12- Le début 3.5/5

CAMILA

Lorsque la nuit enveloppe la ville, je me réfugie dans ma chambre, l'esprit agité. Les événements de la journée pèsent sur moi : l'entraînement au tir a ravivé ma vigilance, et ma conversation avec ma tante a mis en lumière l'urgence de la situation. Plus que jamais, je ressens le besoin d'être prête, alerte, consciente de chaque détail.

Je m'assieds au bord du lit, le regard perdu, puis finis par me laisser tomber en arrière. Allongée, les yeux rivés au plafond, mon esprit refuse de se calmer. Le silence de la nuit contraste avec le tumulte de mes pensées.

Cherchant une distraction, j'attrape mon téléphone et commence à faire défiler les réseaux sociaux d'un geste mécanique. Mon attention finit par dériver vers un nom que je n'ai pas prononcé depuis longtemps. Isaac D'Amico.

Je murmure son nom en me redressant légèrement, comme si le simple fait de le dire pouvait le faire apparaître. Poussée par une curiosité que je préfère ne pas analyser, je tape son nom dans la barre de recherche.

Les résultats sont décevants. Aucun profil ouvert, aucune trace de publications récentes. Comme s'il s'était effacé du monde numérique. Pourtant, en creusant davantage, je trouve des mentions de lui dans des articles de presse, toujours en lien avec des affaires d'investigation. Rien de personnel, rien qui me permette de voir qui il est réellement aujourd'hui.

Mais en explorant les comptes d'amis mentionnés dans ces articles, je tombe enfin sur des photos. Mon cœur manque un battement. Là, au milieu d'une fête, Isaac apparaît, entouré de quelques connaissances. Sur l'une des images, il est torse nu, son corps athlétique trahissant une discipline rigoureuse. Son visage, d'ordinaire si impénétrable, affiche une expression plus relâchée, presque insouciante. Pourtant, même ainsi, il conserve cette aura distante, comme s'il ne se laissait jamais totalement aller.

Je fixe l'écran, troublée. L'homme sur ces photos contraste avec celui que j'ai connu. Celui qui était froid, calculateur, toujours sur ses gardes. Je me remémore nos échanges, parfois marqués par une tension sous-jacente, une retenue frustrante. Et si, derrière cette façade de contrôle, il y avait une version de lui plus accessible ? Un Isaac capable de douceur, de complicité ?

Sans même m'en rendre compte, mon esprit se met à imaginer. Je le visualise dans un cadre plus intime, loin des regards extérieurs. Je m'imagine à ses côtés, partageant des instants simples mais chargés de sens. Je le vois se détendre sous ma présence, abandonner peu à peu cette armure qu'il porte en permanence. Je ressens son souffle contre ma peau, la chaleur de son corps tout proche...

— T'es complètement folle... murmuré-je en secouant la tête, tentant de chasser ces images absurdes.

Avec un soupir frustré, je laisse tomber mon téléphone avant de le reprendre presque aussitôt. Mon regard revient sur la photo. L'envie de comprendre, d'explorer cette facette de lui que je n'ai jamais connue, persiste.

Je me perds à nouveau dans mes pensées, me projetant dans des scénarios où la distance entre nous s'efface peu à peu. Où nos silences se remplissent de gestes et de regards complices. Où je peux voir, sentir, toucher cette version de lui qui semble exister quelque part, mais qui m'a toujours été refusée.

— Il faut que j'arrête ça.

Dans un sursaut de lucidité, je quitte l'application et me lève. Mes pas me mènent jusqu'au miroir, où mon reflet me renvoie une expression que je peine à décrypter. Un mélange de confusion, de frustration... et d'un trouble persistant.

Je ferme les yeux un instant, inspire profondément. Il faut que je me recentre sur la réalité. Sur ce qui est tangible.

Mais même en rouvrant les yeux, l'image d'Isaac refuse de s'effacer.

ISAAC

Je suis assis à mon bureau, au cœur du quartier général de notre unité d'intervention spéciale. Les murs sont couverts de cartes, de photographies et de rapports d'enquête, chaque élément formant une pièce du puzzle que nous tentons d'assembler. L'éclairage tamisé accentue l'atmosphère austère de la pièce, mais je ne m'en soucie pas. Mon attention est rivée sur les derniers rapports de mission, que je feuillette avec précision. Chaque détail peut faire la différence.

La porte s'ouvre brusquement, interrompant ma concentration. Markov entre, l'air préoccupé.

— Isaac, tu as entendu les dernières nouvelles ? demande-t-il sans préambule.

Je relève les yeux de mes documents, mon expression restant impassible.

— Non, parle.

— On vient de recevoir des informations sur une grosse opération dans le secteur de Beview. Les supérieurs pensent que Ferez est impliqué.

Je fronce légèrement les sourcils. Ce nom ne m'est pas inconnu, mais il me faut plus de détails.

