𝐃𝐎𝐔𝐙𝐄
— 𝐂 𝐎 𝐋 𝐋 𝐈 𝐒 𝐈 𝐎 𝐍 —
𝐂𝐨𝐥𝐥𝐢𝐬𝐢𝐨𝐧 : (𝐧.𝐟) - 𝐑𝐞𝐧𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞, 𝐩𝐥𝐮𝐬 𝐨𝐮 𝐦𝐨𝐢𝐧𝐬 𝐫𝐮𝐝𝐞, 𝐝𝐞 𝐝𝐞𝐮𝐱 𝐜𝐨𝐫𝐩𝐬 𝐞𝐧 𝐦𝐨𝐮𝐯𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭, 𝐜𝐡𝐨𝐜 𝐝'𝐮𝐧 𝐜𝐨𝐫𝐩𝐬 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞 𝐮𝐧 𝐨𝐛𝐬𝐭𝐚𝐜𝐥𝐞.
𝐒𝐚𝐦𝐞𝐝𝐢 𝟔 𝐀𝐨𝐮𝐭 𝟐𝟎𝟐𝟐
𝐑𝐞𝐬𝐭𝐚𝐮𝐫𝐚𝐧𝐭 𝐥𝐞 𝐏𝐚𝐯𝐲𝐥𝐥𝐨𝐧
𝐌𝐨𝐧𝐭𝐞 𝐂𝐚𝐫𝐥𝐨 – 𝐌𝐨𝐧𝐚𝐜𝐨
Nerveuse, Hélène tourne à l'angle du Pavyllon, un restaurant très côté de Monte-Carlo. Rien que la façade du bâtiment lui fait sentir qu'elle n'est pas à sa place et elle regrette instantanément de ne pas s'être un peu mieux renseigné sur l'endroit où elle doit rejoindre les Leclerc en ce début de soirée.
Là, vêtue de son pantalon évasé en lin beige, d'un cours débardeur noir, d'une veste simple et de sandales à talons carrés de la même couleur que son haut, elle fait clairement tache. Ses courts cheveux bruns sont encore ébouriffés de sa sieste dans le train reliant Toulon et Nice, elle ne porte pour seul maquillage qu'un peu de mascara et, Dieu merci, elle n'a pas oublié de prendre son déodorant avant de partir.
Elle est sans commune mesure avec toutes les jolies femmes très apprêtées qui entrent et sortent du restaurant de la démarche assurée de celles qui ont le monde à leurs pieds. À en juger par le regard critique du portier qui la dévisage de haut en bas alors qu'elle s'approche timidement, elle ne doit pas être la seule à se poser des questions sur sa légitimité.
Habituellement, Hélène n'est pas d'un naturel timide, en règle générale, elle est même plutôt extravertie, la faute à une maturité précoce, et quelques semaines plutôt, elle n'aurait pas hésité à passer la porte de ce restaurant la tête aussi haute que toutes ces femmes habillées par de grands créateurs. Mais en ce samedi soir d'août, la confiance en elle durement impactée par des journées entières passées à lire des critiques et des insultes sur son corps et sa personnalité, elle se sent incapable de faire preuve d'assurance.
Entrer dans ce restaurant et rencontrer toute la famille de Charles, c'est tellement énorme, elle se demande encore pourquoi elle a accepté. Nerveusement, elle tire sur son bandage à la main tout en se balançant d'un pied sur l'autre à la recherche d'une bonne excuse pour annuler quand son téléphone vibre dans sa poche. C'est un message de Pascale qui s'inquiète de son retard et lui demande si elle a besoin qu'ils viennent la chercher à la gare.
Hélène pince les lèvres et tourne la tête vers l'une des grandes fenêtres qui bordent la devanture du restaurant à la recherche de la mère de famille. Elle n'arrive pas à la repérer, mais un second message arrivé quelques secondes après le premier l'informe qu'ils l'attendent tous à l'intérieur du restaurant et qu'elle lui a réservée la place d'honneur à ses côtés. Les lèvres de la Toulonnaise s'inclinent vers le haut à la lecture du message et elle ferme les yeux une seconde, le temps de prendre une grande inspiration et de se calmer.
