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Akiko
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Savoir rester focalisé.
Malgré les difficultés.
Pour tenir le coup.
Et lutter jusqu'au bout.

Les jours s'enchaînent et se poursuivent sans compter, chacun ressemblant davantage au précédent qu'à un nouveau. Glisser, accélérer, patiner. Imaginer encore et toujours de nouvelles figures, de nouvelles chorégraphies.

Bientôt deux semaines que nos entraînements sont passés à un tout autre niveau, qu'ils sont devenus plus intenses et plus fatigants. Bientôt deux semaines que nous ne pensons à rien d'autre qu'à patiner, nous obligeant à mettre de côté le peu de vie personnelle que nous possédons. Et cela fait bientôt deux semaines que la moitié de notre équipe a baissé les bras, que notre vie a viré à un cauchemar éveillé, sans que l'on ait la moindre explication valable.

Nous avons tout juste le temps de dormir six heures, du moins, quand la fatigue nous le permet, de manger en une quinzaine de minutes chacun de nos repas, de profiter d'une petite pause de dix minutes entre chaque gros et long enchaînement, et de nous doucher en vingt minutes maximum. Les quinze heures restantes sont consacrées aux entraînements. Tout est parfaitement dirigé et chronométré. Tout est parfaitement douloureux.

Si la plupart de celles qui n'ont pas encore abandonné tiennent plutôt bien le coup, ce n'est malheureusement pas le cas de tout le monde. Même Emi semble avoir quelques difficultés pour retrouver son souffle.

En tant qu'amie, j'essaie de l'aider du mieux que je le peux, mais ce n'est pas toujours facile, surtout quand elle ne veut pas que je me préoccupe d'elle, voulant absolument que je reste concentrée sur mon propre entraînement, sur mon propre objectif.

Il est vrai qu'elle m'a de nombreuses fois dit qu'elle préférait que ce soit moi, plutôt qu'elle, qui aille aux Jeux Olympiques, prétextant sans arrêt qu'elle n'est pas certaine de pouvoir gérer la pression de toutes ces journées de compétition. Je reste quelque peu perplexe face à cela, même si je veux bien la croire.

Depuis le temps que nous nous connaissons, il nous est possible de savoir ce que l'autre est vraiment capable de faire ou non. Alors, quand elle me dit que c'est quasiment mort pour elle, elle dit la vérité. Je préfère donc ne pas contester ses paroles, même si cela me touche personnellement.

J'aurais vraiment adoré mener cette nouvelle expérience avec elle. Découvrir ensemble ce que sont les Jeux Olympiques. On aurait eu quelque chose de fou à raconter ! Mais maintenant, je suis seule face à cette lourde tâche. Seule face à cette importante responsabilité.

Je sais que je n'y suis pas encore. Je sais que j'ai encore de longues heures d'entraînement qui m'attendent. Mais quoi que je puisse faire à l'avenir, quoi que je puisse entreprendre, je sais qu'elle sera là pour me soutenir, encore et encore, comme elle l'a toujours fait. Je sais que je peux compter sur elle et qu'elle peut compter sur moi en retour.

- Je préfère mille fois t'encourager à réaliser ton rêve plutôt que de tenter quelque chose qui me paraît être impossible. Parce que je sais que, dans ton cas, c'est totalement possible. m'a-t-elle dit.

Elle croit beaucoup en moi, bien plus qu'en n'importe qui d'autre. Elle est persuadée que je peux y arriver. Que je peux gagner ma place grâce à ma force, à mon talent et à ma détermination. Elle est certaine que je peux devenir l'une des meilleures patineuses artistiques de tout le Japon, peut-être même la meilleure, et peut-être même dans le monde entier.

Malgré tout, des doutes persistent. En quoi suis-je différente d'une autre ? Pourquoi croire autant en moi ? Suis-je vraiment en mesure de surpasser mes peurs ? Suis-je réellement capable de parvenir à mes fins, malgré l'ampleur de la difficulté ?

Ma tête est constamment surchargée, m'empêchant par la même occasion de réfléchir correctement. Pourtant, actuellement, je bouge naturellement, machinalement. Je bouge avec légèreté, avec énergie, bien que mon esprit soit rempli de pensées sombres, de questionnements sans réponses.

Je tourne, comme si une certaine folie voulait s'emparer de mon corps. Je tourne, encore et encore. Je tourne encore et toujours, comme pour tout oublier. Oublier cette détresse qui me ronge. Puis, je saute. Je saute pour éviter tous les drames encaissés par le passé. Et finalement, j'atterris avec grâce et légèreté, une réception à la fois lisse et parfaite, digne des plus grands patineurs.

