༄ Chapitre 46
J'eus beaucoup de mal à émerger et lorsque ce fut le cas, la douleur que je ressentis au niveau du ventre me fit amèrement regretter de m'être réveillée. Cela se traduisit par un gémissement de douleur alors que je portai ma main à mon ventre, là où se trouvait ma plaie. Je soufflai fort et eus grande peine à me redresser pour me mettre en position assise. J'avais été bandée de la poitrine jusqu'au ventre. Je me sentais vidée de toutes mes forces alors que je n'avais pas fait tant d'efforts toute à l'heure. Il me fallut bien une minute pour me rendre compte que je me trouvais dans un lit, bandée de la poitrine jusqu'aux hanches.
— Ah, tu te réveilles enfin, m'interpela une voix familière.
Je tournai la tête sur ma gauche et je vis Aurios qui m'observait, un air inquiet sur le visage. C'était bien la première fois que je lui voyais pareille expression depuis que je l'avais rencontré. Bien que je fus touchée qu'il s'inquiète ainsi de mon état alors qu'on ne se connaissait pas vraiment, oui, on avait fait un marché et il m'avait servi de guide, mais pouvait-on parler d'amitié avec si peu d'éléments ?
— Ne fais pas cette tête, je ne suis pas mourante.
— Non, mais tu vas mettre du temps à guérir, elle t'a poignardée avec une arme fabriquée ici, c'est mortel si on ne le soigne pas avec attention.
— Tu parles de ces armes avec ces lames bleues ?
Il me le confirma d'un hochement de tête alors qu'il s'asseyait près de moi sur le lit. Il me tendit un verre rempli d'un liquide bleuté qui dégageait une odeur qui me fit plisser le nez. Je grimaçai en sachant parfaitement ce que c'était. Ma réaction tira un haussement de sourcil interrogateur au cadet de la famille royale. Je lui pris néanmoins le verre avec une mine peu convaincue.
— Je déteste ce truc... , dis-je en faisant tourner le breuvage dans son récipient.
— Tu en as déjà bu ?
— Ouais, ton frangin m'en avait donné après que j'ai été passée à tabac par son meilleur ami.
— Ah, fit-il avec un léger mouvement de tête, tu parles de Leïn, j'imagine.
— Ouais, qui d'autre ? Il est à tuer ce connard.
Malgré que ce triton de malheur se soit « confessé » à moi, l'aversion que j'avais pour lui était intacte. Parce qu'il avait vraiment joué à un petit jeu malsain avec Cadence, loi du plus fort ou non, c'était juste dégueulasse. Je pris une grande inspiration avant d'avaler le liquide immonde qui me fit venir la nausée tant c'était mauvais en bouche. J'entendis un petit rire venir d'Aurios, ce qui lui valut de recevoir un doigt d'honneur de ma part. Et comme pour la première fois, la douleur de mon ventre se dissipa petit à petit... en fait, non. Ce ne fut pas comme la première fois que j'avais pris cette mixture capable de soigner n'importe quoi. La douleur était toujours légèrement présente et je me sentais encore légèrement fatiguée. Je baissais les yeux vers la zone où cette garce rousse m'avait poignardée, je tirai sur les bandes de manière à les remonter ou pouvoir scruter directement ma chair. Et ce que je vis me fit froncer les sourcils.
— Qu'est-ce que... ?!
— Les blessures infligées par une de nos armes mettent bien plus longtemps à guérir, m'apprit Aurios. Et, comme je te l'ai dis, si elles ne sont pas soignées, elles finissent inévitablement par tuer la personne dont elles ont blessé le corps. Tu te vides petit à petit de ton énergie et tes organes dégénèrent.
— Mais c'est quoi ces armes ? Elles sont enduites de poison ou quoi ?!
— Non, pas besoin de les enduire de quoi que ce soit. On ne sait pas vraiment pourquoi, mais ce métal agit comme un poison sur l'organisme des Atlantes et uniquement le nôtre.
Je comprenais mieux pourquoi Azura en avait emporté une avec elle. Et heureusement qu'elle n'avait pas blessé Dagon avec, parce que je n'aurais jamais su quoi faire et sa fille l'aurait laissé mourir à coup sûr. Cependant, ce n'était pas rassurant de savoir que j'avais été poignardée par quelque chose comme ça, rien ne disait que cette malade n'allait pas recommencer dès que l'occasion se présenterait à elle. Je me laissai tomber en arrière et mon regard magenta se porta sur le plafond neutre – cela me surprit un peu d'ailleurs – au-dessus de moi, un silence prit alors place dans la chambre. Ce ne fut qu'après près d'une minute que je repris la parole.
