⛧ 𝟎𝟎𝟐

1 mois plus tard


Comme chaque jour, depuis que je suis dans mon état végétatif, une infirmière vint me faire ma toilette. Elle me déshabilla soigneusement, comme si j'étais une poupée de chiffon, puis passai délicatement le savon tout le long de ma peau. J'aurais aimé avoir des frissons, mais tout ce que je ressentais, c'était la sensation de l'eau qui coulait sur ma peau. Les médecins avaient compris que j'étais éveillée, et avaient pris pour habitude de me parler, même si, malheureusement, je ne pouvais pas répondre en retour. Aucun signe d'amélioration n'est apparu. Mes journées étaient toutes les mêmes, et très honnêtement ?

C'était une torture.

« Alison, je vais t'essuyer et te rhabiller », me prévient l'infirmière.

Je hochai la tête intérieurement, comme s'il, elle pouvait le voir. Je sentis les tissus sur ma peau quelques secondes plus tard, signifiant qu'elle était en train de me vêtir. Sans sensation de chaud ni de froid, il m'était difficile de deviner la température de la pièce où je me trouvai. Tout ce qu'il me restait, c'était mon ouï et mon odeur.

Je me sentis porté, puis j'atterri sur une surface moelleuse. Retour à la case départ ; mon lit.

Mais c'était sans compter la visite du médecin et de mes parents.

« Coucou ma puce (me salua ma mère », elle s'assit sur le bord du lit et prit ma main dans la sienne, « J'espère que tu vas bien... »

Quelqu'un se racla la gorge.

« Bonjour, Alison. Je suis le Dr Anderson. Tu n'es pas sans savoir que tu es dans un état comateux depuis un mois déjà. Nous prenons en compte bien évidemment ton confort ici, mais tes parents ont eu une idée et ils aimeraient te faire une proposition ».

Je suis toute ouï. Quelle proposition ?

« Ma chérie », se racla la gorge mon père, « nous aimerions te proposer de rentrer à la maison ».

Quoi ?

Comment ça ?

Comment je peux rentrer à la maison dans cet état-là ?

« Alison, calme toi ma puce », s'inquiéta ma mère, « Respire ».

Effectivement, je ne m'étais pas rendu compte des bipements du cardiogramme qui s'excitait. Je pris une grande respiration et essaya de me détendre, encouragé par les caresses sur ma main, part ma tendre mère.

« On sait que c'est soudain », continua mon père, « Mais nous ne pouvons pas nous résoudre à te laisser ici. Tu n'as plus aucun traitement, cet endroit est comme une sorte d'hôtel pour malade pour toi. Personne ne te parle, mise à part les infirmières. Nous travaillons, c'est difficile pour nous de venir te parler, alors que nous sommes tes parents. Nous voulons te garder près de nous, pour pouvoir te parler comme avant, même si nous le savons bien ; rien ne sera comme avant. Mais s'il te plaît, rentre, nous avons tant de choses à te dire. Te raconter. Te voir ici, c'est... », il s'arrêta, étouffant un sanglot.

C'est triste.

Je le sais papa, mon état vous rend triste. Je ne veux pas vous faire de la peine comme ça. Je ne sais pas quoi répondre, et de toute manière comment veut-il que je réponde ? Via la télékinésie ? Je vais rentrer à la maison, que je sois d'accord ou non. Leur décision est prise. Mais ça ne me dérange pas pour autant, je suis heureuse de rentrer. Il est vrai que l'ambiance de l'hôpital est un peu monotone, on s'ennuie assez vite et les infirmières ne sont pas bavardes. Le seul gros scoop que j'ai eu, c'est une certaine Mathilda qui aurait couché avec le patron pour avoir une meilleure prime ce mois-ci.

« Bien sûr », reprit le Dr. Anderson, « tu auras un suivi médical à la maison. Tes parents devront te donner soigneusement tes médicaments, pour éviter toute crise. Nous leur préconisons aussi de faire des exercices avec toi, afin de pouvoir maximiser les chances que tu te réveilles. Nous espérons que tu pourras au moins ouvrir les yeux très bientôt ».

