༄ Chapitre 48
Mon dos heurta violemment le sol, vidant alors mes poumons de leur air tandis qu'un gargouillis raisonna en même temps que le bruit provoqué par le choc.
Voilà ce que je subissais depuis maintenant trois jours, Aurios n'avait aucune pitié pour moi et une colonie de bleus s'était installée sur mon corps. L'écart de force entre nous n'avait fait que se confirmer ces quelques jours passés et je ne m'étais pas trompée lorsque j'avais pensé que les entraînements avec Azura seraient du gâteau à côté de ceux de son oncle. Il me faisait lever tôt pour ensuite m'entraîner toute la journée. Je ne m'arrêtais que pour manger. Cependant en seulement soixante-douze heures, j'avais fait énormément de progrès, même s'il me mettait toujours à terre sans faire de grands efforts, je parvenais tout de même à me défendre et lui rendre certains coups.
Je roulais douloureusement sur le côté en cherchant toujours de l'air, mais une vive douleur me prit au niveau des côtes, ce ne serait pas étonnant si certaines d'entre elles étaient fracturées aux vues de la violence avec laquelle il m'avait écrasée contre le parterre de la salle d'entraînement. Je me sentis saisie par la lanière qui passait derrière mon cou et être placée en position assise, autant dire que je n'appréciais que moyennement le traînement, mon corps meurtri encore moins. Le blond m'abandonna quelques instants avant de revenir avec un verre qu'il me tendit. Je grimaçai fortement, je savais parfaitement ce qui se trouvait au fond de ce verre. Parce que oui, ce breuvage infect était devenu mon meilleur ami depuis le début de cet entraînement. Je devais en avaler deux à trois fois par jour parfois.
Mais je n'en avais clairement pas envie, je ne pouvais plus voir ce truc de près ou de loin. Supporter mes côtes possiblement fêlées me paraissait être moins une torture que de devoir encore boire cette boisson du démon. Mais il ne fallait certainement pas compter sur mon professeur pour me laisser faire un caprice vis-à-vis de cela. Il me pinça assez fortement le nez, sachant parfaitement qu'il faudrait que j'ouvre la bouche à un moment ou un autre pour prendre une bouffée d'air qui viendrait inévitablement à me manquer sous peu. C'était bien joli de pouvoir respirer sous l'eau, mais j'avais visiblement encore besoin d'oxygène pour pouvoir rester en vie. Il s'écoula tout de même un certain temps avant que je ne soi contrainte d'ouvrir la bouche pour prendre une grande inspiration même si je peinais encore à trouver mon air.
Il me laissa prendre – avec peine – qu'une grande gorgée d'air avant de me mettre le verre à la bouche et me forcer à avaler le liquide qu'il contenait. J'eus une chair de poule tandis que la boisson glissait dans ma gorge, l'envie de vomir vint rapidement, même s'il me relâcha avant que je n'aie les premiers relents. Je fus prise d'une toux légère, mais qui me fit encore grimacer malgré l'effet plus que rapide de ce remède. Ma peau retrouva sa couleur uniforme alors que la douleur de mes os fêlés s'envola, ne me laissant qu'un goût répugnant sur la langue.
— Il faut faire quelque chose pour que parvienne à contrôler ta force, me dit-il alors que ses bras se croisaient sur son torse bien dessiné.
— Qu'est-ce que tu entends par là ?
— Que tu te brides, même si c'est inconsciemment. C'est impossible que tu aies si peu de force, debout.
Je soupirai discrètement avant de me remettre sur mes pieds et lui faire face. Mais alors que j'étais sur le point de me mettre en position pour combattre, je le vis lever une main presque à hauteur de visage, ce qui me laissa sérieusement perplexe.
— Frappe de toutes tes forces.
Je ne pus m'empêcher d'être un tantinet méfiante, parce qu'Aurios m'avait prouvé qu'il pouvait s'avérer extrêmement fourbe ces trois précédents jours. Donc il valait mieux que je fasse attention à ce qu'il ne me piège pas. Voyant que je me méfiai, il désigna sa main d'un mouvement de tête pour m'encourager à frapper. Je choisis alors de lui faire confiance et mon poing partit s'écraser dans la paume de sa main avec le plus de force qu'il m'était possible de mettre dans ce coup. Je vis l'extrémité partir vers l'arrière, mais sans que cela paraisse réellement le déranger, le reste de sa personne n'avait pas bougé d'un pouce. Ses doigts s'étaient refermés sur mon poing, alors que ses yeux à la couleur des plus belles émeraudes me scrutaient attentivement. Je ne pus m'empêcher de frémir sans en comprendre la raison, j'avais confiance en lui, mais je n'aimais pas ce regard.
