༄ Chapitre 10
Un horrible sentiment m'avait envahie depuis ce qui s'était passé. Et il ne voulait plus me quitter. Je me sentais tellement honteuse. Et je méprisais ce corps d'avoir réagi à ce qu'il avait pu faire. Mon corps n'avait pas détesté et, pendant un court instant, j'avais aimé le voir jouir, mais ça n'avait duré qu'une seconde. Le dégoût et le mépris étaient revenus au galop à peine une seconde plus tard. Je passais le plus clair de mon temps à laver la main qui était entrée en contact avec son sexe, même si ça me faisait mal à chaque transformation de cette partie. Pourtant, la sensation de crasse, elle aussi, persistait. Mes autres blessures s'étaient résorbées, ne laissant aucune trace, comme d'habitude. Je sentais aussi le regard insistant de Kawena sur moi, je ne savais pas si elle était au courant, mais j'avais bien conscience qu'elle allait essayer de me faire du mal à un moment ou à un autre. Et pour être totalement honnête, j'espérais qu'elle cède à ses pulsions, que je puisse déverser toute ma rage sur elle.
Pour l'instant, c'était le calme plat. Je n'avais fait que la croiser sans que l'on s'adresse la parole ou même un regard. Bien que je sache que ça n'allait pas s'arrêter ainsi, probablement cherchait-il une nouvelle manière de me torturer. Arpentant les couloirs que je commençais à connaître, bien que de manière très infime, je me disais que j'avais besoin de plus d'informations sur cet endroit. Sur eux aussi. Je ne comprenais pas pourquoi Dagon ne possédait pas de queue de poisson ni même la moindre petite écaille. N'était-ce pas la caractéristique première des tritons et des sirènes? Alors, pourquoi conservait-il son apparence d'origine ? Perdue dans mes pensées, je me heurtai à quelqu'un, au détour d'un couloir qui offrait une belle vue sur les fonds marins. Mon regard magenta plongea dans deux joyaux à la couleur améthyste. Je connaissais ses yeux, c'était ceux de celle qui m'avait marquée comme appartenant au harem du prince.
— Vous ne vous excusez pas ? m'interrogea la sirène de sa voix cristalline et sage.
— Et si je ne le fais pas, vous allez me frapper peut-être? Faites donc, je commence à avoir l'habitude.
Ma réplique parut la surprendre avant qu'elle ne rigole à gorge déployée. Un rire franc et mélodieux. J'aurais pu rire avec elle... si elle n'avait pas été une abomination. Je fis un pas sur le côté pour continuer ma route, elle m'en empêcha et posa une de ses mains gracieuses entre mes seins. Je grognai, la lorgnant dangereusement du coin de l'œil.
— J'aime ton caractère, Aesma. Ne voudrais-tu pas discuter un peu avec moi ?
— Pourquoi faire ? Je ne vous fais pas confiance et je vous méprise, alors, non, je ne souhaite aucunement entretenir un quelconque rapport avec vous.
— Hum, je comprends que tu affoles l'esprit animal de notre prince. Je n'ai jamais vu une artificielle aussi impertinente... enfin si, mais elle n'est malheureusement plus de ce monde.
Même si je ne souhaitais pas me rapprocher de qui que ce soit ici, les mots qu'elle venait de prononcer attirèrent mon attention. Quelqu'un d'autre avait tenu tête à cet enfoiré ? Il fallait croire et, visiblement, elle l'avait payé de sa vie. Est-ce que c'était lui qui l'avait tuée ou avait-elle été exécutée ?
— Je pourrais répondre à tes questions si tu le désires, poursuivit la créature d'âge mûr.
— Qu'est-ce que ça vous apportera d'autre que des ennuis ? Hum ?
— Du divertissement, j'ai beau être une amie de la mère de ce cher Dagon, j'avoue que c'est toujours jouissif pour moi de le voir en difficulté, surtout face à quelque chose qu'il pense pouvoir dompter.
Je tiquai nerveusement. Cette femme avait un fond sadique et se complaisait à observer les autres s'entre-tuer. Elle ne me proposait pas cela par bonté d'âme, mais uniquement parce qu'elle souhait tuer l'ennui qui devait la ronger depuis un moment. Pourtant, une petite voix dans ma tête me disait que je pouvais également en tirer quelque chose. Je n'avais pas envie de m'allier à elle, d'autant plus que, moi, je n'y gagnais pas grand-chose, les informations, c'était bien, mais provoquer le prince rapportait surtout des coups et des blessures.
