53 - Sous les regards
CAMILA
Je ferme doucement la porte de ma chambre derrière moi, prenant une profonde inspiration pour retrouver un semblant de calme. Quelques minutes plus tôt, Isaac m'a quittée, un sourire satisfait accroché à ses lèvres, me laissant seule avec mon cœur battant à tout rompre. Ses derniers mots, un murmure à mon oreille avant de s'éclipser, résonnent encore dans ma tête :
— À plus tard lionne.
Je secoue légèrement la tête pour me reprendre et commence à me diriger vers l'extérieur. Mais à peine ai-je fait quelques pas que je tombe sur ma sœur, Klara, qui m'attend avec un regard curieux et les bras croisés.
Elle me fixe, un sourire en coin, avant de lever un sourcil interrogateur.
— C'était quoi ça ? demande-t-elle, perplexe, tout en portant sa paille à ses lèvres pour siroter son verre.
Je tente de jouer la carte de l'innocence.
— De quoi c'était quoi ? dis-je en détournant les yeux et en reprenant mes esprits.
— Ce sourire et ce petit bruit là... Tu viens de glousser ou je rêve ? Dit-elle en agitant son doigt dans ma direction.
Je lève les yeux au ciel, feignant l'agacement.
— Moi ? Glousser ? N'importe quoi...
— Si, Camila, insiste-t-elle, son regard perçant comme toujours.
— Non, c'est faux.
Klara plisse les yeux, comme si elle cherchait à me percer à jour. Puis, tout à coup, elle commence à regarder autour d'elle, cherchant un indice invisible. Son regard se pose exactement là où Isaac se trouvait quelques minutes auparavant.
— C'est pas vrai... dit-elle, son regard s'illuminant d'une manière qui me donne envie de disparaître. Vous l'avez fait.
— Quoi ? dis-je, feignant la surprise, mais le rouge qui monte à mes joues me trahit immédiatement.
— Vous avez fait la chose.
— Ok, je compte pas parler de ça avec ma grande sœur. C'est dégoûtant, dis-je en la dépassant rapidement, espérant mettre fin à cette conversation embarrassante.
Mais elle me suit de près, un sourire moqueur collé au visage.
— Ce n'est pas moi qui suis dégoûtante, Camila, c'est la chose que vous avez faite qui l'est, dit-elle en éclatant de rire.
Je me retourne, les bras croisés, exaspérée.
— Arrête, j'ai dit que je voulais pas en parler.
— Parler de quoi ? intervient une voix familière.
Nous sursautons toutes les deux et nous tournons pour voir notre mère, qui nous regarde avec curiosité.
— Rien, disons-nous en même temps, presque trop rapidement pour ne pas paraître suspectes.
Elle nous observe un instant, plissant légèrement les yeux, mais elle ne pousse pas plus loin et continue son chemin. Je souffle discrètement, soulagée.
Klara, cependant, me lance un dernier regard taquin avant de murmurer.
— Ce n'est que partie remise, petite sœur.
Je l'ignore et rejoins le groupe de femmes rassemblées sous un grand parasol. Autour de la table se trouvent ma mère, Klara, Gabriella, la femme de Geordy, et Marie, la nouvelle femme de Franck. Elles discutent joyeusement de l'organisation du mariage de Klara, les idées fusant dans tous les sens.
— Je pense qu'on devrait opter pour des fleurs blanches et dorées, ça irait parfaitement avec la salle, propose Gabriella.
— Oui, mais le doré peut vite faire trop tape-à-l'œil. Peut-être quelque chose de plus subtil, comme de l'ivoire et du vert sauge ? suggère Marie.
Je tente de suivre la conversation, mais mon esprit est ailleurs. Mon regard, presque instinctivement, dérive vers Isaac, qui est resté avec les autres hommes. Il est debout, un verre à la main, et rit à une blague que Geordy vient de faire.
Il lève soudain les yeux et croise mon regard. Une chaleur familière monte en moi alors qu'il me fixe avec cette intensité qui me fait perdre mes moyens. Je détourne rapidement les yeux, mais un sourire s'échappe malgré moi.
Klara, qui est assise à côté de moi, remarque immédiatement mon comportement.
— T'es pas un peu distraite, là ? me glisse-t-elle à voix basse.
Je ne réponds pas, mais je sens son regard insistant. Gabriella et Marie continuent de discuter des détails de décoration, mais je suis incapable de me concentrer. Chaque fois que je tente de me reconcentrer sur la conversation, mes yeux reviennent vers Isaac. Et à chaque fois, il est déjà en train de me regarder.
Ce petit jeu de regards ne passe pas inaperçu auprès de Klara, qui secoue doucement la tête, un sourire amusé sur les lèvres.
— On ne pourra rien tirer de toi aujourd'hui, hein ? murmure Klara en reprenant son verre, un sourire en coin.
Je fais mine de ne pas l'entendre, fixant distraitement la table devant moi, mais au fond, je sais qu'elle a raison. Mes pensées sont ailleurs, et elles ont un nom. Isaac.
