𝐓𝐑𝐄𝐈𝐙𝐄
— 𝐂 𝐎 𝐋 𝐋 𝐈 𝐒 𝐈 𝐎 𝐍 —
𝐂𝐨𝐥𝐥𝐢𝐬𝐢𝐨𝐧 : (𝐧.𝐟) - 𝐑𝐞𝐧𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞, 𝐩𝐥𝐮𝐬 𝐨𝐮 𝐦𝐨𝐢𝐧𝐬 𝐫𝐮𝐝𝐞, 𝐝𝐞 𝐝𝐞𝐮𝐱 𝐜𝐨𝐫𝐩𝐬 𝐞𝐧 𝐦𝐨𝐮𝐯𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭, 𝐜𝐡𝐨𝐜 𝐝'𝐮𝐧 𝐜𝐨𝐫𝐩𝐬 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞 𝐮𝐧 𝐨𝐛𝐬𝐭𝐚𝐜𝐥𝐞.
𝐃𝐢𝐦𝐚𝐧𝐜𝐡𝐞 𝟕 𝐀𝐨𝐮𝐭 𝟐𝟎𝟐𝟐
𝐀𝐯𝐞𝐧𝐮𝐞 𝐒𝐚𝐢𝐧𝐭-𝐂𝐡𝐚𝐫𝐥𝐞𝐬
𝐌𝐨𝐧𝐭𝐞 𝐂𝐚𝐫𝐥𝐨 – 𝐌𝐨𝐧𝐚𝐜𝐨
Le chemin jusqu'à l'appartement de Charles se fait dans un silence de mort. Le trajet est pourtant rapide, quelques centaines de mètres tout au plus, Monte-Carlo n'est qu'un quartier après tout, mais ces quelques minutes suffisent largement à mettre Hélène profondément mal à l'aise.
Convaincre Pascale de la laisser partir avec Charles et Charlotte n'était pas très compliqué, à vrai dire, toute la famille Leclerc a dû se douter que quelque chose était arrivé en les voyant revenir tous les trois des toilettes, les visages fermés des deux Monégasques et celui, terriblement gênée de la Toulonnaise qui n'a plus glissé un regard en direction du pilote de tout le repas. Cependant, personne n'a posé de question et la brune leur en est sincèrement reconnaissante.
À la sortie du restaurant, la mère de famille s'est contentée d'une étreinte maternelle, évitant soigneusement d'appuyer sur l'épaule encore sensible de la jeune femme.
- Rentre avec eux, glisse-t-elle à son oreille. Je crois que vous en avez tous les trois besoins de discuter.
Reconnaissante, Hélène l'enlace un peu plus étroitement avant de la laisser s'écarter et ajouter sur un ton bien plus guilleret.
- Revoyons-nous demain ! Une vraie sortie entre filles, sans mes râleurs de fils, elle rit.
- Maman !
- Quoi Arthur ? Tu veux venir faire les magasins avec nous peut-être ? Comme quand tu étais petit ? Rétorque-t-elle.
Elle adresse un clin d'œil à la brune alors que son plus jeune fils s'empourpre et que Carla contient difficilement son rire.
- Ce serait avec plaisir, répond Hélène tout sourire.
- Très bien ! Répond Pascale. Carla, tu peux te joindre à nous si tu le souhaites, toi aussi Charlotte.
- Ah ! Parce qu'elles, elles peuvent venir ?!
Pascale soupire bruyamment tout en se massant l'arête du nez avant de relever un regard blasé sur son plus jeune fils qui lui adresse un rictus moqueur. Elle fait mine de réfléchir un instant avant de répondre.
- Puisque tu y tiens temps, tu peux venir mon chéri. Il nous faudra bien quelqu'un pour porter les sacs de toute façon et puis tu auras sans doute des conseils à me donner en matière de lingerie féminine...
Un silence retentissant s'abat le petit groupe alors que les trois frères Leclerc affichent simultanément un air à mi-chemin entre l'horreur et le dégoût. Hélène pince les lèvres pour se retenir de rire alors que Lorenzo se décide à sortir son petit frère de cette mauvaise passe.
