𝐆𝐎𝐉𝐎 𝐗 𝐅.𝐑𝐄𝐀𝐃𝐄𝐑
— N O C E S B L E U E S —
cw — mariage forcé, mention de
violence conjugale (pas de scène de
violences) , mention de viol
(aucune scène de viol),
masturbation féminine,
pénétration, enemies to lovers,
fem!reader, univers original
de jjk
• s y n o p s i s •
à l'aube d'un mariage forcé
avec naoya zenin, (t/p)
se retrouve confrontée à un
vieux rival, satoru gojo
LA NUIT EST NOIRE et les étoiles, nombreuses. Telles de fines tâches de peinture sur une toile obscure, la voie lactée s’étend loin au-dessus de ma tête. Et je la contemple ainsi durant un temps. J’avoue que je ne sais plus quoi faire.
Sous la peau nue de mes cuisses, le bois du siège me cuit. Ma chair s’étire sur la matière ligneuse, ma position se fait de plus en plus inconfortable. Mais elle n’est rien à côté de la bulle d’air coincée dans ma gorge.
Un mariage. (T/P) Zenin.
Voilà celle que je deviendrais.
Mon regard se promène sur la pièce m’entourant. Les longs rideaux blancs bordant la fenêtre de cette chambre disparaitront bientôt. Je dirais adieu au lit moelleux dans mon dos et couverts de draps bleu pâle. Je me détournerai de ma commode en bois, mes bibelots, mes cadres et mon tapis.
Jusqu’à réaliser que je ne les reverrai pas, je crois que je n’avais pas conscience de l’importance que ces choses avaient pour moi.
Ou peut-être que ce ne sont pas ces objets mais ce qu’ils représentaient, celle que j’étais quand je vivais parmi eux. Quand ce matelas accueillait mes nuits. Que cette commode contenait mes vêtements. Quand ces photos harmonisaient mon espace.
Une exorciste libre, considérée à sa juste valeur. Quelqu’un qui n’existait que par ses actes.
Pas un faire-valoir, un contrat, une signature sur une feuille, un arrangement. Pas un mariage forcé. Pas l’épouse de cette ordure.
Deux yeux affinés comme des lames. Des cheveux blonds finissant en pointes brunes comme l’obscurité tentant de se faire passer pour lumière. Des piercings sur les oreilles accentuant son allure déterminée.
Naoya Zenin.
L’homme qui n’aimera jamais que soi-même. L’homme qui ne m’aimera pas. Celui-là même.
Mon futur époux.
Dans quelques jours, je me marierai à un sombre personnage. Et, dans le repos de cette chambre, profitant de mes dernières nuits seules, j’essaye de me préparer à ce que je vais affronter. Peut-être sera-t-il doux ? Sûrement pas. Violent ? Cela ne m’étonnerait guère.
Peut-être m’ignorera-t-il ? Ce serait encore mieux.
Ereintée, je me lève enfin. Puis, regardant ma main gauche encore dénudée, je contemple l’aspect de ma chair sans l’anneau. L’alliance qui sera mienne repose dans une boîte avec sa sœur. Ma bague, elle, trône sur la commode.
Loin de moi.
Je m’allonge sur mon matelas et ferme les yeux. Plus qu’une journée de liberté.
ꕥ
Le lendemain, je me réveille tôt. A sept heures tapantes, je me trouve dans mon salon, habillée et maquillée. Deux tasses vides sont posées devant moi. Ma théière pleine trône à côté d’elles.
Mes muscles sont raidis. Aujourd’hui, mon seul et unique tête-à-tête avec Naoya Zenin se tiendra. Cette union, bien différente de celles faites par amour, est motivée par l’appât du gain et ne suppose donc pas que ses deux parties se connaissent. Alors le fait que nous soyons des inconnus l’un pour l’autre ne m’étonne guère.
Un rire jaune franchit mes lèvres. Cette rencontre est ridicule. Les membres de nos familles s’imaginent sans doute me faire une fleur.
« C’est une femme, elle a besoin d’un peu de romantisme… »
Ici est ma maison. Mais les fleurs dans les vases, le parfum délicat de rose dans l’air, les quelques bougies sur les meubles, la nappe de dentelle blanche… Tout cela n’est pas de mon fait.
Hier, trois femmes envoyées par le clan Zenin ont fait irruption dans ma demeure, expliquant qu’elles souhaitaient s’assurer de ma bonne santé pour le mariage. Mais le ménage a été fait — non pas que ma maison était sale, plutôt qu’elles ont trouvé quelques bricoles qui ne seraient sans doute pas au gout de Naoya Zenin lors de sa visite et s’en sont débarrassées afin de ne pas le perturber — et les décorations, renouvelées.
Alors me voici, maintenant. Habillée par leurs soins. Délicatement parfumée. Soigneusement maquillée. Comme une poupée modelée.
Parfaite. Pour mon futur mari.
La sonnette retentit. Je regarde l’heure sur l’horloge accrochée au mur. Je n’ai plus mon portable, elles me l’ont pris pour m’éviter toute distraction durant ma conversation avec lui. 7h08. Presque dix minutes de retard.
Ça commence bien, je songe.
Quelques petits cris de souris retentissent quand les trois femmes se précipitent à la porte d’entrée. Elles ont bien précisé que, quoi qu’il arrive, je ne devais pas quitter la pièce et, surtout, l’accueillir avec un sourire agréable, debout en signe de respect.
« Surtout, mademoiselle (T/N), un tendre sourire d’épouse comblée et une posture droite, debout sur vos jambes. Vous êtes une Zenin ! Vous devez en être fière ! »
La porte s’ouvre. Je le devine au bruit de serrure métallique qui suit leurs cris de souris. Puis, un grincement plus tard, leurs voix me parviennent :
— Bienvenue, monsieur Zenin, prononce une première voix.
— Votre fiancée vous attend, monsieur Zenin, annonce une autre.
— Elle est très en beauté, vous serez ravi, termine la dernière.
Il ne répond pas à celles que j’ai vite fait de rebaptiser Flora, Pâquerette et Pimprenelle. Mes yeux fixés sur ma tasse vide, mes mains posées sur la table, je retiens mon souffle.
Aussi étrange cela puisse-t-il paraître, jamais je ne l’ai rencontré auparavant. Quelques photographies m’ont été partagées et anecdotes, racontées. Mais, à l’instant où il pose le pied dans le salon, je comprends qu’il est le genre d’hommes différents en réalité.
Car la luminosité vacillante, l’atmosphère soudain étouffante et la vive tension crépitante qui nait dès lors que sa chaussure richelieu de cuir se pose dans la salle, provoquant un bruit sec sur le parquet, ne peuvent être captés en une image seule. Mais je ne le regarde pas tout de suite.
Ce n’est même pas de la crainte. Je ne lève pas les yeux vers lui car je n’en vois pas l’intérêt. Des misogynes, j’en ai déjà vu d’autres. Celui-là, convaincu que les femmes n’existent que pour que leurs ventres soient fécondés et qu’elles unissent des familles, n’est pas bien différents de ses pairs. Rien de nouveau sous le soleil.
Alors à quoi bon observer cet homme ? J’en aurais de toute façon le temps, au cours de notre mariage.
— Je vois…, retentit une voix grave, grondante, presque tétanisante que je devine être la sienne.
— Nous sommes vraiment désolées, monsieur Zenin ! retentit aussitôt une voix particulièrement aiguë, celle de l’une des servantes.
— Nous lui avions pourtant demandé de sourire ! réponds une deuxième.
— De se tenir droite ! ajoute la dernière.
— De vous regarder ! reprend la première.
— Laissez-nous, j’ordonne d’une voix froide.
Aussitôt, les couinements de souris s’arrêtent. Seulement, je ne les entends pas quitter les lieux. Déjà agacée par ce rendez-vous, je lève un regard noir en leur direction, dardant mes iris enflammées vers ces trois visages affublés du même serre-tête de soubrette.
Le simple fait qu’on les ai revêtus de la sorte me répugne. Ces femmes ne sont pas mes servantes. Je n’ai pas de servantes.
