𝐃𝐈𝐗-𝐇𝐔𝐈𝐓











— 𝐂 𝐎 𝐋 𝐋 𝐈 𝐒 𝐈 𝐎 𝐍 —









𝐂𝐨𝐥𝐥𝐢𝐬𝐢𝐨𝐧 : (𝐧.𝐟) - 𝐑𝐞𝐧𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞, 𝐩𝐥𝐮𝐬 𝐨𝐮 𝐦𝐨𝐢𝐧𝐬 𝐫𝐮𝐝𝐞, 𝐝𝐞 𝐝𝐞𝐮𝐱 𝐜𝐨𝐫𝐩𝐬 𝐞𝐧 𝐦𝐨𝐮𝐯𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭, 𝐜𝐡𝐨𝐜 𝐝'𝐮𝐧 𝐜𝐨𝐫𝐩𝐬 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞 𝐮𝐧 𝐨𝐛𝐬𝐭𝐚𝐜𝐥𝐞.









𝐒𝐚𝐦𝐞𝐝𝐢 𝟏𝟑 𝐀𝐨𝐮𝐭 𝟐𝟎𝟐𝟐

𝐀𝐩𝐩𝐚𝐫𝐭𝐞𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐄𝐭𝐮𝐝𝐢𝐚𝐧𝐭

𝐓𝐨𝐮𝐥𝐨𝐧 – 𝐅𝐫𝐚𝐧𝐜𝐞



Hélène aimerait dire que le reste de la nuit se déroule mieux qu'elle n'a débuté, mais la vérité, c'est qu'à peine quelques heures après avoir fermé les yeux, elle se réveille tremblante et haletante d'un nouveau cauchemar.

Ses yeux s'ouvrent, écarquillés de terreur, et elle inspire une grande goulée d'air tiède. L'oxygène lui arrache presque les poumons alors qu'il s'infiltre de force dans chacun de ses vaisseaux sanguins. Hélène tousse, elle tente de se redresser dans le lit d'appoint, mais elle en a à peine la force, toute son énergie concentrée dans le simple fait de respirer.

Respirer. Quelque chose d'anodin, de naturel, mais qui ne l'est plus vraiment pour la jeune femme.

Le schéma se reproduit à l'identique depuis quelques jours, toujours de la même manière, durant les quelques heures de sommeil qu'elle parvient difficilement à grappiller, Hélène arrête simplement de respirer.

Après quelques secondes, elle se réveille en sursaut, le corps en feu, le cœur palpitant douloureusement dans sa poitrine, terrifiée par l'idée qu'un beau jour, peut-être qu'elle oubliera de se réveiller.

Apnée du sommeil, il n'a pas été très difficile de mettre un mot sur ce nouveau mal qui la ronge, fragilisant un peu plus chaque nuit l'équilibre précaire de sa santé mentale. Hélène est exténuée, rongée durant la journée par les horribles cauchemars qui viennent hanter chacune de ses nuits.

Le corps de Charles, immobile, inerte, rougit par les flammes, ses yeux bleus figés pour l'éternité et son si beau visage défiguré par la douleur, par la terreur, par la mort. Son propre corps, dévoré par le bûcher ardent. Hélène se sent brûlée, elle sent son corps se consumer, calciner de l'intérieur, enlaidir son corps, le marquer pour l'éternité. Et l'odeur, l'odeur de la chair carbonisée qui marque au fer rouge sa mémoire comme un parfum qui ne la quittera plus jamais.

Et lorsqu'enfin la folie qui guette ses nuits finit par la rattraper, Hélène arrête simplement de respirer.

Son souffle se bloque dans sa cage thoracique et son corps agonisant lui laisse enfin le luxe d'abandonner, de sombrer si loin que la peur elle-même n'a plus aucune emprise sur elle. Si proche du précipice que le temps de quelques secondes, la brune se surprend à hésiter, peser le pour et le contre. Quel mal y aurait-il à sauter, rien ne peut lui faire plus mal que cette cage de souffrance dans laquelle elle est enfermée ?

Et puis l'oxygène revient, la percute avant tant de violence, tant de vitalité, parfois même plus douloureusement encore que ses cauchemars. Hélène suffoque dans son lit, les draps enroulés autour d'elle comme un étau, le corps tremblant, transpirant.

Elle fixe le plafond gris de son salon, choquée.