Silence.

« Bon... Une infirmière passera chez toi dès que possible. Mais votre domicile n'est pas à côté, alors les visites ne seront pas hebdomadairement, mais mensuellement. Veuillez m'en excuser. Nous manquons de moyens ici, l'hôpital commence à être oublié petit à petit...

- Merci beaucoup, M. Anderson », remercia ma mère, « Vous avez sauvé ma petite fille et je ne saurai comment vous donner tout ce que vous avez pu nous apporter.

- Ne vous inquiétez pas. Tout ce qu'il me ferait plaisir et que vous preniez votre fille avec vous afin que vous puissiez vivre ensemble, en famille, à nouveau.

- Nous avons déjà préparé tes affaires, ne t'inquiètes pas », me dit mon père, « La maison n'attend plus que toi ! »

Je soupirai déjà d'avance !

Ni une ni deux, mon corps sur un fauteuil roulant adéquat à mon état. Ma mère conduisait mon fauteuil, je l'ai déduit, car je l'entendais toujours derrière moi, et mon père devant. Les solutions étaient donc minimes. Ils prirent tout un tas de papier, d'informations concernant ce qu'il fallait faire quant à mes soins, et je vous passe les détails ennuyants.

Avant le grand départ, Sabrina vient me voir à l'accueil.

« Alors, ça y est ? Le grand départ ».

Je souriais intérieurement.

« Wendy n'a pas eu l'occasion de te dire au revoir... Mais elle m'a demandé de te donner ceci ».

Je décelai un bruit de fermeture, et conclu que Sabrina mettait le présent de Wendy dans un sac.

« Je ne doute pas que tu vas te réveiller, Alison. Tu as juste besoin de repos et c'est tout à fait normal ».

Sabrina se rapprocha de moins, et me susurra 7 petits mots qui résonnèrent dans ma tête.

« Ne fait confiance qu'à toi-même ».

Avant que je ne puisse réfléchir à ce qu'elle venait de me dire, mon fauteuil roulant se mit à bouger et bientôt, l'odeur de l'hôpital était loin derrière moi.
Qu'entendait-elle par "Ne fait confiance qu'à toi-même" ? Savait-elle pour mes rêves avec cet homme ? Toutes mes pensées se bousculèrent dans un tourbillon d'incompréhension...
Vient le moment où on me mit dans la voiture et quand nous sommes partis pour de bons ! Il y avait beaucoup de secousses sur la route, signifiant que nous n'étions probablement pas sur l'autoroute. Maman m'avait raconté qu'ils avaient déménagé pour trouver une maison dans un beau village montagnard. Quelle surprise, eux qui aimaient tant la ville !

« On a une petite surprise pour toi ! », ricana ma mère, « Écoute ça ».


La musique « I see red » retentit dans le véhicule. Je dansais intérieurement ; elle connaissait ma musique préférée ! J'avais envie de sauter partout et de m'ambiancer comme une petite folle. Qu'est-ce que je détestai mon état végétatif à ce moment. Maman prit le malin plaisir à mettre mes musiques préférées les unes après les autres. Mon père chantait (très mal) et la bonne humeur régnait. Ça me changeait beaucoup de la clinique, et bordel, que ça faisait du bien de s'amuser un peu ! J'en réussis presque à en oublier les paroles de Sabrina.

On s'arrêta à un moment sur la route, la vessie de mon père ne tenant plus. Puis on était reparti pour des heures de route interminable jusqu'à l'arrivée. Dès qu'on me sortit de la voiture, je sentis la bouse de vache et le bruit des criquets. Que ça puait par ici...

« Qu'il fait froid, bordel ! Tu ne m'avais pas dit qu'on arriverait en pleine nuit », Bougonna ma mère.


« Effectivement. Tu n'as pas froid Alison ? »

Je sentis leur regard sur moi, c'était horriblement gênant. Oui, non ? Je ne sais même pas différencier la chaleur du froid !

Nous rentrâmes dans la maison, là où ma mère soupira du bonheur grâce à la chaleur qui retrouvera son corps.

