Soudain, la porte s'ouvrit doucement. Je relevai à peine la tête, espérant en un sens qu'Isaac ait finalement décidé de partir pour de bon. Mais, contre toute attente, c'était lui qui revenait, avec cette calme assurance qui semblait inébranlable, malgré mes mots tranchants.
Il s'approcha lentement, sans me toucher, s'accroupissant pour être à mon niveau, le regard empreint d'une douceur inhabituelle.
— Pourquoi tu t'obstines, Isaac ? Je ne veux pas de ta pitié. Pas de ta compassion, rien de tout ça.
Isaac resta silencieux un moment, réfléchissant à ses mots, puis il murmura doucement, sans brusquerie, comme s'il dévoilait une vérité profonde.
— Ce que lui pense de toi, Camila, ne définit pas qui tu es. Ton père est peut-être puissant, mais il ne voit pas tout ce que tu es capable d'accomplir, ce que tu es vraiment.
Je fronçai les sourcils, cette remarque déclenchant un éclat de rage.
— Tu sais, ton comportement me rappelle vraiment celui de mon père, lâchai-je, frustrée. Tu lui ressemble. Toujours froid, toujours à éviter le moindre signe de faiblesse. C'est épuisant.
Isaac me regarda, le regard sombre et calme, puis il s'assit contre le mur à côté de moi, les bras posés sur ses genoux. Il ne me regardait plus directement, comme s'il m'offrait l'espace de m'ouvrir sans pression, et je sentis quelque chose en moi se relâcher, imperceptiblement.
— Je suppose que ça explique pourquoi... pourquoi je suis attirée par toi.
Les mots me laissèrent aussi désemparée que libérée, cette vérité que je n'avais jamais osé admettre, ni même à moi-même, flottant désormais entre nous, tangible, impossible à ignorer. C'était la première fois que je le disais à voix haute, que je formulais clairement ce sentiment qui me suivait depuis des mois, des années même, cette fascination qui m'avait toujours paru à la fois naturelle et effrayante.
Isaac baissa les yeux, visiblement troublé. Son habituelle assurance semblait vaciller un instant. Puis, sans un mot, il tourna son regard vers moi, une expression que je n'avais jamais vue auparavant dans ses yeux.
— Je ne suis pas James, Camila, répondit-il, la voix sèche, tranchante.
— Commence par le dire moins sèchement.
— Camila... commença-t-il d'une voix rauque, hésitante. Je n'ai jamais cherché à être comme lui.
— Peut-être pas, mais tu agis exactement comme lui, répliquai-je, sentant la colère monter en moi. Froid, distant... incapable d'admettre ce qui se passe vraiment.
Je m'attendais à une réaction contrôlée, mais Isaac serra les mâchoires.
— Tu veux vraiment savoir pourquoi je suis distant ? gronda-t-il. Ce n'est pas juste parce que tu te mets constamment en danger, Camila. Je suis en colère. Pas seulement contre toi, mais contre moi-même.
Ses mots me coupèrent le souffle. Il ne m'avait jamais parlé de cette manière.
— Quoi ? demandai-je, déstabilisée par son aveu.
— Je t'ai fait confiance, et tu m'as tiré dessus, dit-il d'une voix grave, chaque mot pesant lourdement entre nous. Tu te rends compte de ce que ça signifie ? Non seulement tu mets ta propre vie en péril à chaque instant, mais tu m'as prouvé que je ne devrais jamais baisser ma garde avec toi.
Il s'arrêta un instant, me fixant avec une intensité presque douloureuse.
— Et le pire dans tout ça ? C'est que malgré tout, malgré chaque ligne que tu as franchie, chaque risque insensé que tu as pris, je recommence à te faire confiance. Et ça, Camila, c'est insupportable.
Mon cœur se serra, pris entre la colère, la culpabilité, et quelque chose d'autre, plus profond, que je n'arrivais pas à nommer. Isaac avait toujours été cette force solide, une présence inébranlable. Et l'idée que je l'avais poussé à la limite de sa propre patience, de son propre contrôle, faisait monter un mélange de honte et de défi en moi.
— Je ne t'ai jamais demandé de me faire confiance, Isaac, répondis-je d'une voix faible, presque brisée, mais lui soutenant le regard malgré tout. Je n'ai jamais voulu te mettre dans cette position.
Il secoua la tête, un rire sans joie échappant de ses lèvres.
— Tu ne comprends vraiment pas, n'est-ce pas ? Il s'agit de bien plus que de la confiance. Il s'agit de toi. De ce que tu représentes pour moi, de la manière dont tu hantes mes pensées à chaque seconde. C'est moi qui devrais partir, Camila. C'est moi qui devrais te laisser. Mais je n'y arrive pas.
