༄ Chapitre 44

J'étais incapable de me mouvoir, le regard fixé sur cette femme derrière ces barreaux. Nous étions-là parce que j'avais demandé à la voir, mais maintenant, j'étais tout simplement incapable de dire ou de faire quoi que ce soit. Les yeux rouges de cette femme me scrutaient avec attention, me donnant la chair de poule au passage. Il se dégageait d'elle quelque chose que je n'avais ressenti chez personne d'autre, même Emäris ne dégageait pas une aura aussi écrasante et pourtant, elle forçait le respect juste par sa présence.

— Non, articula soudainement la prisonnière, tu n'es pas ma sœur, pourtant tu lui ressembles comme deux gouttes d'eau.

Sa sœur ?

Je restai coite de ce que je venais d'entendre. Cette femme était la sœur de Kaataï ? Ce qui en faisait une parente éloignée. Pourquoi tout devait être aussi compliqué ? Non, compliqué n'était pas le bon terme, c'était plus problématique que réellement compliqué. Il me fallut encore quelques longues secondes pour sortir de mon état de tétanie et que je m'avance vers les barreaux de la cellule qui retenait l'Atlante aux cheveux blancs.

— Qui es-tu ? me questionna-t-elle en plissant les yeux.

— Je m'appelle Aesma et... nous sommes des parentes éloignées. Votre sœur est une de mes ancêtres.

— Est-ce que tu sais ce qu'elle est devenue ? Elle est partie en me laissant derrière, remarque, je n'ai jamais eu une grande valeur à ses yeux.

Face à cette question, je lançai un regard en direction du benjamin de la famille royale, l'interrogeant silencieusement sur ce que j'avais le droit de dire où non. Mais Aurios se contenta de hausser les épaules, comme pour me dire que j'étais libre d'agir et de dire ce que bon me semblait. Il était vrai que peu de gens devaient en avoir quelque chose à faire de ce que je pourrais faire ou dire en ces lieux, tant que je ne le libérai pas.

— À la surface, finis-je par répondre, mais où exactement et si elle est toujours en vie, je ne sais pas. Pour être franche, j'ai découvert que nous étions de parenté uniquement parce qu'on m'a prise pour elle. Je n'ai pas toujours été une Atlante.

— Hum, je ne pensais pas qu'elle engendrerait une descendance aux vues de son dégoût pour les hommes depuis toujours. Et encore moins une progéniture bâtarde. Comme quoi, elle parvient encore à me surprendre après tout ce temps.

Un rire cristallin glissa entre les lèvres de la blanche alors que j'assimilai doucement que mon ancêtre fut potentiellement une lesbienne. Je n'eus pas vraiment le loisir de me perdre plus dans mes pensées lorsque mon poignet fut soudainement saisi et que je fus attirée contre les barreaux de la cellule. Mon visage se retrouva à seulement quelques centimètres de celui de la sœur de mon sosie. Ce qui me permit de la détailler attentivement. Elle avait quelques traits similaires aux miens, les différences notables étant que ses yeux étaient plus étirés, son nez plus petit et un peu plus retroussé et ses lèvres plus fines. Mais ça ne changeait rien au fait qu'elle soit absolument magnifique avec ses cheveux blancs et sa peau pâle. Je gardai au maximum un masque calme, mais mon cœur battait à toute vitesse dans ma poitrine alors que des sueurs froides me glissaient le long de la nuque. Je ne savais pas ce qu'elle avait l'intention de faire et c'était certainement ce qui m'inquiétait le plus.

— Tu es issue d'une lignée bâtarde, mais pourtant tu sens l'Atlante, commenta-t-elle sans desserrer sa prise, étrange.

— J'étais humaine avant de devenir Atlante, disons qu'on ne m'a pas vraiment laissé le choix, j'aimerai ne pas rentrer dans les détails si vous voulez bien.

Elle me scruta de ses iris rouges, me faisant discrètement frémir, elle me mettait réellement mal à l'aise. J'eus un discret mouvement de recule pour l'inciter à me libérer. Sauf que ce fut particulièrement inefficace parce que cela ne la poussa qu'à raffermir sa prise sur moi, au point que cela en devint presque douloureux.