Je vis par moi-même.
— Maintenant, je gronde presque.
Sans doute mon ton les effraie-t-elle. Ou alors elles réalisent que je vais devenir la femme de leur grand patron et qu’il ne vaut donc mieux pas me tenir tête.
Quoi qu’il en soit, elles quittent les lieux en toute hâte.
Et mon regard tombe alors sur les yeux perçants de Naoya. Ses iris affutées qui me dévisagent avec mépris. Ses lèvres dépourvues du moindre sourire ou rictus encourageant. Il ne m’apprécie pas.
Il l’a deviné à l’instant où il m’a vu.
— Quel genre de femme ne porte pas sa bague de fiançailles ? demande-t-il.
— Le genre qui ne compte pas aimer son époux, je rétorque, froidement.
Aucune réaction. Sa mâchoire carrée ne se contracte pas. Sa bouche ne se hausse pas d’un côté. Non. Rien.
Malgré moi, je songe à l’un de mes plus grands rivaux. Du moins, à l’un des meilleurs exorcistes que cette terre ait portés et à nos disputes régulières.
Gojo Satoru.
Je ne l’aime pas. Vraiment pas. Un abruti toujours à côté de la plaque. Un être qui ne fait qu’exceller sans essayer. Une immondice d’égo à peine dissimuler. Un homme que j’ai eu vite fait de considérer en ennemi, tentant de rivaliser vainement avec lui, jalousant sa réussite et gravissant des montagnes sans atteindre son sommet.
Nous nous sommes souvent croisés. Pas une seule fois sans dispute. Et elles étaient toujours les mêmes.
Une chaleur intense embaumant l’air léger tandis que j’hurlais, ne parvenant à contenir la moindre de mes émotions. Mes traits se tordant de fureur et mon ton se haussant de plus en plus à mesure qu’il riait, moqueur, que son rictus se prononçait sur le coin de sa lèvre.
Durant ces moments, j’ai parfois espéré qu’il fasse deux pas de recul pour se faire percuter par une voiture, qu’il soit frappé par la foudre ou juste traversé d’une crise cardiaque. Histoire qu’il ferme enfin son clapet.
Et pourtant, maintenant, en sentant mes traits inertes sur mon visage, face à cette glace servant d’iris à mon futur époux, je me surprends à me dire que tout cela me manquera.
Il me manquera. Comme les meubles de ma chambre. La large place dans le lit. Mes missions en solitaire. Mes nuits dans des clubs. Ma liberté.
Oui. Il est parti de cette liberté donc il me manquera.
Avec ses cheveux de givre et sa voix insupportable.
Il me manquera. Encore plus maintenant que le feu de nos disputes laisse place à la glace de l’indifférence.
— Sers-moi le thé, ordonne l’homme en s’asseyant.
— Non, je réponds simplement.
Là, sa mâchoire se contracte. Point de rictus amusé. Une température toujours aussi basse. Une atmosphère dense entre nous. Une dispute sous-jacente mais pas un mot plus haut que l’autre. Un ton contrôlé.
Car il faut soigner les apparences.
Non. Cela n’a rien à voir avec ce que j’ai pu connaitre avec Gojo. Lui, il me rendait furieuse.
L’homme sous mes yeux, il m’épuise par sa seule présence.
— N’espère pas garder ce comportement durant notre mariage.
— N’espérez pas garder cette misogynie durant notre mariage, je rétorque sur le même ton.
Sa mâchoire se contracte davantage. Il sait qu’il vient de tomber sur une garce qui ne se laissera pas faire. Et il s’en mord les doigts.
— Les fortes têtes ne sont qu’un effet de mode mais ne sied pas aux femmes. Une femme séduisante sait se montrer docile.
— Je n’ai jamais été aussi convaincue et fière d’être un laideron, alors, je cingle en retour.
— Vous jouez un jeu dangereux, prononce-t-il d’une voix menaçante.
— Je suis exorciste, je vous le rappelle. C’est mon quotidien.
Ses yeux se posent sur la théière. Il a bien compris que je ne le servirais pas.
— Akari, appelle-t-il d’une voix forte, ignorant ma dernière remarque.
Aussitôt, quelques cris aigus et étouffés retentissent. Il ne m’en faut pas beaucoup pour deviner que, juste derrière la porte close du salon, Flore, Pâquerette et Pimprenelle nous épient depuis tout à l’heure.
Ladite porte s’ouvre et, tandis que je vois les silhouettes de celles que je surnomme Pâquerette et Flora s’en aller, la dénommée Akari — ou Pimprenelle — se pose dans l’encadrement. Son épaisse frange teinte en blond arrive juste au-dessus de ses yeux arrondis par la chirurgie esthétique et lui donnant une allure de chiot.
Elle est mignonne et ressemble à une célébrité. Aussi je ne suis pas surprise, quand mon regard se reporte sur mon mari, de voir qu’il ne le regarde pas dans les yeux. Non. Ses iris sont fixées sur la poitrine de la femme.
— Servez-moi le thé, je vous prie. Inutile de vous occuper de ma femme.
Je suis tentée de rétorquer à la blonde de me servir tout de même une tasse mais cela la mettrait dans une situation inconfortable — où elle devrait choisir entre nous deux — où elle serait la seule à en pâtir. Mon futur époux n’en serait en rien affecté.
Akari obtempère, saisissant la théière avec un sourire poli. Se détachant de sa poitrine, les yeux de Naoya viennent trouver les miens par-dessus la table. Elle est si longue qu’un mètre doit nous séparer.
Mais ce n’est tout de même pas assez.
— Le programme est simple, explique-t-il. Nous finissons notre agréable petit-déjeuner et je t’emmène dans un magasin de lingerie. Je ne veux pas de mauvaise surprise pour notre nuit de noces.
Je me fige.
Ai-je bien entendu ?
— Non seulement j’ai déjà de la lingerie mais elle n’est, en plus, pas pour vous, je fends l’air de ma phrase.
Un rictus déforme son visage. Seulement, moi qui ai pu vouloir en apercevoir un au début de notre conversation, trouvant les disputes plus agréables lorsqu’elles étaient envahies d’une certaine chaleur, je sens maintenant mes muscles se raidir face à celui-ci. Car il a en lui quelque chose de profondément malsain.
— Vous croyez ? demande-t-il avec une condescendance non-dissimulée.
— J’en suis même certaine, je rétorque sans laisser voir mes soudaines craintes.
— Une femme se doit pourtant de satisfaire son époux.
— Et l’époux se doit de respecter les désirs de sa femme.
A la façon qu’il a de soudainement pencher la tête sur le côté à cette phrase, je devine qu’il n’en est pas particulièrement convaincu. Je me fige. Il est tout de même hors de question que je laisse une telle chose se produire.
Apportant la tasse de thé à ses lèvres, il en ingurgite une quantité minime avant d’exprimer son dégoût pour la marque de basse qualité que j’ai en fronçant les sourcils. Histoire de me rappeler que je suis pauvre, comparée à lui.
Puis, sans ne rien ravaler de son mépris, il poursuit :
— Le devoir conjugal…
— Le viol conjugal, je le corrige. Le mariage ne fait pas office de consentement. Je vous épouse pour les liens que nous aurons, ce que nos familles en tireront mais si vous tenez tant à vous videz les couilles et êtes incapable de vous contenir, je suis convaincue que vous pouvez vous payer nombre de prostitués avec votre immense fortune.
— Vous me conseillez d’aller aux putes ? traduit-il de façon peu polie.
— Effectivement.
Ce mariage représente déjà une épaisse épine figée dans mon pied. Alors il est formellement hors de question que je donne de ma personne et plus de donner mon nom. Qu’importe ce qu’il m’en coûte, je ne le laisserai sûrement pas me traiter comme un objet.
Il ne rétorque pas mais je sais que la conversation n’est pas finie à ses yeux.
Or elle l’est pour l’instant.
