𝐕𝐈𝐍𝐆𝐓-𝐒𝐄𝐏𝐓











— 𝐂 𝐎 𝐋 𝐋 𝐈 𝐒 𝐈 𝐎 𝐍 —









𝐂𝐨𝐥𝐥𝐢𝐬𝐢𝐨𝐧 : (𝐧.𝐟) - 𝐑𝐞𝐧𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞, 𝐩𝐥𝐮𝐬 𝐨𝐮 𝐦𝐨𝐢𝐧𝐬 𝐫𝐮𝐝𝐞, 𝐝𝐞 𝐝𝐞𝐮𝐱 𝐜𝐨𝐫𝐩𝐬 𝐞𝐧 𝐦𝐨𝐮𝐯𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭, 𝐜𝐡𝐨𝐜 𝐝'𝐮𝐧 𝐜𝐨𝐫𝐩𝐬 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞 𝐮𝐧 𝐨𝐛𝐬𝐭𝐚𝐜𝐥𝐞.









𝐌𝐞𝐫𝐜𝐫𝐞𝐝𝐢 𝟐𝟒 𝐀𝐨𝐮𝐭 𝟐𝟎𝟐𝟐

𝐑𝐨𝐮𝐭𝐞 𝐍𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧𝐚𝐥𝐞 𝟔𝟐

𝐏𝐫𝐨𝐯𝐢𝐧𝐜𝐞 𝐝𝐞 𝐋𝐢𝐞𝐠𝐞 – 𝐁𝐞𝐥𝐠𝐢𝐪𝐮𝐞



Malgré l'accablante chaleur extérieure, l'atmosphère est glaciale dans le monospace censé les amener jusqu'au circuit de Spa-Francorchamps.

Les lèvres pincées, Hélène n'ose pas relever les yeux vers les autres passagers, tous plongés dans un silence gêné. Dans ses mains tremblantes, la tablette que Sofia lui a prêtée sur laquelle est affichée la première page de l'édition du jour du Var-Matin, l'épicentre du cataclysme qui s'abat sur eux depuis un peu plus d'une heure.

Et pour cause, jamais Hélène ne s'est sentie aussi catastrophée, aussi exposée de toute sa vie. Toutes les menaces, toutes les moqueries qu'elle a reçu depuis qu'elle a sauvé Charles ne sont rien à côté des révélations de sa mère. Des pans entiers de sa vie depuis sa plus tendre enfance jusqu'à aujourd'hui relevé au grand jour, exposé sur la place publique sans la moindre intimité.

Les yeux de la jeune fille repassent sur les lignes, encore et encore, cherchant à comprendre ce qui a bien pu motiver Maude.

Un père absent, inexistant, l'enfance solitaire d'une petite fille trop mature qui n'a jamais réussi à se faire d'amis, son adolescence sur les bords de circuit, les hommes plus vieux avec lesquels elle est sortie, sa peur de l'attachement, le montant étourdissant de son prêt étudiant, tout y est, toute sa vie dans les moindres détails. Hélène a l'impression de lire sa biographie écrite par un autre, signé de la seule personne qui n'avait pas le droit de la trahir.

Tous ses proches sont cités, Christine, Pierrot, Anne et Bruno, toutes les personnes avec qui elle a eu le malheur de vouloir tisser un lien.

Tout cela est allé beaucoup trop loin.

Timidement, presque peureusement, elle ose lancer un regard à Charles, assis derrière le volant qu'il serre à s'en faire blanchir les jointures. Il n'a pas dit un mot depuis qu'ils ont quitté l'avion, se contentant de lui serrer fort la main alors qu'ils traversaient la foule de journalistes déjà tous au courant pour l'article.

Et pour cause, Maude Chevalier ne s'est pas limitée à la jeunesse de sa fille, elle s'est aussi permis de donner tous les détails de son passage à l'hôpital, le matin où elle est venue la chercher, l'invitation de Charles au Grand Prix, les appels des voisins inquiets d'entendre ses hurlements, son voyage à Monaco plus tôt dans le mois, leur dispute chez Christine et Pierrot, tout y est. Toutes les informations que sa mère a réussi à grappiller sont là, inscrite en noir et blanc sur l'écran.