Dehors, le soleil perce difficilement la barrière des nuages et si elle tend l'oreille, elle parvient à entendre le bruit de la pluie contre les fenêtres, il pleut sur Toulon.

La brune n'a aucune idée de l'heure qu'il est, il y a bien longtemps que le temps n'a plus d'emprise. À force de dormir le jour et de survivre la nuit, on finit par abîmer son esprit.

Au bout d'un temps qui lui semble affreusement long, ses membres arrêtent enfin de trembler et Hélène se sent capable de quitter le lit sans s'effondrer quelques mètres plus loin, une erreur qu'elle ne refera pas deux fois.

Elle frissonne lorsque ses pieds nus entrent en contact avec le carrelage de la petite cuisine et avise distraitement sa tenue tout en attrapant un verre sur l'une des étagères. Un grand t-shirt de commissaire de course issue d'une saison précédente qu'elle a volé à Bruno, il lui arrive difficilement à mi-cuisse et peine à cacher la culotte en coton qu'elle porte en dessous. Il faudra qu'elle enfile quelque chose avant que Charles ne se réveille.

Distraitement, son regard croise l'horloge numérique sur le four, 9h28. Elle passe une main devant ses yeux fatigués, devinant sans mal la présence de lourdes cernes noirâtres qui contrastent avec son teint blafard. Ce n'est pas aujourd'hui qu'elle récupérera ses heures de sommeil en retard.

Ses yeux scannent l'appartement à la recherche de son téléphone portable et elle porte le verre plein à ses lèvres lorsqu'elle l'entend. Ce son. Ce hurlement.

Un mugissement si déchirant, si bestiale, gorgé d'une souffrance si primale qu'elle n'envisage pas un seul instant qu'il puisse provenir d'un être humain.

C'est si soudain qu'Hélène croit d'abord avoir rêvé, que son esprit exténué a repoussé les frontières de la réalité. Mais un deuxième cri survient et elle doit se rendre à l'évidence, c'est réel.

Horrifié, son regard se fixe sur la porte de la chambre à coucher d'où proviennent d'autres cris, des pleurs lancinants, des gémissements bouleversants. Le corps de la Toulonnaise est figé de stupeur et refuse d'émettre le moindre mouvement, elle ose à peine cligner des yeux.

Mais c'est sans compter sur les hurlements qui, loin de s'atténuer, amplifient encore et encore, la heurtant chaque fois un peu plus fort, jusqu'au coup de grâce. Celui qu'elle n'a pas vu venir, celui qui s'enfonce si profondément dans son cœur qu'il en oublie un instant comment battre, comment la garder en vie.

- Hélène !

Son cri est rauque, suppliant, il la frappe avec la force d'un uppercut en pleine mâchoire, mais elle n'arrive toujours pas à bouger, le regard désespérément fixé sur la porte entrouverte.

- Hélène !

La jeune femme est foudroyée sur place alors que l'adrénaline traverse son corps à la manière d'un éclair. Tant d'adrénaline en si peu de temps, presque comme une drogue qui lui permettrait d'avancer, de résister.

Quasiment au ralenti, le verre encore plein lui échappe, se soustrait à l'emprise de ses mains et s'écrase contre le carrelage, répandant autour de lui les débris de son esprit anéanti.

Mais Hélène n'y prête aucune attention, inconsciente, elle piétine les éclats de ses pieds nus, grimace à peine lorsqu'ils s'immiscent dans sa chair, sous sa peau, répandant derrière elle une macabre traînée de sang.

La brune hésite à peine avant de pousser le battant, dévoilant à son regard crispé le tableau d'une chambre plongée dans l'obscurité, uniquement éclairée par le faible rayonnement d'une lampe de chevet.

Charles est là, étendu dans les draps, le corps transi, presque à l'agonie.

- Hélène ! Il hurle encore.

Il se débat, luttant contre un ennemi implacable, invincible, contre ces mêmes flammes qui les rongent l'un et l'autre. Hélène n'a pas besoin d'être dans sa tête pour les voir, elle peut les sentir rougeoyer contre sa peau, gratter contre ses os, le monstre sous la surface.

Les sourcils froncés par l'inquiétude, la brune contourne le lit avant de s'y agenouiller, juste à côté de Charles. Avec douceur, elle écarte les draps qui l'emprisonnent avant de poser une main sur sa joue, humide de larmes.