Laissant de côté sa tasse encore pleine, ne touchant pas non plus aux confiseries ou biscuits disposés çà et là sur la nappe en dentelle par mépris pour mes revenus — si seulement il savait que ces sucreries viennent du clan Zenin en cadeau et qu’il rejette donc la nourriture des siens — il se racle la gorge. Prêt à prendre la parole.
— Akari, interpelle-t-il, moi et ma femme allons nous rendre en ville pour quelques courses, rangez tout cela en attendant.
ꕥ
Le ciel est délicatement bleuté, la nuit finissant à peine. A cette heure-ci, aucun magasin n’est, à l’ordinaire, ouvert. Sauf pour quiconque a assez d’influence et d’argent. Comme lui.
Les rues sont désertes, le béton sous mes pieds n’est traversé que de rares âmes, les voitures à la droite se comptent sur les doigts de la main et les enseignes, bien qu’allumées, surplombent les vitrines éteintes des magasins ou des rideaux de fer abaissés.
Mon futur époux a farfouillé dans sa liste de contact, s’assurant que quelques magasins nous ouvrent ses portes avant l’heure. Et, même si le premier nous a correctement accueilli, m’offrant même des rafraichissements et me complimentant, je ne m’y suis tout de même pas sentie bien.
J’ai bien failli me battre contre Naoya qui voulait à tout prix voir ce que donnaient les sous-vêtements sur moi. L’une des vendeuses a dû comprendre le problème car, affublée d’un sourire commercial, elle a menti en prétendant qu’il valait mieux attendre, que le corps de sa femme exposée d’une petite tenue ne devait être vu que lors de la nuit de noce par son mari, comme la robe du mariage lors de la cérémonie.
Et, même si c’est un tissu de bêtises, j’avoue que j’en dois une à cette jolie brune qui m’a donné un peu de répit avant la nuit fatidique.
Histoire de réfléchir à comment éviter cela.
— Je veux de la dentelle sur le prochain ensemble que tu vas acheter, j’aime ça, résonne soudain sa voix à ma droite. Disons que…
— Je ne t’aurais jamais cru matinale, la Furie, l’interromps soudain une voix forte à quelques mètres de nous.
Intrigués, nous nous tournons tous les deux vers le nouveau venu. Mais je n’ai pas eu besoin de le voir pour deviner de qui il s’agissait.
Et, même si cette tête d’abruti est exaspérante, j’avoue ressentir un certain soulagement. Car il est un visage familier et, dans l’inconnu Enfer vers lequel Naoya me précipite, la moindre attache calme mes craintes.
Des mèches claires comme le givre jaillissant en pointes d’un bandeau noir dissimulant la partie supérieure d’un visage taillée avec précision. Une mâchoire délicate, adoucie, tranchant abruptement avec sa franche taille haute et ses lèvres ardentes.
Gojo Satoru.
Aussitôt le regard de mon futur mari se pose-t-il sur le nouveau venu qu’il revient sur moi. Je sens l’air s’épaissir et la tension crépiter. L’homme devant nous ne prête pas la moindre attention au blond, préférant s’avancer vers moi, son habituel sourire joueur accroché aux lèvres. Et je devine son regard tourné en ma direction sous le tissu sombre.
— Tu le connais ? demande simplement mon fiancé.
— Je suis une exorciste, je réponds simplement.
— Il te connait ? se corrige-t-il.
— Je suis une bonne exorciste, j’ajoute à mon précédent propos.
Je sens la tension entre nous s’intensifier mais je n’en dis rien. Les yeux toujours rivés sur Gojo qui n’est plus qu’à un mètre de nous, je ne lui accorde aucun regard. Pourtant, je sens le sien sur moi. Mais je demeure concentrée sur l’exorciste, comme s’il était une attache.
Une attache à ma vie libre.
L’homme s’arrête enfin à notre hauteur. Il se plante devant nous, son éternel air détendu plaqué sur ses traits. Les mains dans les poches, il en hausse une pour m’adresser un léger signe en guise de salutation.
— Hé, la Furie ! Qu’est-ce que tu fais ici ? me lance-t-il avec un sourire.
— Les magasins, répond la voix ferme de mon mari à ma place.
Malgré le bandeau, je devine les sourcils de Gojo se haussant. Il semble qu’il vient tout juste de remarquer la présence de l’homme à côté de moi. Les lèvres s’entrouvrant, il se tourne vers le blond.
— Et vous êtes ? demande-t-il.
Je ne sais pas si c’est de la provocation, si Gojo et Naoya se connaissent et que le premier fait semblant de ne rien en savoir ou s’il s’agit réellement de leur première rencontre. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas besoin de me tourner vers mon fiancé pour deviner sa mâchoire se contractant à cette question.
Et c’est avec un ton calme où reste distincte une pointe d’énervement qu’il répond.
— Je suis son fiancé.
L’accessoire dissimulant le visage du notre nouvel interlocuteur ne suffit pas à cacher sa surprise. Je vois ses épaules se hausser légèrement et l’espace entre ses deux lèvres s’élargir. Il fixe un instant Naoya avant de reporter son attention sur moi.
Mais mon visage demeure impassible. Indéchiffrable.
— Nous nous marions demain, ajoute mon fiancé. Mais je suppose que je ne vous apprends rien.
Si. Il lui apprend quelque chose. Et il le sait, cela se voit.
Gojo n’est pas un proche. Juste un abruti avec qui je me dispute à l’occasion. Nous nous croisons, il me nargue avec son habituel sourire confiant et je l’incendie de cris en tout genre. Cela doit d’ailleurs être étrange pour lui, là, maintenant, de me voir si inexpressive. Ce n’est pas dans mes habitudes.
Quoi qu’il en soit, je n’avais aucune raison de le prévenir. Et une partie de moi ne souhaitait sans doute pas qu’il soit au courant. Car, tant que je restais une exorciste libre dans l’esprit de quelqu’un, dans le sien, alors je conservais ma liberté d’une certaine façon.
Mais le voilà, maintenant. Mon union dévoilée devant son air ahuri.
Seulement ce dernier le quitte bien vite et il redevient lui-même. Avec son habituel rictus détendu et presque moqueur.
— La Furie a sans doute oublié de me prévenir, lance-t-il dans un rire. Mais je suis invité au mariage donc je vais faire un effort niveau vestimentaire ! Il va y avoir plein de gâteaux, je suppose. J’ai hâte de…
— Vous n’êtes pas invité, Naoya le coupe.
— Il est invité, je rétorque aussitôt d’une voix franche.
Un silence se fait. Nous sommes tous les trois surpris. Moi la première.
Pourquoi ai-je dit cela ? Peut-être par besoin de voir, parmi les visages familiers, au moins une personne ne me poussant pas dans ce mariage non consenti. Ou alors pour contredire Naoya. Ou même, tout simplement, parce que j’en ai envie.
— Il y a un nombre d’invités limité, oppose mon époux.
— Si ce n’est que ça, je lui cède volontiers la place, je rétorque, me tournant enfin vers lui.
Il me regardait déjà. Ses yeux affutés comme des lames de rasoir me saisissent d’un simple contact visuel. Je le sens, je le devine. Il veut me faire payer mon insubordination. Et j’avoue que, en cet instant précis, j’ai presque peur du blond.
Car je sais qu’il n’est pas du genre à respecter les femmes. S’il les considère comme des ventres sur pattes, utiles qu’à se marier et enfanter, qu’il discute sans embarras du fait qu’il souhaite me violer, alors il ne rechignera pas sur l’idée de s’en prendre physiquement à moi. De me battre. Peut-être de me tuer, qui sait ?
Ce mariage est la porte ouverte à l’Enfer.
— Il est mon ami, j’ajoute d’une voix plus douce, mes ardeurs neutralisées par la crainte que m’inspire mon fiancé.
Je sens nettement Gojo se tendre devant moi mais fais semblant de ne rien en avoir remarqué. Je sais à quoi il pense. Mais qu’importe.
Ce n’est pas important. Ce ne l’est plus.
