39 - Dans le piège






Deux jours s'étaient écoulés depuis ma conversation avec Lance. Deux jours où l'idée qu'Isaac puisse se cacher dans un lieu comme celui-ci n'avait cessé de tourner en boucle dans mon esprit. Alors, quand Kai avait réussi à mettre la main sur des invitations pour cet endroit, je n'avais pas hésité une seconde.

Le trajet nous avait conduites loin de la ville, à des kilomètres des gratte-ciels et des lumières familières. Plus nous avancions, plus les routes devenaient étroites, bordées par des arbres denses qui semblaient vouloir nous avaler.

— Tu es sûre que c'est ici ? demandai-je, brisant le silence.

Kai, concentrée sur la route, hocha la tête.

— D'après mes contacts, oui. Ce genre de choses n'est jamais dans un endroit facile d'accès. Plus c'est caché, plus c'est gros.

Enfin, nous arrivâmes à une clairière où des dizaines, voire des centaines de voitures étaient garées en désordre. Des modèles de luxe côtoyaient des véhicules plus modestes, mais tous semblaient appartenir à des gens venus chercher de l'action.

L'air était saturé d'une énergie brute, presque palpable. On pouvait entendre au loin des cris et des applaudissements, un brouhaha constant qui évoquait une rave clandestine ou une arène de combats. L'odeur de terre humide se mêlait à celle, plus âcre, de la sueur et de l'adrénaline.

— Ça ne sent pas bon, murmurai-je, observant les groupes de personnes qui se dirigeaient vers une grande structure métallique, semblable à un hangar.

— Ce genre d'endroit ne sent jamais bon, répondit Kai en coupant le moteur.

Nous descendîmes de la voiture, avançant parmi la foule. Certains visages étaient cachés sous des capuches ou des casquettes, d'autres arboraient des regards froids, habitués à ce genre de milieu.

— Tu es sûre qu'on peut entrer ? demandai-je, incertaine.

Kai haussa un sourcil, un sourire confiant sur le visage.

— J'ai réussi à avoir les places, non ? Fais-moi confiance.

Elle me guida jusqu'à l'entrée, où deux hommes imposants vérifiaient les accès. Kai leur montra quelque chose une carte, peut-être et, après un bref échange, ils nous laissèrent passer.

À l'intérieur, le bruit devint assourdissant. Une arène rudimentaire, entourée de barrières métalliques, se trouvait au centre. Des projecteurs éclairaient violemment la scène, où deux hommes s'affrontaient sous les hurlements de la foule.

— Reste ici, dit Kai, se penchant vers moi pour que je l'entende. Je vais chercher des informations.

— Attends, quoi ? lançai-je, mais elle était déjà partie, se faufilant dans la foule avec une assurance qui me laissait perplexe.

Je me retrouvai seule, mon regard balayant la scène. Mais quelque chose me poussa à m'éloigner. Peut-être était-ce l'instinct, ou peut-être le besoin d'échapper à cette atmosphère oppressante.

Je sortis du hangar et me retrouvai dans une autre partie de la clairière. C'est là que je les vis.

Un homme et une femme étaient en plein combat, mais ce n'était pas comme dans l'arène. Ici, c'était personnel. Leurs mouvements étaient rapides, brutaux. La femme, vêtue de noir, semblait maîtriser chaque geste, esquivant les coups de l'homme avec une précision déconcertante.

Je m'avançai de quelques pas, hésitant à intervenir, mais avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, la femme sortit une arme.

Le coup partit presque immédiatement. L'homme s'effondra, et un silence glacial s'installa dans la clairière.

Je restai figée, mon souffle bloqué dans ma gorge. Je n'avais jamais vu quelqu'un mourir, encore moins tué de sang-froid.

La femme, toujours immobile, tourna lentement la tête vers moi. Nos regards se croisèrent, et pendant une fraction de seconde, le temps sembla s'arrêter.