Toutes les informations qu'elle a désespérément tenté de garder pour elle, ses contusions, l'ampleur de ses blessures, son isolement, ses terreurs nocturnes, tout cela révélé au grand jour, aux yeux du monde, aux yeux de Charles.

Stressée, Hélène se mord la lèvre jusqu'au sang, relisant encore et encore le titre ravageur de cet article qui publie en première page son visage souriant assorti d'une série de clichés d'elle et Charles déjà sorties dans les médias.

« Les Conséquences de la Gloire »

Délicatement, la main de Carlos, assis juste à côté d'elle dans le van, vient s'enrouler autour de son poignet crispé alors qu'il lui retire la tablette des mains.

- Tu devrais arrêter de lire ça, Hélène, il souffle. Tu n'en tireras rien de bon.

La brune arrive à peine à relever les deux vers lui pour lui adresser un petit sourire pincé. Elle se sent coupable d'avoir détruit l'ambiance. Comme elle aimerait remonter le temps, revenir dans l'avion avant que tout ne dérape, elle serait prête à tout pour retrouver ces instants-là.

À la place, elle se contente de lui adresser un pauvre sourire à lui ainsi qu'à Isabel, assise de l'autre côté de la banquette.

Dans la précipitation, ils se sont tous jetés dans le même véhicule, forçant Andrea à prendre seul le deuxième taxi et les voilà à présent en route vers le Paddock où les attendent les équipes de Drive To Survive qui n'attendent qu'une chose : l'exclusivité sur toute l'histoire.

Frénétiquement, les genoux d'Hélène tapent l'un contre l'autre. Machinalement, elle frotte l'intérieur de sa main, grimaçant légèrement lorsque la peau encore sensible de sa cicatrice la tire sans s'arrêter pour autant.

- Hélène...

La voix de Charles gronde dans le silence de l'habitacle, attirant le regard de tous sur la jeune fille qui se fige comme statufiée.

Le regard du Monégasque fiché dans le rétroviseur ne la quitte pas une seconde et si elle ne le savait pas si bon conducteur, elle aurait presque peur qu'il les envoie dans le décor. Mais Charles est un pilote de génie et elle n'a aucune crainte lorsqu'elle se trouve dans la même voiture que lui.

Elle lui lance d'abord un regard d'incompréhension avant de comprendre l'origine de sa réprimande. Doucement, Hélène relâche sa main abîmée qu'elle a frottée jusqu'à ce qu'elle devienne écarlate et la dissimule au regard du pilote, dans la manche de sa veste de tailleur. Charles l'a vue en train de se faire du mal, il l'a vue et il l'a arrêté.

Hélène est de plus en plus mal à l'aise, elle sait parfaitement que tous les passagers ont lu l'article du Var-Matin, qu'ils connaissent sa vie sur le bout des doigts, que ses plus intimes secrets n'en sont plus et qu'ils savent tous. Affreusement gênée, elle préfère baisser les yeux que d'affronter leur jugement.

- Est-ce que... Sa voix tremble. Est-ce que je peux appeler ma mère ?

- Certainement pas !

La voix de Sofia claque dans l'espace confiné, faisant sursauter Isabel qui se rapproche inconsciemment de Carlos qui s'appuie un peu contre l'épaule d'Hélène en conséquence.

La Toulonnaise pince les lèvres trop mal à l'aise pour oser riposter.

Cependant, il n'en faut pas plus à la chargée de communication assise à l'avant pour laisser exploser son mécontentement.

- Comme si nous avions besoin de ça, elle râle. L'objectif était de faire en sorte que tu ne paraisses discrète et charmante pas que la moitié de la planète apprenne que tu sors avec des mecs plus vieux parce que tu as des Daddy Issues !

- Sofia ! Tu vas trop loin, tonne Charles.

- Non ! Justement ! Nous allons droit dans le mur ! Netflix ne va faire qu'une bouchée de vous parce que la mère de ta copine n'a pas su tenir sa langue.

Hélène lance à l'Italienne un regard horrifié alors qu'elle sent la colère monter en elle.