- Wow, c'était vraiment incroyable ! Le rythme, la force, les mouvements... Tout ! C'est pour votre prochain enchaînement ? me demande Ely, une petite jeune de notre équipe.

- Hum... Peut-être. Je n'y ai pas encore vraiment réfléchi. J'ai surtout fait ça sur un coup de tête, juste pour évacuer ce stress que l'on ressent encore et encore, alors que l'on passe tout notre temps sur la glace. dis-je, en attrapant une serviette pour essuyer la sueur qui perle fraîchement sur mon front.

- Sur un coup de tête ?! Donc au feeling ?! C'est encore plus fort ! Wow, vraiment, j'adore tout ce que vous faîtes. Je suis une vraie fan ! s'exclame-t-elle, un immense sourire aux lèvres, des étoiles qui pétillent au fond de ses yeux. Vous croyez que vous pourrez m'apprendre à faire comme vous ? Ou du moins, à améliorer certaines de mes techniques ?

Tandis que je porte ma gourde à mes lèvres pour savourer l'eau qui hydrate mon corps, j'en profite pour poser mon attention sur les traits fins de son visage. Des cheveux blonds comme les rayons du soleil et des yeux verts, étincelants de vie, comme une forêt lumineuse d'un plein été. Elle attire la sympathie et incarne la beauté et la douceur en un seul regard.

Ely Sanders est arrivée dans notre équipe il y a un peu moins de trois mois. Elle s'y est d'ailleurs très bien acclimatée. Originaire des États-Unis, elle a toujours été passionnée par le patinage artistique, et ce, dès son plus jeune âge. Elle a été repérée par notre coach, Stella Yakusu, alors qu'elle n'avait que quatorze ans. Mais jugeant qu'elle était bien trop jeune pour venir au Japon, elle lui a donné trois ans de plus pour faire ses preuves. Aujourd'hui âgée de dix-sept ans, Ely n'a pas hésité longtemps avant de saisir la chance qui lui était toujours offerte.

C'est une gamine adorable, dotée d'un très gros potentiel. Elle est vraiment très prometteuse. Dès son entrée dans l'équipe, elle s'est empressée de venir me trouver pour me raconter qu'elle a regardé chacune de mes compétitions, peu importe leur importance. Je suis devenue une sorte de modèle pour elle, une motivation, un point de secours qui lui a permis de devenir celle qu'elle est aujourd'hui. Mais je n'ai toujours pas compris ce que j'ai bien pu faire de spécial pour lui venir en aide.

- Tu es sûre que je suis celle qu'il te faut pour progresser ? lui demandai-je finalement, après un long silence.

- Oui, absolument ! dit-elle, avec un hochement de tête déterminé. La première fois que je vous ai vu, vous m'avez bluffé. Vous avez cette colère, cette rage et cette douleur en vous qui vous font accomplir de vrais miracles. Vous vous en servez pour mettre en scène vos chorégraphies, comme une histoire que vous souhaitez raconter à votre public. Et ça marche ! Ça nous bouleverse à chaque fois ! Alors oui, je suis sûre de mon choix. C'est vous que je veux comme coach. C'est avec vous que je veux progresser. Et lorsqu'enfin, après de longues séances, les fruits de vos entraînements finiront par payer, je pourrais affirmer fièrement, aussi haut et fort que je le peux, que j'ai eu la chance de m'améliorer aux côtés de la meilleure des professeurs, aux côtés de la meilleure des patineuses.

Elle se tait alors, plongeant son regard plein de vie dans le mien. Elle vient de dire toutes ces choses d'une manière posée et réfléchie, et pourtant avec une telle force et une telle passion... J'ai l'impression de me revoir à son âge, curieuse de découvertes et de défis.

C'est à mes dix-huit ans que je suis entrée dans cette équipe et que j'ai ainsi fait la connaissance de la jeune femme formidable et incroyable qu'est aujourd'hui ma meilleure amie. C'est à mes dix-huit ans que j'ai compris ce qu'était la joie de vivre, ce qu'était la joie que l'on éprouve à faire ce que l'on aime. Un sentiment de bien-être et de plénitude total.

Le patinage artistique, c'est toute ma vie. Je ne pourrais plus m'en passer. C'est mon tout, ma raison d'être. C'est ce qui m'a sauvé quand j'étais au plus mal, quand j'étais au fond du trou... Quand je faisais tout un tas de bêtises pour me sentir bien. Des bêtises parfois plus importantes que d'autres...

À l'époque, j'étais très différente. On disait que j'étais une vraie petite rebelle. Faire la fête, sécher les cours, m'envoyer en l'air... Faire tout et n'importe quoi, n'importe quand. Tout le temps. Et ce, bien avant la mort de mes parents. J'avais tout de la parfaite petite délinquante...

