56 : Confidence



Je m'étais isolé dehors, laissant Camila dormir à l'intérieur après nos ébats. Le calme de la nuit et la brise marine m'avaient attiré ici, même si mes pensées refusaient de s'apaiser. Une cigarette entre les doigts, je fixais la mer au loin, ses vagues à peine visibles sous l'obscurité qui commençait à céder face à l'aube.

On s'était endormis tard, très tard. J'étais allongé, incapable de vraiment fermer l'œil. Et maintenant, le soleil commençait à se lever, projetant une lumière douce sur l'horizon.

Je la pensais profondément endormie, mais le bruit léger de ses pas m'a fait tourner la tête.

Elle est apparue, les yeux encore alourdis de son manque de sommeil, mon t-shirt tombant nonchalamment sur elle, dévoilant ses jambes nues. Ses cheveux en bataille lui donnaient une allure désinvolte, mais terriblement séduisante. Elle avait ce truc, cette façon d'être, même à moitié endormie, qui me retournait complètement.

Sans un mot, elle s'est approchée, posant une main légère sur mon bras avant de s'asseoir à mes côtés.

Elle posa sa tête contre mon épaule, laissant sa main glisser doucement sur mon bras. Je sentis son regard sur moi, même si elle ne disait rien. C'était toujours comme ça avec elle : elle n'avait pas besoin de parler pour que je comprenne qu'elle était là, qu'elle m'écoutait, même en silence. Le soleil montait lentement, baignant la scène d'une lumière dorée, mais mes pensées restaient lourdes, indécises.

— Ça va ? demanda-t-elle d'une voix encore un peu rauque de sommeil.

Je tirai une dernière bouffée de ma cigarette avant de l'éteindre dans le cendrier à côté de moi.

— Oui, ça va, répondis-je doucement, sans trop de conviction.

Elle leva les yeux vers moi, plissant légèrement les paupières pour me scruter.

— Alors, à quoi tu penses ?

Je laissai échapper un soupir, fixant à nouveau l'horizon.

— À tout et à rien, dis-je finalement. La mer, la nuit, toi...

Je tournai la tête vers elle, croisant son regard. Elle me fixait toujours, attentive, comme si elle attendait que je dise autre chose.

— Et à quel point j'ai de la chance, ajoutai-je avec un sourire en coin, effleurant sa joue du bout des doigts.

Elle roula des yeux, mais son sourire tendre la trahit.

— Tu devrais retourner te coucher, murmurai-je.

— Pas sans toi, répliqua-t-elle en s'accrochant un
peu plus à mon bras.

Je souris, incapable de lui résister, et la tirai doucement contre moi pour la réchauffer un peu plus. Elle restait silencieuse à mes côtés, sa présence apaisante, mais je sentais son regard sur moi, attendant que je parle.

— Allez parle moi. Peut-être que je pourrais te conseiller.

— Je sais pas, Camila, commençai-je finalement, ma voix basse. Parfois, je me demande si tout ça a encore un sens.

Elle fronça légèrement les sourcils, mais ne m'interrompit pas.

— Mon boulot, la police... tout ça. Je veux dire, regarde autour de nous. On est censés représenter quelque chose de propre, d'intègre, mais à chaque fois que je gratte un peu, je découvre que c'est corrompu jusqu'à la moelle.

Je secouai la tête, frustré, et lâchai un rire amer.

— Même moi, parfois, je me demande si je suis pas en train de devenir comme eux.

Camila posa une main sur mon bras, m'obligeant à la regarder.

— T'es pas comme eux, Isaac. Si tu te poses la question, c'est justement parce que tu te bats pour ne pas l'être.

Je haussai les épaules, le regard perdu.

— On m'a proposé un poste de formateur. Un truc plus tranquille, où je pourrais transmettre ce que je sais. Je pourrais m'éloigner de tout ça, mais...

Je marquai une pause, hésitant.

— Mais si je fais ça, je vais devoir m'opposer à ma sœur. Elle veut reprendre le travail de mon père, et je peux pas la laisser faire. Je peux pas la laisser plonger là-dedans.

Camila hocha lentement la tête, réfléchissant à mes mots.

— Tu crois que c'est ton rôle ? demanda-t-elle doucement.

— Je sais pas, soufflai-je. Mais quelqu'un doit l'arrêter.

Elle resta silencieuse un instant, puis reprit.

— Tu sais, toi et moi, on se ressemble plus que tu crois. Mon père, c'est un homme puissant, un... "mafieux", comme les gens le disent. Et je l'accepte, parce que c'est ma famille, mais ça veut pas dire que je cautionne tout.

— James, lui, c'est différent. Il n'est pas les autres. Il a réussi à se faire un nom dans ce milieu-là, mais il y a des lignes qu'il ne franchit pas, enfin qui a arrêté de franchir. Il est respecté, mais pas parce qu'il fait peur ou qu'il achète les gens. C'est la personne à ne pas toucher, et il le sait.

Elle me fixa, ses yeux brillants de ma sincérité.