- Désolé, si cela ne faisait pas partie de tes plans, elle grogne. Ce n'est pas vraiment le genre de chose que je peux maîtriser.

Sofia se retourne sur son siège pour lui lancer un regard noir.

- Si, justement. Tu aurais dû nous dire que ta mère pouvait présenter un risque, nous aurions agi différemment.

- Je n'ai aucun contrôle sur ma mère ! Elle cingle. Qu'est-ce que j'aurai dû faire ?! L'enfermer chez elle et lui mettre une muselière pour l'empêcher de parler ?

- Je n'aurais pas été jusque-là, mais ce n'est peut-être pas une si mauvaise idée, rétorque l'autre.

Hélène sent littéralement son sang bouillir dans ses veines alors qu'elle fusille du regard l'autre femme. À côté d'elle, Carlos et Isa ont l'air de ne plus savoir où se mettre et l'espagnol tente tant bien que mal de calmer le jeu.

- Écoutez, les filles, peut-être que tout le monde devrait respirer un bon coup et...

- Tu veux que je te dise, reprend la Toulonnaise. Depuis le départ, tu ne fais rien pour nous aider ! Tu te contentes de me prendre de haut comme si j'étais une épine dans ton pied alors n'espère pas que je sois coopérative.

- Mais tu es une épine dans mon pied ! À vrai dire, tu es une épine dans le pied de tout le monde ici, rétorque l'autre. Ta simple présence met tout le monde en danger et nous avons besoin de tout sauf de ça.

Hélène encaisse tant bien que mal les piques de Sofia, elle préférerait sauter de la voiture plutôt que d'avouer qu'elle est blessée par ses paroles.

- Alors pourquoi est-ce que tu restes ici ?! Personne ne t'oblige à te porter volontaire pour me suivre partout !

- Et à ton avis ? Qui passe son temps à t'éviter d'être crucifiée par le public ? Qui est en train de nous sauver la mise à tous ?

- Ne t'attends pas à ce que je te remercie pour ça, elle grogne avec mauvaise foi.

- Je n'ai pas besoin de tes remerciements, souffle l'autre. J'ai besoin de savoir si ta mère ou qui que ce soit d'autre risque de nous causer des problèmes.

Frustrée, Hélène croise les bras sur sa poitrine.

- Il n'y a personne d'autre que ma mère, elle marmonne. Et puis c'est trop tard, maintenant, je ne vois pas ce que l'on pourrait faire de plus.

- Pas si on lui colle un procès pour diffamations, lâche l'autre.

Un blanc abominable tombe dans la voiture et si Hélène n'était pas trop choquée pour analyser quoi que ce soit, elle aurait sans doute éclaté de rire en voyant la mâchoire de Carlos et Isabel se décrocher sous le coup de la surprise.

L'information met un temps infini avant de percuter Hélène avec la violence d'une bombe et s'en est une, une bombe, une affreuse bombe, abominable.

- Vous allez faire quoi ?! Elle hurle.

- Oh mon Dieu, oh mon Dieu, souffle Isabel.

- Bordel de merde, s'étouffe Carlos.

Sofia semble se rendre compte de l'ampleur de l'erreur qu'elle vient de commettre, elle pince les lèvres et se retourne face à la route, une mine contrariée fichée sur le visage.

Hélène sent ses oreilles bourdonnées, choquée.

- Ils ne peuvent pas faire ça, elle gémit. Ils ne peuvent pas faire ça pas vrai ?

Désespérée, elle tend le bras en avant pour saisir le bras de Sofia, mais ils sont tous arrêtés par la voiture qui pile violemment avant de s'arrêter net.

Surprise, Hélène se tourne en direction de Charles, toujours fermement agrippé au volant. Plus aucun son ne résonne dans l'habitacle, plus personne n'ose bouger, et même respirer semble presque tabou.

Charles à l'air fou de colère, sa mâchoire crispée, ses muscles tendus à l'excès, il respire vite et fort. Sans oser bouger, Hélène le regarde fermer les yeux, prendre une grande inspiration et les rouvrir avant de se tourner vers eux.

- Nous n'allons rien faire du tout, gronde-t-il. Qu'on soit claires, je ne veux aucune décision tant qu'Hélène et moi n'avons pas donné notre accord.

