25- Rencontre avec Vadim




En arrivant, je pris une grande inspiration avant de sortir de ma voiture. La maison de Vadim était un véritable bijou de rusticité, avec ses volets en bois peint en bleu et ses murs en rondins. À l'intérieur, l'ambiance chaleureuse m'accueillit : des tapis colorés couvraient le sol, et les murs étaient ornés de tableaux représentant des paysages russes, ainsi que des souvenirs de voyages.

Vadim ouvrit la porte presque immédiatement, un sourire large et enjoué illuminant son visage, typique de son caractère.

— Camila ! Quelle belle surprise ! Entre, entre ! s'exclama-t-il d'une voix chaleureuse.

Je pénétrai dans le salon, où l'odeur du pain frais et du café flottait dans l'air. Le crépitement d'un feu dans la cheminée ajoutait à l'atmosphère accueillante.

— Que puis-je faire pour toi ? demanda-t-il, sa voix amicale et vivante.

Je m'assis sur le canapé, croisant et décroisant les jambes, mes doigts jouant nerveusement avec un fil tiré sur ma manche. L'atmosphère chaleureuse aurait dû m'apaiser, mais elle n'y parvint pas. Mon esprit était ailleurs, piégé dans un labyrinthe d'incertitudes.

— Vadim, j'ai besoin de te parler de quelque chose de sérieux, dis-je, ma voix tremblante.

Je lui exposai ma situation en détail, décrivant ma visite à la prison, mes craintes concernant David et la mafia, et la pression qui pesait sur moi. Chaque mot était un cri de désespoir, et je ne cachai rien, même mes pensées les plus sombres.

— Je sais que c'est mal de le dire, mais tu me comprends n'est-ce pas ?

Les traits de Vadim se durcirent légèrement, son regard passant de l'empathie à l'inquiétude.

— Tu aurais du en parler plus tôt.

Je le regardai, la colère et le désespoir se mêlant en moi.

— Peut-être. Est-ce que tu comprends que c'est le seul moyen d'en finir une bonne fois pour toutes ?

Vadim marqua une pause, cherchant visiblement la bonne façon de répondre.

— Je vais m'occuper de ça.

Mon cœur se serra à ses mots, un mélange de soulagement et d'anxiété m'envahissant.

— Que veux-tu dire par "s'en occuper" ?

Vadim se redressa légèrement, son ton enjoué devenant plus sérieux.

— Je vais parler à quelques personnes et voir ce que je peux faire pour t'aider. Tu sais, j'ai mes connexions.

Je le regardai, un mélange de gratitude et d'inquiétude dans les yeux.

— Merci, Vadim. Ça signifie beaucoup pour moi. Mais je ne veux pas te causer de problèmes.

Il sourit, adoucissant l'atmosphère tendue.

— Ne t'inquiète pas pour moi, Camila. Je suis ici pour t'aider. Si quelque chose te trouble, tu dois toujours venir me voir. Mais je vais être obligé d'en parler à ton père.

La mention de mon père me fit l'effet d'un coup de poignard. Mon dos se raidi instantanément, et mes mains se crispèrent sur mes genoux. Je plongeai mon regard dans celui de Vadim, y cherchant une ouverture, une faille, quelque chose qui me permettrait de reprendre le contrôle de la situation.

— Non, Vadim, dis-je d'une voix plus froide, presque tranchante. Tu ne peux pas lui en parler. Ça reste entre toi et moi.

Il fronça légèrement les sourcils, surpris par mon brusque changement de ton.

— Camila... Tu sais que c'est délicat. Ce genre de choses, ça ne reste jamais dans l'ombre bien longtemps. Et si ton père l'apprend par quelqu'un d'autre, je serai le premier à en payer les conséquences.

— Il ne l'apprendra pas, répondis-je immédiatement. Parce qu'il n'aura aucune raison de poser des questions. Vadim, tu es celui qui a toujours dit que parfois, il fallait agir dans le silence. Eh bien, c'est ce que je te demande de faire. Pour moi.

Vadim soupira profondément et se passa une main sur le visage, visiblement tiraillé. L'ambiance chaleureuse de la pièce semblait s'être évaporée, remplacée par une tension palpable.