Ses yeux étaient perçants, froids, mais je crus y voir une lueur d'étonnement, peut-être même de curiosité.

Mon cœur battait à tout rompre. Je reculai lentement, essayant de ne pas faire de bruit. Mais mes jambes ne tinrent plus, et je me mis à courir.

Je retrouvai Kai dans l'arène, les joues rouges.

— Eh, qu'est-ce qui t'arrive ? Tu as vu un fantôme ? demanda-t-elle en me voyant arriver.

Je secouai la tête, incapable de formuler une réponse cohérente.

Kai fronça les sourcils, mais avant qu'elle ne puisse protester, je l'attrapai par le bras.

— Camila, qu'est-ce qui se passe ?

— Je t'expliquerai plus tard. On fais un tour rapide et on se casse d'ici sérieusement Kai.

Elle sembla comprendre que quelque chose n'allait pas et hocha la tête. Nous quittâmes l'arène, mais je savais que cette nuit me hanterait longtemps. Et ce regard, celui de cette femme, resterait gravé dans ma mémoire.

Je continuai de chercher dans la foule, mon regard sautant de visage en visage. Mon instinct me disait qu'Isaac aurait pu être là, mais une autre part de moi savait que c'était une course perdue d'avance.

Le bruit environnant était assourdissant. Malgré l'agitation, je sentais un vide grandir en moi. Isaac n'était pas là, ou peut-être ne voulait-il tout simplement pas être trouvé.

Mon téléphone vibra soudain dans la poche arrière de mon jean. Je le sortis machinalement, mon cœur se serrant en voyant le nom qui s'affichait. Jake.

Un soupir m'échappa. Je fixai l'écran un moment, le pouce suspendu au-dessus de la touche pour décrocher. Mais je ne le fis pas.

— Pas maintenant, murmurai-je, rangeant le téléphone dans ma poche.

Pourtant, son appel m'avait ramenée à la réalité. Ce que je faisais ici était insensé. Chercher Isaac, courir après un fantôme du passé, tout cela n'avait aucun sens.

— Hé, beauté, lança une voix grave derrière moi.

Je me retournai, tombant nez à nez avec un homme massif, visiblement éméché, qui m'adressait un sourire que je devinais se vouloir charmeur.

— T'es toute seule ? demanda-t-il en s'approchant, son haleine sentant l'alcool et le tabac.

— Non, répondis-je froidement. Je suis avec quelqu'un.

— Ah ouais ? Je vois personne autour de toi, insista-t-il, un éclat provocateur dans les yeux.

Je reculai d'un pas, croisant les bras pour masquer ma nervosité.

— Je te conseille de reculer, dis-je, ma voix calme mais ferme.

Il rit, un rire rauque et désagréable.

— Détends-toi, je veux juste discuter.

— Et moi, je veux juste que tu partes, répondis-je en serrant les dents.

Il tendit une main vers moi, mais avant qu'il ne puisse me toucher, je saisis son poignet et le tordis d'un geste rapide.

— Aïe ! s'écria-t-il en reculant brusquement.

Je le fixai d'un regard glacé.

— T'approche pas de moi, compris ?

Il me lança un regard noir, mais ne tenta rien d'autre. Après un moment, il s'éloigna en marmonnant des insultes.

Je me frayai un chemin dans la foule, cherchant Kai. Je la retrouvai près de l'arène, ses bras croisés, visiblement agacée.

— Écoute, ça sert à rien de rester ici.

Elle fronça les sourcils, confuse.

— Pourquoi ? On pourrait encore chercher.

— Non, dis-je en haussant le ton. C'était une mauvaise idée de venir. Isaac n'est pas là, et même s'il l'était, il n'a rien à faire de moi.

Kai me fixa un moment, surprise par ma réaction.

— Tu crois vraiment ça ? demanda-t-elle doucement.

