7- Le début 1/5

ISAAC

Camila était recroquevillée sur la banquette arrière, à l'opposé de moi, les bras enroulés autour de ses jambes, le visage caché contre ses genoux. Elle ne tremblait pas, ne pleurait pas. Mais je sentais la tension irradier de son corps, une rigidité contenue, comme un animal acculé prêt à mordre si je m'approchais trop.

Je laissai mon regard glisser sur elle, analysant la situation avec calme.

D'habitude, Camila était une tornade. Une fille trop sûre d'elle, qui ne laissait jamais transparaître la moindre vulnérabilité. Elle se cachait derrière des répliques cinglantes, un sarcasme mordant, et une arrogance presque fascinante.

Mais là... là, elle était silencieuse.

Et ça ne me plaisait pas.

Je soupirai en passant une main dans mes cheveux, puis me penchai légèrement en avant, posant mes avant-bras sur mes genoux.

— Bordel, Camila... pourquoi tu n'écoutes jamais ce qu'on te dit ?

Ma voix était basse, presque un murmure dans le silence feutré de la voiture.

Elle ne réagit pas. Je haussai un sourcil. D'accord. On joue à ça, alors.

Je me redressai et m'accroupis devant elle, appuyant un coude sur la banquette. Puis, lentement, je tendis la main et attrapai son menton entre mes doigts.

Sa peau était douce sous mes doigts, mais froide. Elle se tendit sous mon contact, mais ne se recula pas.

Lentement, je relevai son visage.

Ses yeux.

Ses putains de yeux.

Ils étaient braqués sur moi avec une intensité brutale, un mélange de rage et de peur qu'elle tentait de masquer. Elle n'allait pas me supplier, ni pleurer. Non. Camila était trop fière pour ça.

Je souris légèrement.

— Quoi, aucune blague cette fois ? soufflai-je.

Toujours rien.

Je caressai doucement sa joue du pouce, juste pour tester sa réaction. Son corps eut un infime frisson.

Puis, ses pupilles s'illuminèrent d'un éclat dangereux.

— Ne me touche pas, lâcha-t-elle, la voix froide comme la lame d'un couteau.

Je laissai échapper un petit rire amusé et me redressai.

— Tu devrais me remercier, tu sais, dis-je en désignant d'un mouvement de tête Markov, inconscient sur le siège avant. Je viens de te sauver la vie. Il fallait que je le maîtrise avant qu'il ne fasse une connerie.

Elle détourna les yeux, ses mâchoires se serrant sous la colère.

— Arrête ton double jeu, cracha-t-elle. Qui es-tu, vraiment ?

Je la fixai, appréciant le défi dans sa voix.

— Une question à la fois, répondis-je, ironique.

Elle ouvrit la bouche pour répliquer, mais un mouvement du chauffeur attira mon attention. L'homme jeta un coup d'œil dans le rétroviseur, puis se tourna légèrement vers moi.

— Écoute, mon pote, je ne vais rien dire, mais cette fille... tu ferais mieux de la tuer.

Le silence tomba comme une chape de plomb. Camila se figea. Je sentis son souffle s'accélérer imperceptiblement, mais elle ne bougea pas. Je laissai planer un instant de flottement, juste pour voir sa réaction.

— Ce serait une grave erreur, dis-je enfin, calmement.

Je sentis son regard brûler ma peau. Je la laissai mariner un instant avant de tourner la tête vers elle. Ses doigts s'étaient crispés contre le cuir du siège. Son dos était tendu.

Puis, soudainement, elle explosa.

Elle se débattit violemment, cherchant à se libérer. Un cri jaillit de sa gorge, brut, instinctif.

Je réagis immédiatement.

D'un mouvement fluide, je me penchai vers elle et plaquai ma main sur sa bouche, étouffant son hurlement.

— Camila, calme-toi, murmurai-je, ma voix glissant contre son oreille.

Elle se débattit encore, puis s'immobilisa, son souffle erratique contre ma paume. Lentement, je retirai ma main. Elle me fixa avec des yeux brûlants de rage.

— Tu n'as aucune idée de ce qui se passe, continuai-je, ma voix plus douce cette fois.