La brune déglutit lentement alors que le Monégasque fusille du regard la chargée de communication.

- Rappelle-toi pour qui tu travailles Sofia, reste à ta place et ne t'en prend plus jamais à Hélène. Est-ce que c'est clair ? N'oublie pas que la seule personne qui m'est vraiment indispensable ici, c'est elle.

À cet instant précis, Charles lui fait peur. Il lui semble intimidant, imposant et peut-être qu'elle est un peu timbrée, mais elle le trouve terriblement attirant.

Le pilote expire lentement, comme pour expulser toute la colère qui gronde en lui avant de se tourner vers elle.

- Est-ce que ça va ? Il demande.

Elle hoche doucement la tête pour lui dire que oui même si elle n'en est pas certaine.

- Est-ce que tu veux toujours le faire trésor ? Est-ce que tu veux toujours parler à Netflix ?

Hélène pince les lèvres, indécise. Est-ce qu'elle a vraiment envie de supporter leurs questions, est-ce qu'elle a envie de se mettre en difficulté devant des inconnus qui se feront un plaisir de couper, monter, déformer ses propos pour en faire quelque chose de toujours plus sensationnel.

Et en même temps, depuis le départ, personne ne lui a demandé son avis, personne ne l'a écouté, tous se sont contenté de raconter l'histoire à leur manière, sans passer par la principale intéressée. Cette interview, c'est sa première occasion de faire entendre sa voix, depuis des semaines. C'est l'occasion de donner sa version et d'essayer de rétablir la vérité sur son compte.

La jeune femme hésite un instant avant de reporter son regard dans celui de Charles et de hocher la tête silencieusement. Elle n'est pas bien assurée, mais elle a l'assurance qu'il sera à ses côtés pour l'aider et c'est tout ce dont elle a besoin.

- D'accord, il sourit doucement. Alors, on est arrivés.

Surprise, Hélène tourne la tête vers l'extérieur. En effet, elle reconnaît les infrastructures du circuit qu'elle a tant de fois vues à la télévision lorsqu'elle regardait les Grand Prix depuis le pavillon de Christine et Pierrot.

Elle ne sait pas exactement à quel moment Charles a accéléré pour leur faire avaler les 60 km qui séparent l'aéroport du circuit, mais elle n'est pas convaincue qu'il ait respecté les limitations de vitesse. Le regard surpris et légèrement inquiet de Carlos posé sur son coéquipier le conforte dans l'idée que ce n'est pas dans les habitudes du Monégasque de ne pas respecter le code de la route.

- Tout le monde descend ! Chantonne Carlos qui tente de redonner un peu d'entrain au groupe.

Personne ne le contredit et Hélène ouvre la portière pour se glisser à l'extérieur quand elle est retenue par Carlos qui lui attrape doucement le bras.

- Vous devriez parler, dit-il en pointant Charles du doigt. Je le connais, il est en train de tout ruminer dans son coin, mais il ne va pas oser t'en parler pour ne pas te brusquer.

La brune glisse un regard dans la direction du Monégasque qui fait le tour de la voiture pour venir l'attendre à côté de la portière. Silencieusement, elle hoche la tête pour montrer qu'elle comprend même si elle n'est pas vraiment sûre d'avoir envie d'en parler.

Ils sortent tous les deux de la voiture et Charles se matérialise à ses côtés, une mine soucieuse plaquée sur son visage tendu.

- Ça va aller ? Il souffle doucement.

- Oui, elle murmure. Je vais bien, Charles.

Hélène profite du fait qu'ils marchent à l'arrière du groupe pour lui presser doucement la main en signe de réconfort, ajoutant même un petit sourire encourageant.

- J'ai juste hâte que cette journée se termine, elle confie.

- Moi aussi trésor, tu n'imagines pas à quel point.

Lentement, ils traversent le parking privé l'un à côté de l'autre, jamais à moins de cinquante centimètres, c'est la règle.