Je vois les traits de mon fiancé se détendre. Non pas qu’il s’est adoucit à ma mine apeurée. Plutôt qu’il la voit comme un signe de soumission et cela le réjouit.
— Bien, répond-il finalement. Si ça te fait plaisir.
J’acquiesce en guise de remerciement.
Je ne rate rien du rictus de contentement sur le visage du blond. Une dense terreur s’empare tout de même de moi. Demain, nous échangerons nos vœux devant une foule qui se fiche de mon bien-être. Et, à partir de là, je serais à la merci de ce monstre.
Même si je sais me défendre. Il est bâti comme une armoire à glace et a le clan Zenin derrière lui.
De mon côté, mes soutiens n’existent pas.
— (T/P), tout va bien ?
Je ne peux dissimuler le sursaut qui me prend. Mon prénom. Jamais il ne l’a utilisé auparavant, se contentant de l’habituel surnom de « furie » qu’il m’a attribuée. Jusqu’à cet instant précis, je croyais même qu’il ne savait rien de celui-ci et que c’était la raison pour laquelle il usait d’un surnom.
Mais le plus saisissant reste le sérieux de son ton. Jamais je ne l’ai entendu se montrer autrement que comme un grand gaillard moqueur.
Alors, doucement à la manière d’une machine huilée, je me tourne vers lui. Il me fixe attentivement derrière son bandeau. Et, alors que j’ouvre la bouche pour lui répondre que j’ai vais bien, ma gorge se serre brutalement et aucun son n’en sort.
Je crois que je ne veux pas lui mentir.
— Bien sûr que oui, elle va b…, commence à répondre mon fiancé à ma place.
— Ce n’est pas à vous que je m’adresse, rétorque-t-il avec une froideur qui ne lui ressemble pas, sans détacher ses yeux de mon visage un seul instant.
Il le voit nettement sur mes traits, je suis mal en point. J’ai peur. Je me sens seule. Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve excepté un lot de souffrances. Mes mains tremblent et je suis dans une telle posture que l’abruti devant mes yeux me semble le seul capable de pouvoir être un allié.
Ironique, non ? Je le déteste, je le jalouse. Mais il est le seul vers qui je me tourne.
— Je…, je tente de parler mais ma voix se bloque dans ma gorge.
Non. Tout ne va pas bien.
— La plaisanterie a assez duré, ça suffit, maintenant.
La voix de mon mari nous interrompt dans notre — presque — échange visuel. Sans égard pour notre invité, il saisit mon poignet avec force et me tire à sa suite. Surprise, je n’oppose aucun mouvement de résistance et me retrouve complètement dos à Gojo.
Dos à l’espoir. Arraché à lui.
Mais, soudain, une dense chaleur se propage sur mon épaule. Il vient d’y poser sa main. Le geste est doux. Attentif. Attentionné. Inhabituel.
Un soupir de soulagement franchit mes lèvres et je laisse ma tête tomber légèrement en avant. Un contact humain. Léger et si lourd à la fois. Cela n’a l’air de rien mais, il est la première personne qui s’arrête vraiment sur ce que je ressens. Qui ne me pousse pas dans un mariage qui ne sera que douleur.
Alors ma gorge se serre. Les larmes me montent.
— Saches que ma porte t’est ouverte, (T/P), assure-t-il. Après tout…
Il sait qu’il ne peut pas me retenir, que cela va me retomber dessus, que Naoya s’en prendra à moi s’il insiste trop.
— …Tu es mon amie.
Et, là-dessus, il nous laisse partir, retirant sa main de mon épaule.
ꕥ
Je soupire en lançant ma veste sur mon lit. La journée a été longue mais je suis enfin seule. J’ai bien cru que jamais cela ne se finirait.
Après un petit-déjeuner tendu, une matinée embarrassante où Naoya a choisis ma lingerie comme si je n’étais qu’une simple poupée sexuelle dont il préparait l’emballage, il m’a emmenée dans un restaurant de luxe où les serveurs eux-mêmes ont semblé comprendre le malaise entre nous, l’après-midi s’est déroulée dans d’autres boutiques où il a entrepris de refaire ma garde-robe, jugeant mon style vestimentaire « indigne d’une épouse respectable ».
Je ris jaune en songeant aux quelques femmes qui, dans des rires émerveillés, m’ont complimentée d’avoir su me dégoter un mari qui acceptait de m’accompagner dans les magasins.
Quelle ironie.
Mais me voilà, aujourd’hui. Pour une toute dernière soirée de liberté. Seule, dans ma maison vide. Une demeure qui ne sera bientôt plus la mienne. Des murs et meubles que je ne soupçonnais même pas de compter autant pour moi. Je les regarde déjà avec nostalgie.
— Ça pue ici ! Combien de fois je vais devoir te dire de pas cuisiner ?
Cette soudaine intervention m’arrache un sursaut accompagné d’un cri strident. Dans un réflexe aussi vif que ridicule, je saisis la première chose qui me tombe sous la main et la projette en direction du bruit.
Au moment où je me retourne et que mon projectile — qui s’avère être un mug vide — s’écrase contre le mur, une masse évite celle-ci. Je la suis des yeux, le cœur battant anormalement rapidement avant de reconnaitre la silhouette et me calmer instantanément.
Maintenant debout loin de ma fenêtre, à côté de ma commode, il s’étend dans les airs, grand. De son bandeau noir encore accroché autour de ses yeux dépassent ses cheveux de givre. Sur son corps, une simple chemise blanche a remplacé son habituel manteau noir au col montant.
Gojo Satoru.
Je pose ma main sur mon cœur, sentant ses folles palpitations. Cet abruti a failli me faire frôler la crise cardiaque.
— NON MAIS ÇA VA PAS !? je hurle.
Pour toute réponse, un rictus prend place sur ses lèvres.
Je sens une chaleur dense monter en moi à cette vision et mes entrailles se tordent de colère. Le toupet de ce mec n’a d’égal que son égo surdimensionné. Il rentre chez moi sans mon autorisation, par la fenêtre, se moque de mes aptitudes en cuisine et se permet d’afficher un sourire, en plus de ça !
— Arrêtes de sourire, abruti, je le sermonne.
Il est tout à fait imperméable à ma demande. Au contraire, celui-ci se renforce. Sarcastique. Moqueur.
Mais pas méprisant.
— Tu sais que tu ne vas pas pouvoir garder ton mari très longtemps si tu lui sers des plats avec une odeur pareille, chantonne-t-il.
— Trois abruties du clan Zenin censées faire le ménage chez moi ont brûlé ma veste polaire marron. C’est ça, l’odeur.
Je tourne la tête en prononçant ces mots. Je ne veux pas qu’il se moque de moi. Mais j’avoue avoir été attristée en trouvant le tissu calciné. En toute honnêteté, j’ai même pleuré.
Seulement, à ma grande surprise, il ne rit pas du tout.
— Mais tu l’adorais, cette veste, souligne-t-il.
Je me fige, assez surprise qu’il ait remarqué cela. Ce n’est pas comme si je lui en avais déjà parlé. Je la porte juste souvent. Elle ne va d’ailleurs pas avec la plupart de mes tenues mais c’est tout de même plaisant de l’avoir sur le dos.
Enfin, c’était.
Le premier achat que j’ai fait avec la première somme que j’ai tiré de mon travail. Le premier vêtement en tant que femme indépendante dans ma maison.
Et il n’est plus. Comme ma liberté.
— Oui mais que veux-tu… Ce n’était pas assez distingué pour une Zenin, je déclare et le sens se raidir.
En réalité, elles se sont contentées de la jeter. Mais, quand je l’ai récupérée aux ordures ce matin et l’aie mise à laver, elles l’ont remarqué. Et, profitant de mon absence, l’ont brûlée, histoire de s’en débarrasser définitivement. La veste calcinée et fondue est la première chose qui m’a attendue quand je suis rentrée dans ma chambre, tout à l’heure.
En évidence, sur mon lit.
— C’est complètement stupide, affirme-t-il.
— Ce jour est à marquer d’une pierre blanche car c’est la première fois que je suis d’accord avec toi.
