༄ Chapitre 50

— Aaaah, j'y arrive pas ! me plaignis-je en me laissant basculer vers l'arrière.

— Arrête de te plaindre, ça ne réglera pas le problème.

Il avait raison, mais depuis presque quatre jours, j'étais totalement coincée. Je n'arrivais pas à faire elle vide dans mon esprit et « entrer en résonance » – je ne savais pas comment explique cela autrement – avec mes pouvoirs. Est-ce que tout cela commençait à me rendre dingue ? Oui, bien sûr que oui. Comment ne pas devenir dingue quand j'essayai de toutes mes forces pour, au final, toujours faire chou blanc ? Aurios avait eu beau m'expliquer en long, en large et en travers, rien à faire. Ça semblait tellement simple de se sentir en communion totale avec mes pouvoirs, j'arrivais pourtant à m'en service... mais surtout dans des situations d'urgence - ou lorsque j'étais en colère, l'incident du bateau, on s'en souvenait. Avant cela, je ne m'étais jamais penchée sur la question, voulant simplement vivre à nouveau une vie la plus normale possible.

Je me rendais maintenant compte que même si ma réaction avait été naturelle, j'avais commis une énorme erreur. Nager vite c'était bien, mais visiblement le reste m'aurait été également très utile dans ma situation. Je soupirai lourdement alors que mes mains passèrent sur mon visage comme si ça pouvait retirer tout l'aspect merdique de cette situation. Je me remis en position assise, observant le jeune prince qui m'observait lui aussi, l'expression neutre et les bras croisés sur son torse découvert.

— Ça te tuerait de mettre un T-shirt ?

— Pour quoi faire ? Y a que toi et moi ici.

— Justement, un peu de pudeur, on est pas en train de se battre, t'as pas besoin de m'exposer ton anatomie.

— Quoi ? T'as peur d'aimer ça ? se moqua-t-il.

Je t'aurais bien dit oui, si je n'aimais pas déjà ça.

Je gardai bien entendu cette réflexion pour moi, il n'avait pas besoin de le savoir. Le connaissant, il s'en servirait forcément pour me taquiner un peu plus tard et je préférerais m'en passer pour le moment. Alors pour ne pas avoir à répondre à la question, je me contentai de lui servir un regard dédaigneux avant de détourner la tête. Je l'entendis ricaner, ce qui me tira une légère grimace d'agacement.

— Concentre-toi, tu ne sortiras que lorsque tu y arriveras, me dit-il en se dirigeant vers les deux portes qu'il ouvrit.

— Quoi ?! Eh, Aurios, tu... Hey !

Il avait refermé sans m'écouter, mais à quoi m'attendais-je d'autre avec lui. Il n'allait certainement pas m'écouter faire mon caprice, ce n'était pas son genre. Comme un peu plus tôt, je me laissai tomber vers l'arrière, fixant le plafond transparent au-dessus de moi, mes cheveux noirs comme l'encre dessinaient un chemin obscur sur le côté droit de ma tête. Il ne me demandait pas de maîtriser mes pouvoirs à la perfection, seulement de réussir à avoir le minimum de contrôle sur eux... enfin, c'était ce qu'il me semblait. Je soupirai une énième fois, ce réflexe commençait sérieusement à m'agacer moi-même. Le dos de ma main vint se poser contre mon front alors que mes paupières se closent. Je ne cherchai pas à faire le vide dans mon esprit, sachant parfaitement que j'en serais totalement incapable.

À la place, j'écoutai. Je cherchai à capter le moindre son qui pouvait me parvenir, dans le couloir, c'était le calme plat, aucun son. Où est-ce qu'Aurios avait-il pu s'en aller ? Allez savoir, il n'avait pas de compte à me rendre, ce n'était pas lui qui allait combattre dans cette arène, il savait se servir de ce que la nature lui avait offert, il pouvait donc vivre sa vie sans avoir le poids d'une épée de Damoclès juste au-dessus de la tête. Épée prête à s'abattre et à me trancher la tête à la moindre erreur de ma part. Comme c'était réjouissant, dis donc. Je roulai sur le côté et ramenai mes jambes contre moi, les yeux toujours fermés. Je me remémorai toutes ces fois où j'avais utilisé mes pouvoirs, ce que j'avais ressenti à chacun de ces instants. Ils n'avaient pas été si nombreux en réalité.