La différence entre le parking désert et le paddock en pleine ébullition est si flagrante que la Toulonnaise ne peut s'empêcher d'ouvrir la bouche de surprise. Partout, des mécaniciens, des ingénieurs cours dans tous les sens pour acheminer le matériel jusqu'à leur garage dans une cohue parfaitement synchronisée qui rappelle à Hélène le documentaire sur les abeilles et leurs ruches qu'elle a regardé lors de l'une de ses nuits d'insomnie. Chacun sait parfaitement où aller et quelle est sa mission.

Il y a des journalistes aussi, beaucoup, certains plus discrets que d'autres. Elle reconnaît les équipes de Canal+ au loin, en train d'interviewer Esteban Ocon devant le garage Alpine. Le tout est plutôt impressionnant et elle se sent toute petite, minuscule au milieu de tous ces grands noms, de tous ces gens occupés alors qu'elle est venue jouer la touriste.

À côté d'elle, Charles s'éloigne pour aller saluer des connaissances et Hélène s'empresse de rattraper Isabel, elle aussi abandonnée par Carlos, tout en ignorant volontairement Sofia qui reste collée à leurs pattes.

La brune sent bien les regards braqués sur eux, elle préfère en ignorer la plupart et ne répond qu'aux quelques sourires sympathiques qu'elle arrive à capter. Elle esquisse un large sourire lorsqu'ils passent devant l'hospitalité Mercedes et que George, en pleine séance de tournage avec son équipe s'arrête pour lui adresser un grand sourire et un signe de main.

Hélène et Isabel se séparent devant l'entrée du garage lorsque l'Espagnole suit Carlos en direction de sa Driver Room. Tout en passant à côté d'elle, le pilote en profite pour lui donner une brève étreinte d'encouragement.

- Courage, Carlita, tout le monde croit en toi. Montre-leur ce que tu as dans le ventre.

La brune acquiesce silencieusement en lui rendant son câlin, en profitant au passage pour plonger son nez dans la chevelure sombre du pilote qui a toujours eu le don de la faire rêver.

Une fois ses deux amis disparus, l'étudiante attend patiemment que Charles arrive à son tour. Pendant ce temps, Sofia se tient à ses côtés, droite comme un i sur ses talons, dominant la

Toulonnaise d'une bonne tête. Les deux femmes ne se parlent pas, elles ne s'adressent même pas un regard jusqu'à ce que Charles n'arrive.

- L'interview commence dans une heure, présente Sofia. Il faut que vous passiez au maquillage, à la coiffure et que l'on trouve à Hélène autre chose qu'un t-shirt vert pour les caméras.

Les deux acquiescent silencieusement et suivent la chargée de communication jusqu'à un petit bâtiment en retrait du Paddock. Charles lui explique rapidement qu'il s'agit de l'endroit que la FIA prête pour les tournages et qu'il est le plus souvent réquisitionné par Netflix pour les tournages de DTS.

À l'intérieur du bâtiment, une petite femme replète les attend, elle se présente comme étant la styliste et entraîne les deux dans une salle à l'écart où les attend toute une équipe.

On explique rapidement à Hélène que l'idée est de mettre en avant la beauté naturelle de son visage avant de lui appliquer plus de maquillage qu'elle n'en a jamais eu sur le visage. Ses cheveux sont coiffés, retenus en arrière avec deux barrettes et bouclés légèrement pour donner un aspect plus structuré à ses ondulations naturelles. Durant tout le processus, elle ne quitte pas du regard son reflet dans le miroir et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle se trouve jolie, artificielle, mais jolie.

On la débarrasse de son débardeur vert pour lui en donner un autre en lin blanc avant de lui expliquer qu'il fait très chaud à l'intérieur du studio et qu'elle n'a donc pas à garder sa veste. Mais Hélène n'est pas naïve, elle comprend parfaitement qu'avec l'angle, la lumière et l'emplacement, tout est calibré pour mettre en avant la cicatrice sur son épaule, comme pour en faire un spectacle.

Le regard critique de Charles lorsqu'elle entre dans la salle de tournage lui confirme que lui aussi à parfaitement compris le petit manège des journalistes. Charles aussi s'est changé, il a enfilé son fidèle polo rouge Ferrari ainsi qu'une casquette elle aussi à l'effigie de l'écurie au cheval cabré.