— Peut-être que toi aussi, tu dois trouver cette ligne. Tes convictions, c'est ce qui te rend différent. Si tu penses que ton rôle, c'est d'empêcher ta sœur de continuer, alors fais-le. Mais réfléchis à ce que ça te coûte.

Je restai silencieux, absorbant ses mots. Elle avait raison. Comme toujours. Mais ça n'allégeait pas le poids sur mes épaules.

— Et qu'est ce que tu me conseilles vraiment au fond de toi ?

— Tu veux vraiment savoir mon avis ?

— Oui. Je veux savoir l'avis de la Camila stratège.

Elle resta silencieuse un moment, comme si elle pesait chaque mot avant de parler. Puis, elle se redressa légèrement, ses yeux brillant d'une lueur sérieuse.

— Écoute, Isaac, dit-elle calmement. Si j'étais ta sœur, si c'était moi, une femme, qui voulait reprendre ce genre de business, je n'aurais pas aimé qu'un homme vienne se mettre en travers de mon chemin. Et encore moins en travers de mon business.

Je fronçai les sourcils, mais je la laissai continuer.

— Si tu veux vraiment l'arrêter, ce n'est pas en lui faisant face que tu y arriveras. Les femmes... on ne fonctionne pas comme ça. Si tu t'opposes frontalement, elle se braquera. Elle verra ça comme une attaque, une façon de lui dire qu'elle n'est pas assez forte, qu'elle n'est pas capable.

Elle s'appuya contre moi, sa main glissant doucement sur mon bras pour capter mon attention.

— La seule façon pour toi de l'empêcher de continuer, c'est de penser comme une femme. Et ça, Isaac, toi, tu ne peux pas le faire.

Je haussai un sourcil, intrigué, mais elle n'hésita pas.

— Moi, si j'étais à ta place, je ne la combattrai pas directement. Je ne me mettrais pas sur son chemin. Je lui ferais croire qu'elle avance, qu'elle a le contrôle, et pendant ce temps, je démonterais tout ce qu'elle construit. Pièce par pièce. Dans l'ombre.

Je restai silencieux, absorbant ses paroles, tandis qu'elle poursuivait.

— Tu dis que t'as peur qu'elle devienne comme ton père, qu'elle construise un empire comme lui. Alors, ne la laisse pas faire. Mais ne la confronte pas. Trouve ses failles, ses alliés, ses plans, et fais en sorte que tout s'effondre sans qu'elle comprenne d'où ça vient.

Je la fixai, partagé entre l'admiration et l'appréhension face à sa froide logique.

— Ce que je te dis, c'est pas joli, Isaac, reprit-elle, son ton adouci. Mais si t'as vraiment ces convictions, si tu crois que c'est ton rôle de l'arrêter, alors tu dois réfléchir comme elle. Pas comme toi.

Elle se pencha légèrement, plantant son regard dans le mien.

— Parce qu'il n'y a qu'une femme qui peut penser comme une femme.

Je restai silencieux, ses mots tournant en boucle dans ma tête. Elle avait raison. Ça n'allait pas me plaire, mais si je voulais vraiment protéger ma sœur, il fallait que je sois prêt à me salir les mains.

Je la regardai, complètement fasciné. Son sérieux, sa manière de peser chaque mot tout en me balançant la vérité sans détour... c'était bordéliquement sexy.

— T'es vraiment quelque chose, Camila, soufflai-je avec un sourire en coin. Tu parles comme si t'avais déjà monté un empire toi-même.

Elle haussa un sourcil, amusée, mais ne dit rien, me laissant continuer.

— On voit clairement l'influence de ton père dans ta façon de réfléchir. Ce calme, cette logique implacable... T'es comme lui, mais avec un charme qui te rend...

Je m'arrêtai, cherchant le bon mot.

— ... Irrésistible, murmurai-je finalement.

Elle roula des yeux, mais le coin de ses lèvres se releva légèrement.

— T'es mignon, Isaac, dit-elle doucement. Mais tu devrais surtout écouter ce que je te dis.

Elle planta son regard dans le mien, sérieuse à nouveau.

— Si tu veux vraiment protéger ta sœur, arrête de penser comme un flic ou comme un grand frère. Pense comme quelqu'un qui veut gagner. Parce que c'est ce qu'elle fera.

Je hochai la tête, incapable de détourner les yeux d'elle. Sexy, brillante, et dangereusement perspicace. Elle avait peut-être raison.

Le silence entre nous se fit apaisant, tandis que nous observions ensemble le lever du soleil. Les premières lueurs de l'aube éclairaient lentement la mer, projetant des reflets dorés qui dansaient sur l'eau. Je pouvais sentir la chaleur du matin commencer à nous envelopper, mais c'était surtout la proximité de Camila qui me réchauffait.

Elle brisa finalement le silence, sa voix calme mais pleine de curiosité.

— Et à notre retour en ville, comment ça va se passer entre nous ? Est-ce qu'on assume vraiment ce qu'on est, ou on continue à jouer à ce petit jeu ?

Je la regardai, un sourire en coin.

— On verra bien à notre retour, répondis-je, me laissant aller à un ton léger. Après tout, tu as loupé le coche hier pour accepter ma demande officielle.

