༄ Chapitre 53
Mon corps percuta violemment une des épaisses stalagmites en pierre présentes dans l'arène alors qu'une gerbe de sang s'échappa de ma bouche, se diluant ensuite dans l'eau avant de disparaitre. Que venait-il de se passer ? Je n'avais rien vu. J'écarquillai les yeux en voyant une furie m'arriver dessus, j'eus le temps de me propulser sur le côté pour éviter le coup, mais la pierre qui m'avait accueillie un peu plus tôt se retrouva brisée en de nombreux morceaux sous la violence de l'impact. Si je n'avais pas eu la présence d'esprit de m'écarter à temps, ça aurait été le sort réserver à ma cage thoracique. Veerky ne me laissa pas le loisir d'y songer un peu plus que je dus parer un nouveau coup d'épée, la violence fut telle que je partis en arrière et ma progression fut stoppée par une nouvelle surface dure. Je serrai les dents pour ne pas grimacer de douleur alors que la rousse continuait de faire pression sur moi.
La seule chose qui séparait mon corps de sa lame était le manche du glaive que je tenais fortement à deux mains. Je pouvais lire dans son regard toute sa rage et son désir de mettre un terme à ma vie. Avec cette blessure que je lui avais infligée, j'avais bel et bien réveillé le monstre qui se cachait derrière ce qui avait été un joli visage auparavant. Les cris de la foule avaient repris de plus belle, encourageant mon adversaire avec force. Adversaire dont la main vint se refermer sur mon visage dans le but de cogner avec hargne l'arrière de mon crâne sur la surface derrière moi à plusieurs reprises. Les coups étaient si violents que je ne savais pas si ce que j'entendais se briser était la pierre ou mon crâne. Sans desserrer sa prise sur moi, elle m'envoya m'écraser contre une autre stalagmite. J'étais complètement désorientée et la douleur que je ressentais à la tête était infâme. Même si une autre à l'estomac vint me faire oublier la précédente, une nouvelle gerbe de sang se dilua dans l'eau alors que je m'enfonçai un peu plus dans la roche.
Elle aurait pu me tuer à cet instant, mais elle ne le fit pas, uniquement parce qu'elle désirait ardemment me faire souffrir pour cette blessure que je lui avais infligée, la défigurant probablement. Dommage, j'aurais dû trancher plus haut et fendre sa tête en deux, je n'avais pas su profiter du fait qu'elle ne me prenait pas au sérieux. J'avais été idiote sur ce coup-là et à cause de ça, j'allais très certainement y passer. Je grimaçai lorsque la lame de son épée se posa contre ma joue pour la fendre. Dans un large geste du bras, je tentais de l'atteindre avec mon arme dans le but de me libérer de la douleur qui me vrillait la joue. Si j'avais aussi mal, avec une simple plaie à la joue, je ne voulais pas imaginer à quel point cette garce devait avoir mal. Alors qu'elle s'écartait pour éviter le coup, je ne pus m'empêcher de sourire de satisfaction en sachant qu'elle souffrait et que son si joli visage ne serait plus jamais ce qu'il avait été autrefois.
— Tu souris, espèce de sale petite pute ?! beugla-t-elle folle de rage en venant me saisir par les cheveux. Qu'est-ce qui te fait sourire ?!
Aucun son ne passa la barrière de mes lèvres, la voir si en colère était un plaisir, même si mon expression devait ressembler à une caricature, tordue entre la joie et la douleur. Une vive douleur me prit à la cuisse lorsqu'elle entama la chair. Me blesser ne me ferait pas plus lui répondre, on m'avait déjà fait beaucoup de mal dans le but de me faire parler, alors ce n'était pas ça qui me délierait la langue. Ensuite, ce ne fut qu'un déchaînement de rage qui s'abattit sur moi, je tentais vainement de me défendre, évitant des coups mortels principalement, mais j'étais devenue un punching-ball. À un moment, mon arme m'échappa tandis que mon corps alla s'écraser sur la surface plate ou nous avions commencé notre affrontement. Mon corps n'était plus qu'une masse douloureuse couverte de plaies plus au moins profondes, certains de mes os devaient être brisés, c'était une certitude. Ma vue se brouillait par moment, je vis Veerky non loin de moi.
