mon cœur bat si fort que mes tempes font de même. J’entends sa cacophonie se réverbérer sur chaque paroi de mon être.
— Tu es fatiguée. Retourne te coucher.
Un frisson court le long de ma colonne vertébrale.
— J… Je pense que tu l’es aussi. Je peux au moins te faire un caf…
— Hé, chuchote-t-elle avec douceur, attrapant mon menton et tournant ma tête sur le côté pour me forcer à la regarder.
Son torse frôle mon dos et ses doigts sont brûlants. Je déglutis péniblement en constatant notre proximité. Mon nez frôle le sien.
— Inutile de me traiter comme une invitée. Je suis là pour que tu dormes sur tes deux oreilles. Alors fais-le. S’il te plaît.
— Je…
Ma gorge est si sèche que ma voix s’éteint. Ses yeux se plissent alors tandis qu’un léger rictus étire le coin de ses lèvres.
— Ton cœur bat si vite…
Je tressaille. À l’instant où ses yeux glissent sur mes lèvres, de denses vapeurs capiteuses éclosent en moi. Je réalise alors que ses doigts tenant mon menton frôlent ma gorge.
Elle sent mon pouls. Chaque pulsation. Chaque tressaut ardent. Chaque spasme.
— Mikasa…
— Inutile de m’appeler, je suis déjà là.
Sa main glisse sur ma joue. Son pouce lisse ma pommette, capturant un hoquet à peine audible. Je peine à respirer tant l’air est épais. Chaque inspiration brûle ma trachée.
— On ne devrait pas…
— Alors dis-moi d’arrêter, chuchote-t-elle, son nez frôlant le mien tandis que son souffle se presse à mes lèvres.
Je m’effondre presque contre elle tant mes jambes sont flageolantes. Ce n’est que lorsque mes omoplates se pressent à sa poitrine que je réalise qu’elle s’est approchée.
Je ne réponds pas. Je ne veux pas répondre. Elle le comprend. Un rictus vil étire ses lèvres.
— Alors dis-moi de continuer.
Entravée par ma fierté, je ne bouge plus. Ses cheveux frôlent mon front en une caresse délicate. Il fait si chaud qu’aucun de mes muscles ne parvient à lutter. Mes paupières tombent à moitié sur mes yeux, je ne la vois presque plus.
— Dis-le, insiste-t-elle quand ses lèvres passent si près des miennes que je peux sentir leur toucher.
Je tente de lutter. Mais quand sa main libre se pose sur ma hanche, je cède :
— Embrasse-moi.
Un rire capiteux franchit sa bouche. Mais le son est étouffé quand ses lèvres se posent sur les miennes.
Je cède.
Mes jambes rompent sous mon poids et sa main, posée sur ma hanche, glisse aussitôt sur mon ventre, me pressant à elle. Je ne tiens debout que grâce à ce contact, abandonnant mon corps dans ce baiser.
Sa langue s’enroule autour de la mienne, m’arrachant un gémissement qu’elle étouffe. Mes doigts traversent ses cheveux, les agrippant pour la serrer toujours plus contre moi.
Sa bouche dévie sur ma gorge, descendant jusqu’au creux de mon épaule. Mes yeux roulant dans mes orbites.
— Mikasa…
— Je… J’étais pas censée faire ça, murmure-t-elle, posant son front sur mon épaule. Je… Je ne dois pas recommencer, je…
Brutalement, elle recule. J’ai soudain froid. Refermant les bras sur moi, je me retourne pour la regarder. Les yeux écarquillés et les lèvres rougis, elle fuit mon regard.
Mon cœur se serre douloureusement.
— Mikasa ?
— Ça ne doit pas se reproduire, insiste-t-elle en respirant difficilement.
Mes yeux s’humidifient et je recule d’un pas, comme giflée. À quoi tout cela rime ? Cela la fait rire ? J’essaye d’inspirer, ignorant la souffrance de ce rejet. Ma respiration se bloque dans un couinement pathétique. Aussitôt, elle me regarde. Une vive douleur traverse ses iris quand elle aperçoit une larme sur ma joue.
Je tourne la tête, embarrassée.
— Je suppose que ça te fait rire, je chuchote profondément blessée.
Son regard me brûle. Seulement vêtue d’un tee-shirt, je me sens vulnérable, mise à nu. Plus que nulle part ailleurs.
Ce n’est pas comme au club. Ce n’est pas comme lorsque je porte un déguisement. Ce n’est pas comme dans ces moments où des rires gras accueillent ma performance.