Puis, avec le peu d'assurance qu'elle a réussi à trouver, elle fonce vers le restaurant et adresse un sourire poli, mais crispé au portier qui lui ouvre avec une mine où se mêlent surprise et curiosité. La brune ne reprend sa respiration qu'une fois à l'intérieur du restaurant où elle donne son nom à un serveur qui s'empresse de la guider vers sa table.
C'est Charles qu'elle voit en premier alors qu'elle s'approche, il est face à elle vêtue d'un t-shirt noir seyant qui ne manque pas de mettre en valeur sa carrure sportive, elle n'arrive pas à décrocher son regard de lui.
Hélène a eu tout le temps d'imaginer ce que cela lui ferait de le revoir, mais elle était très loin d'avoir pensé à ça.
Car même malgré la tristesse, la peur et parfois même la colère qu'elle a parfois éprouvée à son égard durant les deux dernières semaines, à la seconde où leurs regards se croisent, plus rien n'a d'importance.
Leurs yeux s'accrochent et Hélène est incapable de faire un pas de plus, pour la première fois depuis des jours, elle a l'impression de respirer à nouveau alors qu'elle n'avait pas conscience de s'être noyée. Son cœur manque un battement et au fond d'elle, une inébranlable certitude fait son chemin : tout va bien, Charles est là.
Et le monde pourrait s'arrêter de tourner, que ça ne serait pas si grave parce qu'il la regarde et qu'elle le regarde.
Elle n'ose toujours pas bouger, même lorsque leurs regards se séparent et qu'elle sursaute à cause du bruit strident d'une chaise que l'on pousse avec précipitation. Hélène tourne les yeux vers la source du bruit pour tomber sur une petite femme blonde qui s'approche d'elle, un grand sourire aux lèvres.
Elle dépose ses deux mains sur les bras de la jeune fille avec une douceur toute maternelle dont Hélène n'a pas l'habitude.
- Tu dois être Hélène ? Je suis Pascale, merci d'être venue.
Puis, sans attendre elle l'enlace étroitement et Hélène lui rend maladroitement, le nez dans sa chevelure claire avant d'inspirer doucement. Elle ne saurait pas le décrire, mais Pascale à une odeur de maman, légère et rassurante qui la met immédiatement à l'aise.
- Merci d'avoir sauvé mon garçon, souffle-t-elle à son oreille avec émotion.
Les yeux d'Hélène accrochent le regard de Charles par-dessus l'épaule de Pascale et les lèvres de la brune s'étirent en un sourire apaisé avant de simplement hocher la tête en signe de reconnaissance. Pascale finit par s'écarter avant de l'entraîner doucement vers la table où elle lui indique l'unique place libre à ses côtés.
Tout en prenant place autour de la table ronde, Hélène à enfin le temps d'observer un peu mieux ceux qui l'entourent et qui attendent visiblement qu'elle se soit assise pour entamer la discussion. À sa gauche, se trouve Lorenzo, l'ainé des frères qu'elle reconnaît sans trop de difficultés puis viennent dans l'ordre, Arthur et une jeune femme blonde qui doit être Carla Borcker, Charles, Charlotte, Pascale et elle.
Distraitement, elle dépose son sac de voyage à ses pieds et commence à batailler avec sa main bandée pour retirer sa veste quand un serveur qu'elle n'a pas vu arrivé se penche à ses côtés et propose poliment.
- Puis-je vous débarrasser mademoiselle ?
Elle lui adresse un signe de tête et un sourire de remerciement quand il l'aide à retirer le vêtement avant de disparaître avec son sac. Soulagée de s'être épargnée la gêne de devoir retirer le vêtement par ses propres moyens, la brune pose un regard sur les Leclerc qui, loin de leurs mines sympathiques d'il y a quelques instants la dévisagent à présent, l'air décomposé.
