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Pas un instant, l'idée que je puisse me tromper, vient interrompe le cours de mes pensées, alors que je parcours les quelques kilomètres qui me séparent de mon meilleur ami.

Je regrette mon empressement quand je sens la caresse glacée des flocons qui persistent à s'échouer sur ma peau. À peine couvert d'une veste légère pour la saison, je grimpe les quelques marches de l'habitation, et me plante devant la large porte en chêne.

Mon regard dévie inconsciemment en direction de la chambre de mon meilleur ami que je peux apercevoir grâce à l'exposition de sa fenêtre sur la rue. Je lève mon bras dans un geste fébrile, un geste inachevé alors que mes doigts se trouvent à quelques misérables centimètres de la sonnette.

La longue silhouette élancée de Taehyung rejoignant celle de Jungkook, me fait l'effet d'un triste retour à la réalité. Je secoue vivement la tête, quelque peu bouleversé par la présence de mon ancien ami.

La douleur est trop soudaine, mon corps vacille et manque de rencontrer le sol, quand, si naturellement, les lèvres de Jungkook rencontrent celles de Taehyung. Trop naturellement... Aucune douleur ne sera jamais plus intense, plus douloureuse, que celle causée par la mort soudaine de Jungkook. Mais ce qui est certain, c'est que celle qui me paralyse en cet instant agit indépendamment de ma raison, elle me contrôle. Titubant, le regard voilé par l'abondance de mes larmes, j'oscille difficilement jusqu'au mur qui me fait face, et tente de retrouver le peu de raison qu'il me reste. Mais mes efforts sont vains et je me sens lentement glisser, trahi par mes émotions et ce corps qui refuse d'encaisser le choc.

- Jimin ?

Je réagis partiellement à la voix douce et apaisante de la mère de famille dont la silhouette se dessine dans l'embrasure de la porte. Et je sens à peine ses bras entourer mon corps pour me redresser et soutenir la masse tremblante que je représente, terrassée par la peine et l'incompréhension.

Dans des gestes délicats, elle me guide avec la plus grande des précautions jusque dans le salon et m'intime gentiment de m'installer sur le sofa. J'obéis, sans vraiment trouver la force de m'enfuir et la laisse me recouvrir d'une veste appartenant certainement à Jungkook.

Son odeur envahit mes sens, et mes sanglots redoublent d'intensité sous le regard affolé de ma bienfaitrice.

- Je vais te préparer quelque chose de chaud. Mon dieu, avec ce froid, tu ne devrais pas sortir sans une couche de vêtement raisonnable. Qu'est-ce ce qui se passe Jimin ? Pourquoi ces larmes ?

Je tente de calmer les tressauts dans ma voix, alors que j'entrouvre les lèvres sans parvenir à m'exprimer clairement. La mère de Jungkook, Saehee, me couve de ses yeux bruns, semblant sensible à ma détresse. Elle presse doucement ma joue de ses doigts délicats avant de donner sens à ses mots en rejoignant la cuisine. Elle ne tarde pas à me servir une tasse fumante. Depuis bien longtemps, je ne me suis plus laisser tenter par un bon chocolat chaud, primant une surdose de caféine face aux nombreuses nuits sans sommeil.

- Si tu en ressens le besoin, je peux t'écouter Jimin.

Combien de fois ? Combien de fois cette femme s'est certainement sentie obligée de prendre soin de moi ? Elle m'a soutenu tout au long de ces années et je ne me sentirais jamais assez coupable de la laisser agir ainsi. Sans elle, seule l'obscurité m'attendais, et ma vie telle qu'elle est, bien triste dans ce que je suis incapable de considérer comme le passé, ni plus même un futur, se serait tout simplement abrégée.

- Je suis amoureux de Jungkook.

Et c'est sans plus contenir ce fait indéniable que mon aveu voit le jour. Je ne veux plus me mentir. Dans un autre contexte, je pourrai trouver la réaction de Saehee amusante, ses yeux ronds et ses lèvres finements maquillées, entrouvertes, formant la parfaite expression d'une confession inattendue.

- Oh... Je... Je vois... C'est... Il n'est pas au courant j'imagine ?

- Effectivement, je ne l'étais pas.