Je n’ai pas besoin de le regarder pour deviner le sourire sur ses traits.
— Ton fiancé n’a rien dit quand il a vu que ça te blessait ? souligne-t-il.
— Il s’en fout royalement, je ne serais même pas surprise d’apprendre que c’est lui qui a donné l’ordre qu’on la brûle.
Un silence s’installe suite à ma phrase. Il dure de longs instants mais, occupée à empiler les sacs datant du shopping de la journée, je n’y prête pas attention. Il est presque reposant, dans un certain sens.
Après les remarques acerbes de Naoya, la peur constante à chaque fois que ses iris se posaient sur moi, sa main trop ferme sur mon bras m’avertissant qu’un danger se profilait pour moi à l’horizon, c’est apaisant.
« Je t’ai laissé faire mumuse, ce matin. Mais ne crois pas que je ne vais pas entreprendre de t’éduquer à être une bonne épouse. »
Ma gorge se noue encore à ce souvenir. Je suis terrifiée à l’idée de la vie qui m’attendra à partir de demain.
— Tu es amoureuse de lui ?
Mes muscles se raidissent brutalement. Son ton est ferme, anormalement sérieux. Et je m’attendais à bien des choses, sauf à cette question.
Il faut dire qu’il a tendance à me désarçonner, dernièrement. Tout d’abord tout à l’heure, avec son brutal changement d’attitude. Il ne m’est pas habituel de le voir inexpressif ou juste sans son ton moqueur.
A vrai dire, je ne l’ai jamais connu autrement qu’en tant qu’insupportable exorciste imbu de lui-même et traverser d’un sourire stupide.
— Nous nous sommes rencontrés, aujourd’hui, je réponds simplement.
— Le coup de foudre, il me nargue.
Il a retrouvé son déplaisant rictus et son air moqueur. Décidemment, son impassibilité n’aura pas fait long feu.
— Tu sais très bien que ça n’a rien à voir.
— L’amour n’existe pas, chez les Zenin, tu aurais dû t’en douter, rétorque-t-il.
— Tais-toi, je cingle.
Il m’agace. Inutile de remuer le couteau dans la plaie. « Tu aurais dû t’en douter. » Comme si j’en étais une, de Zenin. Comme si j’avais choisi cette union.
Il ne lui aura pas fallut dix minutes pour m’exaspérer à nouveau.
— Pourquoi je me tairais, tu m’as appelé à l’aide, non ?
— Absolument pas, je rétorque froidement. Casse-toi, maintenant.
— Il y a deux ans, quand j’ai dit à ton super patron que t’étais ma super copine, tu as rétorqué que, même avec un couteau sous la gorge, tu ne serais jamais mon amie.
Je me raidis. Je ne le regarde toujours pas, mes yeux rivés sur les sacs que je range inutilement dans les placards étant donné que je vais déménager demain.
Mais j’ai besoin d’occuper mes mains ou mon esprit avec tout sauf ce mariage.
Et, maintenant, Satoru ne m’est d’aucune aide.
— Ton patron t’a dit qu’il y aurait bien un moment où tu finirais par appeler à l’aide quelqu’un d’aussi fort et qu’il faudrait donc mieux que tu sois mon amie pour que je puisse répondre présent. Tu lui as alors répondu…
Mes doigts tremblent trop pour tenir les paquets. Mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine.
— …qu’à moins d’être sur le point d’entrer en Enfer, rien ne te motiverait jamais assez pour m’appeler à l’aide ou simplement me considérer comme ton ami.
Je suis immobile. Comme atrophiée. Incapable de bouger.
— C’était il y a deux ans, comment as-tu pu t’en souv…
— M’en souvenir ? m’interrompt-t-il. Tu me vois en rival, alors que soi-dit en passant tu n’as pas vraiment le niveau pour espérer ce poste. Mais moi je te vois en amie et ce, depuis longtemps. C’est normal que je m’en souvienne.
— Arrêtes de mentir, je ne suis pas ton amie, je rétorque d’une voix fébrile, sentant mes mains trembler et des larmes imbiber mes yeux à cause des derniers évènements. Et tu ne me vois sûrement pas en tant que tel.
— Tu as raison, je ne te vois pas en amie, admet-il.
Il marque une brève pause. Je ne me suis toujours pas tournée vers lui. Je ne veux pas affronter son regard.
Je veux qu’il parte mais je veux qu’il reste. Je veux qu’il pose la main sur mon épaule comme ce matin mais je veux aussi qu’il reste le plus éloigné possible de moi. Je veux qu’il m’offre un moyen de conserver ma liberté mais je sais, qu’aussi puissant soit-il, il n’en a pas.
Je crois que je vais craquer. Je ne suis pas prête à devenir prisonnière de Zenin.
— Mais dire la vérité sur ce que je ressens la veille de ton mariage serait déplacé, tu ne crois pas ?
Mon cœur rate un battement. Mes yeux s’écarquillent et une chaleur dense nait en moi.
Pourtant, je sais qu’il ne s’agit pas là de mon habituelle colère. A vrai dire, si, mais elle est mêlée d’un torrent d’autres émotions si denses que je ne parviens à les identifier. Si intenses que je me mets à trembler.
Je ne sais pas quoi dire ni quoi répondre. Bien sûr, j’ai compris son sous-entendu. Mais, surtout, je sais qu’il est de nature volage et qu’il serait bien fichu de dire cela pour tenter de m’apaiser et me donner le sourire.
Seulement cela ne fonctionne pas. Car l’idée, même stupide, qu’il me trouve à son goût me soulève les entrailles et rend mes mains moites. Je ne sais ce qu’il m’arrive, juste que je préfère entendre cela de sa bouche à lui que de celle de l’homme que je vais épouser.
Mais si Naoya Zenin déteste les femmes, Gojo Satoru les adore. Alors il ne m’est pas compliqué de deviner la blague sous-jacente. Il n’est pas sincère.
Juste une boutade.
Un claquement en moi. C’est la goutte de trop.
— Bordel, Satoru, tu veux pas arrêter de dire des conneries, deux secondes !? j’éclate sans le regarder, tentant de ne pas lui montrer les larmes dans mes yeux.
Mais ma gorge est serrée et ma voix, trop aiguë.
— Je sais que c’est le cadet de tes soucis et que tu penses juste à ce putain de buffet à volonté de mes deux, mais moi, demain, je vais devoir me tenir devant une foule de gens qui se fichent de mon bonheur. On va m’enfiler une robe que je n’ai pas choisie pour faire face à un mari que je n’ai pas non plus choisi !
Des larmes roulent sur mes joues. Je n’ai pas su les retenir. Je me tourne enfin vers lui mais, avec l’obscurité et ma vision brouillée par mes pleures, je ne distingue même pas sa silhouette.
— Et si seulement ce n’était que ça ! Mais non ! Je vais devoir vivre avec un mec qui a déjà décidé qu’il me cognerait dessus au moindre incident ! Avec un monstre qui part du principe que je vais devoir ouvrir les jambes quand ça lui chante !
Ma voix est trop fébrile et mes jambes, flageolantes. J’explose enfin, recrachant ce que j’ai accumulé durant les six derniers mois.
— Ce matin, on m’a expliqué tout à fait normalement que je devais me préparer à me faire violer par cette ordure ! Et même si je m’entraine, que je suis une exorciste, j’ai jamais été aussi terrifiée ! Parce que personne ne me défendra si je hurle, personne ne sera à mes côtés si je me rebelle, personne ne se soucie du fait que je ne veux pas de ce mariage ! Je n’ai strictement aucun allié, je suis simplement seu…
Mes mots se taisent soudain. Un torse vient de se coller à mon visage. Je sens les pectoraux développés de l’homme à travers sa chemise se coller à ma joue. Son cœur bat dans mon oreille. Étonnement rapidement.
Ses bras s’enroulent autour de mon corps. Forts, développés, ils me rassurent. Pour la première fois depuis longtemps, je me sens accompagnée, aidée, épaulée, soutenue. Simplement par ce contact. Car le dôme que forme son étreinte semble, là, maintenant, à même de me protéger du monde extérieur.