— Alors pourquoi rester ? Pourquoi rester si tu penses que tout ce que je fais n'apporte que des problèmes ?
Il ferma les yeux une seconde, comme pour contenir sa colère ou peut-être sa frustration. Quand il les rouvrit, ils brillaient d'une intensité douloureuse.
— Parce que malgré tout, malgré tes erreurs, je... Il s'interrompit, ses mots comme pris dans un étau. Parce qu'aucune logique, aucune règle ne semble s'appliquer dès qu'il s'agit de toi.
Ses paroles laissèrent un vide dans l'air, une confession implicite, trop lourde pour que l'un de nous ose l'achever. Je le regardai, prise dans un tourbillon d'émotions contradictoires.
Je sentais ma gorge se serrer, envahie par une émotion que je ne parvenais pas à définir. Les mots d'Isaac tournaient en boucle dans ma tête, remplis d'une sincérité douloureuse, brutale. Pour la première fois, il laissait entrevoir ce qui se cachait derrière son masque de contrôle et de froideur. Cela me déstabilisait, me rendait vulnérable.
— Si aucune règle ne s'applique, murmurai-je, alors pourquoi continuons-nous à prétendre ? À faire comme si nous n'étions rien d'autre que... des alliés forcés, unis par les circonstances ?
Il secoua la tête, se rapprochant d'un pas, réduisant la distance entre nous jusqu'à ce que je puisse sentir la chaleur qui émanait de lui. Mon cœur battait à un rythme effréné, chaque fibre de mon être tirée vers lui, malgré la tension qui continuait de flotter entre nous.
— Parce que reconnaître ce qui se passe entre nous... ça signifie s'ouvrir à une vulnérabilité que ni toi ni moi ne pouvons nous permettre, dit-il, sa voix à peine un murmure.
Son regard plongeait dans le mien, cherchant une compréhension mutuelle, comme un pacte silencieux. Mais je n'étais pas prête à céder. Cette proximité interdite, cette attirance refoulée qui brûlait entre nous, devenait impossible à ignorer.
La nuit était tombée, enveloppant la maison d'Isaac d'une atmosphère silencieuse et pesante. Après notre dispute, je m'étais réfugiée dans une des pièces du fond, le cœur encore lourd des mots échangés plus tôt. J'avais entendu ses pas se déplacer dans la maison, mais il avait respecté ma solitude.
Finalement, alors que l'horloge sonnait neuf heures, je décidai de quitter la pièce. Je le trouvai dans le salon, assis sur le canapé, son regard fixe et intense. Le silence s'étendait entre nous, lourd d'une tension latente.
— Salut, dis-je doucement, m'approchant.
Il tourna lentement la tête vers moi, ses yeux froids ne trahissant aucune émotion. Je baissai les yeux, mal à l'aise, mais je m'assis à une distance respectable, cherchant mes mots.
— Je suis désolée pour tout à l'heure, dis-je finalement, brisant le silence. Je n'aurais pas dû m'emporter.
Isaac resta silencieux un instant, puis finit par acquiescer d'un mouvement de tête, sans dire un mot. L'atmosphère était plus calme, mais je sentais qu'il réfléchissait toujours à ce qui s'était passé.
— Isaac, dis-je en m'approchant, il faut qu'on parle.
Il hocha légèrement la tête, et je pris cela comme un signe pour continuer.
— J'ai... des informations sur moi, sur ce que j'ai vécu avec David. Je pense qu'elles pourraient nous aider, mais je ne sais pas si je peux les révéler à quiconque.
Isaac se redressa, son regard s'intensifiant.
— Pourquoi tu ne pourrais pas ?
Je marquai une pause, rassemblant mes pensées.
— Je suis impliquée dans leurs affaires depuis trop longtemps. Si jamais ils découvrent que je parle, cela pourrait être dangereux pour moi... et pour toi.
Isaac plissa les yeux, absorbant mes paroles.
— Ce que tu as vécu avec David, ça fait partie de leur réseau. Ça pourrait être notre clé pour les faire tomber.
Je savais qu'il avait raison, mais la peur me paralysait.
— J'ai des détails sur leurs opérations, sur les personnes qui les soutiennent. Mais je crains que ces informations ne me mettent en danger. Je ne sais pas si je peux me permettre d'en parler ouvertement.
Il se leva, s'approchant de moi, et l'atmosphère se chargea de tension.
— Écoute, Camila, je comprends tes craintes. Mais nous devons prendre des risques si nous voulons les arrêter. Si nous rassemblons tout ce que tu sais, nous pourrions élaborer un plan.
Je déglutis, consciente de la gravité de la situation.
— Alors, que proposes-tu ?
Isaac croisa les bras, son expression devenant plus sérieuse.
— D'abord, nous devons te protéger. Je ne veux pas que tu te retrouves dans une situation dangereuse à cause de ça. Ensuite, nous allons établir une méthode pour rassembler toutes ces informations sans attirer leur attention.