— Camila, tu es comme ma fille, dit-il enfin, son ton plus bas, plus grave. Mais ton père... il est imprévisible. Et il ne tolère pas les secrets. Tu joues avec le feu.

Je me penchai légèrement vers lui, mes yeux cherchant à capturer toute son attention.

— Je le sais. Mais c'est pour ça que je suis ici et pas ailleurs. Tu es la seule personne à qui je peux faire confiance pour ça. Et tu sais autant que moi que si mon père découvre que j'ai essayé de contourner ses ordres, ce sera pire. Alors... aie foi en moi. Fais-moi confiance, comme je te fais confiance.

Vadim ne répondit pas immédiatement. Ses yeux, d'habitude pétillants de malice, se posèrent sur les flammes dans la cheminée, comme s'il y cherchait une réponse. Je savais que j'avais semé le doute dans son esprit, mais cela ne suffirait pas.

— Écoute, dis-je en adoucissant ma voix, mais en restant ferme. Je sais que ce que je te demande n'est pas simple. Mais tu sais aussi que je suis prête à prendre la responsabilité de ce qui pourrait arriver. Pas toi. Moi.

Il releva la tête, et pour la première fois, je vis une lueur de peur dans son regard. Une peur qu'il masqua rapidement par un soupir agacé.

— Tu es têtue, comme lui.., marmonna-t-il.

Un sourire amer effleura mes lèvres.

— Et c'est bien pour ça que tu m'aideras, non ?

Vadim se leva et s'approcha de la cheminée, avant de se tourner à nouveau vers moi.

— D'accord, lâcha-t-il enfin. Mais écoute-moi bien, Camila. Si ça tourne mal, je ne pourrai pas te couvrir. Et je ne pourrai pas empêcher ton père de découvrir la vérité.

Je hochai la tête, mon cœur battant plus vite.

— Ça ne tournera pas mal, assurai-je. Et personne ne saura que tu es impliqué.

Vadim me fixa une dernière fois, comme s'il cherchait une preuve de ma certitude. Puis, il se détourna pour attraper son téléphone, qu'il fit tourner pensivement dans sa main.

— Tu ferais mieux de rentrer chez toi. Je vais faire quelques appels. Et toi... tu pries pour que je ne le regrette pas.

Je me levai lentement, sentant mes jambes trembler légèrement.

— Merci, Vadim, murmurai-je. Je te revaudrai ça.

Il ne répondit pas, son attention déjà tournée ailleurs. En sortant, je pris une dernière inspiration. Le vent froid me frappa le visage, mais il ne suffit pas à apaiser l'orage qui grondait en moi.


La musique pulsait dans la salle, chaque battement me rappelant le rythme de ma respiration. Mon legging noir et mon débardeur ajusté semblaient presque une seconde peau alors que je bougeais, frappant le sac devant moi avec une précision mécanique. Mes cheveux, tirés en une queue de cheval haute, collaient légèrement à ma nuque sous l'effort. Mais je n'y prêtais pas attention. Chaque coup porté était une tentative d'échapper à cette tension omniprésente.

"Encore un peu," pensais-je, ignorant la douleur sourde qui irradiait de mon flanc gauche à chaque mouvement un peu trop ample. La blessure n'était plus qu'un souvenir physique, mais elle refusait de se faire oublier.

Les flashs me prirent par surprise. La chaleur de l'impact, la détonation sourde, et ce moment suspendu où je m'étais demandé si c'était la fin.

Je fermai les yeux un instant, arrêtant mes coups pour reprendre mon souffle. Les images s'évanouirent, mais laissèrent une trace, comme une brûlure invisible.

Je retirai mes gants, secouant la tête pour chasser ces pensées. Ce n'était pas le moment de faiblir.

Alors que je me dirigeais vers le banc où reposaient mes affaires, mon téléphone vibra sur le coin. Je l'attrapai rapidement, essuyant mes mains contre mon débardeur avant d'allumer l'écran.

"Isaac."

Son message était direct, sans détour :
"Il faut qu'on parle"

Je me mordis la lèvre, un mélange de culpabilité et d'agacement montant en moi. Entre la tension et la peur que cela engendre, j'avais laissé tout le reste de côté.

