| 𝟗 | Itami
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~ 2256 mots ~
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Itami
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Quelques jours ont passé depuis cette mauvaise journée. Quelques jours durant lesquels Takao honore comme convenu sa promesse. Il reste constamment avec moi dès qu'il le peut, si bien que je ne reçois plus beaucoup de menaces de la part de Shizuka et de son groupe.
C'est la première fois depuis de nombreuses années que je me sens bien, que je me sens soulagée de ne pas avoir à regarder constamment derrière moi dès que je dois me rendre en cours ou à mon domicile.
D'un certain côté, c'est un peu bizarre de pouvoir seulement regarder devant moi, puisque je n'ai connu que la peur et la crainte chaque jour de ma vie. D'un autre côté, le fait de ne pas avoir à stresser ou à m'imaginer différents scénarios dans ma tête, c'est vraiment bénéfique.
C'est la première fois depuis un moment que j'ai pu faire une nuit complète. C'est la première fois que j'ai pu manger convenablement. Et c'est aussi la première fois que mes larmes n'ont pas coulé un seul instant. Et tout ça, je le dois uniquement à Takao.
Un léger sourire apparaît sur mon visage en pensant à lui, tandis que le cours d'anglais file tranquillement depuis déjà presque une heure. Je ne pensais pas que le laisser entrer ainsi dans ma vie s'annoncerait si bénéfique et prometteur pour moi.
Cela faisait des années que j'avais perdu tout espoir, que je ne pensais plus pouvoir m'en sortir. Cela faisait des années que j'étais toujours seule, à tenter de guérir de toute cette violence injustifiée. Qui aurait cru que les choses pouvaient finalement être aussi simples ?
Cependant, bien que je sois soulagée d'avoir à présent Takao à mes côtés, il ne faut néanmoins pas que j'oublie que c'est provisoire. Personne ne reste aussi longtemps auprès de quelqu'un sans vouloir obtenir des bénéfices à la fin. Après tout, la nature humaine est égoïste.
Tandis que j'avance dans les longs couloirs du lycée en direction du réfectoire, je ne peux m'empêcher de penser à Dalya. Ma poitrine se contracte douloureusement, une vague de tristesse envahissant soudain mon esprit. Elle me manque tellement, tellement... Que se serait-il passé si elle ne m'avait pas pris sous son aile ? Si elle m'avait laissé dans cet enfer familial ? Moi-même, je l'ignore...
Un soupir franchit la barrière de mes lèvres, tandis que je lève mon visage vers le ciel inondé de lumière. C'est bizarre... Je viens seulement de me rendre compte que je n'ai plus énormément besoin de me plonger dans mon monde musical pour me sentir un peu plus en sécurité. Depuis combien de temps n'est-ce pas arrivé ?
Par le passé, la musique était déjà énormément présente dans ma vie, que ce soit lorsque je dansais ou lorsque Dalya voulait qu'on s'amuse ensemble à la maison. Mais elle a pris une place plus importante lorsque j'ai eu besoin de fuir subitement la réalité, lorsque j'ai eu besoin de me trouver un moyen d'auto-défense face au monde extérieur.
À partir de là, tout a changé. Je ne dansais plus, je ne souriais plus... Je n'étais plus qu'une coquille vide, une coquille sans vie et sans espoir. Seule la musique est parvenue à maintenir ma tête hors de l'eau. Je suis même surprise que cela ait duré si longtemps.
C'est alors que je me demande comment tout a basculé, au final. Est-ce lorsque mes parents m'ont renié de la pire des manières ? Est-ce lorsque je me suis retrouvée toute seule, sans personne sur qui compter ? Ou est-ce autre chose ? Je ne parviens pas à m'en rappeler...
- Chinmoku ! m'appelle soudain une voix désormais familière.
Je me retourne lentement et salue d'un petit signe de tête les nouveaux venus, Takao et Midorima. Celui-ci me décoche un grand sourire, éternellement ravi de me voir, tandis que son compagnon aux cheveux verts se contente d'un simple hochement de tête amical.
- Comment vas-tu aujourd'hui ? me demande-t-il, comme chaque jour depuis qu'il me fréquente.
« Je vais bien. Je me sens bien. »
Le sourire de Takao s'agrandit en lisant cela. C'est devenu notre petite routine. Chaque jour, il vient me voir, il me salue de son éternel grand sourire, puis il me demande comment je vais, et ce que je compte faire le reste de la journée, une fois que les cours seront terminés.