- Je suis là, elle souffle.

Charles dort toujours profondément, elle aimerait ne pas le réveiller, Hélène sait parfaitement que les réveils sont souvent pires que les cauchemars en eux-mêmes.

Le sang qui goutte de ses pieds meurtris s'écoule en un plic-ploc régulier, mais elle n'y prête pas attention, toute son attention fixée sur le garçon qui l'appelle toujours, désespérément.

- Hélène...Il gémit.

- Chute, elle murmure. Tout va bien, je suis là.

Son cerveau bourdonne, passe en mode automatique. Pas assez vite cependant et une amère constatation lui saute soudain aux yeux, sous ses doigts Charles s'agite toujours, gémissant son prénom entre deux sanglots.

Il l'appelle à l'aide, de tout son cœur, de toute son âme. Charles l'appelle à l'aide et elle ne peut s'empêcher de repenser au regard blessé de Charlotte cette nuit-là, lorsqu'elle lui parlait des cauchemars du Monégasque. Les mêmes cauchemars dans lesquels il supplie une autre femme de venir à son secours. Quelle cruauté.

Hélène a l'impression d'être là et en même temps d'être en dehors de son corps, si loin du drame qui se déroule juste sous ses yeux.

Les yeux de Charles eux, restent désespérément fermés, comme si ses rêves refusaient de le laisser s'échapper, comme s'il redoutait d'affronter le monde et toutes les horreurs qu'il implique.

Hélène est inquiète, Charles est un athlète, elle sait combien le moral l'affecte. Elle aimerait qu'il ouvre les yeux, qu'il lui dise que ça va aller, qu'elle peut se réfugier dans ses bras pour pleurer, s'appuyer sur lui pour mieux se relever. Mais ça n'arrivera pas, pas quand Charles est tombé bien plus fort qu'elle, plus profondément que tout ce qu'elle peut imaginer.

Elle doit bien se rendre à l'évidence, ils sont brisés, abîmés et elle n'est pas certaine que ce qui a été cassé puisse être réparé. Mais c'est comme ça, il est trop tard pour regretter, pour douter de ses actions passées. Elle ne pourra jamais regretter de l'avoir sauvé, d'avoir sauté dans les flammes pour le retrouver.

Mais Hélène est tellement fatiguée.

Esquinté à force de devoir chercher, chercher les raisons de son geste inconsidéré, les raisons qui poussent les gens à l'aimer puis à la détester, celles qui la ramènent toujours à Charles malgré toutes les fois où il a essayé de la repousser. Elle est tellement fatiguée de tout, du monde qui ne la laisse pas guérir, de son corps qui ne la laisse pas oublier, de son propre cœur qui bat un peu plus fort à chaque fois qu'elle pose les yeux sur Charles.

- Hélène...il pleure.

Sans qu'elle ne puisse les retenir, les larmes lui montent aux yeux et débordent, entraînant dans leur sillage toute la tristesse, toute la douleur, toute la peur qu'une seule âme ne peut contenir sans faillir.

Les larmes sont sa seule arme, son exutoire.

Lentement, elle s'abaisse jusqu'à lui, ses doigts traçant les contours seyants de son visage d'ange. Elle caresse l'arrêt de son nez, souligne la longueur irréelle de ses cils, retrace l'ombre de ses fossettes qu'elle n'a pas vue depuis si longtemps, glisse ses mains le long du galbe de ses épaules musclées et, douce comme les battements d'ailes d'un papillon, pose les lèvres sur son front.

Le changement d'atmosphère est presque immédiat, l'effet de leur peau, l'une contre l'autre, même sur un si petit espace suffit à chasser les démons au loin, à ramener la paix. Les pleurs se calment puis cessent progressivement et le pilote est moins agité alors qu'elle continue de parsemer son front de baisers humides de larmes salées.

La brune prend son temps, fredonne doucement, écoute attentivement le bruit de la respiration du pilote qui ralentit, les plaintes qui meurent au fond de sa gorge et elle ferme les yeux, pressant une dernière fois ses lèvres contre cette zone, juste en dessous de la barrière de ses cheveux.