« Mon Dieu, enfin un peu de chaleur dans ce pays ! », soupira-t-elle.

J'étais sûre que mon père avait levé les yeux au ciel à ce moment-là.

« Chérie, tu peux monter Alison dans sa chambre ? Je vais nous préparer à manger ». 

Ma mère acquiesça d'un simple "oui" et s'en suivit une excursion dans les escaliers pour réussir à me hisser à l'étage.

« Putain de fauteuil roulant ! », jura t-elle.

La situation était très drôle, mais très inquiétante. Je n'avais ABSOLUMENT pas envie de faire la route inverse pour retourner à l'hôpital. Vas-y maman, tu peux le faire !

Mais à force de monter, je doutais sincèrement de ma survie. Mon fauteuil bougeait dans tous les sens, comme si j'étais dans des montagnes russes pas très bien sécurisées.

« AH ! Enfin ! », s'époumona-t-elle.

Mon fauteuil et moi-même atterrissons en un morceau sur le parquet du premier étage. Ma mère respirait comme un bœuf. Depuis quand n'avait-elle pas fait de sport ? Je préfère ne pas le savoir, finalement...

« Tiens, ma puce. Ta nouvelle chambre ressemble presque à l'ancienne. On pourra la décorer dès que... »


Elle renifla un petit coup. Je ne pouvais pas lui en vouloir de ne pas pouvoir le dire. Quand on a apprit pour ma maladie.. c'était un réel choc pour eux, et pour moi aussi. J'ai cru que mon monde, c'était écroulé ce jour-là.

Si cette nouvelle chambre n'avait pas trop changé de l'ancienne, ma petite commode serait toujours là, et mon lit au milieu de la pièce. L'ordre que ma mère avait du y mettre n'allait pas rester, si je me réveillai. Avant tout ça.. j'étais très désordonnée et je partais en trombe de ma chambre pour aller au lycée. C'était pratiquement un miracle que je rentre à l'heure en cours. J'avais une amie, Lydia, une jolie rousse aux grands yeux verts de poupée. Elle sortait tout droit d'un magazine de beauté ; tous les garçons (et même les filles !) lui couraient après. Je me sentais un peu comme le petit canard de notre petit groupe. Il y avait Ethan aussi, qui a complètement disparu de la circulation depuis que je me suis faite hospitalisée. C'était un binoclard tout mince, le nerd de notre bande d'amis. Il savait tout sur tout et était adorable ! Je le suspectais d'avoir un crush sur Lydia, mais je n'ai pas eu assez de temps pour confirmer mes doutes.

Ma mère m'allongea sur une surface moelleuse avant de me souhaiter une bonne nuit et de partir. Je l'entendais sangloter dans le couloir, et je me demandai si c'était vraiment une bonne idée que je retourne à la maison.

Le silence suivit les pas de ma mère. Elle était descendue voir mon père et dînait à deux sûrement. Il ne me restait plus qu'à m'endormir paisiblement.

Mais il était dur de trouver les bras de Morphée lorsque je sentais une présence particulièrement dérangeante près de moi. Comme si quelqu'un me fixait et attendait patiemment que je m'endorme. Je reniflai secrètement l'odeur dans la pièce, et un mélange de framboise et de pêche m'enivra. Depuis quand j'avais des fruits dans ma chambre ? Néanmoins, cette présence m'était bénéfique, parce que tout mon corps y répondait. Je ressentais petit à petit les forces me revenir, et j'arrivai à plisser des yeux.

Ma chambre était dans le noir complet, seul la lune, brillante dans le ciel, éclairait un tant soit peu la pièce.

Ma vision était trouble, et je ne pouvais pas me relever, néanmoins, je pouvais voir que le bordel  qui était usuellement là lorsque je passais dans une pièce, a été soigneusement rangé par ma mère dans cette toute nouvelle pièce, et que mon lit était désormais face à une fenêtre. Aucune trace d'un quelconque intrus, j'avais sans doute rêvé. Mais c'était peut-être à cause de cette poussée d'adrénaline que mon corps s'est réveillée et que j'ai pu entrouvrir mes yeux, n'est-ce pas ?

