8- Le début 1.5/5

ISAAC

Ce soir-là, comme à mon habitude, je traînais avec mes amis dans un bar du centre-ville. Rien de particulier, juste quelques verres et un match à la télé. L'atmosphère était décontractée, mais je n'aurais jamais imaginé que cette soirée prendrait une tournure aussi inattendue.

Puis, la porte s'ouvrit, et je vis Camila entrer. C'était étrange de la voir là, dans cet endroit, au milieu de cette foule de gens ordinaires. Je la reconnaissais tout de suite, même si c'était la première fois qu'on se retrouvait face à face. Elle s'installa dans un coin, une certaine distance entre elle et les autres. Elle commanda un verre et s'assit seule. L'instant d'après, une de ses amies la rejoignit. Une grande femme aux cheveux tressés, qui semblait très à l'aise, tandis que Camila semblait un peu plus réservée.

Je n'arrivais pas à détacher mes yeux d'elle. Je savais qui elle était, j'avais fait mes recherches. Camila Harley. La fille du mafieux James Harley. C'était étrange de voir cette image de femme fatale et de la rapprocher de la réalité.

Elle leva son verre et sourit à un homme plus loin. Un sourire léger, poli, comme si elle était à sa place, comme si tout cela lui appartenait. Mais moi, je n'arrivais pas à comprendre pourquoi elle se trouvait ici, pourquoi elle choisissait cet endroit. Ce n'était pas son monde. Ce n'était pas son terrain de jeu.

L'un de mes amis, Dan, se tourna vers elle et engagea la conversation. Je fus un peu pris au dépourvu, et je n'ai pas pu m'empêcher de tendre l'oreille. Ils échangèrent quelques mots, et je la vis enfin se tourner vers moi. Nos regards se croisèrent. Elle m'avait vu, et je n'étais pas sûr de ce qu'elle pensait. Il y avait une sorte de reconnaissance dans ses yeux, mais aussi une petite lueur d'incompréhension.

— Salut, dit-elle finalement, avec une voix calme mais pas dénuée de défi.

Je fis une pause. Elle ne semblait pas savoir que je savais exactement qui elle était. Et pourtant, c'était à peine croyable. Son nom, son visage, tout était gravé dans ma mémoire après les recherches que j'avais faites.

— Camila, répondis-je simplement.

Elle se figea un instant. Une fraction de seconde où son regard s'intensifia, et je vis son esprit travailler à toute vitesse, cherchant à comprendre pourquoi je connaissais son nom.

— Comment tu sais... ? commença-t-elle, mais sa voix se perdit un instant, étonnée, avant de se reprendre.

Elle m'observait intensément, comme si elle cherchait à percer un secret que je n'étais pas censé connaître. J'avais fait mes devoirs, mais elle n'avait pas à le savoir.

Je haussai les épaules et répondis d'un ton détaché :

— Il n'est pas difficile de savoir qui tu es, Camila. Le nom Harley n'est pas vraiment discret, tu sais.

Elle sembla réfléchir un instant. Il y avait une pointe de surprise dans ses yeux, mais aussi une sorte de... défi, comme si elle était déjà prête à répondre à tout ce que je pourrais dire. Mais elle se contenta de secouer la tête, comme pour repousser ce que j'avais dit.

— Ouais, peut-être, mais je n'ai rien à cacher, dit-elle d'un ton qui se voulait assuré, mais je pouvais sentir la tension sous ses mots.

Elle prit une gorgée de son verre, ses yeux toujours fixés sur moi. Je pouvais sentir que cette rencontre, bien que simple en apparence, n'était pas aussi anodine pour elle que ce qu'elle voulait laisser croire.

— Pourquoi tu me regardes comme ça ? demanda-t-elle soudainement, son regard se durcissant un peu.

Je haussai un sourcil, un peu pris au dépourvu par la question. Elle m'avait bien eu avec sa posture détachée, mais maintenant, je voyais qu'elle n'était pas aussi sûre d'elle qu'elle en avait l'air.