La Toulonnaise ne sait pas vraiment si les baisers marchent, elle ne fait qu'appliquer ce qui marche sur elle. Lorsqu'elle était enfant, c'était le seul moyen que Christine et Pierrot avaient de la calmer lorsqu'elle faisait des crises les soirs où Maude ne rentrait pas à la maison. Elle passait des heures parfois, blottie sur les genoux de Pierrot, ses lèvres moustachues collées contre son front d'enfant pendant qu'il lui caressait les cheveux en chantonnant doucement.

Lorsqu'elle le sent enfin apaisé, la brune s'écarte doucement, prenant appui sur le lit de chaque côté du corps du pilote endormi.

Mais c'est sans compter sur Charles, sur le bras qu'il enroule autour de sa taille et sur ses yeux, immensément bleus qui la fixe à travers l'obscurité, à travers les larmes, cœur à cœur.

- Est-ce que c'est un rêve ? Il souffle.

Hélène sait qu'il est réveillé à la manière dont il la regarde, passionnément. Pourtant, elle n'a pas envie de briser l'instant.

- Alors c'est un très beau rêve, elle sourit doucement.

Ils sont si proches l'un de l'autre, elle est presque allongée au-dessus de lui, les deux mains de part et d'autre de sa tête. L'air est lourd, chaud, la pression de l'orage qui gronde à l'extérieur et la pluie s'abat sur les vitres de l'appartement.

- Si c'était un rêve, il murmure. Je t'embrasserais.

Elle déglutit, le souffle court.

- Si c'était un rêve, je répondrais.

Ils se font face, les yeux dans les yeux et Hélène hésite. Ce serait si simple de réduire la distance entre eux, de réaliser le rêve.

Pourtant, elle n'ose pas s'y résoudre, pas après cette nuit chaotique et l'apparente fragilité du pilote relevée au grand jour. Alors se contente de fermer les yeux et de frotter leurs nez l'un contre l'autre délicatement, presque comme une excuse.

Contre toute attente, Charles esquisse un sourire avant d'avancer la tête pour coller leurs fronts ensemble.

- Mais si c'était la réalité, il poursuit. Alors je ne le ferai pas.

Elle hausse un sourcil, curieuse.

- Pourquoi ça ?

Il lui offre un doux sourire et Hélène sent ses joues rougir délicatement.

- Parce que tu mérites mieux qu'un rêve.

Sans qu'elle ne puisse les retenir, les lèvres d'Hélène s'étirent en un beau sourire alors qu'elle hoche la tête.

- Ne me fais pas trop attendre alors, elle souffle.

Charles esquisse une mimique adorable avant d'enrouler son deuxième bras autour de la taille de la jeune femme qui se laisse retomber sur lui.

Délicatement, Hélène dépose sa tête contre la poitrine du pilote, l'oreille plaquée contre son cœur qui tambourine légèrement alors qu'elle enroule un bras autour de son torse musclé.

Soudainement, les réveils ne lui font plus aussi peur.

Pourtant, ils ne se sont rien promis, ils n'ont même rien affirmé, c'est juste quelque chose qui fait palpiter son cœur un peu plus vite, un peu plus fort et qui lui rappelle qu'elle est bel et bien vivante. La certitude vivifiante qu'il y aura un lendemain, que Charles ne sera peut-être plus perdu aussi loin dans les ombres et que le précipice qui la hante s'éloignera juste un peu.

Rien n'est réglé, rien n'est effacé, oublié, la réalité est juste un peu moins dure à accepter. Peut-être est-ce précipité, optimiste, fou, mais Hélène à la sensation qu'ils se réveilleront de ce long cauchemar, ensemble.

Presque timidement, elle relève la tête et leurs visages se font face, les si beaux yeux bleus de Charles dans les siens, ses mains sur son corps, son cœur qui palpite férocement contre le sien.

- Regarde-moi, elle ordonne.

Il opine silencieusement, ses pupilles dilatés au maximum alors qu'elle efface encore un peu la distance entre leurs visages.

- Serre-moi fort, elle poursuit.

Il opine de nouveau, la pulpe de ses doigts enfoncée dans ses hanches possessivement.

- Ne m'abandonne pas, elle conclut dans un tremblement.

Embrasse-moi, elle a envie d'ajouter.

La mâchoire du jeune se durcit alors qu'il déglutit difficilement et hoche la tête de nouveau.

- Plus jamais, il affirme.