C’est différent. C’est elle.
— Je… Je crois que tu devrais te faire ce café seule.
Elle ne répond pas. Je sors de la cuisine, fuyant son regard.
Soudain, une main saisit mon poignet, me tirant. Je me retourne brutalement, manquant de tomber. Mais mon torse heurte le sien et sa main se pose dans le bas de mon dos, me maintenant en place.
Aussitôt, je tourne la tête, fuyant son regard. Cependant, son parfum capiteux s’insuffle aussitôt dans mes narines.
— Te voir souffrir ne me fera jamais rire, (T/P). Et c’est pour ça que cette enquête m’obsède. C’est pour ça que ce n’est pas une affaire comme les autres.
Mon cœur se serre et je ferme les yeux. Aussitôt, sa main se pose sur ma joue, essuyant mes larmes.
— Ne pleure pas…
— Tu es celle qui me fait pleurer, je chuchote, mes mains tremblantes entre nous.
— Je sais, 奥さん. Et je me hais pour ça.
Son front se pose contre le mien et je hoquète. Son pouce lisse ma pommette.
— Pourquoi tu te montres si douce ? Tu ne vois pas que c’est une torture ?
— Pourquoi je te montrerai autre chose que de la douceur ?
— Parce que tu ne veux pas qu’on s’embrasse à nouveau.
Elle ne répond pas. Mais, sa main se crispe sur ma joue.
— Tu n’as aucune idée de ce que ça me coûte de ne pas le faire.
— Non, en effet. Alors explique-toi.
Elle ne répond pas. Je m’écarte brutalement d’elle, la poussant.
Elle n’oppose aucune résistance. Seule de la douleur se fait voir sur ses traits.
— Explique-moi !
Elle pince les lèvres, s’efforçant de ne rien dire.
— Explique-moi ! j’insiste, sentant ma voix trembler.
La souffrance dans son regard s’approfondit quand elle entend mon sanglot. Sa mâchoire se contracte aussitôt.
— Et puis merde.
En un battement de cil, elle franchit la distance entre nous. Ses mains se referment sur mes joues et elle m’attire dans un baiser violent.
Nos lèvres se heurtent. Nos mouvements sont saccadés. Ses mains glissent sur mon corps, palpant mes hanches et me pressant plus contre elle. Je couine contre sa bouche ardente, m’agrippant tant bien que mal à elle.
Mes jambes cèdent sous mon poids. Elle tombe avec moi, ne cessant pas un instant de m’embrasser. Comme si elle ne pouvait puiser son air ailleurs que dans mes poumons.
Mes omoplates touchent le carrelage glacé. Elle glisse sur moi, embrassant mon cou. Je hoquète, mes jambes s’enroulant autour de ses hanches pour la maintenir toujours plus près…
— Mikasa…
Son front se pose sur le mien. Allongées l’une contre l’autre, nous fermons les yeux pour reprendre notre souffle, savourant la beauté de ce moment.
L’ataraxie.
— Dis, (T/P) ?
— Oui, mon cœur ?
La main du fils de Cristal est minuscule, dans la mienne. Mais sa poigne est étonnamment ferme lorsqu’il tire sur mon bras pour me guider vers chez lui. Je suis soulagée que le gosse se souvienne du chemin de sa maison.
Le père de l’enfant n’étant disponible que lors de ses anniversaires pour rabaisser la mère, il n’a pas pu venir le chercher. Mikasa m’a demandé de passer le chercher lorsqu’elle est sortie de chez moi, tout à l’heure. Je n’ai pas évoqué notre moment intime, jugeant que cela serait déplacé de la retarder pour cela alors qu’elle partait de chez moi en remplaçant son insigne sur sa ceinture, allant travailler.
— Maman va revenir, hein ?
Mon souffle se coupe. Je cesse aussitôt de marcher. Les yeux globuleux de l’enfant se posent sur moi tandis que je déglutis péniblement.
Soudain, mon téléphone sonne. J’ai honte de le saisir aussitôt, soulagée par cette distraction.
— Allô ? Qui est à l’appareil ? je demande précipitamment tandis que le gamin ne lâche pas mon regard.
Un rire me répond.
— Pourquoi je ne suis pas surprise que tu sois du genre à décrocher sans regarder qui l’appelle ?
Je frissonne en reconnaissant la voix de Mikasa.
— Regarde derrière toi, ajoute-t-elle.
Les sourcils froncés, je me retourne au moment où une voiture se gare à notre hauteur. Je n’ai pas le temps d’analyser le SUV aux vitres teintées. L’enfant réagit avant moi.