- Tu as raison maman, amusez-vous entre filles ! On n'aura qu'à aller faire un truc entre garçons de notre côté. Il commence à être tard, je te ramène chez toi ? Il propose ensuite.
Sa proposition met un point final à la soirée, Hélène échange une brève accolade avec les deux frères de Charles qui la remercient de sa venue et lui souhaite une bonne soirée. Elle embrasse chaleureusement Carla avec qui elle a échangé son numéro de téléphone afin de pouvoir convenir d'un endroit où se retrouver pour leur sortie de demain.
Elle les regarde tous partir dans des directions différentes avant de finalement se retrouver seule avec les deux monégasques désespérément silencieux.
Elle avise avec surprise son sac dans les mains de Charles, elle ne se rappelle pas de l'avoir vu aller le chercher, mais elle n'ose pas poser la question.
La voilà à présent debout dans l'ascenseur censé les mener à l'appartement du pilote après une quinzaine de minutes d'une marche des plus glaciale, et ce, malgré la chaleur de cet été caniculaire. Hélène fait de son mieux pour éviter de regarder dans les grands miroirs qui pavent les murs et ainsi croiser accidentellement le regard de l'un de ses hôtes.
Elle ne sait pas vraiment si c'est à elle d'initier la conversation, peut-être ont-ils besoin de discuter entre eux d'abord. La brune veut absolument dissiper tout malentendu à propos de sa relation avec Charles, bien qu'elle soit incapable de dire ce qu'ils sont réellement l'un pour l'autre, elle sait qu'elle n'est pas une menace pour la compagne du pilote.
Hélène est presque sûre qu'elle ne ressent pas ce type d'attirance pour Charles, elle n'a en elle que ce besoin irrépressible d'être proche de lui, de l'entendre respirer, de savoir qu'un cœur bat dans sa poitrine, c'est la seule chose qu'elle désire.
Évidemment, le fait que Charles soit beau comme un dieu ne lui a pas échappé, elle n'est pas aveugle et les insinuations peu subtiles de Bruno à ce sujet l'ont amenée à se poser la question plusieurs fois.
Mais quand elle voit la manière dont les yeux de Charlotte se sont posés sur lui toute la soirée avec dévotion, la façon toute particulière qu'elle a d'être proche de lui à chaque instant sans jamais le toucher et la confiance infinie qu'elle a en leur relation même lorsqu'il a le regard porté sur une autre femme, Hélène sait qu'elle ne peut pas lutter contre ça, qu'elle n'a aucune envie de lutter contre ça.
Parce qu'ils sont heureux ensemble, faits l'un pour l'autre d'une manière si évidente qu'elle en devient presque tangible. Tous ceux qui les côtoient plus de quelques minutes peuvent s'en rendre compte et après les avoir vu évoluer toute la soirée, dans leur monde à part de ce monde, Hélène à la conviction absolue que c'est ça, l'amour.
Perdue dans ses pensées, elle rate le « Ding » de l'ascenseur lorsqu'il arrive à destination et elle sursaute lorsque la main hésitante de Charlotte passe devant ses yeux avec douceur pour la sortir de sa réflexion. Hélène lui adresse un bref sourire de remerciement avant de la suivre dans le couloir et, pour la première fois depuis le début de la soirée, Charlotte lui rend un sourire timide avant de se détourner pour suivre Charles qui a déjà déverrouillé la porte de leur appartement.
Hélène passe le seuil, les yeux grands ouverts de curiosité. L'endroit est immense, rien à voir avec son appartement d'étudiante, toutes les lumières ne sont pas allumées et l'obscurité extérieure ne rend pas justice à l'endroit, mais même ainsi, elle est frappée par la beauté des lieux.
L'entrée débouche sur un grand salon dont l'un des murs est totalement vitré, offrant une vue imprenable sur Monte-Carlo et, plus loin, sur la Méditerranée qui lui donne l'impression d'une immense tache d'encre uniquement éclairée par les lumières de quelques bateaux mouillants tranquillement au large.
Elle fait quelque pas, contournant un majestueux piano d'un blanc laiteux sur lequel elle laisse admirativement glisser ses doigts.