Un sourire étire finement les lèvres de la jeune femme qui réduit l'espace jusqu'à venir frotter à nouveau leurs nez l'un contre l'autre dans un tendre bisou esquimau auquel il répond avec un ricanement amusé.

Et puis il n'y a plus rien à dire, plus rien à ajouter alors elle se contente de le regarder, bercée par le son du cœur du pilote qui palpite comme un petit oiseau dans son oreille et le bruit de la pluie contre les carreaux.

Hélène regarde Charles et Charles regarde Hélène, comme une boucle infinie où chacun retient l'autre au bord du vide, l'empêche de sombrer et maintient les flammes éloignées.

La jeune femme soupire, les yeux lourds de fatigue, mais elle résiste, elle n'a pas envie de dormir. Un nouveau jour se lève, elle a envie de le vivre à fond. Tout change si vite entre eux, elle ne veut pas prendre de risque, ne pas perdre un seul instant. Un pas en avant et trois en arrière.

- Arrête de résister, il souffle dans son oreille. Dors trésor.

- Pas envie, elle soupire.

- Mais moi, j'en ai envie, il ricane. Et je peux littéralement t'entendre réfléchir de là où je suis. En plus, tu m'écrases.

Hélène grogne avant de se laisser glisser sur le côté du corps du Monégasque avant d'essayer de rouler loin de lui. C'est sans compter sur les bras de Charles, toujours enroulés autour de sa taille.

- Je peux savoir où tu vas comme ça ?

- Tu as dit que j'étais lourde, elle rétorque, faussement vexée.

- Tu sais très bien que c'est faux.

- C'est trop tard, maintenant, elle boude. On ne t'a pas dit de ne jamais parler de son poids à une femme ?

Charles esquisse un sourire rieur avant de littéralement la soulever pour la ramener contre lui, sur lui.

- La fatigue te fait vraiment devenir une personne exécrable, love.

Le rouge aux joues, la brune détourne le regard du pilote, s'assoit entre ses jambes et prend appui sur le matelas pour pouvoir se redresser. Aussitôt, elle se fige, une grimace de douleur fichée sur le visage.

Dans son dos, Charles ne peut pas voir l'expression douloureuse de la jeune femme pourtant, son silence l'alerte presque immédiatement.

- Hélène ? Il appelle.

Elle ne répond pas, trop occupée à essayer de décoller son pied du matelas sans aggraver la situation.

Le bras de Charles s'enroule rapidement autour d'elle, une main posée à plat contre son ventre alors qu'il se redresse, collant son torse contre le dos de la jeune femme, qui rougit encore plus malgré la douleur.

- Est-ce que ça va ? Tu t'es fait mal ? C'est ta main ? Ton épaule ?

Il a soudainement l'air d'un chiot qui aurait fait une bêtise et elle ne peut retenir le faible rire qui lui échappe tandis qu'elle recule pour prendre appui sur le dos du pilote qui la soutient fermement.

- Ce n'est rien, elle assure. J'ai marché sur un morceau de verre tout à l'heure.

- Quoi ? Fais voir.

- Je t'assure que c'est bon, elle souffle. Il n'y a pas de raison de...

Mais Charles lui laisse à peine le temps de réagir qu'il a déjà soulevé le drap, dévoilant une large tache de sang à l'endroit où se trouvaient les deux pieds de l'étudiante, quelques instants auparavant.

- Bordel de merde, il jure.

Puis sans demander son reste, il saute hors du lit, titube sur quelques mètres avant de sortir de la chambre, trouvant la salle de bain sans difficulté dans le petit appartement étudiant.

Pendant ce temps, Hélène fixe les plaies profondes et multiples sous la plante de ses deux pieds. Ils ne lui faisaient pourtant pas mal jusqu'à maintenant, elle se sent perdue, troublée.

Charles revient après quelques instants, la maigre trousse de premiers secours de la brune entre les mains. Son visage est sérieux, bien loin de la douceur d'il y a quelques instants, Hélène à l'impression d'avoir brisé le moment. Sans qu'elle ne puisse les retenir, les larmes emplissent de nouveau ses yeux.

- Je suis désolé, sa voix chevrote. Je te jure que je n'avais pas vu et...

- Hey, hey, respire Hélène. Tout va bien, ok ? Je vais bien m'occuper de toi et après, on ira se coucher, d'accord ?