Il me semble que ma tasse se brise au ralenti, alors qu'elle rencontre le sol marbré du salon dans un bruit sourd, faisant écho au sort qu'endure mon propre cœur alors que Jungkook s'avance lentement dans la pièce. Son expression habituellement indéchiffrable disparue, un désarroi est aisément décelable au travers de son regard brillant. Un regard épris d'une lueur d'espoir que je ne parviens pas à appréhender, au vu de la scène qui vient de se jouer quelques minutes plus tôt dans sa chambre. Scène dont je me faisais publique sans l'avoir désiré.

- Je... Je voulais t'en parler... Je n'ai pas réfléchi... Je pensais... Je pensais que tu ressentais la même chose. Mais ce n'est pas important. J'ai ma réponse. Et maintenant... Maintenant je sais que tout ira bien.

Je m'efforce de chasser mes larmes, priant pour que Jungkook accepte la teneur de mes mots à sa juste valeur et décide d'oublier un instant la rancœur de ces derniers jours.

- Tu as ta réponse ?

Je suis incertain de savoir comment réagir face à sa question. Mais c'est plus simple de ne rien dire et d'observer Taehyung qui pénètre à son tour dans la pièce, nous détaillant tour à tour.

- Tu nous a vu ? M'interroge Jungkook dans un long soupire, sa main dégageant ses mèches brunes dans un geste que je reconnais comme un signe de nervosité.

- Je vais rentrer, je pense que c'est mieux pour tout le monde...

Je n'attends pas de Jungkook qu'il me retienne, je n'attend pas de lui qu'il se justifie. À quel titre il le devrait ?

C'est ainsi, que, sans même un dernier regard, je quitte la demeure familial de mon meilleur ami, désenchanté, traînant le pas dans les rues enneigées. À la lueur orangée des réverbères, perdu dans les abîmes de mes pensées, je prie pour ne pas sombrer. Éprouver ces sentiments maintenant... Quelle triste ironie du sort. Je n'ai pas même la force de trouver une réponse aux questions qui inondent mon esprit. Un retour sur le plus triste événement de ma vie... Un simple retour. À mon sens, la vie de Jungkook vaut bien toutes les souffrances qu'il me faudra endurer.

C'est un lourd soupir qui passe la barrière de mes lèvres, quand mes pas frappent la neige poudreuse entassée sur le bord du trottoir, tandis que je m'apprête à traverser le fameux carrefour qui a tant de fois hanté mes rêves. Un vent saisissant se lève aussi soudainement que la chute de flocons redouble d'intensité. Je rabat les pans de mon manteau, l'odeur de Jungkook affolant mon pauvre cœur et m'engage d'un pas vacillant sur la route, mon ascension ralentie par le déluge.

La lumière est bien trop vive quand le bruit soudain d'un klaxon retentit. J'ai à peine le temps de réagir que je sens mon corps projeté à un bon mètre avant d'apercevoir le véhicule continuer sa route, visiblement peu inquiet de la situation.

Une main se présente à moi sous mon regard ébahi, et la longue silhouette de Jungkook m'apparaît alors quelque peu embrumée par l'intempérie. J'accepte son aide, avant de l'attirer avec affolement sur le trottoir, à une distance raisonnable du carrefour. Je tarde malgré moi à trouver mon souffle et alors que je m'apprête à interroger Jungkook sur la raison de sa présence, il m'interrompt avant même que je puisse m'exprimer en m'attirant brusquement contre lui.

Et aussi surprenant que s'en est grisant, sans que je ne le comprenne, Jungkook bascule dans un tel élan d'euphorie, que je sens ses lèvres trouver naturellement les miennes. Si naturellement qu'il ne me vient pas un instant l'idée de le repousser.

L'intensité d'un instant aussi solennel, peut importe la tempête faisant rage tout autour de nous, peut importe la mort qui semble toujours prête à nous emporter, me pousse à braver tout ce en quoi j'ai pu fonder mes croyances, fut un temps.

Absolument plus rien n'a d'importance. Sans n'être qu'un simple baiser, c'est une promesse, en ce lieu si lugubre. Une promesse que nos corps expriment à travers une passion que jamais je n'aurais pu soupçonner. Condamné à pleurer sa mort, jamais je n'aurais pu songer à l'aimer de son vivant, et pourtant, en cet instant, rien est plus réel que cette conviction. Je l'aime désespérément.

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Mv̶ ❥