— Tu veux dire, pourquoi je te regarde comme une... personne normale ? Parce que, Camila, tu n'es pas censée être ici.

Je vis son regard se durcir. Elle se redressa, une lueur d'agacement traversa ses yeux, mais elle garda son calme.

— Tu te prends pour qui ? lança-t-elle presque d'un ton glacé, sans lever la voix.

Je me penchai en avant, ne lâchant pas son regard.

— Personne. Mais j'ai mes raisons pour être là, et tu devrais te poser des questions sur les tiennes, répliquai-je d'un ton plus sérieux.

Elle sembla vouloir répondre, mais elle se retint, comme si elle avait compris qu'il valait mieux ne pas continuer cette conversation. Elle prit une gorgée de son verre, son regard se détournant enfin du mien, mais je pouvais sentir l'irritation qui bouillonnait en elle. Elle se tenait droite, mais une tension palpable émanait d'elle. La soirée semblait se poursuivre autour de nous, mais entre nous, le silence était lourd. Je pouvais presque entendre le bruit de ses pensées, tout comme les miennes.

— Alors, tu sais tout sur moi ? dit-elle soudainement, sa voix tranchante. Il y avait une note de défi, mais aussi une pointe d'incertitude. Elle voulait savoir si je connaissais l'étendue de son monde, si j'avais vraiment compris ce qu'elle était. Ou ce qu'elle voulait que l'on voie d'elle.

Je ne répondis pas immédiatement. C'était à peine croyable, mais j'avais fait mes recherches. Je savais qu'elle n'était pas comme les autres. Je savais qu'elle venait d'une famille puissante, dangereuse, et que son nom n'était pas qu'une simple étiquette. Mais, malgré tout, je ne voyais pas l'intérêt de lui faire un exposé sur ses origines. Elle ne m'intéressait pas dans ce sens-là. C'était elle en tant que personne qui m'intriguait, mais ça, je ne comptais pas lui dire.

Je la regardai dans les yeux, et sans un mot, je fis un geste distrait, comme si elle n'avait pas vraiment d'importance. Elle attendait une réponse, mais je la laissai dans le vide. Elle fronça les sourcils, un éclat de colère passant brièvement dans ses yeux, mais elle ne bougea pas.

Elle tenta de capter mon attention à nouveau, cette fois avec un peu plus de fermeté.

— Alors, tu réponds pas ?

Je la regardai avec un calme glacé. Elle avait beau jouer la grande, je n'étais pas impressionné.

— Répondre à quoi ? À tes attentes ? Je fis une pause, un rictus en coin. Je ne suis pas ton putain de public. Si t'es venue ici pour qu'on te déchiffre, tu t'es plantée.

Elle a haussé un sourcil, comme si ma réponse ne l'affectait pas du tout. Sans un mot, elle s'est détournée et a repris sa conversation avec sa copine.  Pourtant, quelque chose avait changé. Un silence s'était installé entre nous, un jeu tacite de regards furtifs, mais aucun de nous ne brisait cette tension invisible.

Je n'ai pas cherché à comprendre. J'ai continué à boire et à discuter avec les autres, en feignant de l'ignorer. Mais je savais qu'elle était là, à m'observer discrètement, tout en maintenant cette distance. Je l'ai vue, verre après verre, se laisser emporter par l'alcool. Chaque gorgée semblait effacer un peu plus la distance entre elle et la réalité, son rire devenant plus bruyant, ses gestes plus désinhibés. J'ai hésité un instant, me demandant si c'était vraiment ce qu'elle faisait. Mais au fond, c'était une adulte. Elle savait ce qu'elle faisait. C'était son choix, après tout.