— Ororia, claqua soudainement la voix du prince, lâche-la.

Je vis les deux billes rouges dévier de mon visage pour aller se poser sur le blondinet derrière moi. Un sourire malicieux se peignit sur le visage de la captive et avant que je n'ai eu le temps de faire quoi que ce soit pour lui échapper, elle me plaqua durement contre les barreaux de sa cage et ses dents vinrent s'enfoncer dans ma chair au point de m'en faire saigner. Il me fallut serrer les dents pour ne pas crier, mais je n'allais pas la laisser faire. Je tirai mon bras vers moi avec force au point que le front d'Oriria heurta les barreaux dans un bruit métallique. La surprise lui fit lâcher prise et je pus récupérer mon membre. Aurios s'approcha rapidement de moi pour s'assurer que je n'avais rien de grave.

— Faut soigner ça le plus...

— C'est bon, j'ai connu pire, le coupai-je en observant mon poignet qui saignait de manière plutôt abondante.

Je n'étais pas ravie pour autant de m'être fait mordre de cette manière, qu'est-ce qui n'allait pas chez cette femme ? Je lui adressai un nouveau regard qui disait bien ce que j'en pensais, je n'obtins qu'un rire moqueur en retour.

— Vous trouvez ça drôle ?

— Beaucoup oui, c'est quand même triste d'avoir autant de pouvoir et d'être aussi faible. C'est presque honteux que tu partages le même visage que ma sœur qui était pourtant si puissante, tu ne feras pas long feu ma grande, tu peux me croire.

Je me sentis piquée, une fois de plus. C'était fatigant de se faire traiter de faible de tous les côtés, je savais très bien que je n'étais pas à la hauteur des pouvoirs que je possédais. Pourquoi se sentaient-ils tous obligés de le dire à voix haute ?

— Je ne sais pas ce que tu es venue chercher ici ma pauvre fille, continua Ororia, mais je n'ai rien pour toi. Il n'y a rien à exploiter d'une Atlante ratée dans ton genre. Au mieux, tu réussiras à survivre en prenant la fuite ou alors tes propres pouvoirs te détruiront. Je te conseille donc, pour ton propre bien, de choisir la première solution.

— Je... !

— Emmène cette chose loin d'ici Aurios, je n'ai rien d'autre à lui dire, je n'aime pas les faibles. Ça aura été d'un ennui mortel, quel dommage.

Je la vis essuyer ses lèvres rougies par mon sang tout en se détournant pour retourner se terrer dans les ténèbres de sa cellule. Je fixai l'obscurité avant d'être frappée par une vague de rage qui me fit aller m'accrocher aux barreaux de la prison avec hargne.

— Je ne prendrai pas la fuite ! clamai-je avec force. Tout comme je n'ai pas l'intention de mourir non plus ! Je suis peut-être faible, mais c'est ce qui fait que je peux devenir forte et j'ai bien l'intention de le devenir ! Je vous donnerai tort ! Vous m'entendez ?! Je vous donnerai tort, espèce de sale garce !

— J'ai hâte de voir ça, répondit-elle avant de rire.

Je frappai contre l'un des barreaux du plat de ma main, le déformant à cause du trop-plein de force que j'avais mis dans ce coup uniquement dû à ma colère. Je me détournai ensuite de manière brutale et me remit à marcher dans ce couloir bien trop long, Aurios sur mes talons.

— Aesma, arrête-toi. Aesma !

Je l'ignorais, je n'avais pas besoin de sa pitié ou quoi que ce soit du genre. Ça ne ferait que me mettre plus en colère. Mais je faillis imploser quand il posa une main sur mon épaule, je me retournai et frappai contre son avant-bras avec le mien pour qu'il retire ses doigts de ma personne. Sauf qu'il m'attrapa par les épaules et me plaqua contre une des parois, m'y maintenant avec force.

— Tu vas te calmer ! m'intima-t-il d'un ton autoritaire.

— Sinon quoi ? Tu vas me frapper pour m'y obliger ?