Elle déglutit, son regard oscillant entre moi et le chauffeur.

— Pourquoi... ? souffla-t-elle enfin.

Je ne répondis pas.

Au lieu de ça, je me redressai et tapai deux fois contre la paroi avant.

— Change de route.

Le chauffeur obéit sans discuter.

Je jetai un dernier coup d'œil à Camila. Elle ne disait plus rien.

Mais je voyais à ses yeux qu'elle avait compris une chose essentielle. Je m'adossai à mon siège et croisai les bras, l'observant sans détour.

— Tu réfléchis trop, Camila.

— Peut-être parce que je suis en train d'essayer de comprendre ce qui se passe, lâcha-t-elle, sa voix tranchante.

— Comprendre quoi ?

— Tout. Toi. Ce que tu es réellement. Ce que tu veux. Pourquoi Markov t'a regardé comme si tu étais son putain de supérieur avant de s'effondrer. Pourquoi ton chauffeur vient de suggérer de me tuer comme si c'était une option logique.

La voiture ralentit en arrivant devant un immeuble aux fenêtres teintées.

— C'est bon, annonça le chauffeur d'une voix neutre.

Je jetai un coup d'œil dehors. L'entrée du parking souterrain était ouverte, éclairée d'une lumière blafarde. Parfait. J'ouvris la portière et me tournai vers Camila.

— Descends.

Elle hésita une seconde, puis obéit.

Ses talons claquèrent contre le béton du sol, et je remarquai son infime frisson lorsqu'une brise nocturne s'infiltra sous sa robe. Elle était à la fois magnifique et terriblement vulnérable dans cette tenue.

Trop vulnérable.

Je posai une main sur le creux de son dos pour la guider à l'intérieur. Elle se raidit instantanément.

— Ne me touche pas.

Je penchai légèrement la tête vers elle.

— Je viens de te sauver la vie, Camila. Un peu de gratitude ne te tuerait pas.

Elle me foudroya du regard.

— Je ne te dois rien.

— Si. Tu me dois ta vie.

Elle s'arrêta net et se tourna vers moi.

— Et je suis censée dire merci, c'est ça ?

Je la fixai, mon regard plongé dans le sien.

— Non. Tu es censée m'écouter. Elle déglutit, hésitante.

Je repris ma marche, l'entraînant à l'intérieur du bâtiment. Les portes de l'ascenseur s'ouvrirent dans un tintement métallique.

— Tu vas me dire où on est ?

— Chez moi.

Elle tourna brusquement la tête vers moi, incrédule.

— Quoi ?

— Ce soir, tu dors ici.

Elle fronça les sourcils.

— Tu veux me séquestrer, maintenant ?

Je soupirai.

— Non. Je veux m'assurer que tu restes en vie.

— C'est drôle. Parce que j'ai comme l'impression que c'est toi le danger ici, Isaac.

Les portes s'ouvrirent.

Je sortis en premier, puis me tournai vers elle.

— Et pourtant, tu me suis.

Elle resta figée une seconde, avant d'avancer à contrecœur.

Elle avait raison. J'étais un danger pour elle. Mais ce qu'elle ne comprenait pas encore...C'est qu'il y avait bien pire que moi.

L'appartement s'ouvrit sur un vaste espace plongé dans une semi-pénombre, seulement éclairé par les lumières tamisées d'un bar et les lueurs nocturnes filtrant à travers les immenses baies vitrées. L'intérieur était épuré, moderne, dominé par des tons sombres et froids. Pas de photos, pas d'objets personnels visibles. Juste du verre, de l'acier et du marbre.

Camila entra lentement, ses talons résonnant sur le parquet ciré. Son regard glissa sur les meubles minimalistes, les canapés en cuir noir, le mur de briques apparentes. Elle paraissait mal à l'aise, mais elle s'efforçait de le cacher, comme toujours.

Je refermai la porte derrière nous, la verrouillant d'un geste rapide.

— Fais comme chez toi.

Elle se retourna vivement, croisant les bras.

— J'aimerais mieux rentrer chez moi.

— Ce n'est pas une option.

Elle planta son regard dans le mien, ses yeux brillants de défi.

