15- Là où ça a commencé 5/5
La scène se rejoue dans mon esprit, chaque détail imprimé comme une brûlure. Le bruit des balles, l'expression d'Isaac, mélange de surprise et de douleur, ses yeux me transperçant à travers l'obscurité. J'entends encore le choc sourd de son corps tombant au sol. Tout semble se dérouler au ralenti, un cauchemar que je ne peux éteindre.
— Cam, ta montre. Je crois bien que quelqu'un essaie de t'appeler, dit Éric, brisant ma spirale de pensées.
Je cligne des yeux, sortant de ma transe. Je baisse les yeux vers ma montre qui vibre contre mon poignet. Le nom de ma mère s'affiche. Je serre les dents et détourne le regard, refusant de répondre.
— On s'en fout. Bordel, tu crois que c'est le moment ? craché-je, enfonçant mon épaule contre la porte pour la maintenir fermée.
Éric, à genoux à côté de moi, tente de fixer la barricade de fortune que nous avons montée avec une chaise renversée et des cartons. Il pousse un soupir agacé.
— Je dis juste qu'on pourrait avoir besoin d'eux, dit-il, sa voix plus calme, presque rationnelle. On est coincés ici. Tes parents ont les moyens de nous sortir de cette merde.
Je me redresse, le visage en feu, une rage sourde montant en moi.
— Mes parents ?! Tu veux parler de mon père, ou de ma mère, qui me regardera comme si j'étais une erreur sur deux jambes ? "Oh, Camila, tu me déçois énormément." Tu crois que c'est ça, l'aide qu'on mérite ?!
— Non merci. Je préfère encore rester ici et me débrouiller seule.
Éric se lève d'un bond et m'attrape par les épaules, me forçant à le regarder dans les yeux.
— Tu crois que t'es toute seule ?! Regarde autour de toi, Camila ! On est dans la merde jusqu'au cou, tous les deux. Et toi, tu refuses de voir la réalité.
Je le repousse avec force, mais ses mots s'enfoncent comme des lames.
— Tu crois que j'en ai quelque chose à foutre de tes leçons, Éric ? Tu ne sais rien !
— Je sais que tu n'as pas à porter tout ça sur tes épaules. Isaac l'a mérité. Et même s'il ne l'a pas mérité, c'est fait. Maintenant, il faut qu'on survive. Alors arrête de tout prendre pour toi et réfléchis à ce qu'on peut faire !
Je m'écroule sur le sol, les genoux repliés sous moi, mes mains tremblant d'épuisement et de colère. Les mots d'Éric résonnent, mais tout ce que je ressens, c'est le poids de mes erreurs.
— Tu ne comprends pas... dis-je, la voix rauque. Tout est de ma faute. Isaac n'aurait jamais dû être là. Si je n'avais pas...
Ma voix s'éteint. Le visage d'Isaac revient dans mon esprit, cette fraction de seconde où il a cru que j'allais le tuer. Mon souffle devient court.
— Je devais tout arrêter ici, murmuré-je, presque pour moi-même. C'était censé s'arrêter... mais tout ça, c'est un cercle. Ça ne s'arrêtera jamais.
Éric s'assied à côté de moi, posant une main hésitante sur mon épaule.
— Alors brise le cercle, Camila. Fais un choix. Mais je ne te laisserai pas crever ici.
Le silence retombe, à peine troublé par les bruits distants de pas. Ma montre vibre encore une fois. Le nom de ma mère brille faiblement.
Je fixe l'écran, immobile. Briser le cercle. Une partie de moi veut le croire. Une autre sait que c'est déjà trop tard.
PRÉSENT
Je me réveille dans une chambre, la douleur pulsante à chaque mouvement. Mon corps est engourdi, et chaque geste est une lutte contre l'inconfort. En me redressant lentement, je prends conscience de la gravité de ma situation. Les événements des derniers jours défilent dans ma tête, un tourbillon de regrets et de culpabilité.
J'essaie de me lever, mais la douleur est trop intense. Je m'accroche au bord du lit, puis, soutenue par une force résignée, je marche vers la porte.
Celle-ci s'ouvre avant que je ne l'actionne. Isaac entre, l'expression dure, mais je perçois un frisson de préoccupation dans son regard.
— Qu'est-ce qui..demandai-je en reculant.
— On est rentré... Tes parents sont là Camila.
Mon rythme cardiaque augmente et je réalise que je dois rendre des comptes. Je l'observe, me demandant ce qu'il a pu dire à mes parents.
— Qu'est-ce que tu leur as dit ? Mon ton est plus accusateur que je ne le voudrais.
Il me regarde intensément, cherchant à déceler ma fragilité.
— Je vais te donner une chance de tout me raconter, sinon c'est moi qui...
— Tu ne feras rien, dis-je durement, redressant la tête pour lui faire face.
— Et pourquoi ? Tu as l'air sûr de toi.
— Tu comprends pas, Isaac. Tout ce que j'ai fait... Si mes parents l'apprennent, je serai finie. Je suis une adulte responsable, je peux régler mes problèmes seule. Je n'ai pas besoin de mes parents sur le dos. D'accord ? dis-je plus fermement.