Paniquée, elle croise le regard crispé de Charles dont la mâchoire est tellement serrée que des veines ressortent le long de son cou et elle met quelques instants à comprendre qu'en réalité, ce n'est pas elle qu'il regarde, mais la brûlure sur son épaule.
Soudainement déstabilisée par ce constat, Hélène porte sa main valide à son épaule pour tenter de dissimuler la brûlure avant de baisser les yeux d'un air misérable.
- Je suis désolé, elle murmure. On m'a enlevé le bandage ce matin et j'avais oublié que... Je vais demander qu'on ramène ma veste, elle balbutie.
Sans savoir pourquoi la brune se sent terriblement coupable d'imposer la vision de sa peau brûlée à toutes ces personnes plus belles les unes que les autres. Elle-même ne la regarde même pas, évitant les miroirs comme la peste depuis quelque temps, elle se sent soudainement disgracieuse et laide.
Elle relève à peine les yeux lorsque la main de Lorenzo se pose sur la sienne bandée et qu'il cherche à attirer son regard.
- Ne t'excuse pas, souffle-t-il. C'est nous qui te devons des excuses pour notre indélicatesse. Nous avons été surpris, mais ce n'était absolument pas une raison pour te dévisager ainsi, conclut-il.
- Tu n'as pas à te cacher ma chérie, ajoute Pascale. Nous savons ce que cette brûlure représente et cela ne te rend que plus inestimable à nos yeux.
La brune relève la tête pour admirer les visages souriant de toutes les personnes attablées, son regard s'attarde un peu plus sur Charles qui semble perdu dans ses pensées et elle prend une grande inspiration pendant que Lorenzo retire sa main délicatement.
L'ambiance s'allège petit à petit, chacun prenant le parti de se présenter en quelques mots auprès de la Toulonnaise qui laisse échapper quelques rires amusés. Une flopée de serveurs en uniformes guindés ce relais auprès d'eux pour distribuer les menus et Hélène ouvre le sien tout en écoutant Lorenzo lui expliquer son parcours scolaire qu'elle trouve relativement similaire au sien.
Elle manque de s'étouffer lorsque son regard accroche les prix indiqués sur la carte et visiblement, elle ne doit pas être très discrète puisque l'aîné des Leclerc se penche vers elle avec une mine inquiète.
- Est-ce que tout va bien ? Souffle-t-il.
Hélène hésite un instant avant d'opter pour l'honnêteté.
- Le menu est plus cher que mon loyer, chuchote-t-elle.
Il la regarde curieusement avant d'esquisser un sourire amusé.
- Ma mère a fait les choses en grand, elle voulait que tu aies le meilleur alors elle a demandé à Charles et Arthur de passer quelques coups de fil pour avoir une table ici.
- Elle n'aurait pas dû, balbutie-t-elle. C'est beaucoup trop.
- Peut-être, sourit-il. Mais c'est sa manière de te remercier alors n'y pense pas trop, prend quelque chose qui te plaît et profite de la soirée.
Elle hésite un instant avant de finalement hocher la tête. Tout cet étalage de luxe et ses plats hors de prix, elle n'est pas vraiment convaincue, mais en venant ici elle a accepté de se plier au programme de Pascale et elle s'en voudrait terriblement de la blesser refusant le cadeau qu'elle lui fait.
Finalement, elle déglutit avant de donner sa commande au serveur qui note soigneusement avant de relever la tête vers elle.
- Pour accompagner vos plats, je vous recommande un Romanée-Conti de 2012 qui saura parfaitement mettre en valeur les arômes de la truffe noire et...
- Elle ne peut pas boire d'alcool.
La voix de Charles claque dans l'air ambiant, coupant net le serveur dans ses éloges de la bouteille à neuf mille euros et Hélène relève vers lui un regard intrigué, surprise et touchée qu'il se soit rappelé de son traitement. Devant l'air tout aussi intrigué des membres de sa famille, il se sent tout de même obligé de justifier.