C'est peut-être basique et inutile aux yeux de certains. Mais pour moi, ça a toute son importance. À travers ces simples petites attentions, j'ai l'agréable sensation que Takao ne veut réellement que mon bien, et qu'il fera vraiment tout son possible pour me guérir de mes peurs et de mes peines.
Par le passé, je n'aurais jamais imaginé qu'une personne autre que Dalya pourrait entrer ainsi dans ma vie. Et pourtant, voilà où j'en suis. Voilà ce que je vis. Et étonnement, j'aime beaucoup cette situation.
Tandis que nous nous installons avec nos plateaux à notre table habituelle, près de la grande fenêtre, je ne peux empêcher mon cœur de battre plus vite lorsque Takao s'installe à mes côtés. Je n'ai pas peur, bien au contraire. Je dirais plutôt que mon corps est à la fois tendu et heureux que le jeune homme soit aussi proche de moi.
- Au fait, je voulais te proposer quelque chose... reprend-il, après un long silence. Le parc d'attractions nomade vient d'ouvrir ses portes pour quelques jours, et je me demandais si tu voulais y aller avec moi ce week-end ?
Mon cœur rate un battement, tandis que je tourne un visage surpris vers lui. Mes yeux écarquillés le laissent alors sans voix durant quelques secondes, comme s'il se demandait pourquoi je réagissais ainsi. Puis tout à coup, il semble réaliser.
Jamais personne ne m'a proposé de manger avec moi le midi. Jamais personne ne m'a proposé de sortir ainsi. Jamais personne ne m'a proposé de me raccompagner le soir après les cours... Jamais personne ne m'a proposé de devenir son ami...
C'est pour cette raison que je suis aussi surprise. C'est pour cette raison que je fais tout mon possible pour retenir les larmes qui me montent aux yeux. Parce que je réalise finalement que Takao n'est pas là uniquement pour ma protection. Il veut vraiment être là pour moi.
C'est donc d'une main tremblante que je saisis mon éternel bloc-notes, une larme glissant malgré tout le long de ma joue. C'est donc d'une main tremblante que j'inscris les trois petites lettres qui changeront peut-être à jamais mon destin.
« Oui. »
『••✎••』
La musique bat son plein autour de moi, si bien que je ne sais plus où donner de la tête. Beaucoup trop de bruit. Beaucoup trop de personnes. J'ai la sensation d'être sur une tout autre planète, de ne pas être à ma place.
Repérant un banc solitaire, je me dirige vers celui-ci en attendant la venue de Takao. Désormais à l'abri de certains regards, je ne peux m'empêcher de détailler du regard les alentours animés par une foule ravie.
De grosses attractions sans queue ni tête s'élèvent plus hautes que la plupart des arbres de ce parc. Une agréable odeur sucrée se répand un peu partout, donnant l'eau à la bouche à de nombreux inconnus. Quant aux personnes présentes sur les lieux, elles savent toutes ce qu'elles font ici. Contrairement à moi qui ne le sais pas vraiment...
J'ai accepté la proposition de Takao sur un coup de tête, parce que mon esprit était ravi que quelqu'un veuille passer plus de temps avec moi en dehors du lycée. Mais maintenant que je me retrouve seule ici, je ne sais plus quoi en penser.
Mon cœur bat à mille à l'heure, si bien que j'ai la sensation qu'il pourrait sortir de ma cage thoracique pour fuir à toutes jambes. Mes mains tiennent fermement les lanières de mon petit sac, comme par peur que l'on vienne me le voler. Ma respiration s'accélère, tandis que je fais tout mon possible pour garder une certaine contenance. Il va venir, je le sais. Il va venir...
Je ferme les yeux quelques instants, priant de tout mon cœur que ce ne soit pas une mauvaise blague. Maintenant que je me sens plus proche de Takao, je refuse de retourner dans cet état solitaire et misérable dans lequel j'étais il y a encore peu de temps. Je ne veux plus vivre ainsi. Plus jamais...
- Chinmoku ! s'exclame tout à coup cette voix que je voulais tant entendre.
Mon cœur fait aussitôt un bond dans ma poitrine, avant de finalement doucement se calmer. Je me retourne alors vers le nouveau venu, une lueur de soulagement au fond de mes prunelles. Takao est enfin là.
- Je suis désolé. dit-il, en passant une main dans ses cheveux d'un air gêné. J'étais à l'heure, jusqu'à ce que ma mère me retienne pour que je l'aide pour un truc... Vraiment, je suis sincèrement désolé...
Je secoue la tête et lui souris faiblement, soulagée de voir qu'il n'a pas voulu me poser un lapin. Il voulait venir dès le départ, dès l'instant où il m'a fait cette proposition. Il n'a jamais voulu me tourner le dos.