Le regard du Monégasque glisse lentement sur ses épaules découvertes alors qu'elle prend place à côté de lui et Hélène ne sait pas interpréter ce qu'elle voit dans son regard lorsqu'il relève les yeux vers elle.

Délicatement, il lève une main sur son visage et laisse glisser la pulpe de son pouce le long de sa pommette rehaussée de blush et d'highlighter. Discrètement, il se penche à son oreille alors que ses doigts frôlent la courbe de son cou et qu'un frisson d'anticipation traverse la jeune femme, lui tirant un sourire carnassier.

- Tu es magnifique, il chuchote.

- C'est le maquillage, répond-elle avec un sourire.

Il hausse un sourcil avant de se pencher un peu plus vers elle.

- Je n'avais même pas remarqué que tu étais maquillé, il souffle.

Surprise, Hélène rougit joliment et Charles esquisse un sourire amusé avant de s'écarter lorsqu'une journaliste entre dans la pièce et prend la place dans la chaise en face de la leur.

- Bonjour Charles, bonjour Hélène, je suis Lola, elle se présente. Est-ce que l'on peut commencer ?

Ils valident tous les deux d'un signe de tête et l'étudiante prend le temps de détailler un peu la journaliste assise en face d'eux. Sûrement un peu plus vieille qu'elle, aussi fine qu'une brindille et un beau sourire professionnel plaqué sur le visage, c'est assurément une très jolie fille qui n'a pas été placée là pour hasard.

- Hélène, je sais qu'il s'agit de votre première interview, n'hésitez pas à nous le dire si vous avez besoin de quoi que ce soit, elle sourit gentiment.

La brune acquiesce une nouvelle fois en lui rendant son sourire poli. Discrètement, elle essuie des mains moites d'appréhension le long de son jean et sursaute à peine lorsque le genou de Charles vient doucement se coller au sien.

En face d'eux, les petites diodes rouges des caméras s'allument les unes après les autres, lançant le début des hostilités.

- Pour commencer, merci à tous les deux d'avoir accepté notre invitation, sourit-elle.

- Beaucoup de choses ont été dites durant les dernières semaines, explique Charles. C'était l'occasion ou jamais de pouvoir raconter notre version de l'histoire.

En face d'eux, Lola acquiesce vigoureusement avant de reprendre.

- Tout le monde a vu la vidéo de l'accident et du sauvetage, mais vous n'êtes jamais revenu dessus en public. Est-ce que vous pourriez nous expliquer comment cela s'est déroulé pour vous.

Charles lance un regard à la jeune femme qui lui intime de commencer.

- Les essais avaient plutôt bien débuté, il explique. J'ai été gêné dans l'entrée du onzième virage et j'ai donné un coup de volant pour éviter une autre monoplace, c'est comme ça que je me suis retrouvé dans le mur. Le choc m'a fait perdre connaissance, je ne me rappelle de rien jusqu'à mon réveil dans l'hélicoptère qui nous emmenait à l'hôpital.

- Et vous Hélène, j'ai cru comprendre que c'était votre premier Grand Prix en tant que chef de poste ? Qu'est-ce qui s'est passé dans votre esprit à ce moment-là ?

La brune déglutit difficilement et le genou de Charles appuie un peu plus contre le sien. Elle prend une grande inspiration :

- À vrai dire, je ne me rappelle plus vraiment, elle explique. Tout est flou dans ma mémoire. J'étais chargée de surveiller le virage numéro 10 et nous avons été appelés en renfort quand le carambolage a eu lieu. Quand nous sommes arrivés sur place, c'était la folie, il y avait du monde partout, plusieurs monoplaces étaient déjà presque entièrement carbonisées et personne ne savait où donner de la tête.

- Mais vous, insiste Lola. Vous avez tout de suite compris que Charles était manquant, comment ?

Hélène réfléchit une seconde.

- J'avais vu passer sept voitures dans le virage numéro 10, mais il n'y avait que six pilotes sur le bord de la piste. J'ai fait rapidement le calcul et le commissaire de piste m'a confirmé qu'aucune Ferrari n'était rentrée au stand après le drapeau rouge, c'est comme ça que j'ai su.