— MAMAN !
Il lâche ma main, se jetant sur la silhouette qui vient d’ouvrir la porte côté passager. Je hoquète en reconnaissant la silhouette de Cristal, emmitouflée dans une couverture de survie. Le gamin disparait dedans lorsqu’elle le serre dans ses bras, éclatant en sanglot.
Un bandage recouvre le sommet de sa tête et j’aperçois une béquille dépassant du tissu doré. Le bas déchiré de son pantalon dévoile une jambe aussi tuméfiée que son œil droit — qui ne s’ouvre d’ailleurs plus.
Et pourtant, je ressens un profond soulagement face à cette vision. Une larme d’émotion coule même sur mon visage et je dois m’efforcer de ne pas me jeter sur elle, lui laissant un moment avec son enfant.
Jaillissant de l’autre côté de la voiture, Mikasa en fait le tour, marchant dans ma direction. Mon émotion est telle que, contrairement à d’habitude, je ne regarde pas le mouvement de ses hanches et la façon dont elles font tanguer son holster. Rien de tout cela ne me traverse l’esprit.
Je me jette sur elle, enfouissant mon visage larmoyant dans le creux de son épaule. Elle sursaute.
— Merci tellement de l’avoir retrouvée.
Son corps se détend et ses bras s’enroulent autour de moi. L’une de ses mains se pose sur l’arrière de mon crâne quand elle chuchote :
— Tout pour toi, 奥さん.
Je frissonne. Ce n’est pas la première fois qu’elle prononce ce nom et je n’ai aucune idée de ce que cela signifie. Mais, je crois que je vais attendre un peu avant de lui demander la traduction.
— Alors, c’est pour ça que tu es partie précipitamment ? je demande en rompant notre étreinte. Tu avais reçu un appel t’avertissant que vous l’aviez trouvée ?
Je tente de reculer, mais gardant sa main sur ma hanche et laissant l’autre glisser à mon épaule, elle me maintient près d’elle. J’inspire son parfum, réconfortée par sa chaleur accueillante.
— Elle et le réseau. Nous avons procédé à une sacrée arrestation, ce matin. L’endroit où il la retenait contenait un nombre astronomique de preuves.
Son regard se fait plus doux.
— Tu n’as plus à t’en faire, chuchote-t-elle tandis que son pouce caresse mon épaule.
L’émotion serre ma gorge et je chuchote d’une voix étranglée :
— Merci.
— Tout pour toi, 奥さん.
Je frissonne.
— Mais… Tu… Tu ne devrais pas fêter ça ? Avec tes collègues ?
Elle hausse les épaules, feignant la nonchalance. Mais je surprends les rougeurs qui ornent ses joues lorsqu’elle murmure :
— Disons que ce n’est pas avec eux que j’ai ressenti le besoin d’être.
Je ne peux pas réprimer mon sourire et tourne la tête pour fuir son regard. Je croise alors le regard de Cristal qui sert toujours son fils dans les bras.
Elle hoche la tête dans ma direction. Je reconnais là une marque silencieuse d’affection. Le geste que nous faisons pour nous encourager silencieusement, au club.
Un mouvement que nous n’aurons plus besoin de faire.
Alors, je le lui rends dans un sourire.
Une dernière fois.
Putain, mais qui toque à ma porte à une heure du matin ?
Je grommelle en me levant de mon canapé, éteignant le dessin animé que je regardais. J’ai souhaité fêter la fin du club avec les filles, mais Cristal veut — naturellement — profiter des retrouvailles avec son fils et Mikasa m’a demandé d’attendre que la police contacte elle-même les filles.
Alors j’ai passé la soirée seule avec un soda et des séries idiotes.
Dans un soupir, j’ouvre le judas afin d’observer le perron à travers lui. Cependant, je n’ai même pas le temps de m’y pencher.
— C’est moi, déclare une voix bien familière.
Aussitôt, j’ouvre la porte. Mikasa s’y tient, un sourire aux lèvres et deux sacs craft dans les mains.
— Qu’est-ce que tu fais là si tard ? je demande légèrement surprise.
— C’est la fin de mon service et…
Elle lève ce qu’elle tient à hauteur de son visage. Une odeur de nourriture parvient aussitôt à mes narines.
— …Je parie que t’as même pas encore dîné.
— Tu commences à me connaître trop bien, je ris en me décalant, la laissant entrer.
Ses doigts attrapent mon menton et elle dépose un baiser sur mes lèvres avant de me dépasser. Je me fige, désarçonnée, avant qu’un sourire me prenne.