La première fois où c'était arrivé, c'était lorsque Kawena avait tenté de me tuer à l'aide du reste des femmes du harem. La seconde lorsque Dagon avait découvert que je lui avais caché nos fils et qu'il m'avait envoyée valser à travers la baie vitrée. Et la troisième fois... c'était après que j'ai sauvé cette fille que ses « amis » avaient jetée à l'eau alors qu'elle avait vivement exprimé son refus. C'était trois situations différente, bien que les deux premières aient en commun que j'avais voulu me mettre en sécurité face à un danger qui menaçait ma vie, rien à voir avec le troisième cas. Mais dans ces trois fois, il y avait une sensation qui était toujours revenue, celle d'avoir l'impression qu'une mer en colère s'agitait en moi.

Oui, c'était exactement ça, comme si je ne faisais qu'un avec un océan déchaîner qui me prêterait l'espace d'un instant toute sa force pour me permettre de terrasser mes ennemis ou de faire mettre genou à terre ceux qui oseraient me défier à ce moment-là. Je rouvris lentement les yeux, et du coin de l'œil gauche, je me mis à fixer le plafond, je ne pouvais pas risquer de le faire sauter, ce serait des tonnes d'eau qui se déverserait sur moi et même si je ne pouvais pas me noyer, je n'avais pas envie de me faire écraser par le poids de tout ce liquide. Une autre idée me vint alors que je me remis sur mes pieds. Oubliant l'eau au-dessus de ma tête, mon attention se porta sur les réserves d'eau qu'avait apporté Aurios en vue de nos entraînements. Je m'en approchai, le liquide se trouvait dans des jarres dans lesquelles nous nous servions à l'aide d'un verre.

Pendant une demi-seconde, je ne pus m'empêcher de me questionner quant à la manière dont ils parvenaient à obtenir de l'eau potable. Mais je chassai bien vite cette pensée au fond de mon esprit, la dernière fois que je m'étais montrée trop curieuse, cela m'avait joué un tour que je n'étais certainement pas près d'oublier... comment je pourrais l'oublier. J'en faisais encore parfois des cauchemars.

Je tendis une main au-dessus du liquide avant de songer fortement aux sensations dont je m'étais nouvellement souvenue. La surface lisse de l'eau se mit alors à vibrer avant que celle-ci ne se mette à flotter paresseusement dans les airs juste au-dessus de la paume de ma main. Un sourire étira mes lèvres, c'était une petite victoire à mon échelle. Je sentais cette sensation en moi, même si cette fois, elle était plus apaisée, comme une rivière coulant tranquillement à l'intérieur de mon corps. Et j'étais aussi plutôt fière d'avoir réussi à contourner la fameuse étape du « vide mental », il fallait croire que chacun avait une manière propre de faire les choses et qu'une méthode ne fonctionnait pas forcément pour tout le monde.

***

Je commençai à piquer du nez lorsque j'entendis le bruit des portes, celui-ci me signalant le retour de mon instructeur sur les lieux.

— Tu penses que tu as vraiment le temps de dormir ?!

Ce ne fut pas ma voix qui lui répondit, mais ma main levée et ouverte en direction du plafond alors que l'eau venait s'y accumuler jusqu'à former une sphère qui ondulait parfois. Me redressant, je pus apercevoir, l'espace d'une seconde, la mine surprise du beau blond, bien qu'elle fut rapidement remplacée par un sourire en coin qui lui donnait un charme fou.

— Tu as finalement compris comment faire.

— Oui et ce n'est pas grâce à la méditation, soulignai-je pas peu fière de moi. Je ne suis pas le type de femme qui médite pour régler ses problèmes.

— Comment est-ce que tu as fait alors ?

— J'ai pioché dans mes souvenirs de quand je me servais de mes pouvoirs et je me suis simplement remémoré les sensations que j'avais ressenties à ce moment-là, ça m'a permis de réussir à en arriver là. Même si je me doute que ce n'est que le minimum pour une Atlante.