Puis, la dépression est arrivée. Forte, violente, dévastatrice... Je n'ai rien pu faire. Je n'ai pas su lui résister. Pas après mes années de harcèlement, pas après la mort de mes parents... J'ai été faible, lâche. J'ai été un poids pour ma sœur, alors qu'elle avait elle-même besoin de soutien.

J'ai essayé de noyer ma peine, ma détresse et mon malheur en faisant un maximum d'erreurs, dans des tentatives parfois désespérées, en faisant en sorte d'être détestée, car c'est ce que je connaissais le mieux. Car c'était ce que je méritais. Et tout au fond de moi, je le savais...

Mais la vie en a décidé autrement. Elle m'a accordé une seconde chance. Le destin a voulu que je sorte de cette étape sombre et morose pour que je devienne une toute autre personne. J'ai réussi, par je ne sais quel miracle, à saisir cette nouvelle chance. Et cette chance, c'est ma merveilleuse équipe. Les Wonders of Hope. Les Prodiges de l'Espoir. Mon espoir.

C'est en entrant dans cette équipe, c'est en rencontrant mon adorable Emi, que j'ai finalement repris le contrôle de ma vie, que j'ai finalement acquis les compétences nécessaires pour me sortir de mes malheurs, et que j'ai pu grandir par mes propres moyens, par ma propre force. C'est parce que j'ai eu cette chance. C'est parce que j'ai eu cet espoir.

C'est donc pour cette raison que je peux aujourd'hui me tenir aussi fièrement debout, droite dans mes bottes. C'est donc pour cette raison que je plante mon regard doré dans celui de la jeune Ely. Et c'est donc pour cette raison que je lui accorde un petit sourire de satisfaction.

- Si c'est vraiment ce que tu veux, si tu es vraiment sûre de ton choix, alors je suis d'accord. Je suis prête à te donner cette chance, à te donner cet infime espoir de réussite.

Ely me regarde en silence durant de longues secondes, comme si elle analysait chacune de mes paroles, clignant plusieurs fois des paupières sous le coup de la surprise. Puis, ses yeux s'illuminent tout à coup d'une étincelle nouvelle, à la fois chanceuse et passionnée. Une étincelle de joie et d'espoir.

- C'est vrai ? Vrai de vrai ?

- Je n'ai pas l'habitude de faire de promesse en l'air. Surtout pour quelque chose d'aussi important aux yeux d'une personne.

Le sourire qui orne à présent le visage d'Ely est interstellaire, lumineux. Je n'ai jamais rien vu d'aussi éblouissant. Mon sourire s'élargit de lui-même face à son doux visage joyeusement enfantin.

- Merci ! Je... Merci infiniment ! Je ne sais pas quoi dire... Que... Comment puis-je vous rendre la pareille ?

- En commençant par me tutoyer, peut-être ? J'ai l'impression de faire bien plus vieille que mon âge. dis-je, en rigolant légèrement. Et pour ce qui est du reste, nous verrons tout cela le moment venu.

- Oh, oui, pardon ! Je peux faire ça ! Merci encore, en tout cas. Je tâcherais de me montrer à la hauteur.

Je hoche la tête et lui tends la main, comme je le ferais pour honorer une promesse. Une promesse d'avenir et d'espoir. Après tout, n'est-ce pas le but premier de cette équipe ? Ely n'hésite pas une seconde et s'empresse de la serrer avec force, un immense sourire ornant son doux visage.

C'est alors que nous entendons un timbre de voix familière, un timbre de voix qui coupe court à notre conversation. Un timbre de voix qui signifie qu'il va bientôt y avoir du mouvement, ainsi que de potentielles nouvelles informations.

Stella Yakusu, coach des Wonders of Hope, arrive rapidement sur la piste glacée, un dossier semblant important entre les mains. Je suppose que cela a un lien avec les qualifications aux Jeux Olympiques.

Elle nous rejoint rapidement, nous faisant alors signe de nous regrouper. Son visage est inexpressif, sérieux... Comme d'habitude. Elle a une annonce importante à nous faire, j'en suis certaine. Elle se racle la gorge avant de prendre finalement la parole.

- Bonjour à toutes. Vous avez sans aucun doute remarqué que tous vos entraînements ont changé, sans que personne ne vous donne la moindre explication. La raison est simple. Nous voulions voir celles qui avaient assez de cran, celles qui étaient à la hauteur, pour participer à la suite du programme que nous vous avons concocté. Je ne vais pas perdre mon temps avec des explications longues et barbantes, comme vous en avez l'habitude, alors nous allons tout de suite rentrer dans le vif du sujet. commence-t-elle sérieusement, en montrant les documents qu'elle a entre les mains. Comme vous le savez, les prochains Jeux Olympiques se dérouleront du 9 au 23 février 2018 à PyeongChang, en Corée du Sud. L'équipe féminine qui représentera notre pays n'est pas encore formée. Et c'est tout à fait normal. Pour cette nouvelle édition, nous avons décidé de former une équipe composée de cinq patineuses provenant de divers clubs : Wonders of Hope, Dream Breakers, Chance of Destiny et Passion of Hearts.