— Je vais contacter mon informateur, dis-je en attrapant mon téléphone.

— Fais vite. Si c'est bien lui, on va avoir du boulot.

Markov acquiesce avant de quitter le bureau, me laissant à mes réflexions. Je repasse mentalement les zones à surveiller, notant celles qui nécessitent une attention particulière.

Quelques heures plus tard, mon téléphone vibre. Un message s'affiche sur l'écran.

— Retrouve-moi à l'entrepôt sur Elm Street. Urgent.

Je soupire en reposant mon stylo. Ce genre de message ne présage rien de bon. Topo, mon informateur, n'est pas du genre à paniquer pour rien. Je récupère ma veste et quitte le QG, direction l'entrepôt, une vieille bâtisse en périphérie de la ville, discrète mais idéale pour des échanges confidentiels.

En arrivant, je le repère immédiatement. Il attend dans un coin sombre, le visage tendu. Lorsqu'il me voit, il s'approche rapidement.

— Isaac, merci d'être venu, dit-il en me serrant la main, son ton trahissant une certaine nervosité.

— Qu'est-ce que tu as pour moi ?

Sans un mot, il me tend un dossier épais. Je l'ouvre et découvre une série de photos et de documents détaillant les activités de Ferez.

— Il prépare un gros coup cette nuit. Une transaction d'armes de grande ampleur, murmure-t-il en scrutant les alentours.

Je reste silencieux un instant, analysant les documents. L'ampleur de l'opération est évidente. Si nous arrivons à obtenir des preuves, ce sera un coup dur pour lui.

— Il faut que tu t'infiltres dans son cercle pour évaluer la situation et récupérer les informations dont on a besoin, dis-je en refermant le dossier.

Il secoue immédiatement la tête.

— Impossible. Je suis grillé. Si un seul de ses hommes me reconnaît, je suis mort. Je risque déjà ma peau en te parlant.

Je l'observe un instant, jaugeant la situation.

— D'accord. Quels détails supplémentaires peux-tu me donner ?

— La transaction aura lieu dans une vieille usine, à l'extérieur de la ville.

Je lève un sourcil.

— L'usine abandonnée sur la route 17 ?

Il hoche la tête.

— Oui, c'est là. Écoute, si tu veux des infos solides, il va falloir que tu te fasses passer pour un acheteur potentiel. C'est le seul moyen d'approcher Ferez sans éveiller les soupçons.

Je croise les bras, réfléchissant rapidement aux implications.

— Et le timing ?

— 22h ce soir. Arrive en avance pour repérer les lieux et éviter d'attirer l'attention. Ferez est méfiant, il ne prendra aucun risque inutile.

Je prends une inspiration mesurée, assimilant les informations. La mission est risquée, mais c'est une occasion en or.

— Compris.

Il me tend une petite note chiffonnée.

— Prends ça. Tous les détails de la rencontre y sont inscrits.

Je la récupère et la glisse dans ma poche avant de tourner les talons.

Le temps presse. Je dois me préparer, revoir le plan et anticiper chaque variable. Ce genre d'opération ne laisse pas de place à l'erreur.

Je monte dans ma voiture, le dossier et la note en main. La nuit s'annonce longue.

Dans la camionnette stationnée à une distance stratégique, mon équipe est en position, prête à intervenir au moindre signe de problème. Chacun connaît son rôle : surveillance, extraction, couverture en cas de besoin. Ils savent que ce type d'opération peut basculer en un instant.

Je gare ma voiture à quelques centaines de mètres de l'usine et termine le trajet à pied, restant dans l'ombre des bâtiments délabrés. Le lieu est à l'abandon depuis des années, comme en témoignent les murs couverts de tags et les vitres brisées. Avant d'entrer, je vérifie une dernière fois mon oreillette et mon micro discret. Tout est opérationnel.

À l'intérieur, l'ambiance est lourde, mais maîtrisée. Des hommes circulent entre les palettes et les caisses, échangeant des paroles brèves. Je me positionne dans un coin sombre, observant les lieux tout en gardant un œil sur ma montre. La mission est claire : récolter un maximum d'informations sur la transaction d'armes et assurer une extraction rapide si nécessaire.

L'arrivée de Ferez ne passe pas inaperçue. Il entre, entouré de plusieurs gardes, son autorité naturelle imposant le silence. Je me fonds dans la foule, écoutant les conversations sans attirer l'attention.

— Ici Isaac, Ferez vient d'arriver. Pour l'instant, tout est sous contrôle, murmuré-je dans mon oreillette.

— Reçu, répond Steve depuis la camionnette. On garde un œil sur la situation.

Les hommes de Ferez commencent à ouvrir les caisses, révélant un arsenal impressionnant. Fusils d'assaut, munitions, équipements de pointe. La négociation débute, les échanges sont rapides, chiffrés, précis. J'essaie de capturer discrètement quelques images tout en mémorisant les détails.