Je ferme la porte tandis qu’elle s’assoit sur le canapé, déballant la nourriture. Je souris doucement en la voyant si confortable. Mais ce rictus fane quelque peu lorsqu’elle retire sa veste, dévoilant ses bras. Je déglutis péniblement.
— Alors ? lance-t-elle dans un sourire taquin. Tu viens ?
— Bon… Je vais peut-être devoir songer à rentrer, soupire Mikasa, allongée sur le canapé, en regardant l’heure sur son téléphone.
— Tu pars déjà ? je demande en revenant dans le salon, ne laissant que ma tête dépasser de l’encadrement de la porte.
Elle hausse les sourcils en se tournant vers moi.
— Je croyais que tu étais endormie, ça faisait un moment que tu étais partie dans ta chambre.
— Mais non, enfin ! Tu es là, je ne vais pas aller me coucher. Ce serait incorrect.
— (T/P), rit–elle doucement. Il est quatre heures, je ne t’en voudrais pas.
Je frissonne, baissant les yeux.
— Tu dois être fatiguée, c’est vrai… Après une si longue journée et sachant que tu as fait une nuit blanche…
— Je…
Elle se redresse sur ses coudes, fronçant les sourcils.
— Pourquoi tu te caches dans l’encadrement de la porte, depuis tout à l’heure ?
Mes joues chauffent et je regarde ailleurs. Mais son regard se fait insistant et je me décide à révéler la nuisette que j’ai enfilée, espérant la convaincre de passer la nuit.
Cependant, à présent, je n’ose même plus la regarder dans les yeux.
— Disons que… J’avais oublié à quel point tu devais être fatiguée, je minaude en jouant avec mes doigts, embarrassée.
— Et quand je vois ça, je l’oublie aussi.
Surprise, je me tourne vers elle au moment où elle se lève. En quelques pas, elle me rejoint et d’une main, attrape les miennes qu’elle plaque au-dessus de ma tête, me collant au mur.
Mon hoquet de surprise est étouffé par ses lèvres qui s’écrasent sur les miennes. Mes yeux se ferment tandis que je sens mes seins durcir, sous le satin de ma nuisette. Ils se frottent à sa poitrine habillée, m’arrachant un gémissement.
Il y a quelque chose d'électrisant, dans le fait d’être si peu vêtue alors qu’elle l’est entièrement. Je me sens à la fois vulnérable et protégée, comme si rien ne pouvait m'arriver, dans son intimité.
Sa langue s’enroule autour de la mienne tandis que sa main libre palpe mes hanches. Sa paume glisse sur ma fesse, la serrant et je pousse un cri qu’elle avale dans un sourire.
Ses lèvres dérivent jusqu’à mon menton, retraçant la ligne de ma mâchoire jusqu’au-dessous de mes oreilles. Sa bouche m’aspire avant de s’attarder sur mon cou.
— Mikas…
Son autre main saisit le dessous de ma cuisse avant de me lever brusquement du sol. J’enroule mes jambes autour de ses hanches, appuyant mes omoplates contre le mur. Mes entrailles se tordent en une chaleur délicieuse tandis que ma poitrine arrive à hauteur de ses lèvres.
Mes yeux se révulsent quand, me regardant avec intensité, elle suce mon téton à travers le tissu. Une auréole humide et chaude se dépose sur le satin, faisant vibrer mon corps dans un cri de plaisir.
L’une de ses mains quitte ma cuisse pour attraper le tissu de ma nuisette, tirant dessus et révélant mon autre sein. Sa bouche sourit autour de mon téton quand ses doigts attrapent l’autre, durci et exposé à l’air libre.
Je bascule la tête en arrière, ne pouvant plus me contenir davantage. Mes cuisses se serrent autour de ses hanches, cherchant un mouvement. Mon entre-jambe se presse à son ventre sans qu’elle ne se détache de ma poitrine, comme aimantée.
— Mika… Mikasa… Je…
Ses dents attrapent mon autre bretelle, la faisant glisser et dévoilant mon entière poitrine. Je ne peux m’empêcher de refermer la main dessus, gémissant.
Mon dos glisse contre le mur lorsqu’elle s’agenouille. Mes omoplates atterrissent sur le sol quand elle s’agenouille. Mes jambes encore enroulées autour de sa taille, je sens mon bassin surélevé bouger contre elle.
— Ce que tu es belle, comme ça…, chuchote-t-elle entre ses yeux mi-clos, admirant mon corps se tordant sous elle.
