༄ Chapitre 54

— Une punition pour quoi ? répliqua Kori en toisant du regard le père de Veerky.

— Tout ça, c'était leur plan depuis le début, elle était forcément de mèche avec votre traitre de frère ! Alors j'exige qu'elle soit elle aussi punie pour la mort de fille.

Je ne pus m'empêcher de hausser un sourcil face à la mauvaise foi de cet homme et, du coin de l'œil, je n'eus aucun mal à voir qu'Aurios n'en pensait pas moins. Un silence s'installa avant que Kori ne lui rie tout simplement au nez. Je vis le visage pâle de l'homme viré au rouge, certainement à cause de la colère qui ne se fit que plus forte vis-à-vis de la réaction de l'aînée de Dagon. Lui, il m'était impossible de discerner son expression puisqu'il me faisait dos.

— Mon cher Maar, commença-t-elle d'un ton volontairement piquant, il me semble que c'est votre fille qui fut l'instigatrice de toute cette mascarade, pas vrai ?

— Ne me dites pas... !

— Silence ! Veerky était tellement persuadée de l'emporter qu'elle a proposé ce défi en songeant qu'il était gagné d'avance. Résultat, elle s'est retrouvée défigurée par cette Atlante que chacun d'entre vous a sous-estimée et qui s'est battue jusqu'au bout. Oui, Veerky aurait pu l'emporter, mais ce qui est arrivé ensuite n'est en aucun cas la faute d'Aesma.

— Son simple physique devrait suffire à la condamner, elle ressemble trait pour trait à la traitresse, ça ne peut pas être sans raison ! Et je refuse que ma fille ait perdu la vie à cause d'elle !

Kori ne faiblit pas, elle paraissait même plutôt ennuyée par le comportement du conseiller à la chevelure aussi rousse que l'avait été celle de sa très chère vipère de fille.

— Cessez de chercher des excuses, vous vous ridiculisez inutilement. Votre fille a joué et elle a perdu, mon frère est effectivement coupable de son meurtre et il sera puni en conséquence, l'apparence d'Aesma n'est en aucun motif pour la punir de quoi que ce soit, alors qu'elle n'a été en faute nulle part. Elle a joué votre petit jeu pervers jusqu'au bout, ce qui fait d'elle la gagnante, alors elle sera libre de faire ce qu'elle voudra ensuite.

Je vis les yeux verts du conseiller briller sous la colère et l'envie de meurtre, alors que ses jointures avaient blanchi tant ses poings étaient serrés. Ensuite, tout se passa très vite, il s'élança vers moi sans que personne n'ait eu le temps de l'en empêcher, très certainement dans le but d'en finir avec moi de ses propres mains. Je levai mes deux bras devant moi dans le but de me protéger, mais alors qu'il était à moins d'un mètre de moi, un poignard brandi au-dessus de sa tête, un liquide écarlate s'échappa de sa bouche avant de se diluer dans l'eau de mer. Mes yeux s'ouvrir grand lorsque je vis son cœur, encore battant, prisonnier d'une main délicate. D'un geste brusque, l'organe apparent fut extirpé par les dos tandis que le corps tombait lentement vers le sol sous nos pieds, sa chute étant freinée par l'eau dans laquelle nous nagions, tous. Je levais mes iris magenta en direction du visage d'Emäris qui était tout ce qu'il y avait de plus impassible face à l'acte qu'elle venait de commettre.

Je ne pus m'empêcher de frémir, sa gentillesse m'avait souvent fait oublier qu'elle pouvait, elle aussi, être sans pitié. Elle jeta ensuite le muscle encore battant un peu plus loin, ce qui attira une multitude de petits poissons qui vinrent le picorer avec entrain. J'eus, malgré moi, une grande peine à retenir une grimace de dégoût de se peindre sur mon visage.

— Quelqu'un d'autre veut tenter de s'attaquer à elle ou à l'un de mes enfants ?

Ces mots étaient bien entendu adressés au reste du conseil, je vis les beaux visages de ces hommes se tordre en des grimaces d'agacement et certains détournèrent même la tête, exprimant ainsi muettement leur soumission devant celle qui était encore leur reine. Et ce fut en assistant à cela que je compris qu'Emäris ne s'était soumise que parce que c'était son fils qui avait pris le pouvoir, ça aurait été n'importe qui d'autre, elle l'aurait tué. Elle avait fait profil bas uniquement parce qu'elle aimait son enfant plus que la couronne qu'elle portait sur la tête.

— Kori, fit sa mère sur un ton calme, je t'en prie, ne perdons pas plus de temps.

