46 - Confessions


Je marchais à coté de lui, mon esprit encore envahi par tout ce qui venait de passer ce soir. L'air frais de la nuit m'effleurait, et pour l'instant, ça me calmait un peu. Mais je savais que tout n'était pas fini, qu'il y avait encore des choses qu'il fallait que je comprenne, des réponses que je devais obtenir. Nous arrivâmes bientôt devant un camion de nourriture thaïlandaise. L'odeur des épices me fit tourner la tête, et malgré la situation, je me sentis légèrement apaisée.

Isaac me regarda, comme s'il attendait ma réaction.

— Tu veux quelque chose ? me demanda-t-il, avec un ton plus détendu que tout à l'heure.

— Non, j'ai pas faim.

— Manger, c'est pas optionnel, c'est essentiel. Alors commande, et arrête de faire l'enfant.

Je le fixai, surprise par sa remarque. Je haussai les épaules, toujours en proie à mes pensées.

— Un Pad Thaï, je suppose, dis-je, en roulant des yeux.

Isaac sourit légèrement et se tourne commandant pour nous. Le cuisinier nous servit, et je pris le mien sans vraiment y prêter attention. Nous nous éloignâmes du camion, continuant à marcher en silence.

Je jetai un coup d'œil à Isaac, me demandant pourquoi il semblait si calme maintenant.

Je le regardai, un peu perplexe, alors qu'il mangeait son sandwich. Il n'y avait rien de raffiné dans sa manière de manger. C'était brut, direct, comme s'il n'avait pas le temps de se soucier de quoi que ce soit d'autre. Il dévorait le sandwich avec une énergie presque animale, et je ne pouvais m'empêcher de le regarder, légèrement choquée.

Il me lança un regard amusé, sans ralentir son rythme. La façon dont il mangeait ne faisait qu'ajouter à cette impression qu'il n'avait pas de filtre, qu'il faisait les choses sans se poser de questions.

— Tu crois que j'ai le temps pour ça ? Il haussait les épaules en continuant de mâcher, visiblement peu affecté par ma remarque.

— Manger vite, c'est plus efficace. Reprend t'il.

Il marqua une pause, jetant un coup d'œil autour de nous, comme pour évaluer l'ambiance avant de continuer.

— Tu sais, j'ai appris à vivre comme ça parce que le monde autour de moi ne me laissait pas le choix. Les choses vont vite, très vite. Si tu veux tenir, il faut suivre le rythme. Sinon, tu tombes.

Je sentis une tension dans sa voix, quelque chose de sombre qui venait s'ajouter à l'intensité de son regard. Il parlait de manière plus personnelle, presque vulnérable, mais sans jamais le montrer directement.

Je restai silencieuse, absorbée par ses mots. Il avait toujours ce côté inapprochable, mais il y avait quelque chose dans sa manière de parler qui me disait qu'il portait un fardeau que je ne comprenais pas encore totalement.

Il avait l'air d'hésiter, mais quelque chose en lui semblait décidé. Il me fixait avec une intensité qui me faisait presque oublier de respirer. Je connaissais Isaac depuis longtemps, mais je ne l'avais jamais vu comme ça, jamais senti ce poids dans sa voix.

— Parle-moi, Isaac.

Il a pris une longue inspiration, comme s'il s'apprêtait à plonger dans des eaux profondes et troubles.

— Je ne suis pas celui que tu crois. Pas vraiment. Tu me connais comme Isaac D'Amico, l'agent de la DEA. Mais ce nom, je l'ai choisi. Il n'est pas à moi.

— Mon vrai nom, c'est Isaac Vega. Et ma famille... c'est un nid de vipères. Mon père, Emile Vega, était un criminel. Pas un petit dealer ou un voleur de seconde zone. Non. Il dirigeait un empire. Trafic de drogue, armes, blanchiment d'argent... Il avait les mains partout.

Je n'ai rien dit, incapable d'interrompre le flot de ses paroles.

— Depuis que je suis gamin, j'ai vu des choses que je n'aurais jamais dû voir. Des réunions dans notre maison, des hommes armés qui allaient et venaient, des murmures dans des pièces fermées. Et mon père... il m'a élevé pour prendre sa place.

Il s'est arrêté, les mâchoires serrées, comme s'il luttait contre un souvenir trop douloureux.

— Mais je n'étais pas comme lui. Je détestais tout ça. La violence gratuite, les mensonges, la peur constante. Je voulais autre chose, une vie normale, un futur où je n'aurais pas à me salir les mains pour faire plaisir a quelqu'un. Alors, à 14 ans, j'ai fait ce que personne n'avait jamais osé faire dans ma famille : je l'ai dénoncé.