De tout. De tous.
Ma poitrine se soulève et j’éclate en sanglots. Les yeux fermés, mon visage fourré dans son torse, mon corps au chaud au creux du sien, je me laisse aller. Les larmes roulent sur mes joues, imbibant sa chemise mais il n’en dit rien. Son menton se pose sur mon crâne et, lorsqu’il murmure de douces onomatopées réconfortantes à mes oreilles, les vibrations de ses cordes vocales se répercutent dans l’intégralité de mon corps, détendant mes muscles un à un.
Un simple câlin. Un contact humain. Un contact avec lui.
Jamais je n’avais réalisé combien j’en avais besoin.
Mes bruyantes pleures se muent doucement en simples longues respirations, rythmées par sa douce voix me chuchotant que tout va bien se passer. Et, même si ce n’est sûrement qu’un mensonge, là, je le crois.
Car ses bras sur mon corps, son souffle dans mes oreilles, son cœur contre ma joue et son torse pressant ma poitrine éveille une chaleur telle en moi que j’ai l’impression qu’il dit vrai. Qu’il est sincère. Que tout va s’arranger.
Qu’il sera là.
— Ne me lâche pas, je murmure d’une voix faible.
Jamais je n’aurais cru me retrouver dans une telle posture, avec un tel personnage. Mais, aujourd’hui que cela se produit, je réalise que là est tout ce dont j’ai besoin.
Un allié. Aussi stupide soit-il.
— Jamais.
Légèrement sonnée par cette réponse, je lève la tête. Ma joue glisse contre son pectoral tandis que je bascule la tête en arrière. Ses bras se renforcent autour de moi et c’est là que je les vois.
Deux iris éclatantes et transcendantes. D’un bleu si clair qu’il semble n’être que ciel et glace, illuminées par de longs cils semblables à des fleurs de givres entourant ces sphères éthérées.
Et elles me fixent. Comme si j’étais la plus belle chose du monde.
Elles se rapprochent. Il se rapproche. La chaleur de notre étreinte s’intensifie et l’air devient plus épais. Mais c’est agréable. Mes entrailles se tordent. Pourtant, pour rien au monde je ne quitterai ses bras ni ne l’empêcherait de continuer à avancer jusqu’à moi.
Je vois ses iris loucher sur mes lèvres. Celles-ci gonflent face à ce regard insistant. Sa main se pose sur ma joue.
Le temps s’arrête.
Ses lèvres touchent les miennes. C’est d’abord doux, comme une caresse. Puis, sa bouche s’ouvre et ses croissants de chair aspirent leurs jumeaux. Je frissonne. Son bras raffermit sa prise sur la chute du creux de mes reins, me plaquant plus fermement contre lui. Son torse se presse au mien tandis qu’il m’embrasse avec ferveur.
La main sur ma joue appuie légèrement sur mon crâne, intensifiant le baiser. Mes jambes cèdent sous mon propre poids à ce geste mais il me retient facilement. Mes mains s’agrippent à sa chemise pour l’attirer toujours plus près de moi. Contre sa bouche, je laisse filer des gémissements qu’il avale.
Mes lèvres s’entrouvrent, sa langue rejoint la mienne. Je sens mon entrejambe se contacter quand elles se mettent à danser l’une contre l’autre.
Sa main quitte ma mâchoire pour agripper le bas de mon tee-shirt. J’ai si chaud, là, contre lui. Mais je veux plus. Je veux sa peau contre la mienne. Sa bouche sur mon corps.
Je tends mes bras vers le ciel quand il se détache de moi. C’est bref, à peine le temps retirer mon haut que ses lèvres trouvent de nouveau les miennes. Ses larges mains douces viennent caresser ma peau, passant sur ma taille, la chute du creux de mes reins, mes omoplates. Je gémis contre lui.
Ses paumes se glissent dans mon dos, me maintenant contre son torse lorsqu’il bascule en avant pour nous faire chuter sur mon lit.
Je m’enfonce dans le matelas. A l’abris entre lui et le buste de Satoru, je sens la douceur me submerger. Mes yeux se révulsent derrière mes paupières déjà fermées. Je gémis bruyamment en sentant ses lèvres se déplacer jusqu’à mon cou.
Sa bouche mouillée, touchant mes clavicules, me fais tressaillir et envoie d’intense fourmillement dans mon clitoris. Je tente de presser mes cuisses l’une contre l’autre mais il se trouve entre mes jambes.
Il doit deviner mon excitation car il sourit contre le haut de ma poitrine puis lâche un rire qui fait vibrer ma chair.
— Satoru…, je murmure entre mes lèvres.
— Oui, ma furie ? répond-t-il dans un gloussement.
Mes yeux s’entrouvrent. Je le vois se redresser. Là, debout entre mes jambes, au-dessus de moi, il se tient. Depuis le ciel, comme une vision des cieux, ses deux yeux de cristal m’observent attentivement, sublimés par leurs cils de givre et les mèches tout aussi clair tombant sur leur front.
Un gémissement franchit mes lèvres quand ses doigts trouvent le haut de sa chemise. Déboutonnant un à un ses boutons, il fixe mon corps habillé d’un pantalon et d’un soutien-gorge.
— Dis-moi ce que tu veux que je te fasse, lâche-t-il d’une voix sérieuse, presque tétanisante.
Je frisonne. La chemise s’ouvre à mesure qu’il la défait, dévoilant son torse finement sculpté. Sa peau claire s’étend sur des muscles travaillés, formant des reliefs si taillés qu’une envie d’y passer la paume de démange.
Une fois son faut retiré, je vois les bras développés avec lesquels il m’a enserré. Un gémissement sort de mes lèvres et je sers mes cuisses.
Cette simple ma vision m’excite. Un sourire étire ses lèvres à cette vision.
— Muette, ma furie ?
Je tente de répliquer mais la chaleur m’étouffe. Il s’est de nouveau penché sur moi. Ses bras de chaque côté de ma tête, il se penche dans le creux de mon épaule. La puissance émanant de son corps juste au-dessus du mien me brûle délicieusement.
Je ferme les yeux en gémissant quand il embrasse mon cou.
— Alors je pense que c’est à moi de te dire ce que je veux te faire, murmure-t-il contre ma peau.
Sa main se glisse entre mon dos et le matelas. Ses doigts en défont les attaches dans un claquement rapide. Mes tétons se durcissent au contact de l’air quand il fait glisser le tissu le long de mes bras.
Le torse de Satoru se presse de nouveau contre le mien, dénudé. Je frisonne au contact de ma chair contre la sienne. Sa langue glisse entre ses lèvres et trace une ligne depuis le dessous de mes oreilles jusqu’à mes clavicules.
Un gémissement bruyant m’échappe quand une de ses mains se ferme sur mon sein droit.
— Je veux embrasser chaque partie de ton corps.
Ses dents saisissent mon autre téton. Ma tête bascule en arrière.
— Je veux te faire l’amour chaque soir et chaque matin.
Son autre main se glisse sur l’intérieure de mes cuisses. Je gémis avec force. Il aspire plus longuement mon sein dans un bruit de succion et masse l’autre.
— Ce corps…, il murmure contre ma peau, envoyant des réverbérations jusque dans mon entrejambe que se contracte contre la tranche de sa paume. Jamais je ne pourrais m’en lasser.
Ses doigts remontent jusqu’à l’élastique de mon pantalon. Quand il le tire, mon ventre tremble et je gémis de nouveau. Avec force, il fait glisser le bas le long de mes cuisses, ne laissant que mon sous-vêtement sur moi.
Je me sens vulnérable, exposée.
En simple culotte, allongée devant lui, sous ses iris intenses, les jambes écartées autour de lui, mes bras au-dessus de ma tête, je ne le regarde même plus, les yeux clos par le plaisir.
— Si tu étais ma femme, je te ferais tellement crier que tu deviendrais aphone.