« On commence par quoi ? » je lui demande finalement, lui montrant ainsi que je ne lui en veux pas.
D'abord surprit que je lui pardonne aussi facilement, Takao retrouve rapidement son grand sourire sincère, avant de tendre la main vers moi pour que je la saisisse. Et pour une fois, je n'hésite pas une seule seconde avant de poser ma main dans la sienne.
『••✎••』
C'est incroyable ! Il y a tellement d'attractions, tellement de possibilités d'occupation... Takao m'a déjà montré de nombreuses zones, en commençant par les auto-tamponneuses, les manèges à sensation, les stands de tir, puis en finissant par la grande roue.
Je n'aurais jamais pensé qu'un parc d'attractions nomade pouvait être aussi grand. Cela montre bien que l'homme est capable de faire de grandes choses en un court laps de temps. Il faut seulement qu'il s'en donne les moyens.
- Ça te dit qu'on se prenne une barbe à papa pour la route ?
Je porte aussitôt mon regard sur Takao, clignant plusieurs fois des yeux en les fronçant légèrement, signe évident de mon incompréhension totale. Une barbe à papa ? Qu'est-ce que c'est, au juste ?
- Attends... Tu n'en as jamais mangé ? me demande-t-il, plus que surpris.
Je me contente de secouer la tête, en mordant légèrement ma lèvre à cause de ma gêne. Takao se sent aussitôt mal à l'aise. Il est peiné à l'idée que je ne connaisse pas les bases d'une vie dite « normale ».
Il faut dire qu'avec mes parents, je ne pouvais pas faire grand-chose. Je devais danser, pour au final me faire interdire la danse. Je devais avoir de bonnes notes, et même ainsi, ça n'était jamais suffisant. Tout ce que je faisais, que ce soit bien ou mal, tout allait à l'encontre de ce qu'ils voulaient réellement. Et cela dure depuis ma naissance.
C'est sans doute moi l'erreur. C'est sans doute moi qui n'aurait jamais dû apparaître en ce monde. Je n'aurais pas dû exister. Les choses auraient été plus simples pour tout le monde. C'est ce que j'ai entendu durant toute mon enfance...
Alors que je ressasse mes mauvais souvenirs, je ne remarque pas Takao s'éloigner de moi quelques instants. Lorsque j'y prête finalement attention, il est de retour près de moi, avec une chose étrange dans les mains, soutenue par un bâton en bois.
- C'est une barbe à papa. dit-il, avant que je ne lui écrive la question.
C'est donc ça, une barbe à papa ? Je ne savais pas à quoi m'attendre, mais certainement pas à ça. On dirait un nuage tout doux, rose et brillant. Et cela dégage une agréable odeur sucrée.
Avec un sourire rassurant, Takao approche la barbe à papa. J'ai juste à tendre la main pour en attraper un morceau. C'est donc ce que je fais, avant de cligner fortement des yeux.
Ça colle. C'est une matière très étrange. Et ça l'est encore plus une fois en bouche. C'est comme une évaporation, laissant seulement la présence du sucre à la fin, pour que le goût reste présent un peu plus longtemps.
- Alors, verdict ?
« C'est bon, mais curieux. J'aime bien. »
Takao sourit, ravi que cela me plaise. J'en reprends donc un morceau, étant d'humeur gourmande et curieuse. J'ignore les ingrédients, mais j'aime beaucoup cette sensation inexplicable.
C'est au tour de Takao d'en manger un bout. Sauf que tout ne se passe pas comme prévu. Au lieu d'en mettre dans sa bouche, la barbe à papa se dépose finalement sur le bout de son nez, provoquant une gêne énorme chez le jeune homme.
- Alors ça, c'est la honte...
C'est alors que, pour une raison inexplicable, un son cristallin quitte le fond de ma gorge. Un rire. Puis deux. Et même trois. Un immense fou-rire m'envahit alors, stoppant net Takao dans son action de nettoyage.
Il reporte son regard sur moi, ses yeux plus écarquillés que jamais. Pourtant, cela n'arrête pas mon rire, bien au contraire. C'est comme si je ne pouvais pas faire autrement, comme si je ne pouvais plus m'arrêter. Cela faisait bien longtemps que ça ne m'était plus arrivé.
À cet instant précis, j'oublie tout. Toute la peine provoquée par mon passé, toute la douleur subie dans le présent, et toutes mes craintes imaginées pour le futur. J'oublie tout, sauf ce qu'il se passe actuellement. Et intérieurement, j'espère de tout mon cœur pouvoir m'en souvenir encore très longtemps.
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