𝐔𝐍











— 𝐂 𝐎 𝐋 𝐋 𝐈 𝐒 𝐈 𝐎 𝐍 —









𝐂𝐨𝐥𝐥𝐢𝐬𝐢𝐨𝐧 : (𝐧.𝐟) - 𝐑𝐞𝐧𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞, 𝐩𝐥𝐮𝐬 𝐨𝐮 𝐦𝐨𝐢𝐧𝐬 𝐫𝐮𝐝𝐞, 𝐝𝐞 𝐝𝐞𝐮𝐱 𝐜𝐨𝐫𝐩𝐬 𝐞𝐧 𝐦𝐨𝐮𝐯𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭, 𝐜𝐡𝐨𝐜 𝐝'𝐮𝐧 𝐜𝐨𝐫𝐩𝐬 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞 𝐮𝐧 𝐨𝐛𝐬𝐭𝐚𝐜𝐥𝐞.









𝐕𝐞𝐧𝐝𝐫𝐞𝐝𝐢 𝟐𝟐 𝐣𝐮𝐢𝐥𝐥𝐞𝐭 𝟐𝟎𝟐𝟐

𝐂𝐢𝐫𝐜𝐮𝐢𝐭 𝐏𝐚𝐮𝐥 𝐑𝐢𝐜𝐚𝐫𝐝

𝐋𝐞 𝐂𝐚𝐬𝐭𝐞𝐥𝐥𝐞𝐭 – 𝐅𝐫𝐚𝐧𝐜𝐞



Assise autour de l'une des tables de la salle de repos du personnel, Hélène Chevalier ne quitte pas des yeux la petite horloge numérique accrochée au-dessus de la porte qui lui indique en chiffres écarlates le temps restant avant le début du premier tour des qualifications.

Les mains agrippées à sa tasse de thé, elle ne contrôle pas le tremblement de sa jambe droite sous la table, au grand damne des membres de son équipe regroupés autour d'elle. Quatorze heures trente, encore deux heures et demie avant le début des essais, une heure et demie avant qu'elle ne doive se rendre jusqu'à son poste dans le virage numéro 10.

Une main s'abat soudainement sur son épaule la faisant sursauter et elle manque de renverser sa tasse qu'elle dépose avec précaution avant de lancer un regard assassin à Bruno qui prend place à ses côtés nonchalamment.

- Respire Hélène, souffle-t-il. Pourquoi t'es stressée comme ça ? Tu rends tout le monde nerveux.

La brune pince les lèvres et confirme du regard les paroles de son ami. Autour d'elle, tous les membres de sa petite équipe semblent bel et bien inquiets et tous échangent des regards hésitants, le tout dans un silence de cathédrale, bien loin de leurs habituelles plaisanteries d'avant tournois.

Défaite, elle laisse tomber sa tête contre la table, collant son front brûlant au métal.

- Je ne sais pas, soupire-t-elle. C'est la première fois que je suis chef de poste, je veux faire les choses bien.

- T'as déjà fait ça des dizaines de fois, réconforte Bruno. La seule chose qui change, c'est que Pierrot s'est enfin décidé à te donner le titre officiellement.

- Mais justement, ronchonne-t-elle. Il me fait confiance, je ne veux pas le décevoir...

- Ça n'a aucune chance d'arriver et tu le sais très bien, il ne jure que par toi.

Toujours pas convaincue, elle laisse glisser sa tête sur le côté, observant à travers ses mèches sombres le grand brun assis à ses côtés. Bruno Bonnet est un ours, littéralement. Avec son mètre quatre-vingt-quinze, ses épaules larges et sa tignasse foncée, il a tout d'un géant. Pas qu'il soit particulièrement compliqué de paraître grand lorsque l'on se trouve aux côtés d'Hélène. Le maçon de métier et elle se sont rencontrés plusieurs années auparavant lorsque la jeune fille, encore adolescente à l'époque, avait formé au maniement des drapeaux le groupe de bénévoles dont faisait partie Bruno. Ils ne s'étaient plus quittés depuis, formant un duo aussi hétéroclite dans la vie que complémentaires sur le terrain.

Assis en face d'eux, Damien l'un des cinq membres de l'équipe qui n'a rien manqué de l'échange ne retient pas le commentaire moqueur qui lui brûle les lèvres.

- Eh bah ! On n'aura tout vu ! Notre Hélène, la personne la plus tête brûlée de tout le circuit qui panique parce qu'elle a des responsabilités, je peux mourir en paix !

Détournant son attention de Bruno, Hélène accorde une grimace à son camarade, le plus jeune de l'équipe après elle.

- J'aimerais bien t'y voir moi, je déteste les responsabilités.

- Eh bah, il fallait peut-être y réfléchir avant de postuler pour être chef de poste.