— Tu ne peux pas me forcer à rester ici.

Je m'avançai lentement vers elle, réduisant l'espace entre nous. Elle ne bougea pas, mais je vis ses doigts se crisper sur le tissu de sa robe.

— Si je voulais te forcer, Camila, tu le saurais déjà.

Son souffle se bloqua un instant, puis elle détourna la tête avec une expression de mépris feint.

— Tu es vraiment un connard.

— Un connard qui vient de te sauver la vie.

Elle serra la mâchoire, puis se détourna et s'avança vers la baie vitrée. Son reflet se dessina sur le verre, fragile et contrastant avec l'obscurité de la ville en contrebas.

Je la regardai un instant en silence.

— Assieds-toi, je vais te chercher à boire.

— Je ne veux rien.

— Tu veux peut-être éviter de crever de soif, alors.

Elle soupira bruyamment, mais finit par s'asseoir sur l'un des tabourets du bar. J'ouvris un placard et en sortis une bouteille de whisky, versant un verre pour moi avant de lui tendre une bouteille d'eau.

Elle haussa un sourcil.

— Tu m'enfermes ici, mais tu veux que je reste hydratée ?

— Je suis un monstre, mais pas un tortionnaire.

Elle me lança un regard assassin, puis attrapa la bouteille d'un geste brusque.

— Pourquoi est-ce que je suis là, Isaac ? demanda-t-elle après un moment de silence.

Je pris une gorgée de whisky, savourant la brûlure de l'alcool, avant de répondre d'un ton posé :

— Parce que dehors, il y a des gens qui veulent ta peau.

Elle ricana, un rire amer.

— Et toi, tu veux quoi, exactement ?

Je posai mon verre sur le comptoir, puis me penchai légèrement vers elle.

— Que tu arrêtes de poser des questions auxquelles tu n'es pas prête à entendre les réponses.

Son regard se durcit.

— Je ne suis pas une gamine, Isaac.

— Non, mais tu es trop impulsive.

Elle détourna les yeux, frustrée.

— Donc c'est ça, ton grand plan ? Me cacher ici jusqu'à ce que tout se tasse ?

Je secouai la tête.

— Non. Mon plan, c'est de t'empêcher de faire une connerie avant que je trouve une solution.

Elle me scruta un instant, comme si elle cherchait à deviner si je mentais.

— Tu me caches quelque chose.

— Évidemment.

— Putain, mais tu peux être clair, pour une fois ? s'emporta-t-elle.

Je me redressai, la fixant avec calme.

— Camila, tu n'as aucune idée de ce dans quoi tu as mis les pieds ce soir. Tu crois que tu peux comprendre, que tu peux contrôler la situation, mais ce monde ne fonctionne pas comme ça. Ce monde, c'est des choix. Des allégeances. Et tu viens de foutre un pied dans un terrain miné sans même t'en rendre compte.

Elle ouvrit la bouche, puis la referma, troublée.

— Tu fais partie de ce monde, toi.

Ce n'était pas une question.

Je ne répondis pas tout de suite.

— Oui.

Elle hocha lentement la tête, comme si elle essayait d'assembler les pièces du puzzle.

— Et mon père ?

Je la regardai droit dans les yeux.

— Tu veux des réponses ? Alors commence par me dire pourquoi tu étais là ce soir.

Elle entrouvrit les lèvres, puis les referma.

— Ce n'est pas important.

— Ça l'est pour moi.

Un silence s'installa entre nous.

Elle baissa légèrement les yeux, sa mâchoire crispée.

— Je voulais des réponses.

— Et tu pensais les trouver dans une soirée remplie de criminels ?

Elle ne répondit pas.

Puis, soudainement, elle se leva d'un bond.

— Je vais dormir.

Je haussai un sourcil, surpris par le brusque changement de sujet.

— La chambre est au bout du couloir.

Elle ne demanda pas laquelle. Elle se détourna simplement et disparut dans l'obscurité du couloir.

Je restai là, mon verre à la main, la fixant disparaître dans les ombres.

Elle était intelligente. Trop intelligente.

Et demain matin, elle voudrait encore plus de réponses.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top