| 𝟐𝟎 | Itami

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~ 2272 mots ~

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Itami
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Plusieurs jours ont passé depuis la défaite de Shūtoku contre celle de Rakuzan. Nous nous sommes hissés à la troisième place du classement, ce qui étonnamment ne semble pas déranger tant que cela les membres de l'équipe. Je les soupçonne par moment de mentir sur leur véritable ressenti uniquement pour que ce ne soit pas moi qui me sente mal.

Un long soupir s'échappe de mes lèvres, tandis que je les regarde s'entraîner tranquillement, comme s'il n'y avait jamais eu de tournoi. Comme s'il n'y avait jamais eu de défaite. Dans un certain sens, je devrais être ravie qu'ils soient passés aussi rapidement à autre chose. Mais d'un autre côté, je ne peux m'empêcher de penser que c'est leur manière à eux de faire leur « deuil ».

Mon corps frissonne malgré moi à ce simple mot, me rappelant aussitôt mon réel mal, ma réelle douleur. En réalité, ce n'est pas la défaite des garçons qui me procure tant de peine et de malheur. C'est la perte, le rappel de ma soudaine solitude. Après tout, nous ne sommes pas n'importe quel jour. Nous sommes ce jour, cette date... Cette date qui a tout fait basculer. Cette date qui a tout changé dans ma vie...

Cela fait aujourd'hui trois ans jour pour jour qu'elle a quitté ce monde. Trois ans qu'elle ne vit plus que dans mon esprit, que dans mon cœur. Trois ans que l'enfer frappe constamment à ma porte dans l'espoir de m'emporter loin de cette vie de misère. Et pourtant, je suis toujours là. Je suis toujours debout, bravant les pires souffrances pour garder la tête droite, pour faire honneur à la femme formidable qu'elle était.

Mes yeux se ferment pour essayer de la visualiser, même un court instant. De courts cheveux blancs, de profonds yeux émeraudes, un sourire tendre et rassurant qui pourrait vous inciter à lui confier n'importe quel sombre secret, et une bienveillance à toute épreuve. Il n'y a pas à dire, Dalya Honoka était une femme pleine de sagesse et de bonté. Une grand-mère parfaite.

Je ne comprendrais jamais comment on en est arrivé là, comment tout a pu déraper de la sorte. Comment mes parents... Je secoue aussitôt la tête. Non. Rien que d'y penser, mon cœur se serre douloureusement dans ma poitrine. Je n'ai aucune envie de leur porter un quelconque intérêt. Pas maintenant. Pas aujourd'hui. Ils ne le méritent pas.

Finalement, je lance un bref regard à ma montre. 15h17. Il est grand temps que je quitte les lieux pour la retrouver. Lentement, je me lève et récupère mes affaires, non sans prévenir brièvement Midorima de mon départ précipité. Il ne dit rien, mais sa surprise face à mes brèves larmes le pousse à accepter dans un parfait silence. C'est donc ainsi que je quitte les lieux, presque en courant, pressée de pouvoir la voir.

『••✎••』

La brise est légère aujourd'hui, presque agréable et chaleureuse. C'est comme si le vent essayait de chasser mon chagrin, de me réconforter face à la dureté du monde. Un maigre sourire apparaît brièvement sur mon visage en m'imaginant cela, avant qu'il ne disparaisse tout aussi rapidement, tandis que je m'agenouille avec douceur près de cette tombe, une fleur à la main.

Je prends quelques instants pour tenter de la visualiser, pour tenter d'imaginer son esprit à mes côtés, veillant comme à son habitude à ce qu'il ne m'arrive rien. Je la vois s'asseoir sur le bord de sa tombe, le dos bien droit, les mains sur les genoux, son éternel sourire adorable sur son doux visage à jamais rassurant.

- Bonjour, grand-mère. commençai-je doucement, comme je le fais chaque année depuis sa mort. Cela fait déjà trois ans que tu es partie, trois ans que tu m'as laissé. Sache que je ne t'en ai jamais voulu. Enfin, pas totalement... La vie n'a pas été facile à surmonter sans ta présence à mes côtés, tu sais ? Shizuka et Camilla m'en ont de nombreuses fois fait baver. Mais aujourd'hui, ça va mieux. Enfin. Elles ont toutes les deux été virées du lycée, et Shizuka s'est finalement excusée auprès de moi. Je n'aurais jamais cru cela possible si je n'avais pas tenu le coup, s'il n'avait pas été à mes côtés. Kazunari Takao.