Arrivée devant le grand canapé d'angle, elle s'arrête et tourne la tête vers la cuisine ouverte dans laquelle se trouve les deux Monégasques. La brune avise, indécise, son sac, déposé par Charles sur le comptoir sans oser s'approcher.
Muette et intimidée, elle glisse un regard hésitant sur Charlotte qui lui tourne le dos, affairé à quelque chose qu'Hélène ne peut pas voir de là où elle est avant de dévier pour tomber sur les yeux clairs du pilote qui la regarde, le menton négligemment posé dans l'une de ses mains.
Le silence perdure, seulement entrecoupé par les bruits indistincts de Charlotte tandis que Charles et Hélène ne se quittent pas du regard.
Il a l'air épuisé, avachi ainsi sur le plan de travail, la lumière criarde donne une teinte violacée à ses cernes déjà prononcée, lui donnant un air maladif qui brise le cœur de la jeune femme. Sous cette lumière blanchâtre, loin de tout artifice, il n'est que l'ombre de lui-même, amaigri, épuisé, diminué.
L'homme qu'elle contemple, le cœur au bord des lèvres, n'a rien à voir avec celui qu'elle a rencontré, sur qui elle s'est appuyée pour sortir la tête de l'eau et ça la terrifie.
Il ne la quitte pas du regard et pourtant, elle a l'impression qu'il ne la voit pas, pas vraiment. Hélène n'a qu'une envie, c'est de le toucher, de l'enlacer, de lui prouver qu'elle est bel et bien là, juste devant lui, prête à le rattraper à la première faiblesse. Elle a la conviction qu'il a besoin d'elle autant qu'elle a besoin de lui, qu'ils ont besoin d'être ensemble pour s'élever, pour ne pas couler.
Mais elle ne peut pas s'approcher, pas alors qu'un bruit de verre brisé la fait sursauter et qu'elle observe avec effroi les épaules de Charlotte se mettre à trembler, secouée de sanglots qu'elle refuse de laisser s'échapper.
Charlotte pleure et Charles ne semble même pas étonné, il se lève simplement pour s'assurer qu'elle ne s'est pas blessée. Délicatement, il passe une main dans son dos pour la faire reculer, éloigner de la source du danger et déposer un baiser fatigué sur son front baissé.
Charlotte pleure et Charles la tient dans ses bras, la mine bouleversée, mais le regard désespérément vide, porté sur un endroit éloigné que lui seul semble pouvoir distinguer.
Et debout devant cette cuisine, à l'ombre de cette lumière qui refuse de l'atteindre, Hélène ne peut que constater l'ampleur des dégâts.
Cette façon qu'ils ont de s'accrocher à l'autre à la manière de naufrager subissant la tempête de plein fouet, luttant pour ne pas sombrer.
Elle se sent soudainement intruse, indiscrète et bouleversée d'assisté à cette scène terriblement privée. Hélène baisse les yeux sur ses doigts tremblants et tire inconsciemment sur le bandage de sa main, grattant la surface si fort qu'une grimace de douleur lui échappe. Les larmes lui montent aux yeux alors que sa psyché se scinde en deux, déchirée entre le besoin presque physique de fuir le plus loin possible pour se protéger et celui qui chuchote à son cœur qu'elle n'ira plus jamais bien si Charles n'est pas là.
Alors elle reste sur place, incapable de bouger, dévorant d'un regard coupable ces deux êtres qui tentent de s'aimer en dépit des difficultés. Charlotte pleure, Charles sombre et Hélène se demande si elle aura la force de nager.
Le silence perdure, les dévorant jusqu'à ce que finalement, Charles soit le premier à reprendre pied dans la réalité. Un soupir épuisé lui échappe alors qu'il passe une main lasse sur son visage, Charlotte toujours solidement agrippée à lui. Son regard croise celui d'Hélène et de nouveau, ils sont happés l'un par l'autre.
- Je suis désolé trésor, je sais qu'on devait discuter, mais...il ferme les yeux douloureusement.