Je pesai le pour et le contre quelques instants, avant de finalement prendre ma décision.
—Très bien, répondez à mes questions et je continuerai à vous procurer une source de divertissement si c'est ce que vous voulez.
— Ne restons pas ici dans ce cas.
— Votre nom avant ?
— Tiiana, me lança-t-elle en tournant les talons.
Ça me revenait, Dagon avait prononcé son nom quand il l'avait sèchement remise à sa place, manquant de l'étrangler au passage. Je lui emboîtai le pas, mettant tout de même une certaine distance entre nous, je ne voulais pas prendre de risque. Je n'étais pas assez bête pour croire qu'il n'y avait aucun risque pour qu'elle s'en prenne à moi. La sirène m'emmena dans une espèce de grand salon privé, un peu similaire à celui du harem, bien que celui-là ait son plafond entièrement ouvert sur l'océan, ce qui lui donnait une ambiance magique. On aurait presque pu oublier qu'on se trouvait dans un cauchemar, et non dans un doux rêve. Je vis Tiiana s'installer et m'enjoindre de faire de même d'un signe de la main. Elle me désignait un des sièges présents. Je pris donc place, attendant de voir si elle avait prévu quelque chose.
— Alors ? m'encouragea la sirène aux cheveux d'argent.
— Pourquoi vous avez besoin de mères porteuses? D'artificielles, comme vous dites.
— Tu ne tournes pas au tour du pot, c'est bien.
Évidemment, je n'allais pas lui demander si elle avait des enfants, qu'est-ce qu'elle aimait faire et d'autres foutaises de ce genre. Je voulais seulement des réponses qui pouvaient peut-être m'apporter plus d'in- formations pour pouvoir filer à l'anglaise.
— Depuis presque vingt ans, toutes les sirènes sont devenues stériles, aussi bien les anciennes que les nouvelles générations.
— Pardon ? Mais comment est-ce que c'est possible ? — À cause des humains.
Son regard devint soudainement plus sombre, plus froid, ça me donna la chair de poule. Visiblement, ici, tout le monde haïssait les humains. Bien que, en y réfléchissant de manière plus poussée, la réponse soit pourtant évidente : la pollution des océans. L'humanité avait pendant longtemps déversé ses déchets toxiques dans les mers du globe et encore aujourd'hui, même si on faisait au mieux pour réguler les choses, l'eau ne redeviendrait jamais celle qu'elle avait été autrefois. Sans parler des accidents qui survenaient parfois et libéraient un peu plus de produits nocifs dans les eaux du globe.
— Je ne comprends pas pourquoi seules les sirènes sont touchées. Vos mâles n'ont aucun problème de fertilité ?
— Nous ne savons pas pourquoi cela ne touche que les femelles, avoua l'argentée, et non, les mâles n'ont absolument aucun problème de fertilité, il suffit de voir le nombre d'artificielles qui se font engrosser.
— Donc c'est seulement pour perdurer que vous détruisez des vies.
— Parce que les humains ne détruisent pas la nôtre peut-être ? me rabroua Tiiana. S'ils n'avaient pas passé leur temps à polluer notre environnement, nous ne serions jamais entrés en contact avec eux et tout ceci ne serait jamais arrivé. Ils ne peuvent s'en prendre qu'à eux si leurs femmes ou leurs filles disparaissent.
Cette remarque fit gonfler la colère au fond de mon être, pourtant, je restai calme. Il ne me serait pas avantageux de lui sauter à la gorge. D'autant plus que j'étais certaine qu'elle n'aurait aucun mal à me maîtriser. J'avais besoin de sa langue un peu trop bien pendue. Et au fond, je comprenais ce qu'elle ressentait, même si j'étais persuadée qu'ils n'avaient pas cherché un seul instant une solution moins... barbare. Si nous étions traitées avec respect, peut-être aurais-je pu avoir de la compassion pour leur espèce, mais il n'y avait aucune forme de respect pour nous. Ils nous prenaient et nous jetaient, sans parler des mauvais traitements que toutes les femmes devaient subir au quotidien.
— Où sommes-nous ? Je veux dire dans quel océan exactement ?
— Le Pacifique.