Je m'interromps quelques instants en visualisant le visage du jeune homme, un doux sourire aux lèvres, comme si je voulais le dévoiler au travers de ma mémoire. Pouvant se montrer idiot par moment, il a toujours su se montrer loyal et honnête avec moi, présent à mes côtés comme jamais personne n'a réussi à le faire jusqu'à présent, pas même Dalya.

- Tu l'aurais adoré, ça ne fait aucun doute. Tu as toujours su voir le bon comme le mauvais côté chez les gens. Tu m'aurais sans hésitation dit qu'il est parfaitement digne de confiance et je t'aurais bien évidemment cru. C'est d'ailleurs grâce à lui que j'ai surmonté mes troubles et mes peurs, et que je peux enfin me tenir devant toi en parlant ouvertement au reste du monde. Du coup, par moment, j'en viens à me demander si ce n'est pas toi qui a mis Takao sur ma route, pour me permettre de retrouver le goût de la vie. Tu étais capable de tellement de choses que cela ne me surprendrait même pas.

Je rigole légèrement un court instant, mon esprit voguant entre diverses pensées et ressentiments. Finalement, je dépose avec une douce lenteur la fleur rose que je transportais depuis tout à l'heure au pied de sa tombe. Synonyme d'une promesse de bonheur, la Dahlia rose est pour moi la parole la plus sincère qui soit. Au travers de celle-ci, je lui jure de tout faire pour vivre ma vie et être enfin heureuse avec moi-même. Je veux qu'elle puisse être fière de moi.

- Grand-mère, il faut que je te dise quelque chose... Ça y est, je n'ai plus peur de l'orage. J'ai réussi à surmonter ma crainte. Ce souvenir néfaste ne me perturbe plus. Et tout ça, c'est grâce à ton aide et à celle de Takao. Il possède quelque chose de fort en lui, quelque chose de sincère et de magnifique, tout comme toi. Son âme est pure comme aucune autre. Sa voix, sa chaleur, sa gentillesse et sa protection à toute épreuve... Si je suis encore en vie aujourd'hui, c'est grâce à lui. Grâce à sa persistance et à sa grandeur d'âme. Je ne me suis jamais sentie aussi vivante et aussi sereine qu'en étant près de lui. J'ai surmonté de nombreuses difficultés, de nombreuses souffrances grâce à lui. Je me suis même fait des amis, tu te rends compte ? Rien de tout cela n'aurait été possible s'il n'avait absolument pas tenu à faire partie de mon existence.

Je l'avais déjà réalisé auparavant, mais je refusais de réellement le reconnaître. Takao m'est devenu vital. Aussi vital que sont les fleurs pour les abeilles. Dès que j'ai peur, dès que je pleure, il est toujours là pour moi. Je ne m'imagine plus survivre à diverses épreuves douloureuses sans lui. Et au fond de moi, je sais qu'il n'est pas seulement question d'amitié, de respect ou de reconnaissance. Il y a quelque chose de plus. Quelque chose que j'ai déjà défini, mais dont je doute encore malgré moi.

- Je lui dois tout, grand-mère. Absolument tout. Je suis devenue plus forte, je me suis exprimée oralement et librement, je peux sourire comme avant, et tout ça, c'est grâce à lui. Parce qu'il est resté à mes côtés dès que j'en avais besoin, et même encore aujourd'hui. Je pouvais pleurer, je pouvais avoir peur, il ne m'a jamais lâché. Il a fait la seule chose que je désirais le plus au fond de mon cœur : il est devenu mon ami, celui qui m'a remonté le moral dans les moments difficiles, celui qui m'a fait découvrir la vie. Il est devenu la personne en qui je pouvais avoir le plus confiance. Et cette confiance m'a permis de grandir, de prendre confiance en moi. Grand-mère, je crois que maintenant, que dans le futur, je ne serais plus jamais la même. Plus jamais. Grâce à lui. Je sais que je me répète, je le sais parfaitement. Mais je suis sincère. Simplement sincère. Sincère purement, sincère naturellement, comme je ne l'ai jamais été.

Les poings serrés, le regard plongé dans le lointain, je me remémore tout à coup les moments les plus difficiles de ma vie. La violence de mes parents qui, pour me punir du « crime » impardonnable de ma naissance blessante, me frappaient, me rabaissaient et s'amusaient à me laisser dehors, enchaînée comme un vulgaire animal, sous une pluie battante et un orage puissant. Tout ça parce que ma mère a dû mettre un terme à sa carrière de danseuse professionnelle pour cause de blessure irréversible à la suite de son seul accouchement...