Presque par automatisme, Hélène opine du menton, indiquant qu'elle comprend et Charles lui adresse un petit sourire, soulagé de ne pas avoir à s'expliquer.
- Tu peux prendre la chambre d'ami, c'est la porte à droite au fond du couloir. Fais comme chez toi, conclut-il.
Et Hélène sent qu'il veut qu'elle parte, qu'il la congédie. Elle n'a pas vraiment envie de rester, mais elle espérait... Elle ne sait pas vraiment ce qu'elle espérait. Présenter ses excuses à Charlotte, mettre les choses à plat avec Charles, exorciser les démons qui la hantent et prennent chaque jour un peu plus possession d'elle ? Surement un peu de tout à la fois.
Mais elle se contente d'acquiescer docilement, encore, avançant juste assez pour prendre son sac et disparaître rapidement dans le couloir, faisant de son mieux pour ne pas entendre les bruits de conversation entre les deux amants toujours étroitement enlacés.
La brune accélère dans le couloir, se jetant presque sur la porte mentionnée par Charles et la refermant derrière elle tout aussi rapidement.
C'était une mauvaise idée de venir, c'était une mauvaise idée d'aller jusqu'à Monaco et d'espérer bêtement que tout puisse redevenir exactement comme cette nuit à Toulon. C'était idiot d'espérer que Charles puisse la sauver, qu'il ne se soit pas lui-même laissé emporter, qu'un sourire, qu'une caresse suffirait à la guérir.
Parce que c'est comme ça qu'elle a tenue, Hélène, grâce à cette conviction folle induite par quelques photos sur les réseaux et de brèves interviews transpirant le discours préparé. Elle s'est bercée d'illusions, noyant son cœur meurtri jusqu'à le convaincre du plus grossier des mensonges. L'idée folle qui lui a permis de tenir alors que tous les indicateurs virent au rouge sanglant, l'idée que peu importe à quel point elle peut aller mal, Charles, lui, va bien.
Et il n'aura suffi que d'une soirée pour briser cette maigre défense qu'elle s'est créée. Parce que Charles ne va pas bien et qu'il n'est pas assez fort pour la sauver.
Accroupie dans l'obscurité, le front appuyé contre la porte fermée, Hélène se laisse aller, sa main bandée plaquée contre sa bouche pour ne laisser échapper aucun son, elle pleure à chaudes larmes ses illusions brisées et l'espoir naïf que tout pourrait redevenir comme avant.
À bout de force, elle se traîne maladroitement jusqu'au lit où elle se recroqueville, incapable de respirer normalement. Roulée en boule sous les draps, elle a l'impression de suffoquer, les doigts enfoncés profondément dans la peau de son thorax, griffant jusqu'au sang, elle sent son cœur se déchirer et elle tremble si fort que chacun de ses muscles la fait souffrir le martyre, son corps à l'agonie tirant toujours plus fort sur la corde.
Hélène n'a pas conscience de s'être endormie. Lorsqu'elle ouvre les yeux brusquement, trempée de sueur et désorientée, il lui faut plusieurs longues secondes pour se rappeler de l'endroit où elle se trouve. Ses doigts tremblants cherchent maladroitement son téléphone dans les draps sans parvenir à le trouver. Stressée par l'obscurité qui l'étouffe, elle tâtonne les murs à la recherche d'un interrupteur qu'elle actionne avec soulagement, brûlant sa rétine.
Maladroitement, elle éponge son front moite de transpiration avant d'écarter les draps et de poser ses pieds nus au sol. Dans la précipitation, elle s'est couchée tout habillée et ses vêtements la dérangent à présent, la bretelle de son débardeur tirant douloureusement sur sa cicatrice encore sensible.
Elle ouvre son sac et en extirpe un grand t-shirt qu'elle a volé à Pierrot ainsi qu'un short en coton qu'elle enfile malgré la désagréable sensation de transpiration froide qui recouvre son corps. Elle rêve de prendre une douche, mais l'obscurité filtre toujours à travers les rideaux tirés et elle ne veut pas prendre le risque de réveiller ses hôtes.
