41 - Retour du cauchemar




Le silence pesait dans la pièce, presque palpable. Je restai figée au milieu de mon salon, le cœur battant à tout rompre. Isaac, lui, se tenait près de la cuisine, son dos appuyé contre le comptoir. Il ne parlait pas, se contentant de balayer la pièce du regard, observant chaque détail avec une lenteur délibérée.

Ses yeux s'attardèrent sur la bibliothèque à ma droite, sur les cadres posés sur la commode, sur la couverture pliée sur le canapé. Puis, après un moment qui sembla durer une éternité, il tourna la tête vers moi.

— Ça te ressemble, dit-il finalement, sa voix calme et dénuée d'émotion.
Je plissai les yeux, ma mâchoire se crispant.

— Qu'est-ce que tu fais là ? lançai-je brusquement.

Il ne répondit pas immédiatement, comme s'il pesait soigneusement ses mots. Finalement, il se redressa, quittant le comptoir pour faire quelques pas dans ma direction. Ses mouvements étaient lents, presque prudents, comme s'il s'approchait d'un animal sauvage prêt à s'enfuir.

— Je devais revenir, dit-il enfin, sa voix grave résonnant dans le silence. Je n'avais pas le choix.

Je laissai échapper un rire amer, secouant la tête.

— Pas le choix ? C'est ça, ton excuse ? Pendant un an, Isaac. Un an. Pas un mot, pas un signe. Et maintenant, tu débarques chez moi, comme si de rien n'était, en me sortant des excuses vagues ? Non. Ça ne marche pas comme ça.

Il fronça légèrement les sourcils, mais ne se laissa pas démonter.

— Camila, ce n'est pas aussi simple que tu le penses.

— Alors rends-le simple ! m'exclamai-je, ma voix montant d'un cran. Explique-moi pourquoi tu es là. Pourquoi maintenant. Pourquoi tu m'as laissée sans rien. Tu me dois ça.

Il s'arrêta, ses yeux sombres se fixant dans les miens. Je voyais qu'il hésitait, qu'il pesait encore ses mots. Mais cette fois, je ne comptais pas le laisser s'en sortir avec des demi-vérités.

— Est-ce que Isaac c'est vraiment ton prénom ? Tu travailles à la DEA ? Je ne sais même plus quoi penser de tout cela.

Il inspira profondément, ses épaules se redressant légèrement.

— Mon vrai nom est bien Isaac D'Amico, commença-t-il. Je ne travaille plus pour la DEA. Enfin, pas exactement. Je ne suis ni entièrement avec eux, ni contre eux, et si je me suis rapproché de ta famille c'était pour des raisons... personnelles.

— Sors de chez moi. Je veux que tu dégages. Dis-je en le poussant vers la sortie.

Il ne bougea pas d'un millimètre, malgré la pression de mes mains contre son torse. Il se contenta de me fixer, ses yeux sombres pleins d'émotions que je n'arrivais pas à déchiffrer. Cela ne fit qu'alimenter ma colère.

— Tu m'entends ? Sors ! rugis-je, ma voix tremblant sous l'effet de la frustration et de la douleur.

Il posa doucement ses mains sur mes poignets, sans forcer, mais assez pour me faire arrêter.
Je me dégageai brusquement, reculant de quelques pas.

— Ne me touche pas.

Il baissa les mains lentement, comme pour me montrer qu'il n'allait pas insister. Son regard, cependant, restait fixé sur moi, intense, perçant, comme s'il essayait de me lire, de comprendre ce que je ressentais vraiment sous ma colère.

— Très bien, murmura-t-il, sa voix plus douce, presque un murmure. Je vais partir.

Il fit un pas en arrière, mais quelque chose dans son attitude indiquait qu'il n'était pas vraiment prêt à s'en aller.

Je croisai les bras, essayant de contenir les tremblements dans mes mains.

— Alors qu'est-ce que t'attends ? lâchai-je d'un ton sec.

Il hésita une seconde de trop, et c'est à ce moment-là que j'entendis un léger craquement venant de la pièce voisine. Mon regard se tourna instinctivement vers la porte, tout comme le sien.

— Tu n'es pas seule, souffla-t-il, son ton plus dur cette fois.