Tout mon corps se tend violemment en entendant le nom d'une certaine équipe... Les Dream Breakers... Un soupir haineux franchit aussitôt la barrière de mes lèvres. Décidément, cette équipe me suivra partout, quoi que je puisse faire pour l'éviter...

- La première sélection se déroulera du 20 au 22 septembre. Les résultats vous seront par la suite transmis le 20 octobre. Douze d'entre vous seront tout d'abord sélectionnées pour la suite. Pour la seconde sélection, elle aura lieu du 15 au 17 novembre. Les résultats tomberont le jour de Noël. Quatre d'entre vous seront qualifiées, et la cinquième sélectionnée sera comptée comme remplaçante. Je compte donc sur vous pour travailler dur et pour faire honneur à votre équipe. N'oubliez pas que pour certaines d'entre vous, ces Jeux Olympiques sont d'une importance capitale pour la suite de votre carrière. Alors, allez saisir votre chance ! Et faites-nous honneur !

Suite à sa courte explication, Stella Yakusu nous salue rapidement, avant de quitter la piste gelée, nous laissant ainsi seules avec nos questionnements et nos doutes, seules avec nos paniques intérieures.

- Je suppose que ce seront les meilleures qui seront prises. soupire l'une des patineuses. Donc ça devrait se jouer entre Scylla, Akiko, Emi et Juna pour les Wonders of Hope.

- Ça dépend, il suffit que la chance soit avec nous ce jour-là, et tout pourrait basculer. Et puis, Scylla, Akiko, Emi et Juna ne sont pas encore prises. Les autres équipes ont également de très bonnes candidates. Rien n'est joué.

Elle dit vrai. Rien n'est joué d'avance. Et surtout pas avec une équipe comme les Dream Breakers, dont l'une de ses membres est considérée comme étant l'étoile montante du patinage artistique, ainsi que comme ma pire ennemie. Et ce, depuis déjà plusieurs années. Nao Keiki...

Avant, nous étions ce qui s'apparentait à des amies. Nous nous entendions bien et nous gardions une relation cordiale et respectueuse l'une envers l'autre. Mais du jour au lendemain, plus rien. Tout a changé. Et je n'ai jamais compris pourquoi...

Nous sommes devenues rivales, puis ennemies jurées. Elle n'a pas hésité à me faire les pires crasses pour porter atteinte à mon image, pour me discréditer auprès de mes coéquipières, de ma famille, et de mon équipe. Je ne serais même pas surprise qu'elle me prépare encore un sale coup lors de ces sélections. J'en suis même presque certaine. Elle va tout faire pour que je ne sois pas sélectionnée dans l'équipe nationale, parce qu'elle sait que c'est mon rêve. Et parce qu'elle veut absolument me nuire.

Une main se pose sur mon avant-bras. Une petite main douce et chaude. Je reporte alors mon attention sur sa propriétaire. Ely me lance un regard inquiet, un regard visiblement peu rassuré par la situation.

- Est-ce que ça va le faire ? me demande-t-elle timidement.

Je me contente de hocher la tête, un petit sourire rassurant sur le visage. Ça ne sert à rien de lui présenter un air paniqué, alors que nous ne sommes même pas encore aux premières sélections. J'ai encore le temps de m'entraîner pour augmenter mon niveau.

- Tout ira bien, sois-en sûre. lui dis-je, d'une voix sûre et rassurante.

- Tu en es certaine ?

Je hoche la tête, un air confiant sur le visage. Je ne dois pas me laisser aller. Je sais que je peux lutter, que je peux rivaliser avec les plus grands, avec les plus forts ! Je peux gagner ma place, sans l'aide de qui que ce soit, par mes propres moyens. Je peux prouver au monde entier que le patinage artistique est un sport de plénitude, d'évasion et de liberté. Je sais que je peux le faire. Sans oublier mon véritable objectif...

Pour ces sélections, je ne devrais pas seulement me montrer plus forte que d'autres. Je ne devrais pas seulement être la meilleure. Je ne devrais pas seulement surpasser les premières. Non. Mon véritable objectif, ce sera de battre Nao Keiki avec mon propre talent, avec ma propre force. Et j'y arriverais ! Je dois y arriver !

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