Elle acquiesce timidement à ses paroles et le regarde s'asseoir sur le bord du lit avant de la regarder de nouveau.

- Je peux ? Il demande.

Elle hoche la tête et il saisit délicatement ses deux chevilles dénudées qu'il dépose sur ses cuisses avant de commencer à examiner ses deux pieds. Elle le regarde froncer les sourcils et grimacer légèrement avant de commencer à étaler le contenu de la trousse autour d'eux.

- Le désinfectant ne devrait pas te faire mal, mais tu as toujours des morceaux de verre coincés dans les pieds. Je vais les retirer avec la pince à épiler, dis-moi si je te fais mal, on ira à l'hôpital.

- Ça va aller, elle assure. Je ne veux pas aller à l'hôpital.

Un éclair flash dans les yeux du pilote, mais il ne dit rien et se contente de hocher la tête avant d'asperger ses pieds de désinfectant. Les lèvres pincées, Hélène regarde un mélange d'antiseptique et de sang couler jusque sur le pantalon en toile sans doute hors de prix du garçon.

- Ton pantalon...

- Ce n'est pas grave, il assure.

Lorsqu'il commence à fouiller dans ses chairs avec la pince pour en extirper les débris de verre, la brune se laisse retomber en arrière dans le lit, retenant difficilement ses larmes tant la douleur est violente. Elle pose un bras sur ses yeux pour les dissimuler au regard inquisiteur du pilote qui poursuit sa tâche avec application, vérifiant soigneusement chaque plaie.

- Comment est-ce que tu t'es fait ça ? Il demande.

- Je ne sais plus vraiment, elle avoue. C'est assez flou, j'avais le verre dans les mains et puis tu as commencé à m'appeler et l'instant d'après j'étais ici. J'ai dû le faire tomber...

- Ne fais plus jamais quelque chose d'aussi stupide, il ordonne presque.

- Tu étais en train de m'appeler, elle contredit.

- Je pouvais attendre.

- Eh bien, pas moi.

Hélène se mord à nouveau la lèvre et retient à peine un gémissement douloureux lorsque Charles retire un gros morceau. Elle ferme les yeux lorsqu'il repasse une couche de désinfectant, vidant presque la petite bouteille dans l'opération. Puis, avec l'habitude de ceux qui côtoient des professionnels de la santé, il bande ses deux pieds l'un après l'autre.

La douleur fait tourner la tête d'Hélène qui n'ose pas se redresser pour regarder Charles prendre soin d'elle comme s'il s'agissait de la chose la plus précieuse au monde. Elle se contente d'attendre patiemment qu'il ait terminé.

- J'ai terminé, il souffle.

La Toulonnaise hausse un sourcil avant d'ouvrir les yeux, la voix du Monégasque est bien plus basse, plus rauque. Leurs regards se croisent et Hélène comprend instantanément l'ampleur du problème.

Elle est allongée en travers du lit, les deux jambes posées en travers de celles du pilote et les bras remontés au niveau de sa tête. Son t-shirt déjà trop court remonte à présent au niveau de son nombril et ne cache absolument plus rien de son unique sous-vêtement.

Le regard brûlant de Charles lui écorche littéralement la peau alors que ses joues virent à l'écarlate et qu'elle tire rapidement sur son t-shirt pour essayer de le faire descendre aussi rapidement que possible. Elle ne manque cependant rien du regard presque noir que Charles pose sur elle avant qu'il ne se détourne et passe une devant son visage dans un soupir tremblant.

La brune ne sait clairement plus où se mettre, elle est affreusement gênée par la situation et le regard qu'il lui a lancé quelques secondes auparavant ne l'aide absolument pas à raisonner correctement.

Avec précipitation, elle retire ses jambes, attirant de nouveau le regard du pilote sur elle alors qu'elle va pour s'extraire du lit.

- Qu'est-ce que tu fais ? Il demande.

- Il faut que je change les draps, elle explique naturellement.

Charles esquisse un sourire amusé, comme si elle venait de dire quelque chose de particulièrement drôle avant de reprendre.

- Depuis combien de temps est-ce que tu ne t'es pas regardé dans un miroir love ?

Hélène déglutit, légèrement tendue à l'évocation du miroir, mais heureusement pour elle, Charles ne semble pas le remarquer lorsqu'il reprend :

- Tu es épuisée, je suis épuisée, nous avons tous les deux besoin de dormir. Je pense que les draps peuvent attendre demain.