Le jeune prince tendit la main et l'eau qui flottait au-dessus de mes doigts vint à lui avec une aisance folle. Et lorsqu'elle fut à son niveau, celle-ci gela, me laissait coite de surprise.

— Comment est-ce que tu as... ?!

— Tu apprendras qu'on peut faire de nombreuse utilisation de l'eau, elle ne serait pas qu'à noyer.

— Hum, je sais, Azura l'utilise pour embrouiller les esprits et les contrôler.

— J'avais presque oublié que la fille aînée de mon frère s'était également enfuie avec toi. Mais entre autres oui, c'est une des utilisations que l'on peut appliquer. On peut aussi la geler, comme ici, s'en servir pour prodiguer des soins, créer des barrières, enfin plus au moins tout ce que tu peux imaginer. L'eau est un élément aussi destructeur que bénéfique, tout dépend de comment on s'en sert.

Il m'envoya la balle gelée, je m'en saisis au vol et l'observais, je me permis même de la secouer légèrement, cherchant à savoir si son centre avait également gelé. L'absence de bruit aqueux me confirma que c'était effectivement le cas. Une question me vint alors à l'esprit.

— J'imagine que pour l'autre capacité que je possède, tu n'as aucun conseil. Enfin, pas que le précédent ait réellement été utile, mais bon.

— Je t'en prie, manque-moi de respect, je ne dirai rien, râla-t-il en me lançant pourtant un regard amusé. Mais non, je n'en ai aucune idée, la seule personne qui pourrait te venir en aide à ce sujet, c'est certainement Ororia.

Je ne pus réprimer une grimace à l'entente du nom de cette femme. C'était effectivement la seule qui pouvait m'aider avec ça, sauf qu'elle m'avait bien fait comprendre lors de ma dernière visite qu'elle ne voulait rien savoir de la « faible et pitoyable » créature que j'étais.

— Elle ne m'aidera pas, tu le sais bien, articulai-je en balançant la balle de glace dans un des récipients qui trônaient un peu plus loin.

— Je sais, de toute façon, on n'aura pas le temps, surtout si ce pouvoir attaque ton corps à chaque fois que tu t'en sers.

Il y avait également ce détail non négligeable, ce n'était pas utile de vouloir me servir d'un pouvoir qui me mènerait tout droit à ma perte si je n'arrivais pas à tuer ma cible sur le coup. C'était tout simplement suicidaire, Veerky aurait vite fait de me trancher la tête.

— Lorsque je ne serai pas avec toi, je veux que tu t'entraînes à maîtriser tes pouvoirs, m'ordonna-t-il. Utilise les pour te protéger, attaquer ou même juste pour t'amuser, les gens sous-estiment les capacités d'apprentissage du jeu.

— À vos ordres, professeur. C'est dommage que je couche avec ton frère, on aurait pu s'amuser tous les deux, j'en suis sûre.

— Oh ! Je n'en doute pas, mais je ne tiens pas à ce que Dagon vienne me briser les vertèbres parce que j'aurais eu le malheur de vouloir te faire des avances.

Nous échappâmes un rire commun, il n'avait pas tort. Dagon n'aurait aucun scrupule à en faire de la chaire à pâtée s'il venait à apprendre que le cadet qu'il détestait essayait de devenir plus qu'un ami pour moi.

— Aller, trêve de bavardage, déclara-t-il en frappant dans ses mains pour mettre fin à ce moment récréatif. Lève-toi et choisis.

— Choisir ? Choisir quoi ?

Un de mes sourcils s'arqua alors que mon regard trahissait mon scepticisme face à ses paroles. Aurios désigna les murs au tour de lui, ou plutôt ce qui y était accroché. Me redressant, les yeux légèrement ouverts, je restai sans bouger pendant de longues secondes avant que mes yeux ne parcourent les armes qui ornaient les murs. Je n'avais aucune idée de ce que je devais choisir. Je me mis alors à faire le tour de la pièce, portant une attention toute particulièrement aux instruments de morts. Après quelques minutes d'observation attentive, je m'arrêtai à la hauteur d'une arme en particulier.

— C'est elle que je veux.

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