58 : Familles & Amis

ISAAC

Je débarquai du bateau, les pieds fermement posés sur le port. Le vent était encore frais, mais il ne me dérangeait pas. Je laissai Camila quelques pas derrière moi, parlant à un homme qui attendait près de l'embarcadère, un gars qui devait prendre la relève du bateau. Nous échangeâmes quelques mots de remerciement, et je lui tendis la main avant de reprendre le sac de Camila.

Je lui lançai un regard, un léger sourire aux lèvres. Elle était là, tranquille, observant le paysage.

— Alors, qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Je te ramène chez toi ou tu viens chez moi ? C'est toi qui choisis.

Elle me regarda, son regard pensif. Elle sembla hésiter une seconde avant de répondre, presque comme si elle cherchait à peser ses mots.

— Je pense que je devrais aller chez moi... récupérer quelques affaires. Je dois m'organiser un peu pour aller chez toi, dit-elle finalement, avec une touche de pragmatisme dans la voix.

Je ne pus m'empêcher de sourire en l'entendant. Ça me faisait sourire de voir à quel point elle était pratique et réfléchie, même après tout ce qu'on avait partagé.

Le trajet vers chez elle se passa dans une relative tranquillité. Nous roulions sous un ciel légèrement nuageux, mais il y avait une certaine chaleur qui régnait dans l'air, un contraste agréable avec la fraîcheur du matin. Le moteur de la voiture ronronnait doucement, et la conversation, bien que sporadique, était confortable.

Camila me regardait de temps en temps, puis détournait le regard, semblant perdue dans ses pensées. Je n'avais pas besoin de parler constamment pour ressentir la complicité qui s'était installée entre nous. La musique de fond, douce et discrète, accompagnait nos silences, et l'atmosphère était calme, presque paisible.

Je jetais des coups d'œil à la route, puis à elle, appréciant sa présence sans vraiment chercher à combler chaque instant de silence. Elle semblait sereine, et cela me rassurait, comme si, malgré tout ce qui pouvait se passer autour, nous étions dans notre propre bulle.

— Tu te sens bien ? demandai-je finalement, juste pour briser la tranquillité.

Elle hocha la tête en souriant.

— Oui, ça va. Je suis juste... un peu fatiguée. Mais c'est agréable d'être ici avec toi, répondit-elle, sa voix douce et calme.

Je souris sans répondre, me contentant de la regarder un instant avant de me concentrer de nouveau sur la route. Le trajet était court, mais c'était comme si chaque kilomètre parcouru renforçait ce lien qui grandissait doucement entre nous. La tension de la journée, de nos conversations, de tout ce qui avait été dit ou non, se dissipait lentement, comme si nous étions déjà en train de créer un rythme qui nous était propre.

Je m'arrêtais juste devant son immeuble, la voiture ralentissant avant de se garer. Avant même que j'aie eu le temps de dire quoi que ce soit, Camila avait déjà ouvert la portière et se dirigeait vers les portes, comme si tout cela n'avait aucune importance.

— Bon, allons-y, dit-elle simplement, un sourire en coin.

Je la suivis, un peu plus lentement, en réfléchissant à ce qui allait suivre. Mais pour l'instant, j'étais là, à ses côtés, et c'était tout ce qui comptait.

Lorsque nous sommes arrivés devant la porte de l'appartement, je me suis immédiatement senti mal à l'aise. La porte était entrouverte, et quelque chose dans l'air me mettait en alerte. J'ai échangé un regard avec Camila, qui n'avait pas encore remarqué, et j'ai fait signe de me suivre, le cœur battant plus vite.

En entrant, la pièce qui nous attendait était loin d'être celle d'un appartement tranquille. Le désordre m'a frappé en plein visage : les meubles renversés, les coussins du canapé éparpillés un peu partout, et des objets de valeur déplacés sans ménagement. Rien ne laissait supposer un simple cambriolage.

Je me suis tourné vers Camila, son visage blême et son regard perdu. Elle s'avança prudemment dans le salon, ses yeux scrutant chaque recoin. Puis, en voyant l'étendue du chaos, elle s'arrêta net. Je pouvais voir la confusion et la peur se lire clairement sur ses traits.

— Mais qu'est-ce qui... ? C'est quoi ce bordel ? murmura-t-elle, sa voix tremblante, perturbée.

Je me suis approché d'elle, analysant la scène. Quelque chose clochait. Camila s'agenouilla près de la table basse, touchant un petit objet cassé. C'était une photo de famille, la vitre brisée.

— Je... je ne comprends pas, dit-elle, sa voix se brisant presque. C'est... C'est comme si quelqu'un voulait m'envoyer un message.