- Hélène suit un traitement pour ses brûlures, elle ne peut pas boire d'alcool avec les médicaments.
Le serveur hoche la tête, notant l'information dans son calepin et lorsque la brune reporte son attention sur la table, elle ne manque pas le regard de Charlotte qui fait la navette à plusieurs reprises entre elle et Charles, les sourcils froncés. Elle se sent mal.
À sa droite, Pascale, inconsciente de la tension sous-jacente, se tourne vers Hélène, les yeux pétillants d'intérêt.
- Dis-moi, commence-t-elle. Hélène est un très joli prénom, mais il est peu commun pour une jeune fille de ton âge, y a-t-il une raison particulière pour que tes parents aient choisi ce prénom ?
La brune se tourne vers elle, un sourire amusé aux lèvres.
- Il n'y a rien de très poétique, elle rit. Ma mère était très jeune quand elle est tombée enceinte de moi. Elle a eu une grossesse compliquée et elle a été hospitalisée pendant les derniers mois, comme tout ce qu'ils arrivaient à capter sur les télés de l'hôpital, c'était la série « Hélène et les Garçons », c'est de là qui vient mon prénom.
Pascale rit de bon cœur, tout comme le reste de la tablée.
- Ça n'a pas dû être une période facile pour elle, c'est important d'être soutenu dans ce genre de moment, glisse-t-elle.
Elle esquisse un doux sourire et Hélène se rappelle que le père de Charles est décédé plusieurs années auparavant. Intimidée, elle pince les lèvres avant de poser la main sur le bras de la mère de famille.
- J'ai beaucoup d'admiration pour elle, confie-t-elle. Elle avait dix-sept ans quand elle m'a eu et ses parents ne l'ont pas accepté. Elle m'a élevé toute seule et ce n'était pas toujours facile, mais elle a toujours fait de son mieux pour que j'ai une enfance heureuse.
- Tu n'as pas connu ton père ?
Elle tourne la tête vers Carla qui a l'air gêné d'avoir posé la question, mais il ne s'agit pas d'un sujet sensible pour Hélène qui n'a aucun mal à en parler.
- Non. Lui aussi était jeune à l'époque et ils se sont séparés peu de temps après m'avoir conçue. Il a soutenu ma mère financièrement jusqu'à ma majorité, mais il a fait le choix de ne pas faire partie de nos vies. La dernière fois que je l'ai vue doit remonter à six ou sept ans, nous ne sommes pas très proches, mais je sais qu'il va bien, qu'il a refait sa vie et qu'il a une famille même si je ne les ai jamais rencontrés.
- Tu es une jeune femme très mature, complimente Pascale.
Hélène lui sourit, elle ne se sent pas particulièrement mature, elle a juste un parcours de vie différent que le temps lui a permis de mûrir. Elle a fait depuis longtemps le deuil de cette relation paternelle qui n'existera jamais pour se concentrer sur ses proches.
La discussion se poursuit, légère et agréable et dire qu'Hélène se régale à chacun des plats qu'on lui apporte est un euphémisme. Elle échange longuement avec Lorenzo de la politique d'expansion adoptée par les écoles de commerce et elle lui confie ses hésitations quant à son avenir.
La brune s'amuse mentalement à noter les différences entre l'ainé et le cadet à mesure que la soirée avance et Hélène ne perds pas une occasion de jeter des regards curieux à Charles à chaque fois qu'Arthur ou Lorenzo lui racontent une nouvelle anecdote à son sujet, rencontrant souvent le regard de Charlotte qui ne laisse filtrer aucune émotion.