Elle roula des yeux, amusée, mais je pouvais voir une lueur d'intrigue dans son regard.

— Alors refais-la, dit-elle en haussant les sourcils, comme si c'était si simple.

Je lui jetai un regard espiègle, me levant lentement pour m'étirer, avant de me tourner vers elle.

— Je sais pas, répliquai-je avec un sourire en coin prenant une expression faussement dure. Peut-être que je devrais vraiment réfléchir à ce que je gagne dans l'histoire si je te demande à nouveau.

Elle se redressa légèrement, un sourire en coin, et me répondit, un peu taquine.

— Mais si tu emménageais avec moi, je te ferais ma proposition.

Elle resta un instant silencieuse, l'air incrédule, avant de secouer la tête, un sourire mi-amusé, mi-exaspéré sur les lèvres.

— T'es pas croyable, Isaac.

— Quoi ? fis-je, faussement innocent, en haussant les épaules. C'est un bon deal, non ?

Elle croisa les bras, me fixant comme si j'étais en train de perdre la tête.

— C'est un mauvais chantage, plutôt.

Je ris doucement, amusé par son expression, mais je voyais bien qu'elle n'était pas totalement fermée à l'idée.
Je lui jetai un regard espiègle, me levant lentement pour m'étirer, avant de me tourner vers elle. Je tendis ma main vers elle, un geste simple mais chargé d'une invitation implicite.

— Viens, on va marcher un peu.

Elle hésita une seconde, mais finit par glisser sa main dans la mienne. Je la tirai doucement pour l'aider à se lever, et nous nous éloignâmes lentement, pieds nus sur le sable encore frais. Le silence entre nous était paisible, interrompu seulement par le bruit des vagues.

Nous parlions de tout et de rien, nos voix se mêlant à l'air. À un moment, elle mentionna sa sœur, Klara, son mariage et ses règles qu'elle trouvait bizarre.

— Elle t'a invité au mariage au faite, dit-elle, presque en passant.

Je tournai la tête vers elle, surpris.

— Ah oui ?

Elle haussa les épaules, un sourire énigmatique sur le visage.

— Ouais, elle a hâte de nous voir ensemble. Elle est... curieuse, disons.

— Ça, je peux l'imaginer. J'ai jamais été à un mariage, dis-je en riant doucement.

Camila tourna la tête vers moi, visiblement surprise.

— Jamais ? Même pas un mariage de collègues ou de vieux amis ?

Je secouai la tête.

— Non. Disons que les gens que je fréquente ne sont pas vraiment du genre à se marier...

Elle haussa un sourcil, intriguée, avant de sourire.

— Alors, ce sera une première pour toi.

— Apparemment, ouais, répondis-je, un brin amusé. Mais attends, c'est quoi ces "règles bizarres" dont tu parlais ?

Elle leva les yeux au ciel, son expression trahissant son exaspération amusée.

— Klara a décidé qu'il n'y aurait pas d'enfants au mariage. Elle trouve ça "trop bruyant".

— Pas d'enfants ? C'est... original.

— Original, ouais. Ridicule, surtout.

Je haussai les épaules, réfléchissant à ses mots.

— Et toi, t'en penses quoi ?

Elle tourna la tête vers moi, plissant légèrement les yeux, comme si elle cherchait à gagner du temps.

— De quoi ?

— D'avoir des enfants, dis-je simplement, sans détour.

Son expression changea instantanément. Elle sembla prise de court, son regard se perdant dans l'horizon. Pendant un instant, elle resta immobile, comme si elle pesait ses mots. Puis, sans prévenir, elle tourna les talons et s'éloigna.

— Camila ?

Elle ne répondit pas. Ses pieds s'enfonçaient légèrement dans le sable tandis qu'elle s'éloignait d'un pas rapide, comme si elle voulait mettre de la distance entre nous et la conversation.

Je la regardai partir, un sourire mi-amusé, mi-incrédule sur le visage.

— Sérieusement ? murmurai-je pour moi-même, secouant la tête.

Je n'essayai pas de la suivre. Puis, elle se mit à courir.

— Cam, allez reviens.

Mais à peine avait-elle parcouru quelques mètres que son pied glissa dans un trou, et elle perdit l'équilibre, tombant à plat ventre dans le sable.

Je n'arrivai pas à me retenir et laissai échapper un rire.

— Tout va bien ? Tu n'as pas eu mal ? Dis-je en l'examinant.

Elle se redressa lentement, ses cheveux pleins de sable, et me lança un regard noir depuis l'endroit où elle était tombée.

— C'est pas marrant, Isaac ! cria-t-elle, visiblement embarrassée.

Je ris encore plus, levant les mains en signe d'innocence.

— Je suis désolé, mais... c'est un peu marrant.

— Viens m'aider au lieu de te moquer, idiot !

Je marchai vers elle, un sourire toujours accroché à mon visage, et tendis une main pour l'aider à se relever.
— La prochaine fois, affronte la question au lieu de t'enfuir, dis-je en retenant un autre rire.

— Je préfère tomber que de répondre, rétorqua-t-elle en secouant le sable de ses vêtements.

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