50 - Un an sans toi

ISAAC

Ça fait un an. Un an que je suis parti sans un mot, sans un message. J'ai cru que ça allait être plus facile, mais chaque jour sans elle était un poids de plus sur mes épaules. Et pourtant, je savais que je devais le faire. La DEA m'avait dit de disparaître, de couper les ponts suite à mon acte de mettre fin à la vie de David. Ils avaient des doutes sur ma loyauté. Des doutes à cause de mon passé. Le passé que j'avais laissé derrière moi, mais qui ne m'avait jamais vraiment quitté. Ce monde, cette famille, ce nom. C'était trop dangereux pour elle. Trop risqué pour nous deux.

Au début, j'ai essayé de m'habituer à cette absence. De me concentrer sur mes missions, de me dire que tout ça finirait par avoir un sens. Mais chaque mission était une épreuve. À chaque fois que je me retrouvais dans des situations tendues, à infiltrer des groupes criminels ou à travailler sous couverture, je pensais à elle. À ses yeux, à son sourire, à la façon dont elle m'avait regardé le dernier soir qu'on avait passé ensemble.

La première mission après mon départ avait été difficile. Une mission sous couverture dans un réseau de trafiquants d'armes. J'avais dû jouer un rôle, m'impliquer dans un monde qui me dégoûtait. Mais à chaque fois, en revenant à la planque, je repensais à Camila. Comment elle allait ? Était-elle en sécurité ? Avait-elle retrouvé sa place après mon départ brutal ?

Puis il y a eu la mission en Colombie. J'ai dû infiltrer un cartel de drogue. Des semaines à me fondre dans ce monde sale, à faire semblant d'être un des leurs. Le seul moment où je trouvais un peu de paix, c'était quand je fermais les yeux, quand je m'imaginais à ses côtés, quand je me souvenais de la douceur de ses lèvres, de sa voix. Mais tout ça n'était qu'un rêve, un mirage qui s'éloignait dès que je rouvrais les yeux.

Le pire, c'était le silence. Aucun message, aucune nouvelle de sa part. Je savais qu'elle m'avait envoyé des textos, des appels, mais je ne pouvais pas répondre. Je ne pouvais pas lui dire que j'étais vivant, que je pensais à elle. J'étais censé être mort pour elle. Et peut-être que c'était mieux ainsi. Parce que chaque mot que j'aurais pu lui dire aurait fait mal. Lui dire que je ne pouvais pas revenir, que je devais m'éloigner, que je ne pouvais pas risquer de la perdre.

Et pourtant, elle ne quittait pas mes pensées. Elle était là, tout le temps, comme une ombre. Chaque mission, chaque mission réussie, me rappelait ce que j'avais perdu. Je l'avais laissée derrière moi. Et maintenant, tout ce que je voulais, c'était la retrouver. Mais je savais que ça ne serait pas simple. J'avais trahi sa confiance, j'avais disparu sans explication. Et maintenant, je devais réparer ça. Mais comment réparer un cœur brisé ?

Cela faisait une semaine que je suis revenu. Une semaine, et j'étais encore dans cet état étrange, entre l'angoisse et la frustration. Je savais qu'elle était là, quelque part, à quelques pas de moi. Mais je n'osais pas la voir. Pas encore. Je n'étais pas prêt à la confronter. Pas dans cet état. Pas avec tout ce que j'avais fait, avec tout ce que j'avais laissé derrière.

Je l'ai vue, ce matin-là. Elle était là, sur le trottoir, avec un autre homme. Un certain Jake après les recherches que j'avais faite sur lui. Elle semblait si... elle. Mais différente. Peut-être qu'elle avait changé, peut-être que le temps avait fait son travail, mais je pouvais voir dans ses yeux, dans son regard, que tout n'était pas aussi simple qu'avant. Elle était là, mais elle n'était plus mienne.