L'aînée de la fratrie royale s'avança donc pour observer la foule venue pour savoir ce qui allait se passer maintenant que Dagon n'était plus aux commandes de l'Atlantide. Je savais que certains n'allaient certainement pas apprécier les changements qui allaient s'opérer.

— Peuple de l'Atlantide, s'exprima la princesse d'une voix forte et bien audible, vous n'êtes pas sans savoir que la fille de notre regretté conseiller Maar avait lancé un défi il y a de cela un mois. Les enjeux étaient simples, si elle gagnait, je finirai enfermée pour le restant de mes jours et rien ne changerait, mais en revanche, si Aesma gagnait, je deviendrais la souveraine de l'Atlantide. Et c'est ce qu'il s'est passé, alors je vais donner mes premières directives, en tant que nouvelle reine.

Le silence était total, tous attendaient ses prochaines paroles, moi la première. J'espérais qu'elle fasse réellement quelque chose pour toutes ces filles qui avaient vécu un calvaire en ces lieux.

— Il n'y aura plus jamais d'Artificielle, ni d'esclave sexuelle ou quoi que ce soit de ce genre.

Évidemment, une vague de protestations s'éleva dans l'assemblée, c'était prévisible, mais Kori resta fière et droite, comme si elle n'entendait rien de ce que ces tritons et autres sirènes pouvaient dire.

— Silence ! ordonna-t-elle faisant revenir le calme. À vous toutes qui avez subi un calvaire, je vous demande sincèrement pardon, je sais que ces mots n'apaiseront jamais votre douleur, mais sachez qu'ils sont sincères. À partir d'aujourd'hui, vous êtes toutes libres, vous pouvez faire ce que vous voulez, rester ou retourner chez vous. Cependant, pour celles qui choisiraient la seconde option, vous n'êtes pas sans savoir que votre vie ne sera jamais plus la même et que vous ne pourrez révéler la vérité à vos proches, vous vivrez une vie solitaire et pour cela, je m'excuse encore une fois. Pour celles qui désireraient rester ici, vos bourreaux seront dans l'obligation d'obéir au moindre de vos ordres, toute désobéissance se verra punie, expiez vos fautes ! Vos enfants vous seront également rendus si vous le désirez, je peux comprendre que cela soit un calvaire de voir la chair de votre chair vous être arrachée sans pitié.

Kori marqua ensuite une pause avant de reprendre son discours.

— Et tous ceux qui ne seront pas d'accord avec cela seront également punis et je n'aurais aucune pitié à appliquer ces peines. Tout comme vous n'avez eu aucune pitié pour ces femmes alors qu'il existait d'autres solutions. Avec vos actes, vous avez couvert notre peuple de honte et cela est impardonnable. Quant à l'actuel conseil... tous ses membres sont déchus de leur fonction et se verront enfermés pour les trois siècles à venir, pour avoir cautionné tout ceci, saisissez-les et emmenez-les en cellule.

Les gardes ne se firent pas prier, ne voulant pas affronter le courroux de cette nouvelle reine qui, à n'en pas douter, comptait bien mener son peuple d'une main de fer et réparer les erreurs qui avaient été commises par les siens. Je ne pus m'empêcher de sourire discrètement face à ça, j'étais heureuse que les victimes puissent obtenir justice, même si les plaies seraient toujours là, j'en savais quelque chose, mais j'espérai que toutes celles qui avaient survécu réussiraient à se reconstruire et devenir des femmes plus fortes encore qu'elles ne le furent jusque là. Kori se tourna ensuite vers son frère qui se tenait debout sans bouger et mon cœur se mit à galoper dans ma poitrine, comme si c'était moi qu'on s'apprêtait à juger à ce moment-là.

— Quant au prince Dagon, il est déchu de son titre et sera condamné à l'exil pour son intervention lors d'un combat officiel et aussi pour le meurtre d'une des deux parties. Il ne pourra revenir en Atlantide pour les mille prochaines années, s'il s'y risque, il sera exécuté sur le champ. Et ce châtiment prend effet immédiatement.

***

— Tout ira bien pour vous ?

— Ne t'en fais pas Emäris, ça ira, c'est plutôt pour vous que je m'inquiète, lui dis-je avec un léger amusement.

— Tu n'as pas besoin de t'inquiéter, me dit Kori à son tour, tout ira bien, je vais monter un nouveau conseil et je compte bien redresser cet endroit comme il se doit, plus jamais des destins ne seront brisés.

— Parfait, normalement on a tendance à dire qu'on a hâte de la prochaine rencontre, mais entre nous, j'espère sincèrement ne jamais te revoir, Kori.