— Si j'étais naturellement violent, c'est probablement ce que j'aurai fait, mais je n'ai pas envie de me battre avec toi.

Il soupira ensuite doucement avant de me relâcher et de mettre une petite distance entre nous. Ça me faisait tellement bizarre de le voir si... normal contrairement à Dagon qui était toujours brutal et sanguin. Et pas que lui, alors avoir affaire avec un mâle qui se comportait comme une personne civilisée, c'était presque perturbant.

— Ça ne sert à rien de t'énerver de la sorte, dit-il avec beaucoup de calme, je sais que ce n'est pas agréable d'entendre ce genre de choses, mais tu l'as dis toi-même, tu n'es pas obligée de rester faible. Et dans tous les cas, ça ne regarde que toi ce que tu veux faire de tes pouvoirs, t'en servir ou pas.

Je le mirai avant de soupirer et baisser un peu la tête, le calme dont il faisait preuve m'empêchait d'avoir envie de lui crier dessus, surtout qu'il n'avait pas totalement tord.

— Je le sais, mais j'en ai assez qu'on me dise constamment que je suis faible ou inutile. Je sais que ce n'est pas faux, je suis incapable d'utiliser mes capacités correctement, je ne sais que faire des tours de passe-passe qui me permette de m'enfuir la plupart du temps. Et quand j'utilise cet autre pouvoir... j'ai l'impression de me sentir mourir à chaque fois...

— Tu as dit à Ororia que tu étais née humaine, c'est normal que tu n'aies pas la pleine mesure de tes pouvoirs si tu ne les à découvert qu'une fois adulte. Ce n'est pas inné, même pour nous, alors c'est normal que ce soit encore plus difficile pour toi qui as en plus des pouvoirs particuliers.

Un nouveau soupir me glissa entre les lèvres alors que je passai une main dans mes cheveux encore humide.

— Sauf que je manque de temps, Aurios, dis-je. Je ne sais pas ce qui va se passer avec le retour de ta sœur, mais ça n'annonce rien de bon et je doute que cela se règle sans que du sang ne coule. Déjà rien qu'avec ton idée de tuer l'autre parasite, j'espère que tu as un plan en béton en armée, parce que sinon on va droit dans le mur.

— J'en ai un, ne t'en fais pas, mais je t'expliquerai en temps voulu et ne t'en fais pas pour Dagon, mère et Kori feront ce qu'il faut, j'en suis persuadé. Mais si tu as si peur, je peux essayer de t'aider avec tes pouvoirs et même avec le reste, je ne te dis pas que je parviendrai à combler toutes tes lacunes, mais on peut peut-être les rendre moins importantes.

— C'est un truc de la famille royale de vous improviser professeur ?

Je vis la gueule d'ange hausser un sourcil, ne comprenant pas ce que je voulais dire par là. Cela me tira un petit rire, alors que je secouai légèrement la tête de gauche à droite, agitant ma tignasse obsidienne.

— Ce n'est rien, oublie ce que je viens de dire. Cependant, je ne vais pas cracher sur ton aide, c'est si gentiment proposé. Allez, tape-m'en cinq.

— Pardon ?

Une expression confuse se peignit sur son visage alors que ses iris émeraudes trahissait encore un peu plus son incompréhension vis-à-vis de ce que je venais de lui demander. Il était vraiment qu'ils connaissaient des expressions de la surface – des insultes surtout – mais certaines autres leur échappaient complètement. Je levai alors ma main presque à hauteur d'épaule pour la lui présenter, mais même là, Aurios parut incertain de ce qu'il devait réellement faire avec cela. Je roulai des yeux avant de m'emparer de sa main pour la claquer contre la mienne.

— Ça, c'est ce qu'on appelle « tape-m'en cinq », maintenant fais-le comme un grand.

Il battit plusieurs fois des cils avant de sourire amusé et de faire claquer sa main contre la mienne de lui-même, passant ainsi un accord de cette manière. J'avais beau sourire face à cela, ce n'était pas pour autant que j'étais rassurée pour ce qui allait suivre. Après tout, rien n'allait jamais comme il fallait dans ma vie.

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