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~ 2440 mots ~

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Itami
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J'ai parlé... Alors que je me suis jurée de ne plus utiliser ma voix, j'ai parlé. J'ai flanché face au soutien que m'a apporté Takao. Et j'ai finalement craqué. J'ai ouvert ma bouche pour prononcer quelques mots. Juste cinq petits mots...

J'ai accordé ma confiance à Takao sans penser au reste. Je lui ai accordé ma confiance sans penser un seul instant aux risques que je pourrais encourir. Tout est arrivé tellement vite que je me suis sentie chamboulée de tout côté. Je ne savais plus où donner de la tête. Et c'est toujours le cas aujourd'hui...

Sans que je ne sache pourquoi, Takao me perturbe plus que de raison, plus qu'il ne le faudrait vraiment. Sans que je ne sache vraiment pourquoi, je l'ai laissé entrer dans ma vie sans user de réelle résistance.

Il m'est venu en aide à de nombreuses reprises. Il m'a secouru quand j'en avais le plus besoin, quand c'était le plus nécessaire. Il m'a sauvé bien plus que n'importe qui dans ma courte vie, bien plus qu'elle-même. Je me sens redevable envers lui, bien que je ne sache pas trop comment le remercier comme il se doit.

Je sais que Takao a agit de lui-même et de bon cœur, mais est-ce que cela n'est pas trop éprouvant pour lui ? Est-ce que cela ne l'épuise pas émotionnellement ? Ne ressent-il pas un poids de plus en plus lourd sur ses épaules à chaque action qu'il entreprend à mon égard, en plus de sa vie actuelle ?

Il n'est pas un surhomme. Personne ne l'est. Tôt ou tard, le fait de me venir en aide lui fera défaut. Et ce jour-là, voire même avant, je serais obligée de me séparer de lui, de reprendre mes distances pour qu'il puisse retrouver un semblant de vie normale. Ou peut-être que ce ne sera jamais le cas et que c'est juste moi qui ai peur de le perdre.

Je me suis attachée à lui bien plus que je ne l'aurais dû. Et par moment, je le regrette. Par moment, j'en ai une peur bleue. Surtout depuis que j'ai prononcé ces maudits mots... Comment va-t-il réagir face à cela ? Va-t-il me forcer à parler davantage, maintenant qu'il sait que je le peux ? Malgré ce blocage qui me ronge ? Ou au contraire, va-t-il faire comme d'habitude et me sourire pour simplement me rassurer ?

Je ne sais pas quoi en penser. Takao a un côté tellement mystérieux... Bien que nous ayons fait connaissance, il garde sa vie tellement secrète, tellement à part pour me venir en aide. Il la laisse toujours de côté pour moi, ce que je trouve touchant. Cependant, je ne veux pas qu'il la délaisse uniquement pour mon propre bien-être. Je veux qu'il puisse profiter de la vie, qu'il puisse également compter sur moi quand cela est nécessaire. Pas seulement par obligation, mais parce qu'il en aurait vraiment envie.

Un soupir franchit la barrière de mes lèvres, faisant ainsi aussitôt relever la tête du principal concerné. M'analysant de son éternel regard orageux, Takao me juge, me fixe, comme cherchant le moindre détail, la moindre information quant à mon soupir excédé. Je me contente de secouer la tête pour le rassurer, avant de me replonger dans mon manuel d'anglais.

- Tu sais... Si tu ne comprends pas quelque chose, je peux peut-être te l'expliquer autrement ?

Je relève légèrement les yeux de mon document, croisant aussitôt son regard. Il croit que c'est par rapport à l'anglais ? Dans un certain sens, ça me rassure qu'il pense cela. Je n'ai pas besoin de trouver une excuse quant au sujet qui envahit réellement mes pensées.

« Je sais que l'anglais est loin d'être mon fort, mais quand même ! » écrivai-je rapidement, en jouant sur la situation.

Takao rigole légèrement, avant de lever les mains en l'air en signe de capitulation. Un léger sourire transparaît brièvement sur mon visage, avant que celui-ci ne disparaisse rapidement pour laisser de nouveau place à un masque imperturbable.

- D'accord d'accord, je n'insiste pas. Mais si besoin, tu sais que tu peux compter sur moi.

Je me contente de hocher la tête, un faible sourire sur le visage. Il est toujours si prévenant avec moi, toujours si gentil et protecteur. Ma vie s'embellit de jour en jour en sa compagnie, et pourtant, cela ne fait à peine que quelques semaines que nous nous connaissons.

Il me met toujours en avant. Il me fait toujours passer en priorité, délaissant de plus en plus sa propre vie. Il se soucie de moi à un point que je n'aurais jamais cru cela possible. Et quelque part, cela m'inquiète.

Je ne veux pas être son centre d'attention. Je ne veux pas être au centre de ses préoccupations, à chaque instant de la journée. Tout ce que je veux, tout ce que je désire, c'est qu'il se préoccupe de lui, avant de moi-même. Mais j'ignore comment lui faire comprendre cela...

D'un côté, sa gentillesse extraordinaire et sa bienveillance me poussent à vouloir agir pour le protéger des malheurs qu'il pourrait subir par ma faute. Mais d'un autre, son caractère têtu me prouve qu'il ne se laissera jamais vraiment faire, que ce soit face à moi ou à de potentiels ennemis.