Comme pour prouver ses dires, ses doigts touchent soudain mon clitoris au travers du tissu. Je cri de plaisir et de surprise, désarçonnée par ce contact si précis. Il bouge doucement contre mon vagin mais ses mouvements s’intensifient.
— Si tu étais ma femme, je ne te ferais pleurer que de joie ou de plaisir.
Une larme coule soudain sur ma joue, les vapeurs denses de l’orgasme commençant à s’amasser en moi. Ses mouvements se font maintenant particulièrement rapides. Intenses.
— Si tu étais ma femme… Putain je veux que tu sois ma femme.
A ces mots, les vapeurs explosent. Ma bouche s’ouvre brutalement, ma tête bascule en arrière, un cri long et puissant fend la salle à mesure que l’orgasme me submerge. Mais il ne cesse pas ses gestes, m’accompagnant jusqu’au bout.
Mes jambes tremblent, mon ventre se secoue, mes doigts de pieds s’écartent.
— Tu es tellement belle, murmure-t-il contre mon sein avant de lécher avidement mes tétons.
Mon souffle est court, ma poitrine se soulève difficilement. Cet orgasme était intense. Vif.
Et, lorsque je sens ses doigts ôter ma culotte et l’air s’agglutiner à mes lèvres mouiller, je frissonne. Ce n’est pas fini. J’entrouvre les cils et le voit baisser son pantalon. Son pénis jaillit de sa prison de tissu et claque contre son abdomen.
Je déglutis péniblement et tente de serrer mais jambes pour calmer mon vagin échauffé et palpitant mais il reste entre elles.
— Pas si vite, ma furie, lâche-t-il dans un rire quand sa paume se pose sur ma cuisse.
— Satoru ! je lâche dans un couinement.
La chaleur de sa main irradie, me transporte.
— Tu as un préservatif ? demande-t-il.
— T… Ta…., je balbutie, enivrée par le désir.
Un autre gloussement le prend. Il se penche sur moi et embrasse tendrement mes lèvres. Je sens le monde se suspendre au travers de ce baiser tant il est doux, profond. Tendre.
Je sens son gland contre mon clitoris. Il le frotte avec ferveur contre mon vagin. Le plaisir est trop grand. Je laisse des larmes couler le long de ma joue avant de murmurer contre ses lèvres.
— T… table de chevet.
Il ne lui en faut pas plus. Ses lèvres se posent sur mon front. L’instant d’après, il est debout aux pieds du lit, son imposant pénis en érection et protégé du préservatif tendu devant lui.
Il s’approche. Se penche au-dessus de moi. Son gland se pose juste à l’entrée de mon vagin palpitant, l’excitant davantage. S’appuyant de chaque côté de ma tête, il reste au-dessus de moi. Et mon souffle se coupe à nouveau.
Ses iris glacées sont figées dans les miennes, entourées de ses longs cils de givre. Ils sont légèrement écarquillés. Comme s’il me voit maintenant pour la première fois. L’une de ses mains se pose sur ma joue, maintenant mon visage rivé vers lui. Ses pupilles parcourent mes traits avidement.
— Comment je pourrais te laisser filer ?
Je n’ai le temps de réagir. Les parois de mon vagin s’écartent autour de son imposant pénis. Il pulse en moi.
Mes gémissements sont bruyants lorsqu’il commence à se mouvoir. Ses coups de butoirs sont intenses, presque brutaux et pourtant, sans aucune violence. Il épouse parfaitement mon intérieur, comme si on ne formait qu’un.
— Non…, commence-t-il.
Les vapeurs de l’orgasme s’amassent de nouveau en moi. Condensées, elles forment une dense sphère vrombissante. M’animent.
Entre ses dents serrées, déformé par l’ardeur de ses coups de rein, il termine :
— …Jamais…je ne te laisserai…filer.
Les vapeurs explosent en moi une seconde fois. Mes jambes tremblent. Mes orteils se tendent. Un cri nait dans ma gorge.
L’orgasme me traverse.
Alors qu’il continue ses va-et-vient, que mon corps tremble et que mon plaisir se prolonge, je sens ses lèvres se plaquer soudainement contre les miennes. Mes mains se referment fermement sur son crâne pour le maintenir plus près de moi, avalant aussi son cri de jouissance.
Il ralentit. Peu à peu, redevient immobile. Et, mes lèvres collées aux siennes, les yeux clos, je mets quelques instants avant de me défaire de lui.
Mes paupières s’ouvrent. Mes iris rencontrent les siennes. Profondes. Eclatantes. Saisissantes.
Encore allongé sur moi, son torse pressé contre le mien, ses bras entourant mon corps tandis que mes mains se posent sur sa tête et la sienne, sur ma poitrine. Il me fixe longtemps, comme ça.
Cette position m’apaise. Mon souffle se calme. Il m’a apaisée.
Alors, du bout des lèvres, je murmure simplement :
— Merci, Gojo Satoru.
ꕥ
— Vous pouvez embrasser la mariée.
La salle est vaste autour de moi. Eclatante. Le soleil filtre grâce au dôme de verre servant de plafond, illuminant l’arcade de fleur devant laquelle le prêtre se tient ainsi que les bancs où son assis les invités, parsemés de bouquets. Tout est soit blanc, soit fleuri. Comme si l’on avait tenté d’égayer une atmosphère impersonnelle.
Et c’est exactement ce qu’il s’est produit.
Ma robe me sert, inconfortable. Je ne parviens quasiment plus à respirer. Un corset m’étouffe et jaillit de celui-ci une jupe particulièrement encombrante me donnant l’allure d’une princesse Disney.
Gojo n’est pas venu. Quand je me suis réveillée ce matin, il n’était plus dans mon lit. Pas de petits-mots ou de petit-déjeuner, juste un grand vide. Cet homme n’est pas sérieux avec les femmes. Pas fidèle, non plus.
Alors je ne sais pas trop à quoi je m’attendais.
Bien sûr, j’ai été déçue de ne pas le voir dans la foule des invités, ce matin. Mais aussi apaisée. Après ce que nous avons vécus hier, je ne sais pas si j’aurais réellement pu garder la face en me faisant enchainer par les liens du mariage sous ses yeux.
Mon corps bascule soudain. Perdue dans mes pensées, je n’ai même pas réalisé que le discours du prêtre touchait à sa fin.
J’ai à peine le temps de comprendre que je suis dans les bras de Naoya et que celui-ci est penché vers l’avant dans l’habituelle posture des magazines de mariage. J’aperçois ses yeux affutés comme des lames.
Ses lèvres se posent sur les miennes.
Ce n’est qu’un contact, il ne bouge pas. Mais je le sens tout de même rude, dominant, abrupte et brutal. Comme un avertissement.
Je ne ferme pas les yeux. Il ne ferme pas non plus les siens. On se regarde avec insistance. Ardeur. Mais point de passion.
Juste du mépris pour l’un et de la colère pour l’autre.
Cela n’a rien à voir avec Gojo Satoru, ses baisers doux, ses paroles tendres et les deux orgasmes qu’il m’a donné. Mes yeux brillent presque. Non. Plus rien n’aura jamais avoir avec Gojo Satoru.
Notre baiser est soudain interrompu par un fracas assourdissant. Surpris, toutes les têtes ainsi que les nôtres — interrompant notre échange charnel — se tournent vers les deux portes d’entrées à présent grandes ouvertes.
La surprise est collective. Il est là.
Habillé d’un costard blanc crème donnant un aspect éclatant aux cheveux blancs de Satoru tombant sur son front, il a troqué son habituel bandeau noir avec des lunettes de soleil rondes posée sur le bout de son nez. Les vêtements scient à la perfection sa silhouette haute et fine, la mettant en valeur.
Un instant, très bref, je m’attends à ce qu’il lance un « je m’y oppose » sonore et tardif. Et cela doit aussi être l’idée traversant l’esprit de Naoya car je sens ses mains se resserrer d’agacement sur mon corps.
— Salut, salut ! lance le nouveau venu d’une voix forte. Navré pour mon retard mais je n’ai été invité que hier et j’ai passé la nuit en charmante compagnie donc, même si je me suis levé tôt, je n’ai pas eu assez de temps pour trouver un cadeau.