— Relève-toi, m'ordonna-t-elle froidement.
Je ne pouvais pas et elle le savait très bien, mais je fis l'effort d'au moins me mettre à genoux, même si mes yeux étaient fixés sur mes mains abimées. Je sentis alors mon sang bouillonné dans mes veines alors que mes iris se posèrent sur la garce qui s'apprêtait à me donner le coup de grâce, son épée levée au-dessus de sa tête. Mais elle se figea alors que ses yeux se gorgèrent de sang tandis qu'une grande quantité d'hémoglobine sortit de sa bouche pour se diluer dans l'eau, créant une brume sanguinolente au tour de l'Atlante. Je pouvais l'entendre hurler alors qu'un nouveau silence de mort était tombé dans le public. Elle avait lâché son épée alors qu'elle tomba à son tour à genoux. Je ne pus cependant pas en faire plus, une violente migraine me traversa le crâne, me faisant à nouveau m'écrouler contre la pierre. Ma vue était définitivement devenue floue, mon sang battait à mes tempes et je me sentais doucement sombrer. J'eus le temps d'apercevoir, ou plutôt de deviner, Veerky, en train de se relever.
Cette fois-ci, c'était terminé, j'allais y passer. Mes dernières pensées allèrent à mes fils, j'espérai qu'ils deviendraient des gens bien, c'était tout ce que je demandais. Puis ce fut le néant.
***
Péniblement, j'ouvris les yeux. Il me fallut battre plusieurs fois des paupières pour parvenir à chasser le fou qui gênait ma vue, puis j'eus un flottement de quelques secondes avant de me redresser brusquement et de regarder autour de moi. J'étais dans un lit nue, quelques bandages habillaient divers endroits de mon corps. J'étais en vie. J'étais réellement en vie. Comment est-ce que cela était possible ?!
— Ah, tu es réveillée ? m'interpela une voix féminine familière dans un coin de la pièce.
— Emäris ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Pourquoi est-ce que je suis... ?
— En vie ?
Elle s'approcha du lit avant de s'y asseoir, me regardant de manière très sérieuse, je ne pus m'empêcher de frémir, cette attitude annonçait de mauvaises nouvelles.
— Dagon t'a sauvée.
— Dagon ? Mais comment est-ce qu'il a pu... ?
Oh non, non, non, non.
Il ne me fallut que quelques secondes pour comprendre : c'était le plan d'Aurios depuis le début. Il avait probablement été tout raconter à son frère avant de le libérer. Et il n'y avait aucun doute que Dagon avait dû laisser exploser toute sa rage sur la responsable de tout ce joyeux bordel.
— Il l'a tuée, pas vrai ?
— Évidemment qu'il l'a tuée, donc je te laisse imaginer la situation actuelle. Kori essaie de gérer ça au mieux, non en fait elle gère ça de manière plutôt satisfaisante, mais ça n'en reste que les membres du conseil sont fous de rage, surtout le père de de Veerky.
— Alors qu'est-ce qui va se passer maintenant ? Et qu'ils soient en colère, ça me fait une belle jambe, je t'avoue.
— Kori n'a pas encore annoncé ses décisions, mais elle va certainement bientôt le faire, donc tu pourras l'entendre par toi-même.
Oh oui, j'avais bien l'intention d'assister à ce qui allait suivre. Emäris déposa une robe sur le lit et me fit signe de l'enfiler alors qu'elle se redressait. Sortant du lit, je m'emparai du vêtement pour rapidement le passer, c'était une robe à la teinte rose pâle, fluide et sans chichi, de toute façon, je n'avais pas dans l'idée d'y aller habillée comme une star de cinéma. Mon amie m'intima ensuite silencieusement de lui emboîter le pas, chose que je fis immédiatement. Nous quittâmes la chambre pour traverser la multitude de couloirs richement décorés jusqu'à ce qu'elle plonge dans une ouverture sur l'océan. Je l'imitai et nous nageâmes rapidement entre les bâtiments en pierre, les plantes aquatiques aux couleurs pétantes et fluorescentes, sans oublier ses incroyables créatures marines venues tout droit d'un livre de fantasy ou des plus beaux dessins d'artistes. En chemin, nous croisâmes sirènes et tritons qui se rendaient visiblement au même endroit que nous.