Hélène à la gorge sèche et le front brûlant, pieds nus, elle titube jusqu'à la porte puis dans le couloir, rasant les murs pour ne pas avoir à allumer la lumière. L'appartement est plongé dans le silence et elle imagine que Charles et Charlotte doivent dormir. Elle n'a toujours pas mis la main sur son téléphone et elle n'a aucune idée de l'heure qu'il est, mais à travers la baie vitrée du salon elle peut toujours voir la lune, haute dans le ciel étoilé.
À tâtons, elle cherche le placard dans lequel sont rangés les verres avant de se diriger vers l'évier.
- Il y a du vin dans le frigo si tu veux.
La brune sursaute violemment, manquant de lâcher son verre qu'elle claque bruyamment contre le plan de travail avant de se retourner prête à fuir dans une réaction désespérée.
Cependant, il n'y a ni voleur, ni intrus, simplement Charlotte, assise dans le grand canapé du salon, face à la baie vitrée dans un somptueux pyjama en satin bleu qui scintille à la lumière de la nuit. Hélène avise dans ses mains finement manucurées le grand verre de vin blanc rempli presque à ras bord et plisse les lèvres, une ride d'inquiétude barrant son front.
- Est-ce que tout va bien ? Elle demande, hésitante.
Charlotte ne la regarde pas, elle a le regard pensif, porté sur l'extérieur lorsqu'elle répond.
- J'attends que Charles rentre, elle murmure.
Sa voix n'est qu'un souffle, si bien qu'Hélène n'est pas sûre d'avoir bien entendue. Elle dépose son verre vide dans l'évier avant de contourner l'îlot et le canapé pour s'approcher de l'architecte qui ne la regarde toujours pas.
- Charles est parti ? Elle demande, inquiète.
La Monégasque se contente d'acquiescer mollement, absente.
- Il fait ça toutes les nuits, elle souffle. Je ne sais pas vraiment où il va, je crois qu'il court...
Hélène se sent de plus en plus mal, à mesure que les secondes s'égrènent, nauséeuse alors qu'un long serpent glacial s'enroule autour de ses entrailles.
- Et il te réveille avant de partir ? Elle questionne.
- Non...elle murmure. Je me réveille toujours quand il commence à pleurer, au début, j'essayais de l'aider, de le réveiller... Mais c'était pire alors maintenant je fais juste semblant de dormir.
Les yeux humides d'émotions, Hélène avise les doigts de Charlotte, serrés si fort autour de son verre de vin que ses phalanges semblent sur le point de céder. Délicatement, elle attrape le verre et le dépose sur la table, joignant leurs mains ensemble et pour la première fois, Charlotte se tourne vers elle et la regarde vraiment. Alors seulement, Hélène plonge dans ses yeux emplis d'une détresse sans fond d'où s'écoule un flot continu de larmes mal contenues.
- J'attends qu'il parte et je viens l'attendre ici. Toutes les nuits, j'attends qu'il rentre, elle sanglote.
N'écoutant que son cœur aux abois, Hélène sert Charlotte dans ses bras de toutes ses forces, luttant contre ses propres larmes, passant délicatement une main réconfortante dans ses cheveux châtains.
- Et j'essaie ! J'essaie vraiment de l'aider, mais il n'arrête pas de dire que je ne peux pas comprendre, qu'il va bien, que je m'en fais pour rien, mais c'est trop dur de faire semblant que tout va bien ! Elle gémit.
- Chute... Respire Charlotte, respire, susurre la brune.
L'architecte s'écarte offrant à l'étudiante la vue de son visage baigné de larmes désespérées.
- Et il y a la façon dont il te regarde, elle gémit. Cette manière qu'il a de t'appeler « trésor » même quand tu n'es pas là...
- Ce n'est pas...Hélène cherche ses mots. On n'est pas comme ça lui et moi, elle tente.
- Je sais qu'il m'aime, murmure l'autre. Mais je ne suis pas assez. Je ne peux pas l'aider comme tu le fais même si j'essaye, j'essaye tellement.
Hélène ne sait pas quoi dire, elle est dépassée par les événements alors que Charlotte laisse retomber sa tête contre son épaule. Elle s'attendait à des cris, de la colère, des reproches, de la jalousie même, mais certainement pas à des suppliques, à un tel désespoir.