Je restai bouche bée, j'étais carrément à l'opposé de là où j'étais à la base. Nous étions partis de Miami pour nous rendre dans l'océan Atlantique en direction de New York. Ça voulait dire que ces choses étaient venues nous chercher pour nous ramener de l'autre côté des États-Unis. On devait donc être près de... il y avait trois possibilités de villes au niveau des États-Unis. Los Angeles, San Diego et San Francisco. Sinon il y avait aussi les villes côtières du Canada. Et il y avait également des chances qu'on soit près de l'archipel de Hawaï. Sans parler de la multitude d'îles et de territoires qui se trouvait dans cet océan. Et dans le pire des cas, nous nous trouvions près de l'Asie ou de l'Australie. Ça faisait beaucoup de lieux potentiels où trouver refuge une fois que nous nous serions échappées avec Cadence. D'ailleurs, mon amie blonde m'avait dit venir d'une de ces villes, mais je ne me souvenais plus si elle vivait à San Diego ou à San Francisco. Et quelque chose d'autre me chiffonnait un peu, je plissai légèrement les yeux en observant la sirène en face de moi.
— Je me demandais, comment vous connaissez tout ça? Je veux dire des noms donnés par les humains ? Ou même nos insultes ?
Parce que, oui, j'étais surprise qu'ils connaissent autant de mots venant de la surface. Car, en dehors de leur cruauté naturelle, on ne pouvait pas dire que ces créatures étaient stupides, loin de là. Sinon, ils n'auraient pas pu mettre en place de pareils lieux de vie avec ces dômes qui ne s'écroulaient pas sous la pression de l'eau. Je me demandais d'ailleurs comment ils étaient parvenus à réussir une telle prouesse.
— Les artificielles sont des humaines, nous avons appris beaucoup de mots de la surface de leur bouche et de certains de vos mâles, m'expliqua Tiiana en jouant avec une mèche de ses cheveux.
— En parlant de ça, que deviennent les hommes humains ?
Un sourire légèrement torve étira les lèvres séduisantes de mon interlocutrice. Ça donnait réellement froid dans le dos, je n'aimais pas ça, ça n'annonçait rien de bon. Je regrettais d'avoir posé cette question, je ne voulais plus savoir. Mon instinct me hurlait que c'était forcément quelque chose d'horrible qu'il arrivait à ces pauvres hommes.
— Laissez tomber, dis-je finalement, je ne veux pas savoir.
— Vraiment ?
— Oui, parce que généralement, avec vous, ce sont des choses
qu'on préfère ignorer.
— Oh ? Aurais-tu vécu un événement traumatisant ?
Je serrais les poings. L'image d'Amber revenant hanter mon esprit. Oui, c'était quelque chose que je ne pouvais pas effacer de mon esprit, c'était encore bien trop frais, sans parler de ce qui avait suivi. Un frisson d'horreur parcourut tout mon être, me donnant la nausée. Une autre question me vint soudainement à l'esprit.
— Dagon... il ne... change pas au contact de l'eau, pourquoi ? — Oh ça, eh bien, c'est très simple. C'est parce qu'il...
Je n'eus pas la réponse. Une ribambelle de voix s'étaient soudainement élevées derrière moi. Je me retournai pour voir entrer une dizaine de jeunes filles. Toutes plus au moins d'âges différents. Les plus jeunes vinrent se jeter sur Tiiana qui rigola légèrement, les autres étaient plus calmes et une adolescente fermait la marche. Quelques-unes des jeunes sirènes s'approchèrent de moi par curiosité, je ne les chassai pas, même si leur présence me mettait plutôt mal à l'aise. Mais un regard plus insistant que les autres me donna des frissons. Lentement, mes yeux magenta glissèrent en direction de la plus âgée du groupe et quelque chose chez elle me frappa : ses yeux. Ils arboraient une couleur verte striée de jaune. Je connaissais ce regard, il me hantait continuellement. Cette fille, c'était clairement celle de Dagon.
Et, à bien y réfléchir, Cadence m'avait dit que cette enflure n'avait que des filles. Une dizaine de filles. Donc toutes ces petites créatures, c'était sa progéniture. Pour la plupart, elles ne lui ressemblaient pas vraiment. Il y avait principalement des brunes, mais aussi deux rousses et une blondinette.
— Tu es la nouvelle femme de notre père, hein ?