Mes doigts tapèrent une réponse rapide, mais hésitante :
"Et ce numéro appartient à qui exactement ?."

Je fixai l'écran, guettant sa réponse. Elle arriva presque aussitôt.
"Sérieusement Camila ?"

Je soupirai, sentant l'irritation percer dans ses mots.

Je levai les yeux, regardant mon reflet dans le miroir. Une femme fatiguée, entêtée, et brisée à des endroits qu'elle refusait d'admettre. Mais je n'avais pas le choix. Pas cette fois.

Je laissai tomber le téléphone sur le banc, sa vibration mourant contre le bois.

Je pris une longue gorgée d'eau, me forçant à respirer lentement. Le silence autour de moi était percé par les bruits des haltères et des voix en arrière-plan, mais dans ma tête, c'était un chaos.

Je range mon téléphone dans le sac, attrape ma serviette et ma bouteille d'eau, et me dirigeai vers les vestiaires.

La fatigue dans mes muscles était une excuse parfaite pour éviter de trop penser. Quelques minutes plus tard, je ressortis habillée d'un jean noir et d'un pull ample.

Quand je poussai la porte pour sortir dans le froid de la nuit, la brise glaciale me frappa immédiatement. Je m'arrêtai un instant sur le trottoir, glissant mes clés dans la poche de mon manteau. C'est alors que je le vis.

Isaac était là, adossé contre son véhicule, les bras croisés, sa posture imposante comme toujours. Je pouvais voir dans ses yeux cette lueur de frustration qu'il n'avait pas essayé de cacher dans ses messages.

Je m'approchai, chaque pas plus lourd que le précédent, et m'arrêtai à quelques mètres de lui.

— T'as attendu longtemps ? demandai-je, essayant de cacher ma nervosité sous un ton détaché.

Il ne bougea pas, mais ses yeux, sombres et pénétrants, restèrent fixés sur moi.

— Tu sais répondre à un message quand tu en reçois un ?
Je m'arrêtais devant lui, l'observant en silence pendant quelques secondes. Alors là c'était l'hôpital qui se foutait de la charité.

— Tu vas m'expliquer pourquoi tu m'as ignorée pendant toute une semaine ? demandai-je finalement, la voix plus froide que je ne l'aurais voulu. J'avais envoyé un message, rien, pas de réponse.

Il se redressa, un peu trop vite, ses yeux se fixant sur les miens. Une tension palpable flottait entre nous. La colère bouillonnait en moi, et je sentais qu'il était à deux doigts de répliquer.

— Je t'ai dit que j'étais occupé, Camila, tu sais bien comment ça fonctionne. Ce n'est pas comme si j'avais eu le temps de... te donner des nouvelles, répondit-il sèchement, sa mâchoire serrée.

— Et quand est-ce que tu m'as dis ça ? Dis-je n'en revenant pas de son audace.

Il se rapprocha, ses yeux assombrissant avec chaque mot.

— Tu crois vraiment que je ne voulais pas répondre ? Ça n'a rien à voir avec toi.

Je lui lançai un regard furieux, ne pouvant plus contenir la frustration qui montait en moi.

— C'est facile de dire ça maintenant.

Il s'éloigna légèrement, son regard devenant plus calme, mais toujours aussi dur. Le silence se fit un instant, avant qu'il ne reprenne la parole, plus bas, comme s'il tentait de garder son calme.

— Ok. J'ai merdé. Je t'ai laissée dans l'incertitude, et je suis désolé. Mais t'es pas la seule à avoir des responsabilités, Camila. J'ai dû gérer des trucs. Je suis là maintenant, non ?

J'étais prête à répliquer, à lui balancer encore toute ma frustration, mais avant que je ne puisse ouvrir la bouche, un bruit de moteur se fit entendre dans le parking. Plusieurs personnes passaient à proximité, leur voix s'élevant dans le calme. Isaac s'interrompit dans son mouvement et, instinctivement, je m'éloignai un peu, mon cœur battant la chamade à cause de la scène que nous étions en train de jouer.

Isaac attendit que les gens passent, puis, d'un ton plus bas, il me regarda intensément.