— Il faut vraiment qu'on se débarrasse de cette malade, dis-je sûr de moi.
— Qu'est-ce qu'elle t'as dit ?
— Qu'elle ne voulait pas rester une simple fille de membre du conseil, qu'elle avait tué la mère d'Azura, mais aussi les anciennes maîtresses de Dagon dans le but de me faire porter le chapeau et donc de me faire condamner ou un truc du genre. Elle se débarrasse de tout ce qui l'empêche d'atteindre son but.
— Ça ne m'étonne pas d'elle, Veerky ne supporte pas que les choses n'aillent pas dans son sens. Elle a toujours été comme ça, aussi loin que je m'en rappelle.
Je roulai sur le côté et appuyai ma tête dans le creux de ma main pour observer le jeune prince. Il soupira doucement et passa une main dans sa chevelure blonde pour la rabattre vers l'arrière, dégageant ainsi son beau visage. Ce fut difficile de ne pas laisser couler mon regard sur lui, malgré qu'il ne soit pas vraiment mon genre, il était vraiment beau. Lorsque ses iris émeraude plongèrent dans les miens, je me sentis frémir, il aurait pu faire fondre un iceberg d'un simple regard. Et je ne parlerai pas de ce foutu sourire qui pouvait être aussi séduisant qu'agaçant, les deux parfois. Je finis par détourner les yeux pour ne pas le fixer plus que nécessaire et me perdre dans des fantasmes que je ne contrôlais pas vraiment.
— Je connais ce genre de regard tu sais, me lâcha-t-il d'un ton taquin.
— Oh ça va, la ramène pas, chuis sûre que tu sais parfaitement que c'est difficile de te regarder autrement que comme je l'ai fait. Elles doivent toutes être folles de toi, même certains hommes.
— Ce n'est pas faux, je n'ai pas trop à me fouler pour ça.
— Coureur de jupons ? le questionnai-je sans reproches dans la voix.
— Coureur de quoi ?
— Ah oui, pardon. Coureur de jupons, c'est une autre manière de désigner un homme à femmes.
— Oh je vois, drôle d'expression, si tu veux mon avis. Et je dirai oui et non, j'aime seulement prendre du bon temps, mais je ne fais pas de promesse que je ne saurais tenir. Je n'ai jamais rien laissé sous-entendre de plus qu'une nuit à mes partenaires, qu'ils soient hommes ou femmes.
Je manquais de m'étouffer quand il me dit cela.
— T'es bisexuel ?!
— Si ça veut dire que je couche avec les deux genres, c'est oui, me confirma-t-il avec un beau sourire.
Je me redressai et lui tendis la main. Il frappa dedans, ayant compris le principe du high five, je commençais vraiment à l'apprécier de plus en plus. Il était tellement... différent ! Probablement était-ce dû au fait qu'Emäris l'avait préservé au maximum de la toxicité de leurs... nos semblables. En tout cas, j'espérai qu'il reste ainsi, il était très bien avec ce caractère, même s'il était parfois tentant de l'étrangler.
— Enfin, je crois qu'on s'égare, dis-je pour calmer ce petit moment de joie. Je ne sais plus si je te l'avais déjà demandé, mais est-ce que tu as un plan pour te débarrasser de l'autre garce ?
— Pas complètement, mais dès que ce sera le cas, je te tiendrai au courant.
— Très bien, ne tarde pas trop quand même, parce que j'ai le sentiment qu'elle essayera de tirer parti de toute cette histoire. Elle a beaucoup trop confiance en elle pour que ce soit innocent.
— Comment ça ? me demanda-t-il en fronçant subtilement les sourcils.
— Tout à l'heure, avant qu'elle ne me poignarde, elle m'a fait une flopée de révélations en sachant parfaitement que je n'oserais rien dire à Dagon aux vues de la situation, impulsif comme il est, il n'arrivera pas à se retenir d'aller s'en prendre à elle et ça lui causera forcément du tord vu qu'il est assigné à ses quartiers.
— Plus le temps passe, plus elle parvient à me prouver qu'elle est pourrie jusque'à la moelle.