Je me sentais un peu apaisée par son soutien.
— Comment on procède ?
— Tu dois dresser une liste de tout ce que tu sais. Les noms, les lieux, les opérations... tout. Ensuite, nous allons planifier une surveillance discrète. Si tu es en sécurité, nous pourrons examiner chaque détail ensemble.
Je hochai la tête, sentant un mélange d'adrénaline et d'appréhension.
— Je vais le faire. Je vais tout noter, mais il faut que ça reste entre nous.
— Compte sur moi, dit-il, l'air résolu. Je vais mettre en place des mesures de sécurité autour de toi. Si Diego ou Saul s'approchent, je m'assurerai qu'on ait toujours une longueur d'avance.
Un silence pesant s'installa, et je réalisai à quel point cette alliance était fragile.
— Je n'aime pas cette situation, Isaac, dis-je finalement. Mais je veux qu'on réussisse.
Il me regarda, ses yeux montrant une détermination qui me réconforta.
— Nous allons les faire tomber, Camila. Ensemble.
Nous étions là, dans le salon, le poids de nos précédentes discussions flottant autour de nous. Isaac était debout, légèrement incliné en avant, les bras croisés, un mélange d'inquiétude et de détermination dans son regard. Je restai assise, les mains posées sur mes genoux, le cœur battant au rythme d'une tension sourde qui enveloppait la pièce.
Nos regards se croisèrent, et tout sembla s'arrêter. Les mots que nous n'avions pas encore prononcés passaient entre nous, lourds de signification.
Il y avait une intensité dans l'air, une connexion presque palpable. Les émotions que nous avions tenté de refouler prenaient forme, mais aucune parole ne sortait.
Je ne savais pas si c'était la lumière tamisée qui accentuait les ombres sur son visage ou l'intensité de son regard qui me brûlait la peau. Chaque seconde s'étirait, et je me surpris à retenir mon souffle, incapable de détourner les yeux. Isaac semblait plongé dans mes pensées, comme s'il lisait tout ce que j'avais sur le cœur.
Puis, sans un avertissement, le bruit strident de la sonnette brisa le silence. La réalité revint en un instant, coupant notre échange intense.
Il se redressa brusquement, et la tension qui avait rempli l'espace entre nous s'effondra instantanément.
— Ça doit être la nourriture, dit-il, son regard toujours accroché au mien, mais maintenant teinté d'une certaine frustration.
Je déglutis, réalisant à quel point cet instant aurait pu être différent.
— Tu veux que j'aille répondre ? proposai-je, mais il secoua la tête.
— Non, reste ici. Je vais ouvrir.
Il tourna le dos et se dirigea vers la porte d'entrée. Alors qu'il s'éloignait, je me laissai tomber en arrière sur le canapé, le cœur encore en proie à l'adrénaline.
Ce jeu de regards, si chargé de promesses, était soudainement devenu un lointain souvenir.
Il ouvrit la porte, et je l'entendis échanger quelques mots avec le livreur. Mon esprit s'emballa alors que je réfléchissais à ce qui venait de se passer. L'atmosphère avait changé, le moment fugace que nous avions partagé désormais éclipsé par la banalité du quotidien.
Isaac revint, portant deux sacs de nourriture, un léger sourire sur les lèvres, comme si rien ne s'était passé. Il déposa les sacs sur la table basse, mais je pouvais encore sentir la tension résiduelle dans l'air.
— Allez, mangeons, proposa-t-il, sa voix plus détendue. On a besoin de reprendre des forces avant de se replonger dans tout ça.
Je ne pus m'empêcher de sourire légèrement, tentant de retrouver un semblant de normalité.
Alors que nous commencions à déballer la nourriture, un bruit étrange attira mon attention. Je levai les yeux, me dirigeant instinctivement vers la fenêtre. À la lueur des lampadaires, je remarquai une silhouette sombre se déplacer dans l'ombre. Mon cœur se mit à battre plus vite alors que je réalisai que ce n'était pas un simple passant.
— Isaac, murmurai-je, ma voix tremblante.
Il se retourna, l'air interrogatif, avant de suivre mon regard. À cet instant, son expression changea, une ombre de tension passant sur son visage.
— Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il, son ton sérieux.
Je désignai la fenêtre. À l'extérieur, je pouvais distinguer une dizaine de gardes, les uniformes sombres se mêlant à l'obscurité, positionnés stratégiquement autour de la maison.
— Je crois que mon père a envoyé des renforts, dis-je, le cœur serré.
Isaac se redressa, son attitude immédiatement protectrice.
— Ça en fait beaucoup là non ?
— J'ai déjà eu pire crois moi. Dis-je en m'éloignant des fenêtres.
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