— Je veux que tu me racontes tout, dit-il, sa voix ferme.
Je prends une grande inspiration, me mords la lèvre supérieure et réfléchis au fait que je vais devoir me dévoiler à lui.
— Je veux que tu me promettes de ne rien leurs dires.
Je respire profondément, tentant de rassembler mes pensées. Les souvenirs de cette nuit fatidique où j'ai été contrainte de tirer sur lui me hantent. Je commence à raconter tout ce qui s'est passé, chaque détail, chaque décision prise sous la pression.
— Il y a quelques années, quand j'étais en Italie avec ma tante Gio, j'ai rencontré quelqu'un nommé David...Ferrez. Je pensais que c'était un ami, mais il s'est avéré qu'il me manipulait et m'a impliquée dans ses affaires illégales. J'étais jeune et comme toute adolescente j'avais un penchant pour le danger.
Je vois ses sourcils se froncer au fur et à mesure que j'avance dans l'histoire, son visage exprimant un mélange d'inquiétude et de colère. Il se penche légèrement en avant, l'air attentif.
— Quel genre d'affaires ? demande-t-il, sa voix chargée de gravité.
Je baisse les yeux, ma honte palpable. Les souvenirs des manipulations de Diego me hantent.
— Il m'a utilisée à cause de mon nom, pensant que personne ne me soupçonnerait. Au début, je n'étais pas consciente de l'ampleur des choses, et quand j'ai réalisé, j'étais trop impliquée et trop effrayée pour me retirer.
— Attends, tu as dit il y a quelques années ? Tu avais quel âge ?
— 16.
La confession me semble presque insupportable. La honte et la peur que j'avais essayer de cacher pendant si longtemps éclatent enfin au grand jour. La réaction est immédiate. Isaac, qui a écouté en silence jusqu'à présent, se redresse brusquement, son visage durci par la colère.
— Il ne t'a pas touché ?
— Non..jamais. Dis-je en relevant la tête de honte. Je ne disais pas tout mais je voulais enfuir de secret au fond de moi.
Je le vois se frotter les tempes, la frustration éclatant dans ses yeux. Son regard se tourne vers moi, accusateur et rempli de déception. Je tremble, la culpabilité me submergeant encore plus.
— Il faut cacher ça à tes parents. Tu sais très bien qu'avec tes confessions, une guerre peut éclater.
— Je sais.
La peur me serre le cœur. Les règles de la mafia sont claires et impitoyables, et je comprends la gravité de ma situation. Je baisse la tête, incapable de soutenir son regard.
Après un moment de silence, il se redresse lentement, son visage marqué par un mélange de déception et de réflexion.
— Maintenant que je sais d'où vient ta force et ton caractère, cela explique beaucoup de choses, dit-il, sa voix empreinte de respect.
Je lève les yeux, perplexe, alors qu'il poursuit.
— Si ton père n'était plus là, tu aurais probablement été la personne qui prendrait la succession. Ton implication dans ces affaires démontre une connaissance approfondie de ce monde.
Les mots d'Isaac me prennent de court. Je ne m'attendais pas à entendre cela, et l'idée que j'aurais pu être considérée comme une successeuse, même dans des circonstances aussi tragiques, me laisse un mélange d'appréhension et de confusion.
— Nous devons inculper David et Saul. Je sais que cela pourrait te mettre en danger, mais si tu as des informations cruciales que nous pouvons utiliser pour les faire tomber...
Je le regarde, comprenant l'ampleur de la tâche à accomplir. Mon cœur se serre à l'idée de devoir affronter à nouveau ces personnes, mais je sais que c'est peut-être la seule voie pour me racheter.
— D'accord, dis-je finalement, déterminée. Je ferai ce qu'il faut pour les faire tomber. Je veux réparer mes erreurs et mettre fin à tout ça.
Isaac hoche la tête, un signe de respect mêlé à une sévère détermination dans ses yeux.
Après avoir fini de partager les informations cruciales, pour être coordonnées devant mes parents il me fait signe de le suivre. La tension est palpable dans l'air tandis que nous marchons vers une petite salle adjacente.
Isaac ouvre doucement la porte, et mes parents sont là, assis. Mon père, est droit, le regard dur, ses sourcils froncés dans une expression de mécontentement et de méfiance.
Ma mère, semble plus douce, mais son visage est marqué par l'inquiétude. L'incompréhension flotte dans la pièce comme un lourd nuage.
Isaac s'avance prudemment, levant les mains en signe d'apaisement.
— Lana, James, je sais que tout cela est difficile à comprendre. Je vous demande juste de m'écouter un instant.
Mon père se lève immédiatement, dominant la pièce de toute sa hauteur. Son regard d'acier me cloue sur place. Il ne parle pas encore, mais son silence est tout aussi intimidant que ses mots pourraient l'être.
— Qu'est-ce qui se passe, Isaac ? rugit-il finalement, la voix grave, menaçante.
Isaac inspire profondément avant de répondre, mesurant chacun de ses mots.