- Et tu peux me dire où tu as prévu de dormir au juste ?

Tout en parlant, la brune se traîne jusqu'au bord du lit et fait un premier geste pour poser les pieds aux sols avant d'être soulevée dans les airs.

- Charles ! Qu'est-ce que tu fais ?!

- Je te porte.

Instinctivement, Hélène enroule ses jambes autour du pilote et s'agrippe à lui comme un koala alors qu'il passe une main dans son dos et l'autre sous sa cuisse avant d'entamer sa route vers le salon.

- Je peux marcher, elle gronde.

- Non.

La réponse n'appelle pas à la discussion, et même si le peu de fierté et d'amour-propre qu'il lui reste se révolte au plus profond d'elle, Hélène préfère ne pas argumenter et profiter de la balade gratuite. Elle glisse le visage dans son épaule musclée et inspire lentement lorsqu'il pose un genou sur le lit d'appoint et que l'emprise de la main du pilote dans le dos de la jeune femme se fait plus forte alors qu'il l'aide à s'allonger.

Seulement, c'est mal connaître Hélène Chevalier que de croire qu'elle puisse s'avouer vaincue aussi facilement et alors que Charles entreprend de se redresser, elle s'accroche de toutes ses forces à lui, l'entrainant avec elle dans le lit jusqu'à ce qu'il la recouvre totalement de son corps.

- Je peux savoir ce que tu fais ? Il demande.

- Je dors.

- Dans cette position ? Il ricane.

- Peut-être que j'aime bien être écrasée, moi, elle nargue.

Au-dessus d'elle, Charles secoue la tête avant de laisser échapper un petit rire désabusé.

- Quelle horrible rancunière tu fais.

La Toulonnaise ne répond pas, fière de son coup d'éclat et elle lui laisse juste assez d'espace pour manœuvrer et se blottir un peu plus confortablement contre elle. Le pilote passe un bras autour de sa taille et enfonce son visage contre la nuque de la jolie brune avant de prendre une grande bouffée d'oxygène, inspirant son parfum à plein nez.

- Si je fais un autre cauchemar...

- Je serais là, elle coupe.

- Et je serai là pour toi, il complète.

Hélène esquisse un faible sourire sans répondre.

Là, allongée sur le dos, contemplant le plafond gris de son salon, le corps détendu de Charles pressé contre elle, pesant délicieusement sur le sien, elle se laisse de nouveau sombrer tout en sachant que cette fois, quelque chose est différent, quelque chose a changé.

Une nouvelle journée peut commencer.



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HE HE HEEEEEE

Si vous n'aviez pas encore compris, j'adore les montagnes russes.

Chapitre tout en haut et en bas, on commence avec un aperçu de la dégradation de l'état psychique d'Hélène qui multiplie les symptômes inquiétants, mais qui préfère les ignorer et enfouir ses sentiments, vous commencez à connaître le personnage.

Quant à Charles, il a atteint le point de rupture dans le chapitre précédent, à partir de maintenant, il ne peut que remonter, s'il s'en donne les moyens. J'avais imaginé écrire un chapitre de son point de vue prochainement, afin que l'on comprenne un peu mieux son raisonnement, mais en même temps, j'ai bien l'idée que, comme Hélène, on ne sache pas vraiment ce qu'il pense tant qu'il ne le verbalise pas. Donc j'ai un peu peur de trop en révéler en écrivant du point de vue de Charles, si vous avez un avis sur la question, n'hésitez pas !

La deuxième partie du chapitre est beaucoup plus douce, avec Charles et Hélène les changements d'ambiance sont toujours impromptus et imprévisibles, c'est un trait de leur relation qui peut paraître déroutant, mais il ne faut pas oublier que d'un point de vue chronologique, leur histoire n'en est qu'à ses débuts, ils ne se connaissent pas encore vraiment. Dans les prochains chapitres, ils s'appliqueront à mettre en place une routine, à se découvrir l'un l'autre et à aborder progressivement les sujets plus sensibles.

Nous entrons dans un intervalle de quelques chapitres « soft and sweet » avant le prochain obstacle alors profitez du calme avant la tempête et je vous retrouve mardi prochain pour un réveil tout en douceur.

Plein de bisous esquimaux ! <3

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