Sans l'ignorer, Charles ne fait rien pour engager la discussion avec elle et la brune se sent de plus en plus mal à l'aise. La Toulonnaise a l'impression d'avoir commis une erreur sans savoir laquelle et ce sentiment la mine profondément. Elle qui espérait pouvoir profiter de la soirée pour discuter avec lui de leur relation, elle a l'impression qu'il fait tout pour ne pas croiser son regard et ça lui fait beaucoup de mal. Il passe son temps à discuter à voix basse avec Charlotte ou à pianoter sur son téléphone levant les yeux au ciel lorsque sa mère lui fait la remarque.
La soirée s'égrène doucement, le jeu des questions réponses du début laisse place à des conversations plus profondes sur des sujets qui la passionnent et elle ne voit pas le temps passer.
- Je ne suis pas certaine que le Castellet soit au programme des courses pour la saison prochaine, grimace-t-elle.
- Tu as eu des retours ?
Elle secoue la tête pour marquer la négation.
- Non, Pierrot me tient à l'écart du circuit depuis le Grand Prix, mais je ne me fais pas beaucoup d'illusion.
- Il est vrai que la FIA recherche des circuits de plus en plus spectaculaires, note Arthur.
- Objectivement, le Castellet n'est pas très sexy, elle mime les guillemets. Et puis d'autres pays ont des infrastructures plus récentes et beaucoup plus de moyens à mettre dans la promotion de la formule 1. C'est dommage, mais je ne serai pas surprise d'apprendre que nous ne sommes pas au programme de la nouvelle saison.
- Qu'est-ce que tu feras si c'est le cas ? Demande Carla.
- Il y aura toujours des courses à encadrer, elle hausse les épaules. Et puis commissaire de course est une activité bénévole alors si je ne m'y retrouve plus il me suffira d'arrêter.
- C'est quand même dommage, souligne Pascale. Tu as déjà assisté à d'autres grands prix de formule un en dehors de la France Hélène ?
- J'aimerais beaucoup, mais non, jamais.
Le regard perçant de Charles la transperce de part en part et elle fait de son mieux pour ne pas baisser les yeux. Elle sait qu'elle a refusé son invitation en Hongrie et qu'elle en est la seule fautive, mais le comportement du monégasque depuis le début du repas commence à sérieusement lui taper sur les nerfs, elle n'a pas besoin de ses regards accusateurs, elle se sent déjà bien assez mal comme ça.
Avec déception, elle constate que le Charles qui se trouve en face d'elle ce soir n'a rien à voir avec l'homme merveilleux qu'elle a rencontré quelques semaines plus tôt. Il est froid et réservé aux antipodes de la tendresse et de la douceur dont il a fait preuve lors de leur première rencontre.
Les cernes qui assombrissent le contour de ses yeux clairs lui crient pourtant que cela n'a pas été facile pour lui non plus, mais il ne flanche pas, refusant de la laisser s'approcher.
- Eh bien, maintenant que tu fais partie de la famille, commence Pascale. Tu n'auras qu'à te joindre à nous pour quelques grands prix après la reprise.
Charles la foudroie toujours du regard et elle hésite quant à la réponse appropriée.
- Pourquoi pas, nous verrons, elle grimace un sourire.
Cela semble convenir à Pascale qui lui sourit avant de tourner son attention vers Carla et Arthur qui se chamaillent de l'autre côté de la table. Par-dessus son épaule, Hélène capte le regard toujours aussi neutre de Charlotte qui la regarde pensivement. La brune détourne le regard, gênée alors qu'elle n'a rien à se reprocher.
La Toulonnaise fait de son mieux pour suivre la discussion d'Arthur, Carla et Lorenzo qui discutent du championnat de formule deux qu'elle connaît presque aussi bien que celui de formule un, quand son attention est attirée par Charles et Pascale qui discutent à voix basse.
Sans pouvoir s'en empêcher, elle tend l'oreille tout en faisant mine de suivre la conversation des deux autres frères.
- Est-ce que tout va bien mon chéri ? Tu n'as pas l'air dans ton assiette, elle souffle.
- Ça va maman, je suis juste fatiguée. La journée a été longue.