Mark a proposé de monter sur le rooftop, et, comme un réflexe, tout le monde a accepté. Nous avons pris l'ascenseur ensemble, et je me suis retrouvé coincé dans un coin, juste derrière Camila. L'espace était trop étroit, presque étouffant. La chaleur humaine, les corps serrés, l'odeur de l'alcool et de la sueur... Tout ça m'envahissait. J'aurais voulu me détacher, mais j'étais coincé.

Alors que les portes se fermaient, elle s'est légèrement tournée. Son corps a frôlé le mien, juste une fraction de seconde. Assez pour que je ressente la chaleur de sa peau contre la mienne, assez pour que mon cœur rate un battement. Elle n'a rien dit, mais elle s'est un peu rapprochée, comme si l'étroitesse de l'espace la rassurait. Comme si la proximité était un moyen de s'ancrer dans la réalité, même si tout autour d'elle était flou.

À chaque mouvement, je sentais cette tension qui montait, silencieuse, mais bien présente. Elle ne semblait même pas s'en rendre compte, ou peut-être qu'elle s'en amusait. Je n'arrivais pas à comprendre. Son parfum m'enveloppait, et je luttais contre cette attirance étrange, contre ce malaise qui grandissait à chaque instant. J'ai détourné les yeux, fixant les autres, me concentrant sur n'importe quoi pour éviter de la regarder.

C'est à ce moment-là qu'elle a murmuré, presque pour elle-même.

— T'es tendu, Isaac. Tu sais, tu pourrais respirer un peu.

Je l'ai regardée rapidement, et j'ai vu un sourire furtif se dessiner sur ses lèvres. Un sourire en coin, pas amical, pas vraiment moqueur non plus. Juste... mystérieux.

— C'est juste un peu étroit ici.

Elle a ri, un petit rire léger qui résonnait dans l'air étouffé de l'ascenseur.

— Ouais, c'est vrai, mais ça ne te ferait pas de mal de te détendre un peu. C'est pas comme si on allait s'écraser dans cet ascenseur. Enfin, si tu veux, je peux toujours t'aider à respirer.

Je n'ai pas su quoi répondre. La tension dans l'air était devenue presque électrique. C'était une provocation, ou peut-être juste un jeu pour elle. Mais moi, je n'étais pas sûr de ce que ça signifiait. Je voulais dire quelque chose, mais mes mots restaient coincés dans ma gorge.

Finalement, l'ascenseur a atteint le rooftop, et les portes se sont ouvertes, nous libérant tous de cette proximité oppressante. Mais même après avoir quitté l'espace confiné, quelque chose restait entre nous, comme une vibration dans l'air, quelque chose que je ne pouvais pas ignorer. Et quand je l'ai vue s'éloigner, je savais que, malgré tout, cette soirée n'était pas encore terminée.

Je l'ai vue s'éloigner, ses talons claquant sur le sol, se mêlant à la musique et aux voix des autres. Camila s'est fondue dans la foule, et je suis resté là, un instant, immobile. Il y avait quelque chose dans son regard, une étincelle de défi ou de curiosité, je n'arrivais pas à dire quoi exactement. Mais ça me perturbait, cette manière qu'elle avait de ne jamais vraiment me laisser tranquille, de toujours exister à la limite de ma conscience.

Je suis allé vers le bar, essayant de m'occuper, de faire comme si je n'étais pas hanté par cette présence invisible qui flottait autour de moi. Mais elle n'a pas cessé de me suivre du regard. À chaque fois que je levais les yeux, je croisais les siens, comme un échange silencieux entre nous, qui n'avait ni nom, ni raison d'être. Et à chaque fois, elle détournait le regard avec un sourire qui ne me laissait pas indifférent. À quoi jouais t'elle ?

Mark s'est approché d'elle, comme un chien cherchant à se faire caresser, mais Camila, elle, ne l'a pas laissé faire. Elle a esquivé son geste, repoussant son visage d'un mouvement brusque mais gracieux, comme si elle était encore consciente de ce qu'elle faisait, mais pas tout à fait maîtresse de la situation. Elle était ivre, certes, mais il y avait une clarté dans ses gestes qui m'intriguait.