— Quoi ?! ai-je murmuré, incapable de cacher ma surprise.

— Oui. J'ai tout balancé à la DEA anonymement. Les noms, les comptes, les opérations. Tout ce que j'avais vu et entendu. Et ça a suffi pour le faire tomber. Mon père a été arrêté, et moi, j'ai disparu. Franck m'a aidé à changer d'identité. C'est là que je suis devenu Isaac D'Amico.

— Mais ma famille ne s'est pas effondrée. Mon oncle Sergei a repris les rênes, et tout a continué comme si de rien n'était. Sauf que pour eux, j'étais un traître. Meva, c'est ma demi-sœur...

Il s'est interrompu, et j'ai vu ses yeux briller un instant.

— Elle m'en a toujours voulu. Pour elle, j'ai trahi notre père, notre sang. Elle est restée avec eux, dans ce monde que j'avais fui. Et même aujourd'hui, elle refuse de me pardonner.

J'ai essayé de digérer tout ça, mais Isaac n'avait pas fini.

— Si j'ai pris le nom D'Amico, ce n'était pas un hasard. Frank D'Amico est le mari de ma tante. C'est un homme droit, intouchable, qui a réussi à rester à l'écart de tout ça. Il était tout ce que je voulais être : quelqu'un de respecté, quelqu'un qui n'avait pas besoin de violence pour se faire entendre. Alors, je me suis accroché à son image, à son nom.

Il a baissé les yeux, un sourire triste sur les lèvres.

— Mais peu importe ce que je fais, Camila, je reste un Vega. Je le sens chaque jour. Ce nom me colle à la peau, même si je fais tout pour m'en éloigner.

Je voulais dire quelque chose, mais il a levé la main pour m'arrêter.

Il a relevé les yeux vers moi, et cette fois, je n'ai vu aucune hésitation.

— Je tiens à toi, Camila. Plus que tu ne le crois.

Sa déclaration m'a coupé le souffle. Ce n'était pas seulement une mise en garde. C'était une confession. Et dans ses yeux, je voyais clairement ce qu'il ressentait, même s'il n'avait pas les mots pour le dire.

L'air frais de la nuit apportait une légère brise, mais la tension entre nous ne semblait pas vouloir se dissiper.

Je brisai le silence en tournant la tête vers lui.

— Pourquoi nous ?

Il ne répondit pas tout de suite, comme s'il avait besoin de peser chaque mot avant de parler. Ses yeux se firent plus sombres, son visage un peu plus fermé.

— C'est compliqué, Camila, dit-il enfin, d'un ton presque désabusé. J'ai grandi dans un monde où les règles sont différentes. Un monde où l'on fait des choix qu'on regrette, mais qu'on ne peut pas effacer.

Je le regardai, surprise. Ses mots résonnaient comme un aveu, comme un cri étouffé.

— Qu'est-ce que tu veux dire ? insinurai-je, un peu plus froide. Tu t'es rapproché de notre famille pour quelle raison ? Parce que tu cherches à retrouver ce monde-là ? Ce pouvoir ?

Il haussait les épaules, mais il y avait une lueur d'hésitation dans ses yeux, comme s'il ne voulait pas vraiment répondre.

— Peut-être que j'y suis un peu allé pour ça, mais pas seulement. Ton père... il est respecté. Pas juste dans son milieu, mais dans tout ce qu'il a construit autour de lui. Ce genre de respect, ça se mérite, tu sais.

Je le regardai, perplexe. Je savais qu'Isaac venait d'un milieu difficile, mais je n'avais jamais imaginé qu'il puisse être attiré par ce genre de respect.

— Tu veux devenir comme lui ? Un mafieux, un homme de pouvoir ? demandai-je, un peu plus acerbe cette fois.

Isaac s'arrêta brusquement, me regardant droit dans les yeux.

— Non, répondit-il d'une voix calme, mais ferme. Mais parfois, on a besoin de comprendre pourquoi des gens comme lui sont ce qu'ils sont. Parce que... parce que je me reconnais dans ce qu'il a dû faire pour arriver là où il est. J'ai fait des choses que je regrette, des choses que j'aurais préféré ne jamais faire. Et je suis ici, avec la DEA, parce que je pense pouvoir réparer ce que j'ai détruit. Mais... ça n'efface pas tout.

Je restai là, sans mots, mes pensées tourbillonnant dans ma tête. Je n'avais jamais imaginé qu'Isaac puisse se sentir aussi perdu, aussi tiraillé.

— Donc, tu cherches à te justifier à travers lui ? demandai-je, plus doucement cette fois.