— Viens avec moi. On parle dans ma voiture.

Je le fixai, hésitante, mais je savais déjà ce que j'allais répondre. J'avais ma fierté, et un besoin de garder un peu de contrôle.

— Non, Isaac. Je suis venue en voiture aussi, donc il est hors de question que je laisse la mienne là, répondis-je, mes bras croisés.

Il se retourna et me lança un regard un peu plus dur, mais je le sentais calculer sa réponse car il m'observa un peu plus longuement.

— Ok, tu reviendras la chercher après, mais je t'emmène.

Je ne bougeai pas, mon regard défiant le sien.

L'orgueil, la colère, tout se mélangeait dans mon esprit, mais je savais que je ne pouvais pas ignorer l'offre. Et pourtant, une part de moi était déterminée à ne pas céder si facilement.

— Je ne vais nulle part tant que je n'ai pas ma voiture. Je vais rentrer, et on se parlera une autre fois.

Isaac soupira, puis fit un pas en avant, réalisant que je ne plierais pas. Un silence lourd s'installa entre nous.

— T'es têtue, Camila. Vraiment. Mais soit, tu veux jouer à ça, on jouera à ça.

Je haussai les épaules, un sourire un peu amer sur les lèvres.

— C'est toi qui as commencé, Isaac. Ne sois pas surpris.

Il resta un instant là, les poings serrés, puis secoua la tête avec un léger sourire.

— D'accord. Fais ce que tu veux.

Il s'avança vers moi, lentement, ses yeux fixés dans les miens. L'espace entre nous disparut, et je me raidis, surprise par sa soudaine proximité. Son regard, intense, glissa sur mon visage, et pendant une fraction de seconde, j'eus l'impression qu'il allait m'embrasser. Mon souffle se suspendit, partagé entre l'envie et une pointe de méfiance.

Mais au dernier moment, il plongea sa main dans la poche de mon manteau. Avant que je ne réalise ce qu'il faisait, il ressortit avec mes clés dans la main, les faisant tourner brièvement entre ses doigts.

— Isaac ! Qu'est-ce que tu fais ? protestai-je en attrapant son bras.

Il recula d'un pas, un sourire satisfait sur les lèvres.

— Tu viens avec moi. On parlera en chemin, dit-il, sa voix aussi douce qu'elle était déterminée. Je ramènerai ta voiture plus tard. Promis.

— Tu te moques de moi ? Donne-moi mes clés ! lançai-je, ma colère montant en flèche.

Il recula encore, secouant la tête.

— Non. Pas cette fois, Camila. Je t'ai laissé trop de marge, et regarde où ça nous mène. Je ne te lâche pas tant qu'on n'aura pas réglé ça.

Je fronçai les sourcils, essayant de garder mon calme. Une part de moi était furieuse qu'il prenne les choses en main de cette façon, mais l'autre savait qu'il avait raison. Nos silences, nos non-dits, tout ce qu'on avait laissé en suspens depuis des jours... Cela devait éclater. Et Isaac, comme toujours, n'était pas du genre à attendre que ça se fasse tout seul.

Je soupirai, exaspérée, et croisa les bras.

— Très bien. Mais ne crois pas que ça signifie que tu gagnes. Et si jamais il arrive quoi que ce soit à ma voiture, tu le regretteras, Isaac. Je te le garantis.

Il haussa un sourcil, amusé, et recula jusqu'à sa voiture, ouvrant la portière du côté passager pour moi.

— T'as toujours besoin d'avoir le dernier mot, pas vrai ? dit-il avec un sourire en coin. Monte.

Je restai immobile une seconde de plus, mesurant mes options, qui, à ce stade, étaient inexistantes. Finalement, je me dirigeai vers sa voiture, mon regard perçant le sien.

— Je monte, mais ne pense pas que je suis d'accord avec toi, murmurai-je en glissant sur le siège passager.

— Noté, répondit-il en fermant la portière derrière moi, avant de contourner la voiture pour s'installer au volant.

Le moteur ronronna doucement, et sans un mot de plus, il quitta le parking. Mais dans l'air confiné de l'habitacle, la tension entre nous ne faisait que grandir.

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