— Camila possède des informations cruciales sur une affaire que je gère. Nous devions agir rapidement et discrètement pour assurer sa sécurité, ainsi que celle des autres personnes impliquées. Je ne pouvais pas vous prévenir plus tôt.
Mon père me fixe, les mâchoires serrées, son regard froid scrutant chaque détail de mon visage. Je sens la pression monter, ma respiration se fait plus courte, et je lutte pour ne pas baisser les yeux devant lui. Ses yeux me percent, et je sais qu'il attend des réponses précises, sans la moindre hésitation.
— Tu ne pouvais pas nous prévenir ? répète-t-il lentement, son ton glacial. C'est notre fille, Isaac. Tu penses que nous aurions laissé quoi que ce soit lui arriver ?
Je frissonne sous la menace implicite de ses mots. Mon père ne parle jamais de ce qu'il fait vraiment, mais son autorité est indiscutable, et chaque décision qu'il prend a des répercussions immenses.
Ma mère, les yeux brillants, intervient doucement, brisant la tension.
— Camila, est-ce vrai ? Tu es en danger ? Pourquoi tu avais disparu tout ce temps sans même nous donner de nouvelles Dios mio ?
Je prends une grande inspiration, sentant mes jambes vaciller sous le poids des attentes de mes parents.
— Oui, maman. C'est vrai. Je suis désolée de ne pas vous en avoir parlé plus tôt. J'avais peur... peur de ce qui pourrait arriver si je vous impliquais. Mais maintenant, Isaac et moi travaillons ensemble pour régler cette situation.
Mon père ne bronche pas. Il s'avance, son ombre me couvrant, et pose une main lourde et ferme sur mon épaule. Je me retiens de grimacer à cause de ma blessure mais réussi à garder un visage neutre.
Il me force à lever les yeux vers lui.
— Camila, commence-t-il, sa voix basse et dangereusement calme, nous sommes ta famille. Si tu crois que tu peux régler tes erreurs toute seule sans en parler à personne, tu te trompes lourdement.
Il se penche légèrement vers moi, me faisant sentir toute la menace dans ses paroles.
— C'est la dernière fois que tu nous mets de côté, tu entends ? poursuit-il, ses mots s'enfonçant dans ma peau comme des lames de couteau.
Je serre les dents, retenant un frisson de peur. Je savais que cette confrontation avec lui serait difficile, mais l'intensité de son regard me rend vulnérable. Ma mère, plus tendre, s'approche et prend mes mains dans les siennes, ses larmes roulant silencieusement sur ses joues.
— Maman...J'aimais pas la voir comme ça
— Nous te faisons confiance, dit-elle d'une voix brisée. Mais promets-nous que tu seras prudente, que tu ne cacheras plus rien.
Je hoche la tête, incapable de parler sous l'émotion et la peur. Je jette un coup d'œil à Isaac, qui reste silencieux, en retrait, observant les réactions de mes parents.
Mon père relâche légèrement son emprise sur mon épaule et recule d'un pas, mais son regard ne se radoucit pas. Je me permets de souffler enfin loin de son aura.
Il attend, il veut des réponses. Et il n'acceptera aucune demi-vérité.
Je respire profondément, sachant que je dois faire attention à ce que je dis.
— Il y a quelque chose que je dois vous avouer, dis-je d'une voix tremblante.
Les yeux de mon père se plissent instantanément, et il croise les bras, me jaugeant avec une patience dangereuse. Chaque seconde de silence semble allonger l'ombre de sa colère.
— Il y a eu un moment... un incident où tout a failli déraper. Mais c'est terminé, je suis ici, et je vais tout faire pour réparer mes erreurs.
— Camila, qu'est-ce que tu as fait ?.
Je sens mes mots se coincer dans ma gorge. L'idée même d'avouer que j'ai tiré sur Isaac me semble insurmontable.
— C'était une situation dangereuse, et j'ai dû prendre des décisions rapides, dis-je, évitant intentionnellement de mentionner le tir. Isaac comprend, il sait que c'était une question de survie.
— Comprendre quoi, exactement ? grogne mon père, son regard perçant.
Isaac intervient alors, brisant la tension, tout en restant respectueux devant l'autorité écrasante de mon père.
— James, ce que Camila veut dire, c'est qu'elle a été mise dans une situation de haute pression. Elle a agi sous contrainte, mais elle est restée loyale à notre objectif. Nous avons encore du travail, mais je suis sûr que nous avons tout ce qu'il faut pour en finir avec ceux qui nous menacent.
Mon père observe Isaac longuement, cherchant à discerner la moindre faille dans ses paroles. Puis il revient vers moi.
— Si tu mens ou si tu nous caches encore quelque chose, Camila, je le saurai, dit-il froidement. Et crois-moi, tu regretteras d'avoir douté de nous.
Je hoche la tête en silence, la gorge nouée.
Ma mère resserre sa prise sur mes mains, essayant de me rassurer, mais le regard perçant de mon père reste une menace que je ne peux ignorer.
Je sais que ce n'est que le début.
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