- Tu as toujours mal aux côtes ? Elle s'inquiète.
- Non, le médecin de l'équipe a dit qu'elles étaient guéries.
- C'est une bonne nouvelle. Si tu en as besoin, tu sais que tu peux toujours venir te reposer quelques jours à la maison, je m'occuperais de toi, comme avant.
Du coin de l'œil, Hélène ne peut s'empêcher de remarquer la légère tension dans les épaules de Charles alors qu'il passe nerveusement un bras autour des épaules de Charlotte qui presse doucement la main qu'il pose sur son épaule.
- Merci, peut-être un peu plus tard maman. J'ai pas mal de boulot avec la scuderia et je dois avoir fini avant de partir en vacances, je viendrais juste avant la reprise.
- D'accord, elle sourit. Mais ne te surmène pas surtout, cette saison, l'accident, ça fait beaucoup. Tu devrais te ménager mon chéri.
- C'est promis, il expire.
Il ment, Charles est en train de mentir à sa mère, Hélène en est persuadée, elle le sent. N'y tenant plus, elle relève la tête pour lui jeter un regard à la dérobée. Mais il est déjà en train de la regarder, leurs yeux s'accrochent et Hélène à l'impression d'être de nouveau au pied de son immeuble deux semaines plus tôt. Parce que derrière ce mur de froideur qu'il a dressé entre eux, elle parvient enfin à la voir, la peur, la douleur de Charles alors qu'il ment à sa mère.
Et c'est trop pour elle, ce tout ou rien qui la heurte avec violence et brouille sa vision de larmes brûlantes. Elle a été terriblement égoïste de vouloir le tenir éloigner et d'à présent lui reprocher d'en faire de même, elle le sait parfaitement. Si elle avait envoyé ce foutu message peut-être qu'ils auraient pu parler, surmonter cette situation ensemble. Charles avait peut-être une raison bonne de ne pas l'appeler, elle n'en avait aucune.
Avec une précipitation qu'elle peine à contenir, Hélène recule sa chaise, expliquant simplement dans un soupir tremblant :
- Je vais aux toilettes.
Personne ne relève et elle s'éclipse rapidement, demandant à un serveur l'emplacement des commodités. Et il n'y a pas à dire, ce sont assurément les toilettes les plus chics dans lesquelles elle n'ait jamais été. Lumières, musique d'ambiance, serviettes moelleuses et sol marbré, du très haut standing qui lui donne un peu plus l'impression de ne pas être à sa place.
Ses doigts tremblants agrippent le robinet et elle s'asperge le visage d'eau fraîche. Si cela lui fait d'abord un bien fou, elle se souvient un peu trop tard du mascara qui orne ses cils et passe les minutes qui suivent à essayer d'en retirer toute trace de son visage, en vain.
Hélène, qui peste contre sa propre bêtise, sursaute quand la porte s'ouvre et que Charles la referme derrière lui, actionnant le verrou, le visage fermé. Trop surprise pour vraiment protester, elle le regarde s'avancer vers elle d'un pas déterminé.
- Ce sont les toilettes des femmes, elle bégaye.
Elle a juste le temps de voir un sourire étirer ses lèvres alors qu'il l'enlace puissamment, la soulevant du sol pour la poser sur le rebord de l'évier. Immédiatement, elle l'agrippe de toutes ses forces, écartant les cuisses pour mieux s'enrouler autour de lui. Désespérément, elle enfonce son nez dans le cou du pilote alors qu'il enfonce sa main dans ses cheveux bruns, y emmêlant ses doigts tendrement. Elle craque complètement.
- Je suis toujours en colère, soupire-t-il contre son oreille.
- Pardon, pardon, pardon de ne pas avoir appelé, elle gémit.
Il finit par s'écarter au bout de quelques instants, esquissant un sourire lorsqu'elle le retient contre elle et il passe doucement ses pouces sous ses yeux pour effacer les traces de maquillage restantes.
- Viens avec moi à l'appartement, souffle-t-il.