Il soupira avant de se redresser, observant par l'immense paroi transparente qui se trouvait en face du lit.
— Enfin, d'ici que je trouve une solution, évite de t'approcher d'elle, s'il te plait. Tu as bien vu de quoi elle était capable, donc ne tentons pas le diable.
— J'ai retenu la leçon, ne t'en fais pas pour ça, lui affirmais-je en venant doucement m'asseoir sur le bord du lit.
— Parfait, dans ce cas, tu devrais retourner là où tu étais avant.
— Comment ça ?
— Ça fait plusieurs heures que tu as perdu conscience, mon cher frère doit certainement être en train de fulminer dans sa chambre.
— Comment tu... ?
Il m'adressa un regard et un sourire qui me firent savoir qu'il n'était pas idiot. Je ne prononçai pas un mot de plus, me contentant de détourner légèrement le regard, un tantinet embarrassé. Mais il n'avait pas tort, j'étais parti sans rien dire après que cette sale peste ait pénétré dans la chambre du prince. Et que je ne revienne pas devait certainement faire tourner Dagon comme un lion en cage. Il valait mieux que je retourne à ses côtés avant qu'il ne fasse quelque chose de stupide. Je me remis sur mes jambes tout en remettant correctement le haut de ma robe qu'Aurios avait simplement laissé pendre sur le bas de mon corps, heureusement celle que je portais était assez couvrante pour dissimuler les bandages dont m'avait recouvert le jeune prince.
— Encore merci de m'être venu en aide, lui dis-je avec sincérité.
— Je t'en prie, tu as eu de la chance que je sois dans le coin, sans ça, je ne sais pas qui t'aurait retrouvée et si cela aurait été à temps.
— Je n'ai pas envie d'y pense pour être tout à fait honnête avec toi.
On s'adressa un sourire complice avant que je ne me dirige vers la porte pour quitter la chambre. Heureusement pour moi, la chambre du cadet de la famille royale se trouvait non loin de celle de Dagon.
Et bien, il n'a pas froid aux yeux celui-là.
S'il avait pris à Dagon l'envie de sortir, malgré qu'il n'en ait pas le droit, nous aurions certainement eu un meurtre sur les bras. Je savais que l'imagination du tatoué pouvait lui jouer des tours, surtout si sa jalousie était piquée. Je me dirigeai alors vers les appartements du barbu, ignorant les regards accusateurs des gardes pour pénétrer dans la pièce. Je fus étonnée de le voir assis sur le lit, dans une pénombre faiblement éclairée par une lueur venant de la paroi transparente, à fixer dans la direction de la porte – et accessoirement la mienne –, il était aussi étonnamment calme. Refermant derrière moi, je m'approchai du lit pour prendre place près de lui. Un silence s'installa entre nous et je devais avouer que ça me mettait mal à l'aise. Je m'étais attendue à ce qu'il me bombarde de questions sur un ton agacé et qu'il me reproche d'être partie comme ça sans rien dire pour ensuite revenir seulement des heures après.
— Tu es resté sagement dans ta chambre, finis-je par articuler pour rompre le silence, c'est surprenant de ta part, je pensais que tu aurais fini par craqué et sortir.
— ... Je te jure que ce n'était pas l'envie qui me manquait.
Braquant mon regard sur lui, je l'interrogeai du regard. S'il en avait eu tellement envie, pourquoi ne pas l'avoir fait ?
— Je l'ai fait pour ne pas envenimer la situation, je sais que tu veux que cette histoire se règle, alors je prends sur moi. Si ça n'avait pas été toi, crois-moi que je ne serai déjà plus dans cette maudite pièce, mais ça, tu le sais.
Mon cœur avait fait un bon dans ma poitrine en entendant ces mots. Pour moi. Il s'était abstenu de faire quoi que ce soit pour moi. Il ne réalisait pas quel point cela me touchait, je lui en étais sincèrement reconnaissante et ne pus m'empêcher de sourire. Je réalisais que, finalement, il avait choisi de marcher sur la bonne voie, peut-être. On parlait quand même de Dagon et ces défauts n'allaient certainement pas disparaître du jour au lendemain, surtout après une existence aussi longue. Mais il prenait sur lui et c'était déjà vraiment quelque chose d'énorme pour lui, j'en avais parfaitement conscience.
— Merci, Dagon.