Refusant de s'avouer vaincue, la brune laisse retomber sa tête contre la table et lui renvoie pour simple réponse un doigt d'honneur bien senti qui fait pouffer le reste de l'équipe.

Heureusement pour Hélène, le salut vient en la personne d'Anne, seule autre femme de l'équipe, qui passe une main maternelle dans ses cheveux bruns pour essayer de les arranger un peu mieux.

- Les garçons ont raison chérie, même s'ils ne savent pas comment le dire. Tu es la mieux formée de nous tous, tu connais le circuit sur le bout des doigts et tu as déjà géré des situations bien plus stressantes que celle-ci. Ce titre est une suite logique en plus de témoigner de la confiance que Pierrot te porte alors ne te prend pas trop la tête.

Hélène se contente d'acquiescer légèrement, le visage toujours contre la table, mais écoutant avant attention les paroles de ses amis.

- En plus, surenchéris Damien. Il nous a mis dans le virage numéro 10 et il n'arrive jamais rien dans ce virage, tout ce qu'on va faire, c'est regarder la course et se croiser les pouces pendant que les autres feront tout le travail.

Leur petit groupe replonge dans un silence relatif, uniquement dérangé par le bruit étouffé des allées et venu des membres du staff dans le couloir, pendant qu'Hélène repasse en boucle les paroles de ses camarades. Elle finit par redresser la tête et esquisse un petit sourire rassurant avant de se relever et de s'étirer de tout son long.

- Ce n'est pas moi la plus casse-cou, corrige-t-elle.

Damien laisse échapper une exclamation incrédule tandis qu'Anne secoue la tête et que Bruno lève les yeux au ciel.

- Gamine ingrate, ricane-t-il. C'est vraiment tout ce que tu as retenu de notre petit discours ?

- Ce n'est pas moi la plus casse-cou, répète-t-elle.

- Oh, eh bien, j'aimerais bien savoir qui d'autre peut être plus timbré que la fille qui se jette sous la carcasse d'une monoplace en feu pour aller chercher un volant.

- Ce truc coûte super cher ! S'exclame-t-elle.

- Ce n'est pas une raison, clame Damien. Mais vas-y, surprend moi, qui est plus timbré que toi ?

- Les pilotes, évidemment.

- Hélène, ces gars-là sont hors catégorie, ils ne comptent pas.

- Tu ne l'avais pas précisé donc pour moi ça compte !

- On se calme les enfants, apaise Bruno.

- Eh, n'obligez pas Bruno à utiliser sa grosse voix, ricane Anne.

Hélène et Damien éclatent de rire devant la mine gênée et les joues rouges de Bruno qui n'ose pas contredire Anne et se recroqueville sur sa chaise pour éviter de prendre une autre balle perdue. La brune ne peut empêcher son regard de faire la navette entre son ami et la jolie Anne, captant très bien les regards qu'ils se lancent lorsqu'ils croient que personne ne les regarde. Hélène se contente de sourire doucement, gardant pour elle ses observations, elle posera la question à Bruno dimanche, après la course, pour l'instant elle profite du peu de sérénité que lui apportent les plaisanteries de ses amis tout en essayant de ne pas trop regarder l'horloge qui poursuit la lente avancée jusqu'à l'heure fatidique.

L'équipe d'Hélène fait partie des petites unités support de cette course, là où les grosses équipes expérimentées ont la charge des zones de passage difficiles où sont susceptibles d'avoir lieu les accidents, la sienne reste cantonnée à une zone claire à la fin d'une ligne droite, un court virage qui laisse le temps aux monoplaces de décélérer pour aborder une zone plus technique. Ils ont donc assez peu de travail de repérage et de préparation en amont, c'est pourquoi ils sont tous cachés ici, évitant au mieux les pilotes stressés et de leurs équipes, les journalistes en quête de scoops et les fans un peu trop enthousiastes. Cette petite salle de repos éloignée de l'agitation, c'est en quelque sorte leur planque.

Ils continuent de s'échanger piques et banalités pendant un moment, si bien qu'elle n'entend pas la porte de la salle de repos qui s'ouvre en face d'elle. Ce n'est que lorsqu'un raclement de gorge caractéristique retentit qu'elle relève la tête pour découvrir Pierre Bourgeois adossé dans l'encadrement de la porte, sa moustache finement taillée pour l'occasion, qui les dévisage avec son habituel air réprobateur.

L'arrivée du patron sonne la fin de la pose pour la petite équipe et tous se lèvent comme un seul homme, saisissant les vestes et les casques abandonnés çà et là dans la pièce. Les quatre camarades d'Hélène s'empressent de déguerpir et elle a à peine le temps d'entendre Bruno lui glisser un rapide :

- On se retrouve au garage.

Qu'ils ont déjà tous disparus, ne laissant qu'elle et le grand homme au regard glacial.

Debout à côté de la table, elle le laisse l'examiner du regard pendant quelques instants tandis qu'elle jette les gobelets et autres restes de leur repas de fortune à la poubelle. Elle lui laisse le temps de commencer la conversation et patiente en silence.