Déboussolée, elle entoure maladroitement la jeune femme d'une étreinte tremblante qu'elle espère réconfortante.
- Il est si calme quand tu es là, soupire Charlotte. Je pensais qu'Isabel et Carlos exagéraient, mais ce soir, j'ai eu l'impression de le retrouver un peu. Je devrais être jalouse, elle esquisse un pauvre sourire. Mais j'ai tellement envie qu'il aille mieux.
Elle s'écarte doucement au bout de quelques instants et sèche maladroitement ses larmes avant de relever les yeux vers elle dans une tentative peu concluante de sourire brave.
- Je ne t'ai pas remercié de l'avoir sauvé, elle souffle.
- C'est inutile, sourit la Toulonnaise.
- Non. C'est important, contredit Charlotte. Et avec tout ça, j'imagine que l'on n'a pas dû te le dire assez.
Tout en parlant, elle englobe l'appartement du regard comme pour désigner toute cette situation.
- Comment est-ce que tu vas ? Finit-elle par demander.
Hélène hésite un instant.
- Je ne sais pas vraiment, avoue-t-elle. Je dis à tout le monde que ça va et, la plupart du temps, c'est le cas, mais parfois tout va mal et j'ai l'impression que je ne serai plus jamais heureuse. C'est très dur. Et toi, comment ça va ?
- Tu es bien la première à me poser la question, elle essuie une autre larme. Je me suis sentie coupable, de ne pas avoir été là quand l'accident a eu lieu, mais ensuite, il y a eu les photos et j'étais tellement en colère contre vous, elle sourit. Charles a essayé de m'expliquer, il voulait t'appeler pour qu'on puisse discuter, mais moi, je voulais juste oublier ce week-end, tourner la page et avancer.
Hélène esquisse une grimace désolée et resserre délicatement son étreinte autour des doigts de Charlotte.
- On est ensemble depuis longtemps, je ne pense pas qu'il puisse me tromper, elle poursuit. Mais tout à coup, il a eu besoin de toi d'une manière dont il n'avait jamais eu besoin de moi et ça m'a fait peur.
- Je ne sais pas comment j'aurais réagi à ta place, compatie la brune.
La Monégasque esquisse un sourire touché avant de poursuivre.
- Les choses sont redevenues comme avant et je me suis dit que tout cela était derrière nous, que l'on pourrait reprendre normalement. Mais les cauchemars ont commencé. Je ne sais pas si Charles s'arrangeait pour mieux les cacher ou s'ils deviennent de plus en plus forts, mais c'est de pire en pire et je ne suis pas sûr de savoir comment gérer ça...
Hélène regarde Charlotte, ses yeux de biche mouillés et l'espace d'un instant, elle est heureuse d'avoir su garder ses proches à l'écart. Elle n'aurait pas été capable de supporter le fait de leur faire du mal comme Charles fait inconsciemment du mal à Charlotte.
- Je suis sûr que tu fais ton maximum Charlotte, encourage-t-elle.
- Mais, est-ce que c'est suffisant ?
La Toulonnaise ne sait pas comment répondre sans prendre le risque de la blesser encore plus.
Non, ce n'est pas suffisant.
- Tu dois lui parler, il t'écoute toi, reprend l'architecte. Tu dois lui dire d'aller voir quelqu'un, de se faire aider.
- Je ne pense pas qu'il m'écoute, elle hésite.
- Il t'écoutera. Tu devrais voir son expression à chaque fois que quelqu'un parle de toi, ce sont les seuls moments où il ne donne pas le change, où il redevient le Charles que je connais.
La brune esquisse une moue pas convaincue, s'il avait vraiment eu besoin d'elle, Charles l'aurait appelé, mais il ne l'a pas fait.
Les doigts de Charlotte qui effleurent le haut de sa joue la tirent de ses pensées moroses.
- Tu as l'air épuisé, elle souffle.
- Je me réveille toutes les nuits, mais je ne me rappelle jamais de mes rêves. C'est sûrement mieux comme ça...