— Ne me remercie pas, cette histoire n'est pas encore terminée. Rien ne dit que je ne vais pas finir par céder et faire quelque chose de préjudiciable. Pourtant, il y a cette partie de moi, cette foutue partie, qui me dit que si je fais n'importe quoi, je te perdrai et ça, c'est pire que tout.
— Tu ne vas...
— T'es vraiment un putain de poison, tu le sais ça ?
Il me glissa un regard qui me fit frémir de partout et avant que je n'ai le temps de faire quoi que ce soit, je me sentis emportée pour me retrouver allongée sur le lit avec lui. Couchés sur le flanc l'un face à l'autre, nous nous scrutâmes silencieusement pendant un temps qui me parut infini dans la pénombre de sa chambre. Il reprit finalement la parole :
— Tu m'empoisonnes, mais plus tu le fais, plus je désire que tu continues à le faire. Imaginer que tu arrêtes est la pire chose pour moi, je veux que tu continues à me tuer à petit feu, jusqu'à ce que je sois complètement consumé. Je me fiche de savoir comment ça finira tant que c'est avec toi. Et ça... une partie de moi n'arrive pas à l'accepter. Elle n'arrive pas à accepter que tu puisses prendre autant d'importance dans ma vie. Moi qui m'étais promis que plus jamais une femme ne prendrait autant de place dans ma vie.
— Je pourrais te reprocher la même chose, articulai-je à mon tour. Je te l'ai déjà dit, tu m'as fait plus de mal que personne n'aurait jamais pu m'en faire jusqu'ici et pourtant je te veux plus que tout et ça même si une partie de moi veut que tu paies pour ce que tu as fait. Il n'y a aucune logique dans ce qu'on fait, mais la seule chose qu'on sait, c'est qu'on a besoin l'un de l'autre, même si ça finira par nous consumer.
Alors que je finissais ma petite tirade, sa bouche vint capturer la mienne pour un baiser passionné, une de ses grandes mains se posa dans mon dos pour me tirer contre lui, plaquant mon corps contre le sien alors que notre échange devenait de plus en plus brûlant. Je me perdis dans les sensations provoquées par ce baiser et la chaleur de son corps contre le mien. Un petit gémissement de frustration m'échappa lorsqu'il sépara sa bouche de la mienne, laissant une sensation de froid. Seul le bruit de nos respirations se fit entendre dans la chambre, alors que l'on se dévorait du regard.
Oui, cette relation nous rendrait plus forts ou nous consumerait jusqu'à ce que nous devenions cendres, c'était une certitude.
***
Je fus arrachée au sommeil par la brusque ouverture des portes de la chambre de Dagon. Encore ensommeillée, je ne compris pas vraiment ce qui se passait lorsqu'il fut arraché à son couchage et menotté solidement avant d'être emmené. Pourtant, malgré la sidération dans laquelle j'étais plongée, je n'avais pas l'intention de rester là, je voulais savoir ce qui se passait pour qu'on vienne nous réveiller aussi brusquement. Je sautai alors sur mes pieds pour suivre Dagon et les gardes, me réveillant au mieux. Car nous prenions la direction de la salle du conseil, j'avais plus au moins retenu le chemin, ça n'annonçait certainement rien de bon pour la suite. Et cette impression se renforça lorsque les lourdes portes s'ouvrir et que je vis que tout était calme. Aucun éclat de voix ou de prise de bec, seulement des visages fermés qui attendaient, même Kori et Emäris abordaient cette expression peu rassurante.
Je ne pus m'empêcher de chercher Aurios du regard, il se tenait un peu à l'écart, les sourcils froncés et je pouvais voir que sa mâchoire était contractée. Bon sang, mais qu'est-ce qu'il se passait ?! C'était étouffant comme scène et ne supportant pas cette ambiance, je ne pus me retenir d'ouvrir ma grande bouche.
— On peut savoir ce qu'il se passe ?!
— Une solution a été proposée, me répondit Kori avant qu'un autre ne parle, et votée à l'unanimité.
— Et c'est quoi cette solution ?!
Le regard que posa l'aînée de la famille royale sur moi me donna des sueurs froides et ne fit que renforcer le malaise qui me pesait sur l'estomac.
— Un combat à mort, lâcha soudainement Emäris, l'issue déterminera qui obtiendra gain de cause dans cette histoire.
— Oui et donc ?! insistai-je.
— Cela se jouera entre toi et Veerky.
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