hyperventilation
01.
Jisung était de nature prudent avec sa vie. Tout ne devait pas être parfait, mais tout devait se dérouler comme il le voulait. Pourtant, malgré sa confiance en lui, il vivait dans une bulle où l'air lui manquait. Parfois il suffoquait presque jusqu'à avoir les larmes aux yeux. Parfois, ses jambes ne le retenaient plus debout. Souvent, il ressentait le besoin d'avaler un cachet.
Il se souviendra toujours du jour où, les mains tremblantes, il en avait pris plusieurs. Peut-être une ou deux plaquettes, seulement pour faire partir la douleur. Il avait été inconscient pendant quelques heures, jusqu'à ce que ses parents n'appellent une ambulance. La famille Han pensait perdre l'un de leurs fils. Contre toute attente, son foie ne fut que légèrement touché.
Il n'en avait parlé à personne. Pas même à sa bande d'amis, et encore moins à ses profs. Il avait gardé ce secret, en le faisant passer pour une petite grippe d'une semaine. Ce fut le premier avertissement. Le docteur familial n'avait pas insisté pour le placer dans un centre, alors Jisung avait fait de même. Et puis, il ne se voyait pas partager un espace pour les ados avec un problème considéré comme important alors que le sien n'était que de l'anxiété.
Quelques mois après son passage à l'hôpital, Jisung avait repris une vie banale. Et après la rentrée scolaire, il était tranquillement installé dans le parc à côté de son université. C'était un vendredi banal et il traînait avec Hyunjin et Felix. Ces deux-là suivaient quelques cours en commun.
– Ce semestre on apprend l'histoire de l'Australie, se plaignit Felix. J'ai l'impression d'être revenu en secondaire.
– C'est pas si mal que ça, répondit Hyunjin. Moi, j'y connais rien en histoire australienne.
Jisung n'écoutait qu'à moitié. À vrai dire, il n'arrêtait pas de penser à la fin de son année. Lui aussi suivait les cours sur l'histoire australienne, un bon mélange d'économie internationale. Était-il suffisamment doué pour avoir son diplôme ? Qu'allait-il devenir si il échouait ? Il souhaitait voir l'avenir, voir toutes les possibilités de son futur. Rien qu'à cette idée, il ne pouvait s'empêcher de se ronger les ongles. Il n'arrivait pas à s'arrêter, même lorsqu'un poids se posa à ses côtés. Jisung lança un regard vers son aîné.
– J'suis épuisé.
– Minho ? Ton cours s'est fini plus tôt ?
– Une fille s'est coupée, répondit simplement ce dernier en soupirant.
Un rire s'échappa de la bouche de Felix et Hyunjin. Lee Minho était l'un de leurs plus vieux amis. Ils s'étaient rencontrés au lycée, ce dernier étant le meilleur ami du copain de Felix – bref, un vrai bordel. Les cinq traînaient souvent ensemble, surtout depuis que Hyunjin, Jisung et Minho vivent dans le même immeuble, voire presque sur le même palier. Jisung avait pensé au destin, mais il se rendit bien vite compte que c'était stupide.
Le rouquin tourna le regard vers un groupe d'étudiants un peu plus loin. Il ne pouvait pas laisser Minho lire dans ses yeux. Il l'avait toujours apprécié pour une raison qu'il ignorait lui-même. Minho était beau, intelligent et il savait remettre les gens à leur place. Beaucoup de qualités que Jisung enviait. Mais même s'ils étaient amis depuis un bon bout de temps maintenant, le plus jeune n'avait jamais trahi son propre secret. Il avait beaucoup de secrets. Jisung laissa tomber sa main sur sa cuisse, se privant de s'arracher les ongles.
– Comment vous allez à la soirée de Jeongin, ce soir ?
– On y va en bus, je prends pas le risque de mourir en montant avec Changbin.
– Quoi ? J'y vais avec lui, moi...
– Et toi Hannie ? Demanda Minho.
– Hein ? Heu..