Je relevai la tête, le défiant du regard.

— Non, je ne suis pas seule. Et ça devrait te rappeler que tu n'as rien à faire ici.

Son visage se ferma légèrement, et il laissa échapper un rire bref, sans joie.

— Jake, hein ? lança-t-il, son ton trahissant une pointe de jalousie qu'il semblait incapable de contenir.

Je clignai des yeux, déstabilisée.

— Comment tu...

Il haussa les épaules, comme si c'était évident.

— J'ai mes sources.

— Je veux plus te revoir tu m'entends. Je ne veux plus rien avoir avec toi.

Il resta figé un instant, comme si mes mots l'avaient frappé en plein cœur. Ses mâchoires se crispèrent, mais il ne détourna pas les yeux.

— Tu ne le penses pas, murmura-t-il, sa voix basse, rauque.

— Oh, crois-moi, je le pense, rétorquai-je, les poings serrés.

Et c'était vrai. Sur le moment c'était ce que je pensais.

Il passa une main dans ses cheveux, luttant visiblement contre quelque chose qu'il n'arrivait pas à dire. Il détourna enfin les yeux et recula vers la porte et la franchit, mais avant qu'il n'ait pu la refermer lui-même, je l'attrapai et la claquai derrière lui.

Le bruit sec résonna dans le silence, tranchant comme une lame. Je restai un instant appuyée contre la porte, mes doigts crispés sur la poignée, les yeux fermés, tentant de reprendre mon souffle.

— C'était qui ?

La voix de Jake me fit sursauter. Je me redressai immédiatement et me retournai pour le voir debout dans l'encadrement de la porte du salon, les bras croisés, son expression à la fois intriguée et légèrement méfiante.

— Personne, dis-je rapidement, trop rapidement.

Jake haussa un sourcil, s'avançant lentement dans ma direction.

— Personne ? Camila, j'ai entendu votre conversation. Il ne semblait pas être "personne".

Je me mordis la lèvre, évitant son regard.

— C'est compliqué, allons nous coucher Jake, murmurai-je, espérant qu'il lâche l'affaire.

Je secouai la tête, comme si cela pouvait effacer cette pensée. Quelques minutes plus tard, je retournai dans la chambre. Jake était déjà sous les couvertures, le dos appuyé contre la tête de lit. Je secouai la tête, me glissant sous les draps à mon tour.

Allongée à côté de lui, je fixai le plafond invisible, écoutant sa respiration régulière. Jake s'endormit rapidement, mais moi, je restai éveillée, mon esprit incapable de se taire.



Je soupirai, frappant le sac avec un peu trop de force. Kai n'était pas du genre à tourner autour du pot, et elle avait toujours eu un sixième sens pour deviner quand quelque chose n'allait pas.

— Isaac, lâchai-je finalement.

Elle haussa un sourcil, croisant les bras.

— Isaac ?

Je frappais à nouveau le sac, comme si je pouvais expulser ma frustration à travers mes coups.

Kai resta silencieuse un moment, me regardant en plissant les yeux, avant de poser une main sur mon épaule.

— Attends. Tu veux dire qu'il est revenu ? Juste comme ça ? Après tout ce temps ?

Je hochai la tête, mordant l'intérieur de ma joue.

— Il est apparu chez moi hier soir. Comme si de rien n'était.

Kai secoua la tête, visiblement outrée.

— Et Jake ? Il était là ?

— Oui. Mais il ne sait pas tout.

Elle me dévisagea, incrédule.

— Camila... tu sais que ça va exploser, pas vrai ?

Je me laissai tomber sur le banc à côté du sac, essuyant la sueur sur mon front.

— Il a dit qu'il n'avait pas eu le choix. Mais Kai, comment je suis censée croire un mot de ce qu'il dit après tout ce qu'il a fait ?

Elle s'assit à côté de moi, posant une main sur mon genou.

— Tu n'es pas obligée de le croire. Mais tu dois être prête. Si Isaac revient, ce n'est pas juste pour toi. Ça concerne ton père, son passé, peut-être même des choses que tu ne veux pas déterrer.

Je fermai les yeux, prenant une profonde inspiration.