Elle se leva brusquement, et ses yeux se fixèrent sur la porte de son bureau, qui était grande ouverte. Une autre pièce que je n'avais pas remarquée tout de suite. Elle s'approcha lentement et constata qu'une étagère avait été renversée, des papiers éparpillés partout, comme si quelqu'un avait cherché quelque chose de précis.

— Tu crois que quelqu'un te cherche ? demandai-je, même si je n'étais pas sûr de ce qui venait de se passer.

Elle secoua la tête, visiblement désorientée, essayant de se convaincre que ce n'était pas possible. Mais ses yeux trahissaient une peur qu'elle n'arrivait pas à dissimuler.

La situation devenait de plus en plus tendue. Après avoir fait un tour complet de l'appartement et vu l'étendue du désordre, Camila s'était assise sur le canapé, le regard dans le vide. Elle semblait perdue dans ses pensées, et je savais que, tout comme moi, elle n'arrivait pas à comprendre ce qui venait de se passer. Trop de questions sans réponse.

Finalement, elle attrapa son téléphone, hésitante, et composa le numéro de son père. Je la regardais en silence, mes pensées en ébullition. J'avais l'impression que ce n'était pas un simple incident. Cela semblait plus grave, bien plus personnel.

Je l'entendis murmurer, puis il y eut une pause, avant que son père ne réponde. Elle écouta attentivement, son visage se fermant de plus en plus au fur et à mesure de la conversation. Ses yeux s'écarquillèrent, et elle souffla doucement.

— Papa, mais... est-ce que ça a fuité ? Est-ce que tout le monde sait où je vis ? répondit-elle, sa voix tremblante.

Je m'approchai discrètement, tendant l'oreille, mais je ne pouvais que deviner la conversation. Elle acquiesça à plusieurs reprises, sa nervosité grandissant à chaque réponse.

— C'est... c'est Jake. Il a dû faire fuiter mon adresse, dit-elle en se frottant les tempes, épuisée par la révélation. Et des gens... des gens qui ne nous aiment pas trop sont venus pour s'en prendre à moi.

Je pouvais voir l'angoisse se peindre sur son visage, malgré ses tentatives de rester calme. Son père, sûrement déjà en train de réfléchir à ce qu'il pouvait faire, lui lança quelques mots réconfortants, mais je savais que ça ne la rassurait pas. Elle était effrayée, et il n'y avait rien que ses mots puissent changer.

— Donne-moi ça, dis-je calmement, mais d'un ton ferme.

Elle hésita une fraction de seconde, puis me tendit le téléphone. Je pris une grande inspiration avant de m'adresser à son père, d'une voix calme mais résolue.

— Oui, c'est Isaac, dis-je. Oui... Non... Très bien. On est partis deux jours. Oui, elle va bien...

Je laissai son père répondre, me contentant de quelques hochements de tête et de réponses courtes. Je savais ce qu'il pensait, et j'avais déjà pris ma décision.

— Oui, je vais m'occuper de ça. Je vous tiendrai informé, répondis-je fermement, avant de raccrocher sans attendre une réponse.

Je tendis le téléphone à Camila, qui attendait avec appréhension. Elle semblait soulagée de voir que j'avais pris les choses en main, mais la tension était toujours palpable.

— Allez, va chercher tes affaires. On rentre chez moi.

Elle parut hésiter un instant, mais, après un dernier regard vers l'appartement dévasté, elle se leva. Son esprit était visiblement envahi par mille pensées, mais elle savait qu'elle n'avait pas d'autre choix que de me suivre.

Elle se dirigea vers la chambre pour rassembler ses affaires, et je restai là, pensif. Peu importe ce qui se passait, ce qui comptait, c'était qu'elle soit en sécurité. Et je comptais bien m'assurer qu'elle le soit, coûte que coûte.


Lorsque nous sommes arrivés chez moi, l'ambiance était bien différente de celle de son appartement. Camila sembla un peu plus détendue, mais une tension palpable flottait toujours autour d'elle. Elle se glissa à l'intérieur sans un mot, comme si elle avait besoin de retrouver un semblant de normalité, mais ses pensées semblaient toujours ailleurs. Elle s'arrêta un instant, un peu perdue dans ses réflexions, ses yeux balayant le salon.

Elle se tenait là, au milieu de la pièce, comme si chaque coin lui rappelait des souvenirs d'un autre temps, avant que tout cela ne prenne une tournure aussi complexe. Je la laissai un moment dans sa transe, m'installant dans le canapé tout en la surveillant discrètement. Puis, comme si un bruit l'avait tirée de ses pensées, son téléphone vibra dans sa poche. Elle le sortit, et je vis ses yeux s'assombrir légèrement en voyant l'écran.