— Quoi ? lâchai-je pour savoir ce qui le poussait à me fixer de la sorte.
— À quoi est-ce que tu as pensé quand tu as frappé, Aesma ?
— Hein ? Mais j'en sais rien, j'ai juste... frappé !
— C'est ça le problème, frapper pour frapper.
Sa prise se fit soudainement plus forte sur mon poing et il m'attira contre lui. Mon corps se heurta au soin tandis que ma respiration se coupait quand la sienne vint caresser la peau moite de mon visage. Son expression n'avait pas changé, il me scrutait toujours de la même manière, son visage ne trahissait rien de ce qui pouvait lui traverser l'esprit à ce moment-là. Jusqu'ici, je ne m'étais jamais sentie menacée par lui, il ne m'avait jamais paru pouvoir être effrayant comme pouvait l'être Dagon, je m'étais trompée. Il pouvait sans problème vous glacer jusqu'aux os d'un simple regard, là, je sentais toute l'aura écrasante de sa mère, sa prestance qui vous mettait à terre sans qu'elle n'ait besoin de prononcer un seul mot, sans qu'elle n'ait besoin de vous battre. C'était exactement ce que je ressentais à ce moment précis.
— Qu'est-ce qui t'est arrivé lorsque tu étais ici, enfermée là en bas ?
Mes yeux s'ouvrir grand alors que je sentis le sang quitter mon visage. Ce qui m'était arrivé... non, je ne voulais pas parler de ça. Je ne voulais plus en parler, plus jamais. Je cherchai à m'extirper de sa prise, mais ce fut à peine si je parvins à bouger, j'étais piégée dans un étau de fer.
— Lâche-moi...
— Ne fuis pas, qu'est-ce qui t'est arrivé ?
— Lâche-moi, Aurios, répétai-je d'une voix qui se voulait calme, mais de laquelle perçait la panique.
— Non, dis-le-moi.
— Lâche-moi, putain !
Je me mis à me débattre avec plus de hargne, parvenant finalement à le faire légèrement quitter ses positions, mais ce ne fut pas suffisant pour le faire lâcher. Alors il continua de me tourmenter avec ses questions.
— Qu'est-ce qu'on t'a fait là en bas ? Qu'est-ce qui t'a été arraché ? Et tu lui as vraiment pardonné tout ça ? Dis-le-moi, Aesma.
— Tais-toi !
— Arrête de fuir !
Mon poing libre heurta sa main non occupée et il glissa sur le sol m'entraînant avec lui. Je le vis trembler cette fois-ci, ou alors peut-être que c'était moi qui tremblais en fait ? Je n'en savais rien et je m'en fichais. Je serrai la mâchoire tandis que je sentis mes yeux me brûler à cause des larmes qui s'y accumulaient petit à petit.
— On m'a tout pris... ON M'A ABSOLUMENT TOUT PRIS !
Je fis un pas en arrière pour lancer une nouvelle fois un de mes poings en avant, suivi de l'autre et cela à plusieurs reprises. Il les arrêta tous, son visage se tordant dans une grimace à plusieurs reprises, chose qui n'était encore jamais arrivée jusque là.
— On m'a pris la femme que j'aimais, mon humanité, mes amis, mes parents ! Ma vie tout entière !!
Les images de ma captivité se remirent à défiler dans mon esprit. Je n'avais rien oublié, chaque seconde que j'avais passée dans cette prison souterraine était gravée dans ma mémoire. Je continuais de le frapper avec violence, il encaissait coup sur coup sans broncher même si je voyais qu'il avait mal. Mais il l'avait cherché, il n'avait pas besoin de savoir tout ça, il n'aurait pas dû remuer tout ça.
— Et je...
Je m'arrêtai, le visage baissé en direction du sol sur lequel mes larmes s'écrasaient à présent. J'avais l'impression d'avoir la tête en ébullition et le cœur comprimé ou peut-être poignardé, dans tous les cas, cela était terriblement douloureux. Aurios baissa sa garde, à ce moment-là, mon poing vint percuter de plein fouet son plexus solaire. La violence du coup le fit valser dans la pièce, son corps s'écrasa lourdement dans le mur derrière, le fissurant. Les armes qui y étaient accrochées tremblèrent, tant et si bien que certaines d'entre elles tombèrent sur le sol dans un concert de bruits métalliques, frôlant de peu le corps du prince qui était lui-même à terre et tentant de se remettre de ce violent coup.