Je me suis arrêté un instant, juste pour l'observer. J'avais besoin de la voir, de savoir qu'elle allait bien, mais je n'étais pas prêt à la confronter. Pas encore. Je suis resté là, à la regarder, en me demandant ce qu'elle penserait de moi si elle savait que j'étais là, à quelques mètres d'elle. Si elle savait que je l'observais sans oser l'approcher. Mais je ne pouvais pas.

Elle est partie, et j'ai respiré, comme si je venais de me réveiller d'un mauvais rêve. Je ne pouvais pas la perdre, pas encore. Mais je savais qu'elle m'avait déjà perdu, et ça, ça me déchirait. Mais je devais faire ça, faire comme si je n'étais qu'un spectre dans sa vie, quelqu'un qui n'avait jamais existé. Peut-être que c'était mieux ainsi.

Une semaine après mon retour j'avais été convoqué par mes supérieurs. Ils avaient des informations, des rapports sur mes dernières missions, et ils voulaient me parler de mon avenir au sein de l'organisation. En entrant dans la salle, j'ai vu les visages familiers de mes supérieurs. Ils ne m'ont pas salué comme avant, comme s'ils savaient que quelque chose avait changé, mais que je n'étais pas encore prêt à en parler.

Ils m'ont proposé un poste. Un poste que je n'aurais jamais imaginé. Un poste de formateur. Ils m'avaient observé, écouté, et maintenant, ils voulaient que je transmette mon expérience. Que je forme les jeunes agents, qu'ils soient prêts à affronter ce que j'avais vécu, ce que j'avais fait. Ce qui faisait aussi de moi le plus jeune formateur au sein de l'organisation. Ce poste n'était pas celui que j'avais imaginé pour moi. Je pensais que j'allais retourner sur le terrain, que je devais prouver à nouveau ma loyauté, mais au lieu de ça, ils me proposaient de prendre un rôle de mentor, de guide. Ils connaissaient mon passé, ils savaient qui j'étais. Et maintenant, ils voulaient que je les aide à préparer la nouvelle génération à des missions aussi complexes et risquées que celles que j'avais menées.

— James Harley a appuyé ta candidature. Il croit en toi.

— Et pourquoi moi ? demandai-je d'un ton froid. Pourquoi me proposer ce poste maintenant ?

Ils échangèrent des regards furtifs, comme s'ils pesaient mes paroles. L'un d'eux prit une grande inspiration avant de répondre.

— Parce que nous avons besoin de quelqu'un en qui nous avons confiance. Quelqu'un qui connaît les dessous du terrain, qui sait ce que c'est que de se salir les mains. Tu es un atout, Isaac, et nous avons besoin de ton expertise. La DEA a besoin de gens comme toi pour préparer l'avenir. Ce poste n'est pas juste un poste. C'est une position de pouvoir.

— Et vous êtes prêts à accepter que je ne sois plus juste un agent sur le terrain ? demandai-je finalement.

Le regard de l'un d'eux se durcit légèrement.

— Nous savons que tu n'es plus ce que tu étais, Isaac. Et nous pensons que tu as l'expérience nécessaire pour guider ceux qui viennent après toi. Tu as toujours eu cette capacité à mener les autres, à les pousser au-delà de leurs limites. C'est ce que nous voulons de toi.

Je pris une grande inspiration, pesant le pour et le contre. Je n'avais pas oublié ce que j'avais sacrifié pour en arriver là.

— Donnez-moi du temps pour réfléchir, dis-je finalement.

J'étais un peu sous le choc, mais j'avais l'impression que c'était une occasion de me racheter, de réparer tout ce que j'avais fait. Mais je savais que ça ne serait pas facile. Mes anciens collègues me regardaient différemment, comme s'ils attendaient de voir si j'allais vraiment m'engager dans ce rôle. Et je savais que je devais faire ça, non seulement pour moi, mais aussi pour ceux que j'avais laissés derrière.