Elle hésita une seconde avant de décrocher, probablement parce qu'elle savait que les appels allaient se multiplier. En l'entendant murmurer « Allô », je savais que c'était probablement ses proches qui s'inquiétaient. Son visage s'adoucit légèrement à mesure qu'elle écoutait, mais je pouvais voir que l'anxiété ne la quittait pas.

Je n'entendis que des bribes de la conversation, mais il était clair que ses amis et sa famille étaient au courant de la situation. Les questions fusaient : "Est-ce que ça va ?", "Tu es en sécurité ?", "Que s'est-il passé exactement ?". Camila les rassura comme elle le pouvait, mais je voyais bien que ça n'était pas suffisant pour apaiser la vague de stress qui déferlait en elle.

Je restai là, les bras croisés, observant en silence. Elle posa son téléphone sur la table basse après quelques minutes. Un soupir lourd s'échappa de ses lèvres.

— Ils s'inquiètent tous, dit-elle, son regard fixé sur le téléphone. Ça ne va pas s'arrêter, hein ?

Je secouai la tête, me levant pour me rapprocher d'elle.

— Non, ça ne va pas s'arrêter. Mais on va gérer ça. Tu n'es pas seule.

Elle tourna lentement la tête vers moi, ses yeux cherchant à déchiffrer ce que j'essayais de dire. Elle souffla doucement, se détournant du téléphone, et me fixa, son regard passant de la tension à une forme de surprise, comme si elle ne s'attendait pas à ce que je me soucie autant d'elle. Un léger sourire se dessina sur ses lèvres, mais il était difficile de dire s'il était plein de gratitude ou de défi.

— Tu sais, peu importe qui ils auraient été, je les aurais tous défoncés, dit-elle, d'une voix qui, même si elle était calme, trahissait une confiance inébranlable. C'est pas du tout mon genre de me laisser faire.

Je ris légèrement, secouant la tête en la regardant, amusé par sa réponse, mais aussi impressionné par sa force.

— J'imagine que tu aurais bien géré la situation, dis-je en souriant, mais plus sérieusement... Si ça avait été plusieurs, comment tu t'y serais prise ?

Elle me regarda un instant, les yeux brillants de détermination.

— Ça ne me dérange pas, répondit-elle sans hésitation. Je les aurais tous mis à terre, un par un. T'as oublié comment on s'est battus la dernière fois ?

Elle se redressa, sa posture devenant plus assurée, et je sentis une nouvelle vague de respect pour elle. Elle n'était pas du genre à reculer, peu importe les circonstances. Ses paroles avaient un ton défiant, mais il y avait aussi quelque chose de profond, une conviction qui ne laissait place à aucun doute.

— Tu sais, je suis une femme forte, dit-elle, en croisant les bras. Je n'ai peur de personne, et encore moins des types qui se seraient introduits chez moi, même si ce sont des soldats ou des gens lambdas.

Je ne pus m'empêcher de sourire à nouveau. Elle avait cette aura de force tranquille qui, loin de m'intimider, me fascinait. Elle n'était pas du genre à s'apitoyer sur son sort. Et je savais qu'aucune situation ne la ferait plier.

— C'est ça que j'aime chez toi, dis-je, me rapprochant d'elle avec un sourire. Tu n'as pas peur de quoi que ce soit. Même pas des pires situations.

Elle haussait légèrement les épaules, comme si c'était une évidence.

— Parce que j'ai pas de raison d'avoir peur. J'ai traversé des trucs bien plus durs, et ça m'a forgée. Et puis... tu crois que je vais laisser un petit groupe de gens venir chez moi et me faire peur ?

Elle secoua la tête, presque amusée par l'idée. Elle était indomptable. Et même dans cette situation où l'on pourrait s'attendre à ce qu'elle soit brisée, elle était plus forte que jamais.

Je la regardai un instant, admirant cette force intérieure qui ne cessait de m'étonner.

— Tu sais, j'aime beaucoup cette attitude, dis-je doucement, la regardant droit dans les yeux. Mais si tu crois que tout ça est fini, tu te trompes. On va devoir être encore plus vigilants.

Elle hocha la tête, un léger sourire en coin.

— Je sais, Isaac. Et si ça revient, je serai prête.

Je n'avais aucun doute là-dessus. Elle n'était pas seulement prête à se battre pour elle-même, mais elle allait aussi me permettre de la soutenir dans cette guerre, qu'elle ait lieu ou non. C'était un sentiment étrange, mais je savais que nous allions traverser ça ensemble. Et je n'avais aucune intention de la laisser affronter quoi que ce soit toute seule.

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