D’un geste doux, elle remonte ma nuisette jusqu’à mon ventre, dévoilant ma culotte mouillée. Puis, se penchant délicatement en avant, elle dépose un baiser sur mes lèvres.
D’abord tendre, il s’intensifie très vite. Sa langue s’enroule autour de la mienne en une danse si ardente qu’une de mes mains se plante dans son dos et l’autre se fraie un passage dans ses cheveux.
Mes seins dénudés se frottent au sien et je sens peu à peu les vapeurs condensées de l’orgasme s’amasser en moi. Je gémis les yeux clos, me perdant dans ses lèvres. Ma respiration devient de plus en plus saccadée.
Soudain, ses doigts fins se glissent dans ma culotte trempée. Je bascule la tête en arrière en un gémissement long et elle poursuit ses baisers sur ma gorge.
Je ne sais plus où donner de la tête. Ses lèvres caressent mon cou, mes seins se frottent aux siens tandis que son index vient de trouver mon clitoris. Un spasme violent me prend quand elle trouve ce nerf à vif. Aussitôt secondé par d’autres, plus violent encore, lorsqu’elle se met à tracer des mouvements vifs dessus.
— Mik… Mika…
— Oui, dis-mon nom, chuchote-t-elle contre mon oreille dans un soupir rauque.
— Mika…, je hoquète tandis que les vapeurs se condensent toujours plus dans mon ventre.
— Dis-le…
— Mik…
Mon corps se tend brutalement quand l’orgasme me foudroie. Je pousse un hurlement, sentant mon âme quitter mon corps un instant et ce dernier trembler, submergé par la vague du plaisir. Mes cuisses se serrent autour d’elle quand chacun de mes muscles se contractent.
Elle continue ses gestes, m’accompagnant au bout de l’orgasme et bientôt, je reviens à moi, essoufflée.
— Je… Mikasa… Je…
Je n’arrive pas à parler, encore étourdie. Elle sourit tendrement, posant un index sur mes lèvres.
— Chut, reprends ton souffle.
J’acquiesce, mes poumons me brûlant. Sa main s’attarde sur ma joue, me caressant. Elle regarde autour d’elle avant de se pencher vers moi.
— Attends une seconde, je reviens.
J’ai soudain froid quand elle se lève. Mais elle ne met pas longtemps avant de réapparaître dans mon champ de vision, un gant mouillé à la main.
S’agenouillant devant moi, elle essuie délicatement la cyprine entre mes cuisses puis replace ma nuisette. Dans un regard doux, elle remonte aussi mes bretelles et, posant le gant, glisse ses bras sous mon corps pour me porter.
— Mais…, je chuchote dans ses bras, embarrassée. Et toi ?
Dans un sourire, elle pose son front contre le mien.
— On aura tout le temps pour ça, 奥さん. Mais, maintenant, je suis tellement crevée et je n’ai qu’une seule envie…
Elle laisse un baiser sur ma tempe.
— Vivre une première matinée où j’aurais la chance de te voir en ouvrant les yeux.
Je ris doucement et, posant mon pied contre l’interrupteur, éteint la lumière. Les lueurs orangées des lampadaires nous guident quand elle nous conduit jusqu’à la chambre. Doucement, elle me pose sur le lit et se redresse.
Je l’observe défaire sa ceinture, me décalant pour lui faire de la place. Elle sourit quand elle me voit la fixer si intensément.
— Tu es vraiment adorable quand tu me regardes comme ça.
Retirant son jean, elle ôte ensuite son soutien-gorge pour finir en débardeur. Je dois aussitôt réfréner l’envie de m’approcher d’elle pour déposer un baiser sur son ventre et descendre jusqu’à sa culotte.
Elle a dit qu’elle était fatiguée et je sais qu’elle se laissera tenter par une longue nuit. Mais, elle doit se reposer.
J’ouvre la couverture et elle se glisse dedans, enroulant son bras autour de mon torse pour m’attirer contre elle. Son menton se pose sur ma tête et je souris en fermant les yeux.
Plus de club. Juste Mikasa.
Tout ce qui importe…
— Passe une bonne nuit, Mikasa.
— Toi aussi, 奥さん.
Celles à venir risquent d’être belles, en effet.
j'avais la sensation d'avoir
bâclé cet os alors je me devais
de le récrire
sur instagram, vous avez voté et
décidé que le prochain os à
paraître serait celui-ci
j'espère qu'il vous a plu et je
vous donne rdv sur insta pour
choisir le prochain os que j'écrirai !
@/ooloreen
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