Klara me regarde un moment, puis se penche légèrement vers moi, comme si elle allait me confier un secret.
— Tu sais, dit-elle doucement, tu as le droit à un plus un au mariage.
Je relève les yeux vers elle, intriguée.
— Lara ne compte pas, ajoute-t-elle en haussant les épaules. Je la considère déjà comme un membre de la famille. Alors, ramène-le.
Mon cœur rate un battement. Elle n'a pas besoin de préciser de qui elle parle. Je sens mes joues chauffer légèrement, et je détourne les yeux, tentant de masquer mon trouble.
— Je ne vois pas de quoi tu parles, dis-je avec un petit sourire ironique, espérant clore la discussion.
Klara arque un sourcil, clairement pas convaincue.
— Camila, arrête. Tu penses vraiment que je ne vois pas ce qui se passe entre vous ? Vous vous regardez comme si le monde entier pouvait s'effondrer autour de vous que ça n'aurait aucune importance.
— Tu exagères.
— Je n'exagère jamais, dit-elle avec un sourire taquin. Écoute, si c'est sérieux, et à voir comment tu te comportes aujourd'hui, je dirais que ça l'est alors amène-le.
Je pince les lèvres, cherchant une réponse.
— Ce n'est pas si simple, murmuré-je finalement.
Klara pose sa main sur la mienne, son regard soudain plus sérieux.
— Rien ne l'est jamais avec nous, Camila. Tu le sais mieux que personne. Mais si c'est quelqu'un qui te rend heureuse, quelqu'un qui peut tenir tête à tout ça... alors il mérite d'être là.
Ses mots me touchent plus que je ne veux l'admettre. Je hoche la tête légèrement, incapable de répondre tout de suite. Klara me connaît trop bien, et malgré nos taquineries constantes, elle sait toujours trouver les mots pour me rappeler ce qui est important.
— Je vais y réfléchir, dis-je enfin, ma voix plus douce.
Klara sourit, satisfaite, et reprend son verre.
— Fais ça, petite sœur. Et arrête de te perdre dans ses yeux, sinon tout le monde va le remarquer avant même que tu ne prennes ta décision.
Je ris doucement, cette fois incapable de nier.
Le jardin est animé par les rires et les conversations. Les moments comme celui-ci, où toute la famille se réunit, sont rares, mais précieux. Mais malgré cette apparence normalité, il y avait des détails que personne d'extérieur ne pourrait ignorer.
Les gardes étaient là, comme toujours. Discrets, mais omniprésents. Postés près des entrées, le long des murs, et à quelques points stratégiques du domaine, ils veillaient, silencieux et impassibles. Leurs silhouettes en costume sombre et leurs regards perçants étaient un rappel constant que cette réunion familiale, bien que chaleureuse, n'était pas celle d'une famille ordinaire.
Je suis assise près de Klara, mais mon attention est ailleurs. Isaac est à quelques mètres, debout avec Geordy et Franck, son regard qui dérive souvent dans ma direction. Chaque fois que nos yeux se croisent, je sens une chaleur familière monter en moi.
Alors que la discussion continue, Gabby, ma tante, arrive enfin avec Olivier, son fils, et Zack. Olivier est tout sourire, lançant des salutations bruyantes à tout le monde, tandis que Zack traîne un peu derrière, les mains dans les poches, fidèle à son caractère réservé depuis un certain temps déjà.
— Ah, les retardataires sont là ! s'exclame Klara en se levant pour embrasser Gabby.
— Oui, je sais, je sais, répond Gabby avec un sourire. Olivier voulait absolument s'arrêter pour acheter des bonbons. Je souris légèrement en regardant mon neveu.
Olivier lève les mains, un sac en papier à la main.
Zack s'installe tranquillement près de moi, hochant simplement la tête pour saluer les autres. Je lui lance un regard complice.
— Tu fais la tête ou tu es juste fatigué ? lui murmurais-je.
— Un peu des deux, répond-il en haussant les épaules. Il s'éloigne de moi ensuite pour aller retrouver ma mère et s'installe près d'elle.
La conversation reprend autour de nous, des sujets variés passant de la politique locale à des souvenirs d'enfance embarrassants. Isaac finit par s'asseoir à côté de moi une bière à la main, sa jambe frôlant la mienne. Mon cœur s'emballe, mais je fais semblant de ne rien remarquer. Pourtant, chaque fois que nos mains se rapprochent sur la table, il trouve un moyen de les frôler, presque imperceptiblement. Ce petit jeu me rend folle, mais je ne veux pas céder.
Isaac reste près de moi, alors que tous le monde s'était levé, son épaule frôlant la mienne et mon père s'adressait à tous le monde.
Mon père, debout au bout de la table, leva finalement son verre, attirant l'attention de tout le monde.
— Bon, écoutez, avant de passer à table ce soir je voulais dire quelques choses. dit-il d'une voix grave mais calme. C'est rare qu'on ait des moments comme ça. Alors profitez-en.