La voix polaire de l'adolescente m'avait surprise. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle emploie un tel ton pour me parler. Je pouvais très bien sentir le dégoût qu'elle ressentait pour moi, alors qu'elle ne me connaissait même pas. La surprise laissa rapidement place à l'agacement et mon expression devint sombre. J'avais horreur qu'on me catégorise uniquement comme l'une des femmes de Dagon. Je n'étais pas l'une de ses femmes, même en portant les marques de son harem. On ne m'avait pas laissé le choix que d'être marquée comme telle.
— Je ne suis pas sa nouvelle femme !
— Ah oui ? Pourtant tu portes sa marque.
— Azura, prévint la voix de Tiiana.
D'un même geste, la dénommée Azura et moi avions tourné la tête en direction de la sirène. Le regard d'avertissement qu'elle lançait à l'aînée de la grande fratrie n'ouvrait à aucun débat. Je ne cherchai pas non plus à envenimer plus la situation, mais cette adolescente m'intriguait. Alors que j'avais l'intention de me rasseoir correctement, Azura se fit encore entendre.
— Je vous méprise, lui, toi, ses concubines et tous les autres.
Les mots de cette fille me firent écarquiller les yeux, non pas parce qu'elle avait dit nous mépriser, mais bien parce qu'elle haïssait sa propre espèce. Elle haïssait son père. Et au vu du regard sombre qu'elle arborait, sa haine devait être aussi forte que la mienne. L'adolescente avait ensuite tourné les talons pour quitter la pièce. Ne laissant qu'un silence pesant. Dans un élan de... folie peut-être, j'avais bondi de mon siège pour la suivre, ignorant l'appel autoritaire de Tiiana. Il fallait que je parle à cette enfant. Je n'eus pas de mal à la rattraper. Ma main se referma sur son bras pour l'arrêter dans son avancée. Et avant que je n'aie eu le temps de comprendre, mon dos heurta douloureusement le sol, me coupant le souffle pendant quelques secondes. Cette petite créature m'avait mise à terre en me jetant par-dessus elle ? Vraiment ? Même leurs gosses étaient de véritables dangers.
— Tu veux mourir ? me demanda agressivement Azura.
— Non, je veux seulement te parler. Je pense qu'on peut s'entendre toi et moi.
L'expression de l'adolescente transpirait le scepticisme, il y avait de quoi, mais j'étais sérieuse. Si on avait le même point de vue, je pouvais peut-être la convaincre, comme Cadence. Mais alors que j'allais lui exposer mes raisons, la voix agacée de Tiiana résonna dans le silence du couloir. Je m'attendais à ce que la fille de mon bourreau m'abandonne pour prendre ses jambes à son cou, mais il n'en fut rien. Elle me remit sur pied comme si je ne pesais rien et m'entraîna dans sa course. Je ne pouvais que la suivre, sa main avait fermement agrippé mon poignet. Elle traversait les couloirs avec aisance, elle était née ici après tout. On ne s'arrêta que quand Azura le voulut. La jeune sirène regarda derrière moi pour s'assurer que Tiiana ne nous coursait pas. Ou alors peut-être
que nous l'avions tout simplement semée.
— Qu'est-ce que tu voulais dire toute à l'heure ? me sollicita subitement la petite princesse.
— Je sais que je suis marquée par ton père comme sa femme, mais je ne le suis pas. Je le déteste et tout ce que je souhaite, c'est quitter cet endroit le plus rapidement possible. J'étais humaine, j'ai une famille à la surface et ils sont certainement dévastés par ma disparition. Ils me manquent aussi, ma vie me manque. Ton père m'a tout pris. Mon humanité, ma femme, mes amis, et mon avenir aussi. Alors s'il y a bien une chose que je souhaite, c'est foutre le camp d'ici le plus vite possible. Mais je suis trop faible pour agir, j'ai besoin d'aide pour partir.
Je fis une pause dans mon monologue, observant Azura. Elle était attentive à ce que je disais et ne semblait pas agacée ou lasse. Ce qui était plutôt une bonne chose, elle n'était pas insensible à ma détresse.
— Mais pour fuir, j'ai besoin de mieux vous connaître, mieux connaître ton père et tout ce qui concerne votre... royaume si je peux dire. Alors, aide-moi et si tu le souhaites... je t'emmènerai. J'ai déjà prévu de sortir Cadence d'ici.
Je vis les pupilles vertes de la jeune sirène se rétracter soudainement et une lueur intéressée rendre son regard plus vif qu'il ne l'était déjà. J'avais réussi à piquer son intérêt, c'était une bonne chose pour moi.