La concernée ne put s'empêcher d'échapper un petit rire, elle ne semblait pas vexée, ce qui était une bonne chose, je n'avais pas envie de me prendre une gifle de sa part. Emäris se tourna ensuite vers son dernier fils.

— Tu es sûre de toi, Aurios ?

— Oui, j'ai envie de voir autre chose et la surface me paraitre un bon compris, de plus, je ne serai pas seul, articula-t-il un sourire malicieux aux lèvres tout en me donnant un petit coup de coude.

Je pouffai doucement de rire et du coin de l'œil je vis Dagon lever les yeux au ciel, ce qui me fit lui donner un petit coup à mon tour. J'avais parfaitement conscience qu'il n'aimait pas l'idée que son cadet nous accompagne, mais on lui devait beaucoup, donc il pouvait tout de même se montrer un peu plus agréable. Emäris s'approcha alors de lui et lui caressa doucement le visage, un sourire tendre aux lèvres.

— Je compte sur toi pour veiller sur eux et aussi pour être un bon père, lorsque tu pourras revenir, viens me présenter tes fils, je suis certaine qu'ils seront des hommes d'exception.

— Je ferai en sorte qu'ils soient meilleurs que moi, sur tous les points.

L'ancienne reine parut satisfaite de sa réponse et acquiesça d'un hochement de tête. Ce fut ensuite au tour de Kori de s'approcher et à ma grande surprise, elle donna un coup dans l'estomac de son petit frère, pliant celui-ci en deux. Évidemment ce geste ne manqua pas de faire crier ce dernier alors que j'observai la scène avec les yeux écarquillés.

— Qu'est-ce qui ne va pas chez toi ?!

— Rien, juste que tu saches ce qu'il t'attend si tu reviens ici sans avoir fait de tes fils des hommes biens. Ne me déçoit pas, je veux être fière de mon petit frère lorsqu'il reviendra.

Dagon marmonna des choses dans ses barbes, mais il hocha vivement la tête pour répondre à son aînée.

— Bien, il est temps pour vous de partir, annonça Kori, Aesma, tu auras été incroyable et je suis désolée que tout cela te soit retombé dessus.

— C'est bon, laisse tomber, toute cette histoire est terminée maintenant, alors c'est le plus important. Mais tu as raison, il est temps pour nous de partir, mes fils m'attendent à la maison. Merci à vous et Kori, que ton règne soit couronné de succès.

Je lui offris un sourire, ainsi qu'à sa mère qui me le rendit, elle, elle allait me manquer en revanche, c'était une femme incroyable. Sa fille aussi, mais j'avais une préférence pour ma blonde. Nous ne fîmes pas durer ces adieux plus longtemps avant de partir. J'avais hâte de retrouver la surface, mais surtout mes fils, ils m'avaient tellement manqué. Le voyage de retour se fit globalement dans le silence, nous nageâmes vite et bien, la mer était calme, ce qui favorisait les déplacements. Cela nous prit quelques heures pour rejoindre Hawaï à la vitesse à laquelle nous nagions, bien que cela aurait pu être plus rapide si je ne m'étais pas égarée à plusieurs reprises. Mais cette fois, ce fut la bonne. Nous marchâmes en direction de la plage de sable blanc, Aurios regardait absolument tout ce qui se trouvait au tour de lui, curieux comme jamais. Mais moi, je ne pensais qu'à une chose, retrouver mes bébés.

Tant et si bien que je me mis rapidement à courir pour rentrer plus vite, je ne savais pas si les deux hommes me suivaient et actuellement, cela m'était complètement égal. Après un petit temps, je vis la maison que nous squattions se dessiner de plus en plus. Il ne me fallut que quelques secondes pour remonter l'allée et me jeter sur la porte pour l'ouvrir, mon entrée brusque fit sursauter Azura et Cadence qui me dévisagèrent les yeux grands ouverts. Je sentis des larmes me monter aux yeux, alors qu'un immense sentiment de bonheur m'explosa dans la poitrine, elles aussi, j'étais heureuse de les retrouver, bien plus que ce que j'imaginais. Je leur ouvris les bras et elles vinrent s'y jeter pour me serrer dans les leurs. Ces chaleureuses retrouvailles durèrent très longtemps, avant que je ne les relâche, les laissant avec les deux Atlantes qui observaient la scène depuis l'entrée. Je grimpai les escaliers quatre par quatre pour aller rejoindre la chambre de mes fils. J'ouvris doucement la porte alors que je ne pus retenir plus longtemps mes larmes, j'étais enfin à la maison.

— Je suis enfin revenue, mes amours, articulai-je avec un sourire de pur bonheur sur le visage.

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