Il marque une brève pause.
— Mais j’en ai un, maintenant ! lâche-t-il en brandissant une imposante boîte sertie d’un nœud.
— Cool, ta vie, tu veux pas non plus nous expliquer ce que t’as bouffé ce midi !? le sermonne une voix dans l’assistance pour sa grossière interruption.
Satoru ouvre la bouche. Sûrement pour décrire le menu. Mais Naoya se redresse, moi dans ses bras, avant de lancer haut et fort :
— Qu’importe, je remercie notre nouvel invité pour ses explications et vous enjoins à vous rendre dans la salle de bal sur votre droite.
Aussitôt, des raclements de chaises se font entendre ainsi qu’un brouhaha tandis que tous se lèvent. Je me tourne vers mon mari. Celui-ci me regarde déjà, ses yeux affutés comme des lames de rasoir posés sur mes clavicules visibles au-dessus du décolleté de ma robe.
L’espace d’un instant, je crains qu’il sache tout, qu’il voit une marque laissée par Satoru sur ma peau. Mais je m’efforce de le fixer sans suivre son regard, ne voulant avouer à mon insu ma culpabilité.
Et, après un silence, il se détache enfin de cette vision, se tournant vers la salle à présent vide.
Sa main saisit la mienne dans un geste cérémonieux et très artificiel. Puis, ensemble, nous rejoignons la salle de bal.
Sur le seuil de celle-ci, je constate qu’un tapis rouge a été déroulé jusqu’à un orchestre. De chaque côté de celui-ci, les invités attendent devant le buffet que nous ouvrions la danse. Les musiciens commencent à jouer une délicate musique et mon époux ne perd pas un instant de plus.
Sa main sur la mienne se déplace et saisit mon poignet. L’autre se pose sur mon dos pour me plaquer contre son torse. Des souvenirs de la nuit dernière me reviennent. Je m’efforce de les ignorer. Tournoyant contre Naoya, la jupe de ma robe fluidifiant nos gestes.
Je ne devrais pas penser à un autre homme. Mais mes yeux le cherchent dans la foule, en vain.
Je ne sais pas où il est passé et reste dans l’ignorance le restant de cette danse. La main de mon mari est brûlante sur ma hanche et m’arrache des frissons. Je suis tétanisée à l’idée de penser à ce soir. Tandis que les regards sur nous me paralysent, qu’il s’efforce de me fixer et que je ferme les yeux pour ne pas laisser voir que je cherche quelqu’un dans l’assistance, de la bile me remonte le long de la gorge.
Je ne veux pas me marier.
La musique se poursuit, les secondes s’étirent lentement. Je ne me sens pas à l’aise. Naoya est silencieux mais je le sens tendu contre moi. Malgré ses mains sur mes hanches et mon bras, mon torse au sien, la chaleur entre nous n’a rien d’agréable.
Mon mari est un con, je l’ai trompé la veille de mon mariage et je songe déjà à un plan pour quitter sa maison. Retrouver mon nom. Mon indépendance. Ma liberté.
Les instruments de l’orchestre se taisent doucement. Le violon redevient muet, le piano fait de même. Nos pas ralentissent avant de s’arrêter. Cette danse touche à sa fin.
Un peu de répit.
Le silence se fait. Mes yeux s’ouvrent. Ils restent river sur le parquet. Je n’ose pas regarder la foule. Celle-ci nous applaudit avec force et mon mari profite de ce moment de distraction pour me déclarer, ses mains se retirant de mon corps :
— Nous allons déballer les cadeaux, maintenant.
Les invités rejoignant la piste peu à peu tandis que la musique reprend, Naoya et moi nous retirons près d’une table circulaire ensevelie de présents, quelques mètres plus loin. Je ne vois toujours pas Satoru.
Mon époux saisit un premier paquet, relativement gros, sur la table garnie d’emballages de toutes les couleurs montant en une haute pile dans le ciel. Et je frissonne en reconnaissant la papier argenté serti d’un nœud de Gojo Satoru.
— C’est ton ami, pas le mien. Déballe-le, ordonne-t-il fermement.
L’idée de corriger son ton ne me traverse même pas. Outre la peur qu’il me corrige plus tard, je suis surtout concentrée sur ce qu’a bien pu m’offrir l’homme.
Alors, me plaçant debout devant une table voisine, je pose la boîte et soulève le couvercle. Mes yeux trouvent le contenu. Mon cœur rate un battement. Mes yeux s’imbibent de larmes et un sourire vint étirer mes lèvres malgré moi.
— Qu’est-ce que c’est ? demande Naoya qui n’a rien raté de ma réaction.
Ma main vient caresser la douce matière. Je frisonne. C’est si… prévenant et gentil.
— Une polaire.
Je n’ai pas besoin de me tourner vers le blond pour deviner sa moue méprisante et désapprobatrice.
— Il aurait pu faire un effort, niveau prix, souffla-t-il en posant un paquet à côté du mien. Et c’est ça qui lui a pris autant de temps ?
Oui.
Car c’est l’exact même vêtement : la teinte, la découpe, la marque. La réplique parfaite de celui jeté par les servantes Zenin. Des années après sa mise en vente, il a réussi à trouver sa copie idéale.
Je la saisis et commence à tirer dessus pour l’extirper de son emballage et la serrer contre moi, peu regardante des invités autour. J’ai été tellement peinée en trouvant la mienne calcinée, hier, que ce simple cadeau pourrait presque rendre cette journée heureuse.
Mais elle est étonnamment lourde en un point. Et je réalise que, dans une de ses poches, un objet a été glissé.
Fronçant légèrement les sourcils, je fourre ma main dedans et mes doigts entre en contact avec ce qui ressemble à un cube et du papier. J’extirpe les deux et les pose sur la polaire pliée dans la boîte.
Une boîte bleu nuit et une très fine banderole couverte d’une écriture claire. Intriguée, je fais l’impolitesse de ne pas me concentrer sur la lettre d’abord et ouvre l’objet. Mon cœur rate un battement. Ma gorge se serre. Mes yeux s’écarquillent. Mes entrailles se tordent.
C’est une bague. Une bague de fiançailles.
Une pierre bleue comme ses yeux, simple mais élégamment croisée au cœur de filaments argentés et éclatants, similaires à ses cils. Mon souffle se coupe. Elle est magnifique. Le genre que je préfèrerai porter plutôt que le joyaux lourd et peu discret qui est à présent à mon doigt.
Mes yeux se posent sur le papier. Mon souffle se coupe. Il ne me faut que quelques secondes pour lire ces mots. Mais bien plus pour m’en remettre.
« Je t’ai que je n’allais jamais te laisser filer. »
Mes muscles se raidissent, une dense chaleur s’empare de moi. Est-ce bien là ce que je crois ? Je sais que Gojo Satoru n’a pas peur de mettre les pieds dans le plat.
Mais est-il réellement en train de me demander en mariage à mon mariage ?
Désarçonnée, je lève les yeux. Aussitôt, ceux-là tombent sur des iris glacées encadrés de cils de givre. Ils n’ont jamais semblé aussi sérieux. Et c’est particulièrement déstabilisant, venant d’un être comme lui.
— A (T/P) Zenin ! scande soudain une voix dans l’assistance.
Les verres se lèvent, la foule reprend en chœur. Même Satoru le fait, avec son habituel rictus. Mais, ses yeux me fixant par-dessus ses lunettes, j’arrive exactement à lire sur ses lèvres les mots qu’il prononce :
— A (T/P) Gojo.
10 053 mots
j'espère que ça conviendra
comme je ne connais pas
trop l'univers de jjk,
j'ai un peu peur d'avoir fait
un truc pas très crédible
quoi qu'il en soit, étant
donné le nombre de
mots que me prend un os,
je pense qu'il va être
compliqué pour moi
de publier plus d'une
fois par semaine
n'hésitez pas à me dire
ce que vous en avez
pensé
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