Je marchais dans les rues, mon esprit en ébullition. La proposition de la DEA, le rôle de formateur, et surtout, le soutien de James Harley... Tout cela n'avait aucun sens. J'avais toujours cru que la DEA était cette organisation strictement organisée, une force de l'ordre incorruptible, un bastion de justice. Mais avec tout ce qui venait de se passer, je commençais à me demander si tout cela n'était qu'une façade.

Et la DEA... Était-elle si différente de tout ce que j'avais fui dans mon passé ? Chaque mission, chaque décision, chaque mensonge que j'avais dû raconter pour garder mon couvert, tout cela me revenait en mémoire. Peut-être que j'étais trop naïf. Peut-être que la DEA, cette organisation pour laquelle j'avais sacrifié tant de choses, n'était pas aussi propre qu'on me l'avait fait croire.

Je m'arrêtais un instant, observant les passants qui me croisaient sans me prêter attention. Et si la DEA était tout aussi corrompue que les réseaux criminels dans lesquels j'avais grandi ? Est-ce que je n'avais pas échangé une cage contre une autre ? Est-ce que je n'étais pas, au fond, toujours pris au piège dans ce monde où les règles étaient tordues et où les véritables intentions étaient masquées sous des apparences de bienveillance ?

Retour au présent

Le téléphone vibra dans ma poche. C'était un message de Meva. Ça faisait longtemps que je ne l'avais pas vue, mais je savais que ça allait arriver. Elle m'avait cherché pendant des mois, et je savais qu'elle ne s'arrêterait pas tant que je ne l'affronterais pas.

— Montre toi où je m'en prends définitivement à ta copine.

Le message de Meva résonnait dans ma tête comme un avertissement. Je ne pouvais pas l'ignorer plus longtemps. Elle avait décidé de passer à l'action, de jouer à son jeu, et j'étais forcé d'y répondre.

Je savais que ça finirait par arriver. La question n'était pas si elle allait chercher à me retrouver, mais quand elle allait le faire. Meva n'était pas du genre à rester dans l'ombre, elle ne faisait jamais rien sans raison, et je n'avais jamais eu l'intention de lui donner une quelconque satisfaction en lui montrant ma peur ou mon hésitation.

Je pris une inspiration, la mâchoire serrée. Je n'étais plus le gamin naïf qu'elle avait connu, le frère effrayé qui s'était enfui. Non. Chaque mouvement que je faisais avait un but précis, et je savais exactement comment jouer ce jeu.

J'avais toujours gardé une certaine distance avec elle, des années de silence. Elle voulait me voir ? Je lui offrirais ce qu'elle voulait. Mais elle n'était pas prête à ce qui allait suivre.

Je répondis au message, d'un ton glacé et direct, sans une once d'émotion.

— Où et quand ?

Quelques minutes plus tard, elle me donna un lieu, un coin reculé en dehors de la ville, là où on ne viendrait pas nous déranger. Un endroit où je pourrais enfin régler cette histoire une bonne fois pour toutes.

Je n'avais pas peur. Meva était ma sœur, mais elle avait choisi son camp, elle avait décidé de s'attaquer à Camila. Et je n'allais pas laisser ça passer.

Quand je me rendis sur le lieu, je fus frappé par le calme étrange qui régnait autour. Les bâtiments abandonnés, les ruelles désertes... c'était l'endroit parfait pour une confrontation. Personne ne nous interromprait, personne ne viendrait poser de questions.

Je l'attendais, restant dans l'ombre, à observer. Comme toujours, j'étais patient.

Les pas légers de Meva se firent entendre. Je pouvais presque sentir sa rage, son besoin de me faire payer. Mais je n'étais pas là pour une vengeance aveugle. Non. J'étais là pour poser les règles du jeu.

Elle arriva enfin, un regard glacial, presque triomphant. Elle m'observa un instant, comme si elle attendait que je sois le premier à parler.

— Il faut croire que les menaces finissent par marcher.

Je la regardai droit dans les yeux, ne montrant aucune émotion. C'était le moment. Il fallait que je prenne les devants.