L'intéressé posa son regard sur ses amis. Ah oui, la soirée d'Innie.
– Je sais pas si je viens. J'ai pas fini deux trois tr...
– Sérieux ? Nous fait pas ça, Ji.
Hyunjin avait attrapé le bras de son meilleur ami, comme pour le supplier de venir. Ce n'était pas l'envie qui lui manquait, seulement, il ne voulait pas tenter de finir ivre mort rien qu'avec quelques verres dans le gosier, parce qu'il espérait oublier ce qu'il ressentait auprès de Minho. Il allait gaffer, et ses amis étaient plutôt du genre à le faire boire.
– Non mais je vous jure, il faut que je finisse un truc pour mardi prochain. Faut que je bosse.
– Tu bosseras demain, ou dimanche.
Jisung se mordit la lèvre. Si Minho se mettait à le tenter, c'était sûr qu'il allait finir par accepter.
– Je sais pas si...
– Jisung, c'est l'anniv' de Jeongin. T'as encore toute l'année pour te rattraper si tu loupes ce devoir.
– Mais...
– Y'a pas de mais, tu viens, c'est tout.
Sous l'autorité de Minho, Jisung ne put que hocher timidement sa tête de haut en bas. Il avait toujours été comme ça depuis qu'il connaissait Minho. Minho voulait, Jisung donnait. Souvent, le plus âgé n'y faisait pas attention. Mais tous leurs amis avaient déjà remarqué les regards indiscrets que pouvait lancer le rouquin. Minho était trop stupide pour ne rien voir.
– Au pire, Minho se charge de garder Sungie sobre, déclara Hyunjin sous le regard étonné de ses amis.
– Tu veux que Minho me surveille ? Tu crois que j'ai douze ans et demi ?
– Minho ne sait pas se gérer tout seul et tu veux qu'il surveille Jisung ?
Le châtain leva un sourcil. Il prit cela comme un challenge, et Lee Minho ne refusait jamais un challenge.
– Déjà, je sais me gérer tout seul. Et je vous parie tout ce que vous voulez que je ne quitterai pas les pompes d'Hannie même pour pisser.
– Euh...
– T'as pas ton mot à dire. Je veux que si Minho perd, il prenne ma semaine de corvée à la salle de danse, ajouta Hyunjin. Tu vas perdre.
– Si je gagne, on devra échanger nos colocs parce que le mien commence à me taper sur les nerfs.
– Seungmin est super sympa, je comprends pas.
Minho se contenta d'hausser les épaules avant de se lever.
– Vingt heure vingt devant chez toi Hannie.
Puis le plus vieux balança son sac sur son épaule avant de disparaître.
☾ ⋆*・゚:⋆*・゚
Jisung connaissait un paquet de gens. Il s'entendait bien avec tout le monde, et était très avenant en matière de sociabilité. C'est pour cette raison que ce soir-là, chez Jeongin, il s'était retrouvé assis autour d'une bouteille de bière vide, qui ne cessait de tourner. Il était bien entouré : une dizaine de personnes, pas plus. Au beau milieu de la soirée, le petit groupe s'était déplacé de la cuisine jusqu'à l'une des chambres. Il devait être trois heures moins le quart lorsque Hyunjin l'avait traîner à cette partie de gages ou conséquences. La première personne désignée par le goulot devait donner un gage à la seconde. Pour l'instant, Jisung trouvait que les choses étaient marrantes, puisqu'il n'avait pas encore été choisi.
– Vous trouvez ça normal que Jisung n'ait pas eu de gage, encore ?
– La prochaine personne doit aller dans l'armoire avec lui.
D'un regard paniqué, il donna un coup dans les côtes de Hyunjin. Ce dernier se retenait de rire comme idiot. Sans cacher la vérité, le roux était un chouïa claustrophobe. Non, il n'aimait pas les endroits fermés et encore moins si l'endroit en question était plongé dans le noir. Pas qu'il n'ait jamais joué au 7 minutes in heaven, mais les seules fois où il fut obligé, il connaissait la personne. Ici, il ne devait connaître que deux personnes : Hyunjin, son foutu meilleur ami – qui était aussi celui qui avait lancé l'idée du placard – et Minho. Sinon, les autres étaient inconnus.