Puis, un changement subtil dans l'atmosphère me met en alerte. Un des gardes de Ferez balaye la pièce du regard, visiblement à la recherche de quelque chose... ou de quelqu'un. Je glisse un peu plus dans l'ombre, contrôlant mon souffle pour ne pas éveiller de soupçons.

— Isaac, mouvements suspects à l'entrée. Reste prêt pour une extraction rapide, annonce Steve.

— Compris. Je reste en position.

Les discussions se poursuivent, mais je perçois une tension grandissante. Ferez semble finaliser la transaction. Les sommes évoquées sont considérables, et les armes, de haute technologie. Je note mentalement les détails, prêt à me retirer au moindre signe de danger.

Soudain, une sirène retentit à l'extérieur, brisant l'équilibre précaire de la scène. Les gardes de Ferez se crispent, l'un d'eux porte immédiatement la main à son arme. Ferez, jusqu'ici impassible, réagit instantanément.

— Isaac, alerte en cours. Ça pourrait être une diversion, préviens Steve dans mon oreillette. Prépare-toi à bouger.

Je vois Ferez échanger quelques mots avec ses hommes avant de prendre la direction de la sortie arrière. Il ne compte pas rester pour voir ce qui se passe.

— Je vais devoir improviser. Ferez tente de s'échapper par l'arrière, annoncé-je.

— On prépare l'extraction. Rejoins-nous au point de sortie habituel, ordonne Steve.

Je ne perds pas une seconde et amorce mon repli. L'usine est en pleine effervescence, les hommes de Ferez se dispersent, certains prenant position, d'autres disparaissant dans la nuit. Les sirènes se rapprochent, amplifiant le chaos ambiant.

Je me faufile à travers les décombres, évitant les regards, et rejoins la camionnette où Steve et le reste de l'équipe sont prêts à partir.

— Ferez s'est échappé, mais on a récupéré des informations précieuses. On a de quoi creuser, dis-je en montant à bord.

Steve hoche la tête, concentré sur la route.

— On a avancé, c'est ce qui compte. Ces infos vont nous aider à préparer la suite.

Je regarde l'usine s'éloigner à travers la vitre. La mission n'a pas été un succès total, mais elle nous a rapprochés de notre objectif.

Un peu plus tard, nous nous retrouvons dans un bar, une bière à la main, tentant de relâcher la pression.

— Pas facile ce soir, hein ? lance Steve en prenant une gorgée.

Je hoche la tête, encore tendu.

— Non, c'était serré. Ferez était sur ses gardes.

Markov, assis en face de moi, croise les bras.

— C'est clair, il s'attendait à quelque chose. Comment tu t'es senti, là-dedans ?

Je prends une gorgée, réfléchissant à sa question.

— Chaque seconde comptait. Il y avait trop de variables, trop de risques. J'avais la sensation que le moindre faux pas pouvait tout faire basculer.

Steve sourit légèrement.

— Tu gères bien la pression. Mais même les meilleurs ont des moments de doute. Comment tu fais pour rester aussi calme ?

Je secoue la tête.

— Je ne suis pas sûr d'être toujours calme. Mais on fait ce qu'on a à faire. C'est la pression qui nous pousse à rester affûtés.

Steve lève son verre.

— À notre boulot, alors.

On trinque, mais mon esprit dérive ailleurs.

— Ferez devient plus prudent, remarque Steve. Il sent qu'on se rapproche.

Je prends un moment pour analyser cette idée.

— Oui, il sait qu'on est sur lui. Il doit avoir des informateurs, et ça complique les choses.

Markov acquiesce, l'air grave.

— On va devoir redoubler d'efforts. La prochaine fois, on ne lui laissera pas d'issue.

Je soupire légèrement.

— Pour ce soir, j'ai juste besoin de souffler un peu.

— On a bien mérité cette bière, confirme Steve.

Je lui rends un sourire discret, mais mon attention est déjà ailleurs. De l'autre côté du bar, une silhouette attire mon regard. Une femme, dont les gestes et la posture me rappellent Camila.

Cela fait près de deux semaines que je ne l'ai pas vue, et ne pas savoir où elle est ni comment elle va commence à peser sur moi.

Markov, remarquant mon regard distrait, arque un sourcil.

— Quoi ? Tu as vu un fantôme ?

Je détourne les yeux, surpris par ma propre réaction.

Je prends une dernière gorgée de ma bière, tentant de chasser l'image de Camila de mon esprit. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire. L'adrénaline de la mission commence à retomber, laissant place à un autre type de tension, plus sourde, plus insidieuse.

— Je vais prendre l'air, lançais-je en me levant.

Steve et Markov échangent un regard, mais ne posent pas de questions. Ils savent que parfois, on a juste besoin d'un moment seul.

Je sors du bar, la fraîcheur de la nuit m'accueillant comme un choc après la chaleur bruyante de l'intérieur.

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