— Tu t'attaques à Camila. Tu penses que je vais rester là sans rien faire ?

Elle sourit, un sourire que je connaissais bien, un sourire cynique, presque méprisant.

— Camila... cette fille tu l'aimes vraiment n'est-ce pas ?

Je ne répondis pas tout de suite. J'avais une idée bien précise de ce que je voulais. Je m'approchai lentement, observant ses réactions, analysant chaque geste, chaque parole. Elle pensait qu'elle avait le contrôle. Mais c'était moi qui menais la danse.

— Tu n'as jamais rien compris Meva.

Elle recula d'un pas, surprise, mais pas intimidée. C'était le moment. Le moment où tout allait se jouer.

— Tu veux savoir pourquoi je t'ai contacté ? Elle fit une pause, me scrutant de haut en bas comme si elle avait tout prévu. Son regard était acéré.

— Parce que notre oncle est sur le point de mourir, Isaac. Il n'a plus que quelques mois à vivre, et ça signifie qu'il va falloir une personne pour reprendre ses affaires. Nos affaires. Et c'est moi qui vais prendre le contrôle. Mais avant ça, il fallait m'assurer d'une chose : que tu ne viennes pas foutre ton nez dans ce que tu as laissé en ruine. Tu n'as jamais voulu prendre part à notre famille, n'est-ce pas ? Alors ne viens pas tout gâcher encore une fois.

Je ne pouvais m'empêcher de rire, un rire sec et froid. Elle pensait que je l'écoutais vraiment, qu'elle avait trouvé un moyen de m'intimider avec son discours sur l'héritage et la succession. Mais elle n'avait toujours pas compris une chose fondamentale : ce monde, ce business, je l'avais quitté depuis longtemps. Je n'en voulais plus. Jamais je n'aurais accepté de prendre la relève, encore moins dans les conditions qu'elle proposait.

— Tu te fous de moi, Meva. Je n'ai jamais voulu faire partie de cette merde, et je ne vais pas revenir en arrière juste parce que ton oncle est en fin de vie. Si tu veux prendre ses affaires, prends-les. Mais crois-moi, tu n'auras pas de chance avec moi. Si tu penses que je vais te laisser faire, tu te trompes lourdement.

Je la regardai dans les yeux, sans ciller, ma voix glaciale, sans émotion.

— Tu sais très bien que si tu continues sur cette voie, je n'hésiterai pas à tout faire pour t'arrêter. J'ai tourné la page, Meva. Mais si tu choisis de t'enfoncer encore plus dans ce business de famille, sache que je serai là, prêt à tout pour t'en empêcher.

Un silence lourd s'installa entre nous, Meva observant ma réaction. Elle savait que je ne bluffais pas. J'avais coupé tous les ponts avec cette vie-là, mais je ne pouvais pas laisser ma sœur ruiner tout ce que j'avais essayé de reconstruire.

Finalement, elle prit la parole, d'un ton plus froid que jamais, un sourire en coin.

— Si tu essayes de m'empêcher, Isaac, je ne me gênerai pas pour m'en prendre à Camilla. Et crois-moi, je sais exactement comment la toucher là où ça fait mal.

Le poison de ses mots m'atteignit comme une gifle, et je sentis la colère monter en moi. C'était un avertissement. Meva était prête à tout, même à jouer avec la vie de Camila pour arriver à ses fins. Mais elle ignorait encore un détail important : j'étais prêt à aller encore plus loin pour protéger Camila, même si cela signifiait affronter ma propre sœur.

Je m'avançai d'un pas, me rapprochant d'elle, mes yeux brûlants d'une détermination froide.

— Ne me menace pas, Meva.

Elle me fixa un instant, un éclat de défi dans le regard, mais je savais que, au fond, elle comprenait que j'étais prêt à aller au bout de cette confrontation.

Je la laissai là, sans un mot de plus. Le silence retomba sur nous, lourd de menaces et de non-dits. Je savais que cette histoire n'était pas finie.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top