Ce fut une fausse rousse qui fit tourner la bouteille. Les gens criaient d'excitation tandis que Jisung se tordait sur le sol. L'alcool ne circulait pas complètement dans son sang, malgré le nombre de verres qu'on lui avait servi. La bière tourna quelques secondes avant de s'arrêter sur un brun. Ce dernier ricana avant de finir le fond de son gobelet. Jisung ne l'avait jamais vu, même pas croisé dans un couloir. De toute façon, s'il l'avait déjà aperçu, il n'aurait pas pu oublier un visage comme le sien. Un grand brun ténébreux, Jisung s'en serait rappelé.
– Hop hop hop, Chul, l'interrompit un blond.
– Laissez tomber, j'ai pas envie, dit Jisung en se levant. Non mais sérieux, je suis claustro les gars, chouina t-il.
– Ça peut être marrant, aller viens, s'exclama ledit Chul en l'attrapant par le poignet.
– Faites pas trop de cochonneries !
Jisung reconnut la voix vicieuse de Hyunjin. Ce traître.
– Eh mais, la bouteille est clairement tournée vers Minho, commenta la rousse.
– Vraiment pas, geignit Chul en tirant le rouquin.
– J'y vais avec Jisung, bouge de là, toi.
Minho bouscula l'épaule du brun, attrapant le poignet de son ami. Malgré les plaintes du plus jeune, ils furent tous les deux enfermés à l'intérieur du minuscule placard. Ils se lâchèrent alors que la pénombre de la petite pièce les encercla. En plus d'être riquiqui, les vêtements cintrés se baladaient sur la tête de l'un ou de l'autre. Ils ne se touchaient plus. Jisung gardait ses mains près de son propre corps, collées à son torse. De son côté, Minho ne put se retenir de rire plus longtemps. Même lui ne savait pas ce qui était si drôle. L'alcool lui avait fait perdre la tête. Mais une chose était sûre, c'était que la gueule de Jisung ne lui avait pas plu lorsqu'ils avaient insisté pour qu'il aille dans ce placard avec ce Chul.
Minho tendit le bras dans l'obscurité. Il attrapa d'abord une chemise – enfin d'après la texture – puis finit par attendre l'avant-bras du plus jeune. Ce dernier sursauta et poussa un petit bruit. D'ailleurs, les autres s'étaient enfuis de la chambre. Personne n'était derrière la porte, personne ne pouvait savoir s'ils avaient joué le jeu, personne ne pouvait se douter qu'ils auraient eu l'idée de ne pas jouer.
– On-On est pas obligés de jouer, hein ? Demanda la petite voix de Jisung. Et puis t'es arraché, tu te souviendras de rien.
– Parce que t'aimerais que j'me souvienne de quelque chose ?
– C'est pas c'que je voulais dire. On est amis, on pourra juste dire que... Voilà, on s'est bien amusés.
– Tu préfères mentir que de vraiment le vivre ?
– D-De vivre quoi ?
Jisung sentait son pouls s'accélérer sous la peau de son avant-bras. Minho ne l'avait pas lâché et il commençait à sérieusement paniquer. Il n'avait pas peur d'être dans le noir – même s'il avait appréhendé – mais il avait déjà remarqué sa main gauche trembloter. Il fallait que Minho perde prise, alors Jisung retira son bras avant de se reculer le plus possible. Son dos heurta le mur.
– J'suis pas sûr qu'on devrait faire ça, Minho.
– Parce que t'aurais préféré le faire avec l'autre bouffon ?
– Quoi ? Non, enfin, je le connais pas. C'est pas la question. Il faut que je sorte, j-je... »
Voilà.