Sur ces dernières pensées, je fermai les yeux.

***

Alison...

Je suis là... Hey Ali...

Réveille-toi...

Alison..

Je viens te chercher...

Attends-moi..

Ne le laisse pas te trouver...

Alison..

Ali..

ALISON !

Je me réveillai, en sursaut. Mon cœur battant à tout rompre. Je sentais la sueur dégouliner sur mon front, et j'avais chaud. Horriblement chaud. J'ouvrai les paupières, et la pénombre m'engloutissait. Je bougeai mes doigts, un à un, délicatement. Comme un nouveau-né qui venait de se rendre compte qu'il avait des mains.

Je n'avais toujours pas usage de mes jambes, mais je pouvais déjà mouvoir ma nuque et c'était un bien grand exploit. Je haletais, à la recherche d'un quelconque air, une brise de vent...

La charnière de ma fenêtre explosa dans un éclat, en écho avec cette dernière qui, dans un fracas, heurta mon mur. Le vent pénétra dans ma chambre et me fit un bien fou. La lune était tout aussi haute et lumineuse dans le ciel ; je ne voyais que ça. Elle m'hypnotisait, par sa beauté. Je réussis à détacher mon regard du ciel et le posai plutôt sur ma fenêtre, complètement ouverte désormais. Je pris une longue respiration et analysai ma chambre. Rien n'avait bougé, aucun signe d'un inconnu tapis dans l'ombre, et aucun bruit à l'extérieur signifiait que c'était quelqu'un qui avait fait ça. De toute manière, qui aurait pu faire valser ma fenêtre alors que j'étais au premier étage, à 6 mètres du sol ?

Ma mère, alertée par le bruit, toqua à la porte.

« Ma chérie tout va bien ? Ah, mais j'oubliais... »

Elle entra quelques secondes plus tard, une lueur inquiète traversa ses prunelles en voyant l'état de mes vitres.

« Tout va bien ma puce ? Tu n'es pas blessée ? »

Elle se précipita à mon chevet pour vérifier chaque coin de mon visage. J'en profitai pour analyser le sien.

Accompagné de ses fidèles cheveux blonds et de ses prunelles verts émeraudes, des cernes accompagnés désormais ses beaux yeux. Elle avait les joues creuses, et sa peau m'avait l'air sèche.

« Tu... négliges.. mam », j'essayai de prononcer, difficilement.

« Oh ma puce... », ses yeux se noyèrent de larmes, et elle me prit dans ses bras, « N'essaie pas de parler, repose toi. Depuis quand as-tu ouvert les yeux ? »

Je souriais tendrement. Elle était une maman poule, et elle m'avait manquée.

Elle s'écartait et essuya ses larmes par la même occasion. Elle prit soin d'inspecter ma fenêtre, et la laissa entre ouverte.

« La prochaine fois, appelle-moi quand tu essaies d'ouvrir la fenêtre, c'est dangereux, tu sais ! », me gronda-t-elle.

Je levais les yeux au ciel, intérieurement.

Elle décida après de longues secondes (qui me semblait être des minutes) de partir, non sans m'avoir longuement dévisagé. J'ai un bouton sur la figure ?

« Bonne nuit, ma puce ». 

Bonne nuit, maman.

Sur ces doux mots, je décidai de repenser à Wendy et à Sabrina. Ma petite chouchoute qui était probablement en France, en train de s'amuser, puis les dernières paroles que l'infirmière ait pu m'adresser.

"Ne fait confiance qu'à toi-même."

Elle voulait définitivement me prévenir de quelque chose, voir me menacer. Mais de quoi ? Je devais le découvrir et essayer de reprendre contact avec elle, coûte que coûte. Pour le moment, j'avais d'autres soucis à gérer. Reprendre le contrôle de mon corps était la priorité numéro une. Mais pour le moment, j'aimerais juste manger des cacahuètes, voir tous mes messages manqués sur mon téléphone et tomber dans les bras de Morphée.

C'est comme cela que je me rendormais profondément. 


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