Je l'ai observée un moment, l'air détourné, mais j'ai vu son déséquilibre. La manière dont elle s'éloignait de Mark, la démarche un peu floue, comme si la soirée commençait à l'emporter dans son tourbillon.

Je suis redescendu. Et là, je l'ai retrouvée, seule, contre le bar. Elle était visiblement un peu plus calme, sirotait son verre, ses yeux rivés sur le comptoir, mais je sentais son attention sur moi. Elle tourna légèrement la tête vers moi, un regard perçant, presque curieux.

— Tu travailles pour mon père ?

Je la regardai, surpris par la question, ne m'attendant pas à ce genre d'interrogation. Je haussai un sourcil, puis je lui répondis, une pointe de méfiance dans la voix.

— Pourquoi tu demandes ça ?

Elle ne perdit pas de temps. Elle répondit d'un ton presque détaché, comme si la réponse elle-même n'avait pas d'importance, mais qu'elle voulait juste l'entendre de ma bouche.

— Je veux juste que tu me répondes, c'est tout. Pas de pourquoi.

Je la fixai un instant, pesant ses mots. Il y avait quelque chose de direct dans sa manière de parler, quelque chose de tranchant, mais je ne laissai rien paraître.

— Non, je ne travaille pas pour ton père. Je n'ai jamais travaillé pour lui, et je ne le ferai jamais.

Elle se pencha légèrement en avant, son regard toujours ancré dans le mien, comme si elle ne voulait rien laisser passer. Un petit sourire en coin se dessina sur ses lèvres.

— Pourtant, la première fois que je t'ai vu, c'était dans un de ses entrepôts. Qu'est-ce que tu foutais là-bas ?

— Ce ne sont pas tes affaires, Camila. Je te l'ai dit, je ne travaille pas pour ton père. Et je ne compte pas le faire.

Elle me fixa un instant, ses yeux cherchant quelque chose en moi, comme si elle voulait lire entre les lignes. Mais elle n'ajouta rien. Elle se contenta de revenir à son verre, comme si la conversation était déjà terminée.

Je n'étais pas sûr de ce qu'elle pensait, mais je savais que cette discussion n'était pas prête à aller plus loin.

— Qu'est-ce que tu fous Camila je t'attends. Allez viens !

Camila tourna légèrement la tête, un léger sourire sur les lèvres, comme si elle venait juste de se rendre compte qu'elle avait été un peu perdue dans ses pensées. Elle se leva sans un mot, puis jeta un dernier regard vers moi avant de s'éloigner, son amie la suivant en chuchotant à son oreille.

Je soufflai, observant la scène, et j'allais retourner à ma boisson lorsque j'entendis des pas se rapprocher. Je tournai la tête, et Mark s'affala dans la chaise avec un sourire en coin, visiblement dans son élément.

— Alors, toi aussi tu t'es pris dans le piège de Camila ? C'est une sacrée bombe, hein ? Il lança avec une nonchalance évidente.

Je ne répondis pas tout de suite, préférant observer son attitude.

— Elle est bandante, vraiment. J'vais me la faire ce soir, ça c'est sûr. Il ajouta ça avec un air décontracté, comme s'il parlait de n'importe quelle autre fille.

Je ne pouvais pas m'empêcher de lever les yeux au ciel. Je le laissai parler, mais quelque part, un léger malaise se formait dans mon estomac. Mais avant que je puisse ajouter quoi que ce soit, Mark s'éloigna, se dirigeant vers la foule avec l'intention évidente de chercher Camila. Je me laissai aller dans mon fauteuil, l'ambiance du bar maintenant beaucoup plus bruyante autour de moi.

Je n'étais pas sûr de ce qui allait se passer, mais une chose était claire : il y avait quelque chose chez Camila que je ne pouvais pas ignorer, même si je n'arrivais pas encore à mettre le doigt dessus.

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