L'air lui manquait, comme s'il avait oublié de respirer. Il posa sa main sur sa poitrine, comme si ça pouvait l'aider à trouver de l'oxygène. Il ferma les yeux en sentant les larmes monter. Il aggripa son tee-shirt contre lui, tout en essayant de le maintenir loin de sa peau. C'était comme si une enclume s'était soudainement posée sur ses poumons. Sa tête lui lançait des piques, lui envoyant de mauvais signaux. Il essaya de distinguer la silhouette de Minho dans l'ombre, mais il n'arrivait même pas à ouvrir les yeux. Et comme si le châtain l'avait entendu, il l'attrapa par les épaules et le sortit du placard. Jisung trébucha et trouva le sol. La chambre elle aussi était plongée dans le noir. Minho se précipita afin d'allumer la lampe de chevet la plus proche, éclairant faiblement la pièce. C'était la première fois que le plus âge voyait son ami de cette façon. En fait, il ne comprenait même pas ce qui lui arrivait. Jisung se mit à hoqueter. Il ne pleurait pas, mais il avait bel et bien le hoquet.
– Je- Tu- Enfin. Jisung tu me fais quoi là ?
Ça ressemblait plus à de l'inquiétude qu'à une remarque blessante. D'habitude, Minho ne se laissait jamais emporter par la surprise. Il était tout le temps calme, qu'importe la situation. Contrairement à habituellement, il ne savait pas quoi faire, et surtout, il n'arrivait pas à regarder le plus jeune. Dans sa tête, il voulait vraiment l'aider, et c'était comme si l'alcool dans son sang s'était évaporé. Il ne voulait plus rire, plus se moquer, plus boire.
Et puis d'une façon presque naturelle, il vint attraper les épaules de Jisung avant de poser ses lèvres sur les siennes. L'échange dura quelques secondes. Ces secondes passèrent trop vite pour Jisung et pourtant, ses tremblements se stoppèrent. Ils se séparèrent très rapidement alors que les mains de Minho restèrent fermement sur les épaules du plus jeune. Ils se regardèrent longtemps dans les yeux.
– Les sept minutes sont pas finies.
L'aîné reprit possession des lèvres du petit blond. Cette fois-ci, Jisung se permit d'agripper le tee shirt de Minho. Le plus jeune se dit qu'il allait oublier. Faire une crise de panique devant Minho était noté comme l'une des pires choses qui aurait pu arriver. Et pourtant, ce dernier avait même réussi à l'aider, à récupérer son souffle en le coupant. S'il avait pensé qu'arrêter sa respiration pouvait l'aider, il l'aurait fait bien avant. Mais pour être honnête, il n'y avait jamais pensé, ce qui était logique. Il avait eu peur de devoir prendre un cachet, mais finalement, peut-être qu'il n'allait pas en avoir besoin ce soir.
Jisung sursauta lorsqu'il sentit les mains de Minho quitter ses épaules pour se glisser dans le bas de son dos. Ils se rapprochèrent, sans se quitter des lèvres. Soudain, le châtain attrapa les cuisses de son cadet afin de le poser sur ses genoux. Position pas très confortable, mais les deux n'avaient pas l'air de s'en plaindre. Jisung plongea ses deux mains dans les cheveux du plus vieux, alors que ce dernier chatouillait les hanches du rouquin.
Ils auraient pu continuer pendant longtemps encore, si seulement Jisung ne s'était pas reculé pour reprendre son souffle.
– On est pas endurant, Hannie ?
– Je t'emmerde.
– Mh, j'aimerais bien voir ça.
Encore une fois, Minho captura les lèvres du plus jeune.
Jisung ne pensait plus à rien. Il ne pensait plus à ses cours, à son devoir pour mardi, à son diplôme, à son anxiété, à ses médocs. Il ne pensait qu'à Minho. Pas le Minho de demain, ou celui dans deux heures, non. Le Minho du présent, celui qui marquait ses lèvres avec les siennes, celui qui s'accrochait désespérément à ses hanches, celui qu'il aimait.
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