- Alors ? Finit-il par demander. Comment tu te sens ?

Elle lui jette un bref regard alors qu'il s'avance, refermant la porte derrière lui.

- C'est aux pilotes que tu devrais poser cette question, sourit-elle. Je ne vais pas faire grand-chose.

- Je sais, valide-t-il. Comment tu te sens ?

Elle secoue la tête, d'aussi loin qu'elle se rappelle, il a toujours été aussi borné.

- Stressée, avoue-t-elle.

- Il n'y a pas de raison, tu as déjà fait ça des dizaines de fois.

- C'est ce que tout le monde me répète, mais je n'y peux rien, je stresse.

Il laisse filer silencieusement quelques longues secondes, ce qui n'arrange rien à la nervosité galopante de la jeune fille.

- Si je t'ai confié une équipe, commence-t-il. C'est parce que tu le mérites et que tu en as les capacités.

Hélène relève la tête de sa pile de gobelets pour observer le soixantenaire avec curiosité. Pierrot serait-il en train de lui faire un compliment ? Elle doit pouvoir compter sur les doigts d'une main le nombre de fois où cet homme taciturne lui a fait un compliment. Évidemment, elle sait qu'il l'aime, il est comme un père pour elle mais, il n'a jamais été le plus démonstratif des hommes et son ébauche de compliment la touche et lui serre le cœur de joie. Elle veut le remercier, mais il ne lui en laisse pas le temps, le regard résolument porté sur ses pieds, il poursuit sa tirade.

- Ton âge n'a pas d'importance à mes yeux, ce qui compte, c'est que tu comprennes les enjeux de la course, les mouvements des voitures et les stratégies des écuries. Si ça ne tenait qu'à moi, je t'aurais confié un segment du circuit plus intéressant, mais c'est déjà un bon moyen de faire tes preuves tout en...

Elle ne lui laisse pas le temps de finir, enroulant solidement ses bras presque trop courts autour du torse du géant qui la domine d'une bonne tête. Sur la pointe des pieds, elle parvient difficilement à se hisser jusqu'à l'épaule du directeur de course où elle enfonce son visage pour cacher ses yeux humides d'émotion.

- Merci...Papa, glisse-t-elle.

Pierrot met quelques instants avant de lui retourner son étreinte, manquant au passage de lui briser les côtes. Avec hésitation, il pose un baiser sur son front, sa moustache griffant légèrement le visage de la brune avant de soupirer.

- Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler comme ça gamine.

Un sourire joyeux vient fleurir sur les lèvres d'Hélène qui met fin à l'étreinte en reculant d'un pas. Elle préfère ne pas répondre, elle a depuis longtemps arrêté de se battre avec lui à ce sujet, elle sait qu'il comprend et c'est tout ce qui lui importe. Réalisant qu'une fois encore elle ne l'écoutera pas, il se contente d'un nouveau soupir résigné.

- Tu devrais y aller morveuse, ton équipe doit t'attendre, soupire-t-il.

La jolie brune lance un regard à l'horloge pour se rendre compte qu'en effet, les membres de son équipe doivent déjà l'attendre à la voiture qui va les emmener sur le circuit. Avec précipitation, elle enfile sa veste orange fluo au-dessus de son débardeur noir coince sous son coude le casque à visière propre aux chefs de poste. Avant de passer la porte avec précipitation, elle se retourne une dernière fois en direction de Pierrot qui n'a pas bougé et lui glisse avec un sourire, l'adrénaline et l'excitation pulsant dans ses veines :

- Je te retrouve dans mon oreillette !

- Hélène ! L'arrête-t-il.

Elle se retourne, prête à déguerpir dans la seconde et lui lance un regard interrogateur.

- Pas de folie, ordonne-t-il. Tu as interdiction de te mettre en danger.

Elle esquisse un large sourire confiant avant de lever un pouce en l'air dans une attitude victorieuse et de lui crier tout en disparaissant dans les couloirs.

- C'est promis ! 



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Un premier chapitre d'exposition où l'on découvre un peu mieux Hélène ! Les éléments se mettent en place et on découvre de nouveaux personnages, la course peut commencer !

Pas de Charles dans ce chapitre mais pas d'inquiétude, il fait son entrée d'une manière plutôt     « fracassante » dans le chapitre deux !

N'hésitez pas à commenter, j'aimerai beaucoup avoir votre avis et vos retours !

Information complémentaire : Dans la réalité, le Grand Prix du Castellet s'est déroulé sur deux jours les 23 et 24 juillet 2022, mais pour les besoins de l'histoire et la chronologie que j'ai en tête il me fallait un troisième jour. Les essais se déroulent donc les vendredi 22 et samedi 23 et la course en elle-même a lieu le dimanche 24 juillet. 

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