𝐂𝐡𝐚𝐩𝐢𝐭𝐫𝐞 3


Je resserre les pans de mon manteau alors que le cimetière se voit peu à peu gagné par la pénombre. Mes pas s'enfonçant dans la neige, résonnent comme un écho dans mon esprit torturé. Bientôt, je viens m'agenouiller devant la tombe enneigée de mon défunt meilleur ami où Les fleurs gelées parsèment le marbre recouvert de son manteau hivernale.

Je ne sais plus à quel point je déteste ma vie. Cette monotonie qui fait de chacune de mes journées une triste litanie, représente mon purgatoire. Et cette culpabilité est bien la seule chose à laquelle je me sens capable de m'accrocher. Je le mérite. Encore six ans après sa mort, et encore le reste de mon existence, je paierai le prix de sa disparition. Et s'il le fallait je donnerais ma vie pour le retrouver.

Tout s'est écroulé autour de moi, le jour où, dans cette cuisine, j'ai appris le triste sort que la mort réservait à mon meilleur ami. J'ai bien vite oublié tout ce que j'entrevoyais d'entreprendre. Je me suis contenté de délaisser l'avenir prometteur qui m'attendait pour un quotidien sans saveur. Me sentant redevable, j'ai accepté de travailler pour la mère de Jungkook, un poste de standardiste dans une petite agence publicitaire. Un travail sans saveur lui aussi. Mes rêves reflétaient une envie de réussite, d'ambition. Je pensais rejoindre la capitale aux côtés de mon meilleur ami, étudier la photographie et peut être un jour me faire un nom. Des rêves aujourd'hui relevant davantage d'une vie fantasmée.

Ma vie sociale a elle aussi pris une tournure tristement fade. Je me suis replié sur moi même, préoccupé par ma propre peine, une sensation d'incompréhension me poussant à rejeter ceux qui tentaient de m'approcher. J'ai décidé d'instaurer une certaine distance avec toutes les personnes qui côtoyaient Jungkook, sa famille faisant exception. Je me sentais et me sens toujours redevable auprès d'eux. Redevable et coupable.

- Un amis à vous. Résonne soudainement une voix douce dans le silence mortuaire environnant.

Je fais brusquement volte face pour détailler la fine silhouette d'une jeune femme. Ses longues boucles brunes malmenées par la brise glaciale d'un hiver qui s'annonce particulièrement rude. Rehaussant son bonnet de sa main gantée, mon regard dérouté se pose sur l'étrange paquet qu'elle tient contre sa poitrine.

Curieusement, il ne me semble pas que son intervention soit ponctuée d'une quelconque interrogation. J'ai à peine le temps de me questionner sur l'identité de cette jeune inconnue qu'elle me tend l'objet de ma curiosité, emballé dans un papier argenté. Les lèvres entrouvertes, je me saisis instinctivement du paquet, perturbé par la présence et l'attitude de la jeune femme.

- Qui êtes vous ? Je finis par souffler, mon regard trouvant ses orbes étonnement brillantes.

Une lueur argentée berce étrangement ses iris, elle semble presque irréelle tant ses gestes se font souples, gracieux.

- Une seconde chance. Sa voix délicate s'élève de nouveau, perçant un silence presque perturbant.

- Je vous demande pardon ? Ma voix se fait plus sèche que je ne l'aurais espéré.

Doucement, elle s'avance vers moi, un doux sourire étirant ses lèvres rosée.

- Je vous fais le don de six années Park Jimin. Un retour sur le plus triste événement de votre vie. Le temps n'est pas une ligne continue, et certaines personnes, comme vous, se retrouvent figées, perdues, incapables d'avancer. Votre passé vous poursuit, et la solution vient à vous, quand il vous semble qu'il n'y en a plus aucune.

Paralysé par le discours de cette étrange inconnue, je me sens bien incapable de m'exprimer. Je la détaille longuement, tentant de comprendre la teneur de ses propos.

- À huit heure, le huit décembre deux-mille-dix-neuf il vous faudra avoir trouvé celui qui fait battre son cœur et alors, ce dernier ne cessera pas de battre.

Mes yeux s'écarquillent à ces mots et brusquement, mon corps semble pris de tremblements, une colère trop soudaine courant dans mes veines.

- Ne vous approchez plus de moi. Ma voix se fait implacable, et je recule, vacillant, alors qu'elle n'esquisse pas le moindre geste, seulement son sourire continue de me hanter alors que je me presse dans la rue pour retrouver mon appartement.

C'est en refermant la porte de mon studio que je me laisse enfin gagner par l'émotion, une larme traîtresse dévalant ma joue, brûlant ma peau glacée. Je retombe misérablement sur mon canapé, me glissant rapidement sous mon plaid afin de chasser la désagréable sensation de froid qui ne semble pas vouloir me quitter. Et c'est en voulant me recouvrir que je remarque finalement l'étrange paquet, n'ayant pas eu la présence d'esprit de le rendre à sa propriétaire.

Je fronce légèrement les sourcils, chassant les quelques larmes qui ont suivi leur consœur, avant de trouver le courage de déchirer le papier argenté sous mes doigts. Mon cœur s'emballe trop brusquement et le contenu du paquet tombe inévitablement sur le parquet de mon minuscule appartement, mes mains victimes de vifs tremblements. Je clos longuement les paupières espérant me réveiller de ce cauchemar bien trop réel.

Je me résigne tout de même à reprendre une certaine contenance, et dans des gestes hésitants, je me penche pour ramasser le vêtement. Une veste. Unique, customisé par les soins de Kim Taehyung, anciennement membre du groupe que je fréquentais avec Jungkook durant nos années universitaires. Je me souviens encore avoir supplié l'apprenti styliste, je voulais marquer le coup, trouver "le" cadeau parfait pour les dix neufs ans de mon meilleur ami. Et je savais que sa veste fétiche, quelque peu améliorée serait mon saint graal pour faire mon petit effet.

Taehyung avait suivi mes instructions à la lettre, et en quelque semaines, le bomber de Jungkook ressemblait presque à une œuvre d'art. Et ce fut satisfaisant de voir sa réaction, un sourire sincère et de nombreux remerciements. Jungkook ne quittait que très rarement cette veste. Il la portait le soir de sa mort. Et à présent je la tiens entre mes mains. Pris d'un haut-le-cœur trop soudain, je me précipite dans ma salle de bain, et vide mon estomac au-dessus de la cuvette des toilettes. C'est trop pour moi.

Je passe le reste de ma soirée enveloppé dans mes couvertures, étendu dans mon lit, paralysé et encore sous le choc. C'est dans ce piteux état qu'aux alentours de vingt-trois-heures, mon regard rencontre le radio réveil trônant sur mon chevet. Incapable de trouver le sommeil, je finis par me redresser. J'avance dans la pièce, vacillant et me saisis de la veste de Jungkook, avant de retrouver le confort de mon matelas, serrant vivement le vêtement contre moi, tout en laissant mes larmes déverser la peine qui me ronge depuis de trop longues années. Et c'est ainsi que je me laisse peu à peu gagner par le sommeil, terrassé par mes propres émotions.

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Mv̶ ❥

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