La journaliste hausse un sourcil, impressionnée :

- Et vous vous êtes immédiatement jeté dans les flammes ? Sans être sûr que Charles n'avait pas déjà été évacué ? Je ne sais pas si je vous trouve courageuse ou imprudente Hélène.

La Toulonnaise esquisse une grimace mal à l'aise et le pilote à côté d'elle serre les poings.

- Je n'ai pas vraiment eu le temps de réfléchir sur l'instant, elle explique. Si j'attendais plus longtemps, c'était prendre le risque que Charles soit grièvement blessé. S'il n'était pas sorti de sa voiture par lui-même, on pouvait penser qu'il avait déjà été blessé, il n'y avait pas une seconde à perdre.

- Et elle a eu raison de le faire, appuie Charles. Le temps qu'elle m'aide pour sortir de la voiture, tout le reste était en feu, si j'avais attendu une minute de plus, je ne sais pas si je serai toujours en vie pour en parler.

La journaliste se contente de hocher la tête pour montrer qu'elle abonde dans leur sens avant de passer à la prochaine question :

- Est-ce que vous avez eu le temps de discuter à ce moment-là ? Qu'avez-vous eu le temps de vous dire ?

- Nous n'avons pas vraiment discuté, répond Hélène. Charles avait son casque et j'avais le mien, j'ai surtout essayé de la rassurer et de lui expliquer que j'étais là pour l'aider. Ensuite, j'ai perdu connaissance, nous nous sommes vraiment parlés pour la première fois à l'hôpital.

Le reste de l'entretien se déroule très bien, Lola se montre compréhensive et délicate dans ses questions. Rassurée, Hélène baisse la garde lentement et se laisse aller à livrer quelques anecdotes de temps à autre même si elle laisse beaucoup Charles parler pour eux deux.

La plupart des sujets qui inquiétaient la jeune femme ne sont pas abordés et elle a l'impression qu'ils s'en sortent plutôt bien à en juger par la mine ravie de Sofia installée quelques mètres plus loin et les petits signes d'encouragement de Lando et Luisa assis juste à côté d'elle.

Ils parlent dans les grandes lignes du Grand Prix de France, de son séjour à Monaco sans trop entrer dans les détails et Charles prend le temps d'expliquer le lien particulier qui les lie et qui explique leur proximité.

Vers la fin de l'entretien, Hélène se sent parfaitement détendue, elle est en confiance et prend même les devants sur certaines des questions de Lola. C'est peut-être pour ça qu'elle ne se méfie pas lorsqu'elle la voit se redresser dans son siège du coin de l'œil et adopter une moue conspiratrice, attendant que Charles finisse de parler.

Elle se penche un peu plus vers eux, presque trop, avant de débuter, sur le ton de la confidence :

- Il y a bien une question qui brûle les lèvres de tous les fans de Formule 1, elle commence. Depuis quelques jours, vous ne vous quittez plus, Toulon, Maranello, Hélène, vous accompagnez Charles au Grand Prix de ce week-end et à côté de ça, vous, Charles, vous venez tout juste d'annoncer votre rupture avec votre ancienne compagne Charlotte Siné. Comment devons-nous interpréter cela ? Quel genre de relation avez-vous tous les deux ?

Hélène ne sait pas ce qui la frappe en premier, le verre d'eau de Sofia qui s'écrase au sol, l'expression horrifiée de Lando et Luisa, celle victorieuse de Lola alors qu'elle s'apprête à enfoncer le couteau dans la plaie ou la main de Charles qui attrape la sienne rapidement et lui broie les doigts avec force alors que la journaliste ouvre la bouche de nouveau :

- Est-ce que, oui ou non, vous êtes un couple ?



════════



Hihihi, c'est ce que j'appelle, l'art de cultiver le suspense !

Alors couple ? Pas de couple ? Les paris sont ouverts ! Dans l'intérêt de Charles et celui d'Hélène, que devraient-ils répondre selon vous ??

Maude Chevalier a parlé et la vie privée d'Hélène est totalement dévoilée, quelle sera la réaction d'Hélène ? Comment devrait réagir Ferrari ? Est-ce que les choses pourraient être pires ?

On se retrouve mardi prochain pour la suite de cette journée de folie !

See you soon !

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