Un silence respectueux suivit ses paroles. Son ton était direct, presque froid, mais c'était sa manière à lui de montrer qu'il tenait à ces instants.
Ma mère, debout à ses côtés, intervint avec un sourire chaleureux.
— Ce qu'il veut dire, c'est qu'il est content de voir tout le monde ici, ajouta-t-elle en levant son propre verre.
Les rires fusèrent doucement autour de la table, allégeant l'atmosphère.
— À la famille, dit-elle.
— À la famille, répondîmes-nous tous en chœur, levant nos verres à notre tour.
Mais avant que tout le monde ne s'installe, Isaac se redresse légèrement, attirant l'attention sur lui.
— Désolé, James, dit-il avec ce calme qui lui est propre. Mais je vais devoir décliner l'invitation pour ce soir.
Un silence s'installe autour de la table, tous les regards se tournant vers lui.
— J'ai promis à Camila de l'emmener dîner, ajoute-t-il, sa voix posée mais sans équivoque.
Je sens mes joues s'embraser immédiatement, la chaleur montant jusqu'à mes oreilles. Tous les yeux sont maintenant sur moi, et je me maudis intérieurement pour ne pas savoir comment cacher mon trouble.
Lana, ma mère, éclate de rire en posant sa main sur la table.
— Enfin ! dit-elle en secouant légèrement la tête. Ça fait deux ans que vous tournez autour.
Je manque de m'étouffer, lançant un regard désespéré à klara, mais elle ne fait qu'échanger un sourire complice avec ma mère.
— Maman ! soufflais-je.
Klara, quant à elle, s'approche instinctivement de son fiancé, tentant visiblement de ne pas rire à haute voix.
Mon père que j'ose même pas regarder, reste silencieux, son expression tendue trahissant ses pensées. Mais il ne dit rien, se contentant de serrer les lèvres et de prendre une gorgée de son verre tandis que la mère lui tenait le bras.
Isaac, imperturbable, se tourne vers moi et tend sa main.
— On y va ? demande-t-il, sa voix douce mais ferme.
Je le regarde un instant, hésitant entre fuir ou rester, mais finalement, je glisse ma main dans la sienne. Son geste est simple, mais il en dit long. Il ne cache rien, et il n'a pas peur des regards autour de nous.
Alors qu'il m'aide à me lever, je sens les murmures commencer autour de la table, mais je n'y prête pas attention. Je garde les yeux baissés, mes joues toujours brûlantes, tandis qu'Isaac me guide vers la sortie.
Il pousse doucement la porte du jardin, et alors que nous marchons côte à côte dans l'allée, il serre ma main un peu plus fort.
— Pourquoi t'as fait ça ? demandais-je en tournant la tête vers lui, ma voix à peine audible au-dessus du bruit de nos pas sur le gravier.
Il me jette un regard en coin, un sourire en coin étirant ses lèvres.
— Fait quoi ?
Je plisse les yeux, sentant la chaleur de ma gêne remonter.
— Tu sais très bien ce que je veux dire, Isaac. Pourquoi leur dire ça devant tout le monde ?
Il s'arrête brusquement, me tirant légèrement par la main pour que je fasse face à lui. Ses yeux plongent dans les miens, et je sens mon cœur rater un battement.
— Juste pour voir ta réaction, répond-il enfin, sa voix basse et posée.
Je reste figée, un mélange d'agacement et de surprise me traversant.
— Sérieusement ? murmuré-je, ma voix oscillant entre reproche et incrédulité.
— Sérieusement, répète-t-il avec ce même sourire calme, mais ses yeux brillent d'une intensité qui me désarme. Et tu sais quoi ?
— Quoi ? dis-je presque malgré moi, incapable de détourner le regard.
Il relâche ma main, mais seulement pour effleurer mon menton du bout des doigts, son geste à la fois tendre et possessif.
— J'ai adoré ce que j'ai vu.
Je reste sans voix, sentant mes joues chauffer à nouveau sous son regard perçant. Je ne sais pas quoi répondre, alors je détourne les yeux, essayant de reprendre contenance.
Il prend une seconde, son regard se perdant brièvement vers le jardin illuminé derrière nous, avant de revenir sur moi.
— J'étais aussi curieux de voir comment ton père allait réagir, dit-il finalement, un éclat amusé dans les yeux.
— Tu voulais provoquer mon père ? demandais-je, entre la panique et l'incrédulité.
Il secoue la tête avec un léger rire.
— Pas provoquer. Juste... tester les limites, voir où je me situe.
Je cligne des yeux, abasourdie par son audace.
— Tu te rends compte qu'il aurait pu te fusiller du regard sur place, hein ?
— Oh, il l'a fait, répond Isaac en haussant un sourcil, un sourire tranquille sur les lèvres. Mais il n'a rien dit. Et ça, c'est un bon signe.
Alors qu'il serre doucement ma main dans la sienne et que nous continuons vers la voiture, je ne peux m'empêcher de me demander si Isaac cherche parfois délibérément à me rendre folle. Mais une chose est sûre : il a un don pour obtenir exactement ce qu'il veut.
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