Voilà comment je me suis retrouvée à vivre avec Dalya Honoka, ma grand-mère maternelle. Elle a toujours été géniale avec moi, se révélant être une bien meilleure mère que la mienne. J'ai vécu de nombreuses années avec elle, des années paisibles et heureuses. Elle m'avait même fait prendre des cours de danses à la suite d'un spectacle que j'avais fait à l'école quand j'étais petite, ayant remarqué que je possédais le même talent que sa fille. Mais malheureusement, c'est ce qui a causé sa perte...

Alors que je participais à un concours de danse, j'avais remarqué l'absence de ma grand-mère dans le public. Elle n'était pas venue, ce qui n'était pas dans ses habitudes. J'ai tout de suite compris que quelque chose n'allait pas. Alors à la fin du concours, auquel je suis par ailleurs arrivée première, je me suis empressée de rentrer chez moi, mon prix en main. C'est ainsi que je l'ai retrouvée seule chez elle, morte depuis peu. À ses côtés se tenait un bracelet rouge très précieux que j'avais déjà vu au poignet de ma mère à l'époque. Je n'ai pas mis longtemps à comprendre ce qu'il s'était passé.

Les coupables ont rapidement été retrouvés et arrêtés. Mais c'était trop tard, le mal était fait. C'est ainsi que je me suis retrouvée seule, sans personne sur qui compter. C'est ainsi que je me suis coupée du reste du monde, sans jamais prendre la peine de reparler. Mon seul moyen de communication n'était alors plus qu'un pauvre bloc-notes que j'emmenais partout avec moi. Plus d'attachement, plus de parole, plus de danse... Plus de souffrance. Plus rien. Rien que le silence, le néant et moi.

Et c'est ainsi que Takao est entré dans ma vie, en frappant un grand coup mon esprit de sa vivacité, de sa chaleur et de sa passion. C'est ainsi qu'il a pris plus de place que n'importe qui dans mon existence, me faisant malgré moi reprendre courage et confiance en ma personne, en surpassant mes vieux démons et en me forçant à faire la paix avec moi-même. Je ne pensais pas que tout cela marcherait, que sa présence m'aiderait autant, me sauverait de cet enfer dans lequel je me suis plongée sans chercher un seul moyen de remonter vers la lumière. Pourtant, me voici aujourd'hui, une voix retrouvée et une paix durable au fond de mon cœur.

- Si seulement tu pouvais être à mes côtés. Si seulement tu pouvais le voir. Il est exceptionnel, tu sais ? Tant par sa gentillesse, par sa motivation ou par sa passion pour le basket-ball. Rien que de parler de lui me fait sourire, est-ce que tu te rends compte ? m'exclamai-je, en rigolant un court instant. Si tu le voyais aussi fort, aussi souriant et aussi passionné, tu comprendrais pourquoi je me sens si bien auprès de lui. C'est mon ami. C'est mon sauveur. C'est... C'est celui qui a réellement fait battre mon cœur pour la toute première fois. Et qui continue de le faire encore aujourd'hui.

Un doux sourire orne à présent tout mon être, tandis que je l'imagine là, juste devant moi, en train de me regarder de son éternel air espiègle sur le visage. Je le vois tendre les bras vers moi, et je me précipite vers lui pour m'y plonger ardemment, avidement. Cela me fait prendre conscience de ce que je désire vraiment, de ce que je veux réellement. Mes réels sentiments à son égard...

- Ça y est, grand-mère. Je suis enfin libéré de mes tourments. Tu peux à présent reposer en paix, sans te préoccuper de moi. Tout va bien. Et tout continuera de l'être. Tu peux me faire confiance. Je saurais te rendre hommage en continuant de vivre pour moi-même, sans jamais plus me laisser ronger par cette lourde culpabilité ou par la peur. Et puis, je ne suis plus seule désormais. Je sais que Takao sera là pour me remettre sur le droit chemin si jamais je m'égare encore une fois. Alors, n'aie aucune crainte. Tout ira bien, d'accord ? Je t'en fais la promesse.

Et c'est finalement sur ces quelques paroles, sur ces quelques pensées, que je me relève pour m'éloigner de sa tombe, non sans lancer un dernier regard touchant et sincère à cette fleur stricte et solennelle de promesse, un doux sourire aux lèvres. Je vivrais heureuse et libre. Je vivrais vivante et pour moi-même, sans regretter le moindre de mes choix. Je te ferais honneur. Je te le promets à jamais, ma très chère Dalya Honoka... Ma très chère grand-mère.

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