— Oui, répondis-je avec un rire amer. Depuis qu'il est parti, il n'a jamais essayé de me contacter. Pas une fois. Alors pourquoi est-ce que je continue à me torturer ?

Kai posa une main sur mon épaule, son expression adoucie.

— Peut-être qu'il y a une raison pour ça, Camila.

— Ou peut-être que je ne suis pas aussi importante pour lui que je le pensais, répondis-je, ma voix tremblante malgré moi.

Un silence s'installa entre nous. La vérité de mes mots était dure à avaler, mais elle me semblait inévitable.

— On s'en va, conclus-je finalement.

Nous arrivâmes enfin à la voiture de Kai, le bruit de nos pas résonnant dans le silence pesant. Je glissai sur le siège passager, tandis que Kai s'installait derrière le volant, sa clé déjà en main. Elle tourna la clé dans le contact.

Rien.

Le moteur toussa faiblement avant de s'éteindre complètement.

— Sérieusement ? grommela Kai en essayant une seconde fois. Toujours rien.

Un frisson d'inquiétude parcourut mon dos, et je me redressai légèrement sur mon siège.

— Ça ne me dit rien qui vaille, murmurai-je, jetant un coup d'œil par la vitre.

Kai poussa un soupir frustré et sortit de la voiture. Je la suivis rapidement, une boule se formant dans mon estomac.

En faisant le tour de la voiture, Kai s'accroupit près du pneu arrière droit.

— Eh bien, voilà pourquoi, dit-elle sèchement.

Je me penchai pour voir le problème. Le pneu était à plat, une longue entaille nette traversant la gomme.

— Quelqu'un a fait ça intentionnellement, murmurai-je.

Kai se releva, jetant des regards autour de nous.

— Reste sur tes gardes, Camila, dit-elle d'une voix basse mais ferme.

Je hochai la tête, ma main glissant instinctivement dans la poche de ma veste où je gardais un petit couteau pliant. Kai ouvrit le coffre pour attraper le pneu de secours, et nous commençâmes à travailler dessus, même si chaque fibre de mon corps hurlait que quelque chose clochait.

Le silence autour de nous était oppressant, à peine perturbé par le souffle du vent et le grondement lointain de la musique de l'arène. Puis, je sentis un mouvement.

Une ombre.

— Kai, murmurai-je, me redressant immédiatement.

Avant que je ne puisse en dire plus, trois hommes surgirent de l'obscurité. Ils portaient des capuches et des foulards qui cachaient en partie leurs visages. Mon cœur accéléra brutalement.

— Qu'est-ce que vous voulez ? demanda Kai, se plaçant instinctivement devant moi.

L'un des hommes rit doucement, un son glacial qui fit monter ma tension d'un cran.

— Vous ne repartez pas ce soir, déclara-t-il calmement, mais avec une menace claire dans la voix.

Kai n'hésita pas une seconde. Elle fonça sur le plus proche, son poing s'écrasant contre sa mâchoire avec une force impressionnante. Mais avant qu'elle ne puisse continuer, un autre homme surgit derrière elle et lui asséna un coup violent à la tête.

— Kai ! criai-je en la voyant s'effondrer au sol.

Je voulus courir vers elle, mais un homme m'attrapa brusquement par le bras. Son emprise était brutale, mais je me débattis, le frappant du talon sur le tibia. Il grogna de douleur, relâchant sa prise juste assez pour que je puisse me dégager.

Je me retournai, prête à me battre, mais deux autres hommes se rapprochèrent. L'un d'eux me frappa à l'estomac, coupant ma respiration, tandis que l'autre attrapa mes bras, m'immobilisant complètement.

Kai était inconsciente à mes pieds, et je ne pouvais rien faire. Je hurlai, me débattis de toutes mes forces, mais c'était inutile. L'homme qui m'avait frappée s'approcha, un sourire mauvais sur le visage.

Le monde autour de moi devint flou, puis noir.

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