Emäris me guida jusque'à ce qu'il semblait être un auditorium, visiblement, c'était là qu'il fallait se réunir lorsque des annonces importantes devaient être faites. Une foule s'était déjà amassée sur les lieux, nous passâmes par-dessus toutes ces créatures pour rejoindre le conseil et Kori qui se tenaient sur l'estrade plus haut, du coin de l'œil, je vis également Aurios et Dagon. Sans réfléchir plus, je me dirigeai vers eux, venant prendre le tatouer dans mes bras avant de l'embrasser comme je ne l'avais jamais embrassé jusqu'ici. Il me rendit mon étreinte ainsi que mon baiser, à travers ses gestes, je pouvais sentir tout son soulagement de me voir présente. Nous nous séparâmes finalement et nos fronts se rejoignirent.
— Bon sang, mais qu'est-ce que tu as encore fait ?
— J'ai fait ce que je devais faire pour protéger l'amour de ma vie.
— Ça aura forcément des conséquences, imbécile.
— Je m'en fiche, dit-il avec sincérité, tant que tu es en vie, le reste n'a aucune importance. Et je tuerai encore sans hésiter pour toi.
J'avais envie de pleurer, mais je me retins de le faire avant de diriger mon regard en direction de son cadet, je quittai les bras du père de mes enfants pour m'approcher de lui et lui donner un coup de poing dans la poitrine.
— Toi aussi, tu n'es qu'un idiot ! articulai-je d'une voix forte. J'aurais dû me douter que tu ferais quelque chose comme ça !
Pourtant, je ne pus m'empêcher de le prendre dans mes bras pour le serrer avec force. Il avait tenu sa promesse, même s'il avait poussé Dagon à faire quelque chose de stupide, il ne m'avait pas laissée tomber. Je sentais les bras d'Aurios se refermer sur mon corps pour me serrer également contre lui.
— Je vais te dire la même chose que lui, tu es en vie et c'est tout ce qui compte.
— Vous êtes vraiment des imbéciles tous les deux.
Mais je les aimais sincèrement, même si je ne connaissais pas Aurios depuis bien longtemps, je m'étais attachée à lui si vite qu'il m'était devenu indispensable, comme Cadence avant lui. C'était quelqu'un de confiance, même s'il valait mieux ne pas être son ennemi. Je me sentis soudainement tirée vers l'arrière et je fus rapidement à nouveau prisonnière des bras de Dagon qui adressa un regard clair à son demi-frère. J'avais presque oublié qu'il était maladivement possessif et offrir une marque d'affection à quelqu'un d'autre que lui juste sous son nez n'était peut-être pas la meilleure des idées. Aurios leva les mains en signe de paix, il ne cherchait pas les ennuis. Remarque, se battre ici pour un simple câlin n'était certainement pas la meilleure des idées, nous avions d'autres problèmes bien plus importants à gérer. Enfin, eux, moi à part risquer de me faire assassiner par le père de la morte, je n'avais pas grand-chose à dire dans cette histoire – et heureusement pour eux. Je vis Kori tourner le regard dans notre direction pour nous mirer pendant de longues secondes avant que d'un mouvement de tête, elle enjoigne à approcher.
Si dans un premier temps j'avais pensé que cela nous concernait tous, Dagon me retint et me fit signe de ne pas avancer. Je restai donc près d'Aurios, fixant son large dos sans rien dire. Mais ma curiosité, morbide ici, me poussa à me retourner vers le cadet de la famille royale pour l'interroger.
— Il l'a tuée comment ?
— Il lui a pris son arme et lui a planté dans le ventre avant de lui trancher la gorge, il a tranché tellement profondément que sa tête ne tenait plus qu'avec quelques centimètres de chair.
— Dommage, il aurait dû lui broyer le crâne.
Aurios me jeta un regard qui voulait bien dire ce qu'il pensait de ce que je venais d'articuler. Même s'il avait toujours ce petit sourire sur ses lèvres. Mais cette bonne humeur s'envola bien vite lorsqu'une voix masculine se fit entendre parmi les conseillers et je n'eus aucun mal à saisir que l'on parlait de moi.
— Et elle alors, qu'elle sera sa punition ?!
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