Quant à moi, j'avais le souffle court et la peau moite, comme si j'avais couru un marathon. Je sentis mes genoux flageoler avant qu'ils n'aillent rejoindre le sol sous moi. Ma gorge se serra douloureusement alors que les images continuaient de défiler dans mon esprit et mes larmes redoublèrent lorsque j'éclatai en sanglots. J'avais l'impression que ça faisait des années que je n'avais pas pleuré ainsi, de manière chaotique et presque étouffante. Lorsque je sentis deux mains se refermer sur mes bras, mes pleures se firent plus forts et je me débattis de manière désordonnée et sans réelle force. L'odeur d'Aurios ne tarda pas à venir me chatouiller les narines alors que sa peau chaude se collait contre la mienne.
— C'est bon, me chuchota-t-il sa joue posée contre la partie gauche de mon visage, je suis désolé, je voulais seulement te montrer quelque chose.
— Une partie lui a pardonné... mais l'autre ne pourra jamais...
Si la partie qui prédominait en moi était celle qui avait choisi de pardonner à Dagon, il y en avait une autre qui ne pourrait jamais lui pardonner quoi que je fasse. Parce que j'avais vraiment tout perdu par sa faute, je pensais à mes pauvres parents qui savaient maintenant que j'étais toujours en vie, mais que je ne pourrais jamais retrouver pour autant. C'était mes parents, je savais que je pouvais avoir confiance en eux, mais la peur et l'incompréhension poussaient souvent les gens à faire des choses idiotes ou à avoir des réactions inattendues. Sans parler que je me voyais mal rentrer à la maison avec mes jumeaux, Azura et Cadence, c'était tout bonnement impossible.
Aurios me garda serrée contre lui le temps que je me calme, il déposa un baiser contre ma joue, même s'il n'avait aucune arrière-pensée. C'était ce genre de baiser qu'on donnait pour vous dire « tout ira bien, je suis avec toi » et ça me fit un bien fou. Le blond se recula pour venir essuyer mes joues à l'aide des paumes de ses mains.
— Il y a des choses qu'on ne peut pardonner, c'est ton droit, articula-t-il d'un ton calme. Mais si ça ne t'empêche pas de l'aimer malgré tout, alors c'est que c'est sincère. Et ce que je voulais te montrer, c'est que frapper sans une bonne raison, c'est frapper dans le vide. Quand tu frappes, frappe pour quelque chose qui te tient à cœur. Pense à pourquoi tu frappes et là, ton corps te donnera toute la puissance nécessaire.
— Tu parles d'une raison de se battre en gros..., dis-je à mon tour entre deux reniflements.
Le jeune prince hocha positivement la tête pour affirmer. Je comprenais ce qu'il voulait dire et en y repensant, c'était toujours lorsque j'étais en détresse que mes pouvoirs et ma force se manifestaient le plus. Et aussi sous l'effet de la colère.
— Tu es émotions et tes pensées sont le moteur de ton être, tu ne dois pas les fuir, mais les accepter sans pour autant les laisser te contrôler.
— Je sais gérer mes émotions.
— Partiellement de ce que j'ai vu, tu as tendance à te laisser emporter assez facilement en plus d'agir de manière impulsive, ça ne te sera pas bénéfique, surtout face à quelqu'un comme Veerky.
Je pinçai légèrement les lèvres, mais ce n'était pas complètement faux. J'avais beau savoir utiliser ma tête, j'avais la mauvaise manie de me laisser facilement emporter. La dernière preuve en date étant mon altercation avec Veerky et aurait pu très mal tourner si Aurios n'était pas intervenu à temps. Je serais morte en y pensant, si personne ne m'avait trouvée, j'aurais rendu mon dernier souffle dans ce couloir.
— Tu sais que ce combat est perdu d'avance pour moi, pas vrai ?
Le silence me répondit, mais c'était une réponse bien assez claire, pas besoin de faire de longs discours.
— Aurios, si tu le sais pourquoi est-ce que tu... ?
— Fais-moi confiance Aesma, me coupa-t-il en prenant mon visage entre ses mains, je sais que tu ne peux pas gagner, mais j'ai un plan. Alors tout ce que je te demande, c'est d'avoir foi en moi et de me laisser t'apprendre le plus de choses possible le temps qu'il nous reste.
Avais-je vraiment d'autres choix que de lui faire confiance ? Non. Il fallait que j'aie foi en lui et que je croie qu'il pouvait nous tirer de ce mauvais pas sans qu'il y ait trop de perte à la fin, je voulais croire qu'il ne ferait pas une erreur comme celle de Kori.
— Promets-moi seulement que tu feras en sorte de limiter les dégâts, je t'en prie, je suis fatiguée de tout ça.
— Tu as ma parole, nous ressortirons tous vivants à la fin et tu pourras réellement dire que ton cauchemar est terminé une bonne fois pour toutes.
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