- Toi aussi tu criais tout à l'heure, tu pleurais dans ton sommeil.
- Est-ce que... Est-ce qu'il...elle hésite.
- Charles ne t'a pas entendu, il était déjà parti.
Hélène pousse un soupir soulagé, curieusement, l'idée que Charlotte ait pu l'entendre ne la dérange pas vraiment. Pensivement, elle tourne son regard vers la baie vitrée, admirant le panorama.
- Tu sais quand il reviendra ? Elle demande.
- Surement pas avant que le soleil ne soit levé.
- Est-ce que je peux l'attendre avec toi ?
La jeune femme lui lance un beau sourire.
- Bien sûr, tu peux rester autant que tu veux. Il sera content de te voir en revenant.
La brune acquiesce simplement avant de se redresser et de quitter le canapé. Elle emporte avec elle le verre de vin encore plein qu'elle dépose dans la cuisine et file jusqu'à la chambre d'ami où elle récupère la couverture et les oreillers qu'elle ramène dans le salon.
Le temps qu'elle revienne, Charlotte s'est déjà endormie et elle n'a pas le courage de la réveiller pour l'installer. Au lieu de ça, elle soulève légèrement sa tête pour la caler sur l'oreiller et enroule la couverture autour d'elle avant de se glisser à ses côtés.
Avec douceur, elle passe un bras autour de la taille de la jeune femme endormie et pose sa tête contre son épaule repliant ses jambes sous elle le plus confortablement possible.
Là, la poitrine collée contre le dos de la compagne du pilote, la brune peut enfin prendre une inspiration apaisée. L'absence du pilote la perturbe, mais Charlotte aussi à besoin d'elle et Hélène sait qu'elle est à sa place ici, qu'elle est acceptée. Elle ferme les yeux, écoutant la respiration calme de l'endormie et cale son rythme sur le sien, plongeant dans un demi-sommeil apaisé.
Cependant, elle ne sombre réellement que quelques heures plus tard lorsqu'elles sont rejointes par une troisième présence qui l'enlace délicatement. Sans ouvrir les yeux, Hélène se fond dans le torse brûlant de Charles qui embrasse doucement son épaule là où son t-shirt à glisser, dévoilant un peu de peau. Enfin sereine, Hélène tire un peu plus Charlotte contre elle afin que Charles puisse l'atteindre elle aussi et noue ses doigts à ceux que pilote glisse sur son ventre.
Une main enroulée autour de Charlotte, l'autre frôlant délicieusement de la pulpe de ses doigts l'intérieur de la paume de Charles, elle se laisse enfin succomber pour quelques heures de sommeil douloureusement gagnées.
Et ils sont loin, étonnant amas de corps brisés de fatigue et gorgés de larmes, de se douter que ce week-end déjà mouvementé est encore loin d'être terminé.
════════
Alors, alors ALORS !
Vous la sentez, cette pression qui monte petit à petit ?
Charlotte sort du silence et on a enfin un aperçu des bouleversements au sein de leur couple. Hélène, qui pensait être la plus impactée par l'accident, commence à comprendre que l'état du pilote s'est largement dégradé depuis leur dernière rencontre. Charles fait de son mieux pour maintenir les apparences en public, mais il refuse de se confier à ses proches et reste persuadé qu'il peut gérer ça tout seul.
J'attends avec impatience vos retours sur ce chapitre parce que j'aime beaucoup travailler le personnage de Charlotte et il y a très longtemps que j'attendais de pouvoir présenter son point de vue. Toute cette situation lui a littéralement éclaté à la figure sans prévenir, son copain est visiblement traumatisé et la seule personne qui semble pouvoir le comprendre et l'aider est une autre femme sortie de nulle part qui s'immisce dans leur vie presque du jour au lendemain. Même pour un couple solide, c'est une épreuve dont on ne se remet pas facilement.
Bref, je parle trop ! Ce chapitre est un cocktail explosif de non-dits et de sentiments refoulés, comme une bombe entre les mains de nos héros. Alors ! Selon vous, qui de Charlotte, Charles ou Hélène va exploser en premier ?
Réponse dans la suite ! See ya !
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