— Je ne t'ai jamais dit qu'il avait parlé de mon père. Dis-je en me redressant. Comment elle savait ça ?

Kai se figea, ses doigts se crispant légèrement sur son genou avant qu'elle ne les retire précipitamment. Elle détourna les yeux, cherchant visiblement une réponse dans le vide, mais son silence en disait déjà long.

— Comment tu savais ça ? répétai-je, ma voix plus ferme cette fois.

Elle releva lentement les yeux vers moi, une ombre d'hésitation passant sur son visage. Elle croisa les bras, comme pour se protéger, et haussa légèrement les épaules, son ton presque défensif.

— C'était une supposition, Camila.

Je fronçai les sourcils, scrutant son expression. Kai était douée pour masquer ses émotions, mais je connaissais ses tics. Le léger tremblement dans sa voix, la manière dont elle évitait de me regarder trop longtemps... Elle mentait.

— Non, ce n'est pas logique, rétorquai-je, mes bras croisés contre ma poitrine. Je ne t'ai jamais parlé de ce qu'Isaac a dit hier soir.

Kai se mordit la lèvre, son regard fuyant. Elle ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun son n'en sortit. Elle semblait chercher ses mots, ou peut-être une excuse, mais je n'allais pas lui laisser le temps de trouver une sortie facile.

— Parle, Kai, insistai-je, ma voix se durcissant. Comment tu savais ?

Elle inspira profondément, passant une main dans ses cheveux, visiblement prise au piège. Finalement, elle planta son regard dans le mien, et je vis une lueur de culpabilité traverser ses yeux.

— Camila, écoute... Ce n'est pas ce que tu crois, commença-t-elle doucement.

Je me levai brusquement, le cœur battant, une boule d'angoisse montant dans ma gorge.

— Alors explique-moi ! lançai-je, ma voix montant d'un cran. Parce que là, j'ai l'impression que tu sais des choses. Et si c'est le cas, tu ferais mieux de me dire la vérité. Tout de suite.

Kai se redressa, croisant les bras sur sa poitrine, mais cette fois, ce n'était pas par défi. C'était comme si elle se préparait à encaisser ma réaction.

— Il est venu me voir il y a quelques jours.

Le sol sembla se dérober sous mes pieds. Je fixai Kai, incrédule, mon esprit incapable de digérer ce qu'elle venait de dire.

— Quoi ? soufflai-je, ma voix à peine audible.

Kai détourna le regard, ses épaules s'affaissant légèrement sous le poids de son aveu. Elle passa une main nerveuse dans ses cheveux court, comme si elle cherchait à gagner du temps avant de continuer.

— Isaac est venu me voir, reprit-elle, plus doucement cette fois. Tu sais que je suis toujours fourré avec Simon. C'était pas prévu que je sois là et j'ai entendu leur discussion. Quand il m'a vue, il m'a menacé, il a dis que si je te disais qu'il étais de retour il me ferait payer.

Elle releva enfin les yeux vers moi, et je vis une peur sincère dans son regard. Une peur que je n'avais jamais vue chez elle, cette femme pourtant si forte, si intrépide.

— Il t'a menacée ? demandai-je, la voix tremblante entre colère et incompréhension.

Elle hocha la tête, les lèvres pincées.

— Oui. Mais...Camila...Ce gars c'est un malade.

Je secouai la tête, refusant d'accepter ce que j'entendais.

— Et tu as obéi ? Tu l'as laissé te manipuler, comme ça ? Tu ne m'as rien dit ? Kai, c'est moi !

Elle planta son regard dans le mien, cette fois avec une lueur de détermination.

— Parce que je te connais, Camila ! Je savais que si je t'avais dit qu'Isaac était de retour, ça aurait tout ravivé. Tu aurais tout laissé tomber pour aller chercher des réponses, sans penser aux conséquences. Tu avais Jake, tu allais mieux...

Je me levai brusquement, mon esprit envahi par une cacophonie de colère, de douleur, et de confusion.

— J'ai besoin de réfléchir, dis-je finalement, coupant court à la conversation.

Kai ouvrit la bouche pour répondre, mais je levai une main pour l'arrêter.

— Pour l'instant, je ne veux plus te voir, Kai. J'ai besoin d'espace.

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