— Tu m'emmèneras vraiment ?
— Je te jure que si je parviens à rester en vie et m'enfuir, tu viendras avec moi.
— Comment tu t'appelles ?
— Aesma Hale, lui répondis-je en souriant légèrement.
Elle me rendit un léger sourire en relâchant mon poignet.
— Je t'aime bien, Aesma, tu n'es pas résignée comme les autres. Tu me rappelles ma mère.
Je dévisageais cette enfant qui avait les yeux de son père et sa chevelure, mais aucunement la malveillance de son géniteur. Le visage devait être un peu celui de sa mère, c'était rassurant de voir que ce n'était pas une copie conforme de Dagon. Et je savais qui était sa mère, du moins, Tiiana l'avait vaguement mentionnée un peu plus tôt. Une femme forte qui avait perdu la vie parce qu'elle voulait être libre. C'était peut-être le sort que le destin me réservait, mais j'étais prête à y faire face.
— Tiiana l'a citée, dis-je, je ne l'aurais jamais connu, mais j'admire son courage de s'être battue jusqu'au bout.
— Je te remercie, c'était une femme bien. C'est dommage qu'elle se soit retrouvée ici...
— Elle est morte il y a longtemps ? — Non, ça fait deux ans seulement.
Effectivement, c'était très récent. Mais Azura semblait pourtant avoir fait son deuil. Ça deviendra une femme forte elle aussi. J'en étais persuadée, rien que par son attitude. En dehors de Cadence, elle était la deuxième personne avec qui je me sentais à l'aise. Je savais qu'un peu plus tôt, j'avais préféré esquiver le sujet, par peur de la réponse de Tiiana, mais il fallait quand même que je sache.
— Dis-moi, les hommes humains, qu'est-ce qu'ils deviennent ?
— Il vaut mieux que tu ne saches pas, crois-moi, m'affirma l'adolescente.
— Si, j'ai besoin de savoir, objectai-je, déterminée. J'ai besoin de savoir ce qui est arrivé à mes amis.
— Tu connais les mythes des sirènes, n'est-ce pas ?
C'était quoi, cette question ? Évidemment que je les connaissais, comme la quasi-totalité de l'humanité.
— Bien sûr que je les connais, des créatures qui charment les marins pour ensuite les noyer.
— Oui, ça, c'est la version lisse de l'histoire, même si elle est quand même horrible. Il y a d'autres histoires bien pires et bien plus réalistes.
— Qu'est-ce que tu veux dire ?
— Certains marins appelaient les sirènes « vampires des mers », mais les sirènes ne se contentent pas de vider les humains de leur sang.
Je devins soudainement livide. Mon cœur adopta un rythme rapide alors que mon estomac se compressait. La jeune sirène me fit signe de la suivre d'un mouvement de tête. Je me mis à marcher à sa suite, des sueurs froides apparaissant sur ma nuque. On traversa quelques couloirs en pierre jusqu'à pénétrer dans l'un d'eux ou une délicieuse odeur flottait. Je ne comprenais pas d'où ça venait. Et cette odeur m'était familière, ça sentait comme la viande qu'on mangeait.
Et là, tout devint limpide.
Je venais de comprendre d'où provenait la viande que nous mangions quotidiennement. Je portai une main à ma bouche alors que je sentais le contenu de mon estomac grimper le long de mon œsophage lentement. Ma respiration était saccadée alors que ma vue se brouillait. C'était pas possible, tout, mais pas ça! Quelque chose roula sur le sol, pas très loin de nous alors que des jurons d'agacement se firent entendre. Je baissai lentement les yeux en direction de ce qui était tombé sur le sol et je cessai de respirer net.
Une tête.
Il y avait une tête coupée à deux mètres de moi.
Les yeux livides presque rentrés dans leurs orbites étaient tournés droit vers moi, me donnant l'impression de m'observer. Même si je savais que c'était impossible. La panique grimpa en flèche en moi et ma respiration devint si bruyante qu'elle résonnait dans le couloir. Une silhouette apparut dans mon champ de vision, ramassant le bout de corps, lentement du sang goutta de la coupure pour former une petite flaque aux pieds de l'individu. Elle était fraîche. Ce fut trop pour moi à ce moment-là.
Mon hurlement résonna dans le silence.
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