Il ferma les yeux un instant, comme s'il se battait contre lui-même.

— Peut-être que je cherche à comprendre. Peut-être que je veux savoir si ce que j'ai fait a un sens. Parce qu'honnêtement, Camila, je suis fatigué de vivre dans l'ombre de mes erreurs. Et parfois, ton père... il a l'air d'avoir trouvé une sorte de paix dans ce qu'il fait, dans son pouvoir. Moi, je n'ai jamais trouvé ça.

Il reprit sa marche, et je le suivis sans rien dire, mes pensées en ébullition.

— Mais toi, tu n'es pas ton père, Isaac, murmurai-je. Tu n'as pas à devenir ce genre d'homme.

Il tourna la tête vers moi, un sourire triste aux lèvres.

— Je ne veux pas devenir comme lui. Mais parfois, je me demande si je suis en train de suivre le même chemin sans m'en rendre compte.

Je sentis une douleur sourde dans ma poitrine en entendant ces mots. Il avait raison. Je n'étais pas sûre de ce qu'il voulait vraiment. Mais je savais que, d'une manière ou d'une autre, il allait devoir choisir un jour : entre ce monde-là et ce qu'il prétendait être aujourd'hui.

Nous marchions côte à côte, dans un silence lourd, chacun de nous perdu dans ses pensées, mais tous les deux bien conscients que cette conversation n'était que le début d'un chemin encore plus complexe.

Je marchais à ses côtés, sentant le poids de ses paroles dans l'air autour de nous.

— Et Meva ? Que comptes-tu faire à propos d'elle ? demandai-je, ne pouvant plus retenir ma curiosité.

Il haussait les épaules, comme s'il cherchait à éviter ma question. Mais je le voyais bien, il n'était pas indifférent à cette interrogation. Après quelques secondes de silence, il répond.

— Reste loin d'elle, Camila, dit-il d'un ton froid mais protecteur. Je m'en occuperai.

Je m'arrêtai un instant, surprise par la fermeté de ses paroles.
Il se remit en marche, et je le suivis en silence.

Nous arrivâmes enfin chez moi, après un silence qui semblait avoir duré une éternité. La porte d'entrée s'ouvrit dans un léger grincement, et je la refermai derrière nous, laissant l'obscurité de la nuit se dissiper lentement. Isaac s'avança dans l'entrée, en silence, et je le suivis, sentant une lourde tension entre nous.

— Je vais me coucher, soufflai-je, brisant finalement le silence. Si tu veux... tu peux rester ici ce soir, ajoutai-je, ma voix plus douce. Pour la première fois depuis son retour.

Je le laissai là, dans l'entrée, et disparus dans ma chambre. Je m'allongeai dans mon lit, les yeux fixés sur le plafond, mais mon esprit était bien trop agité pour trouver le sommeil. J'entendais Isaac dans le salon, se déplacer doucement, probablement en train de réfléchir à tout ce que nous venions de dire. Le silence s'étira, et l'attente sembla interminable. Puis, après un moment qui m'eût semblé une éternité, j'entendis un léger grincement de la porte. Isaac entra dans ma chambre, son regard à la fois incertain et intense.

Il resta là, un moment, les yeux fixés sur moi, comme s'il pesait chaque mot qu'il allait dire. Puis, finalement, il se déshabilla gardant son boxer puis s'approcha du lit, et sans un mot de plus, il s'y glissa à côté de moi.

Le matelas se souleva sous son poids, et je le sentis près de moi, mais il n'y avait pas de geste précipité, pas de tension. Juste une présence silencieuse, apaisante.

Je tournai la tête vers lui, un peu surprise de le voir là, mais en même temps, je ressentais une sorte de soulagement. Sans un mot, il se tourna légèrement vers moi, puis, doucement, il me rapprocha de lui.

Son bras se glissa autour de ma taille, et il m'attira contre lui, dos contre son torse. Le contact de sa peau chaude sur la mienne me fit frissonner, mais ce n'était pas un frisson de peur. C'était un frisson de calme, d'apaisement. Ses bras m'enveloppèrent lentement, comme une promesse silencieuse qu'il ne voulait plus me laisser seule avec mes doutes.

Je fermai les yeux un instant, savourant cette proximité, ce lien qui semblait se tisser entre nous. La tension qui m'habitait depuis des jours, semblait s'estomper sous le poids de son étreinte. J'avais l'impression que tout devenait plus simple, que la nuit allait nous offrir, pour une fois un répit.

Je laissai échapper un soupir, me blottissant un peu plus contre lui, me laissant aller à ce moment de douceur.

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