- Avec toi et Charlotte, elle souligne.
- Avec moi et Charlotte, il valide. Elle aussi a le droit à des explications.
Hélène approuve silencieusement, retraçant du bout des doigts, la courbe de sa pommette et son arcade sourcilière alors qu'il appuie son visage contre sa main. Les mains de Charles quant à elle, posées sur ses hanches tracent des arabesques sur la peau dénudée de la jeune fille qui se sent fondre.
- Je suis censée dormir chez ta mère, elle explique.
- On lui expliquera, elle pourra toujours te voir demain. J'ai besoin de toi maintenant, il souffle.
Sans même prendre le temps d'y réfléchir Hélène acquiesce.
- D'accord, elle sourit.
Il lui sourit en retour, et même si elle sait que la conversation qui les attend n'a rien de réjouissant, qu'ils ont toutes les raisons du monde d'être en colère l'un contre l'autre et que ces quelques minutes de tendresse incontrôlée ne sont qu'un aparté avant que leur conscience ne les rappelle à l'ordre, elle n'a que faire de toute ça.
Pour Hélène, à cet instant, chaque décision qui puisse lui permettre de se rapprocher de Charles est une bonne décision, qu'importe ce que cela implique.
- On devrait y aller, finit-elle par dire. Ta famille va se demander où l'on est passé.
Il soupire de déception mais ne la contredit pas et recule de deux pas pour lui permettre de descendre de l'évier. Hélène se laisse glisser jusqu'au sol et relève des yeux rieurs vers lui, prête à faire une blague sur son besoin récurrent de la soulever de terre, mais elle s'arrête aussitôt.
Comme plus tôt dans la soirée, le regard de Charles est figé sur la brûlure de son épaule, les lèvres pincées et le regard tourmenté. Hélène ne sait même pas à quoi ressemble la cicatrice en réalité, elle n'a pas osé regarder, mais la culpabilité que décèle dans les yeux de Charles lui retourne l'estomac.
Doucement, de sa main valide, elle entremêle leurs doigts et, d'une simple pression, le force à relever les yeux vers elle.
- Tout va bien, Charles, elle lui sourit. C'est une cicatrice que j'ai choisie.
Il ne répond rien, mais l'emprise qu'il a sur la main de la brune se resserre doucement et elle lui sourit de nouveau. Délicatement, elle l'entraîne jusqu'à la porte, usant de sa main bandée pour ôter le verrou et ne pas avoir à délier leurs doigts.
- Prêt ? Elle demande.
À son grand soulagement, Charles finit enfin par quitter sa blessure des yeux pour lui adresser un vrai sourire alors qu'elle ouvre la porte.
Sourire qui disparaît bien vite cependant lorsqu'ils découvrent, adossée au mur en face des toilettes, la silhouette immobile et le regard glacial de Charlotte.
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Bon alors, beaucoup BEAUCOUP d'informations dans ce long chapitre.
Plein de nouveaux personnages font leur entrée, Pascale en tête puis Arthur, Lorenzo et Charlotte qui n'a d'ailleurs pas encore dit un mot. On en apprend également un peu plus sur Hélène et sur son passé, mais également sur l'instabilité que toute cette situation déclenche chez elle.
Charles aussi est plutôt inégal dans ce chapitre, il souffle le chaud et le froid à mesure qu'il perd le contrôle de ses émotions. Il est en colère contre Hélène, mais il reste incapable de la laisser s'éloigner, c'est un mélange dangereux avec lequel il est en train de jongler.
Peut-être que cela vous paraît brouillon et confus pour le moment, mais n'oubliez pas que nous vivons l'histoire du point de vue d'Hélène et pour l'instant, elle ne comprend pas grand-chose à sa propre vie.
Dans le prochain chapitre, nous aurons un début de réponse à certaines questions qui, j'en suis sûr, vous taraudent ! Alors accrochez vos ceintures parce que nous allons monter crescendo !
See you next week !
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