Mais par moment, je me demande si ce n'est pas juste mon esprit qui n'a pas suffisamment confiance en moi ou en lui, malgré tout ce que je peux penser. J'ai toujours au fond de moi cette peur incessante de l'abandon et de la trahison. Et malgré tout ce que je peux dire ou faire, celle-ci ne disparaît jamais vraiment.

Et puis, il n'y a pas que ça. Il y a aussi le fait que j'ai parlé, que ma voix a prononcé quelques mots. J'ai peur que cela change totalement notre relation, bien que je ne sois pas certaine que Takao ait réellement entendu ce que j'ai dit.

Je ne pense pas qu'il me trahirait pour se ranger du côté de mes ennemis. Mais m'abandonner, en revanche, ça, c'est une autre histoire. Et maintenant, cette peur viscérale de me retrouver à nouveau seule me dévore de l'intérieur.

Un nouveau soupir s'évapore hors de mes lèvres, le concerné me portant aussitôt un nouveau regard. Takao, comment peux-tu me mettre dans des émotions aussi divergentes ?

- Chinmoku, tu es sûre que tout va bien ?

J'acquiesce simplement de la tête, un faible sourire sur le visage, avant de me replonger dans mon devoir. Je ne veux pas qu'il sache. Je ne veux pas qu'il comprenne qu'il est au centre de toutes mes préoccupations et de tous mes doutes. Jamais.

『••✎••』

Le reste de la matinée passe tranquillement pour moi, et longuement pour Takao, le jeune homme m'aidant finalement avec mon ignoble devoir d'anglais. J'ai dû lui briser plusieurs fois les yeux, mon écriture anglophone étant tout sauf agréable.

- Non, attends. Pas comme ça. Regarde. fait-il, en s'emparant de mon stylo.

Je lui lance un bref regard, constatant son extrême sérieux. Le pauvre... Je crois que je ne l'ai encore jamais vu avoir aussi peu de patience avec quelqu'un. Il est tellement investi dans l'aide qu'il veut m'apporter que ça me désole de ne pas réussir à mieux faire ce devoir.

- Tu vas à l'école, donc c'est « to school », puisque « to » concerne les mouvements et les déplacements. Ça ne sera jamais « in school », « in » se rapportant à une période longue, comme des mois ou une année par exemple.

Je hoche la tête, ayant finalement compris son explication au bout d'une heure de tentatives infructueuses. Takao pousse un soupir de soulagement, et je me retiens alors de rire devant sa tête déconfite et désemparée. Je suis un cas désespéré, et je pense qu'il vient enfin de s'en rendre compte.

« Et pour les « on » et les « at » ? Ils se centrent sur quoi principalement ? »

- Pour les « on », c'est plutôt pour un jour ou une date précise. Par exemple, pour dire « le lundi », ça sera « on Monday ». Quant au « at », il se rapporte à un moment de la journée. « At night », « at the moment »...

« D'accord. Donc si je dis « je vais à l'école à 7h40 », ça deviendra « I go to school at 7:40 ». C'est bien ça ? »

- C'est ça ! C'est exactement ça !

Mon regard inquiet s'illumine aussitôt devant son exclamation joyeuse. Il semble être tellement content, tellement heureux de cette réussite. Son énergie retrouvée, il lève son bras vers moi, un immense sourire sur le visage.

Instinctivement, je me recule au fond de ma chaise, mon corps à présent parcouru de frissons apeurés. C'est comme si j'avais soudainement peur de subir une nouvelle violence, comme si on allait me frapper de nouveau.

C'est un geste que j'ai tellement connu, que j'ai tellement subi, que maintenant, dès que je vois quelqu'un seulement lever la main en l'air, je me crispe aussitôt sur place, comme tétanisée par une peur insurmontable.

Pourtant, je ne dois pas douter. Je ne dois pas avoir peur. Pas avec Takao. Je sais qu'il ne veut pas me faire de mal. Ce sont seulement les traumatismes du passé qui ont tout à coup refait surface. Lui n'y est pour rien.

Takao m'a aidé. Takao m'a sauvé à de nombreuses reprises. Je n'ai aucune raison de douter de lui. Ce n'est aucunement de sa faute si mon esprit reste encore une fois focalisé sur les violences que j'ai subies.

C'est donc en faisant un effort extrême, d'un geste pourtant hésitant, que je lève à mon tour mon bras pour taper lentement ma main dans la sienne, le jeune homme n'ayant pas remarqué le stress intérieur que son geste venait de provoquer malgré lui.

- Bravo Chinmoku, je suis très fier de toi ! s'exclame-t-il, un immense sourire sur le visage.

Ma panique se calme instantanément. Takao est fier de moi. Il est fier de moi ! J'ai tellement rarement entendu ces quelques paroles que des larmes de joie pourraient couler le long de mes joues.

Mais je ne veux pas pleurer maintenant. Je ne veux pas que l'expression joyeuse de Takao disparaisse pour laisser place à de l'inquiétude. Je veux qu'il continue de sourire et de s'esclaffer de la sorte encore longtemps. Alors je serre les poings et je m'accroche, en espérant que tout passera inaperçu à ses yeux.

『••✎••』

Nos révisions étant à présent terminées, Takao a proposé de me raccompagner chez moi, n'ayant pas cours de toute la journée. C'est donc dans un hochement de tête ravi que j'ai accepté sa proposition.

Nous voilà donc, marchant paisiblement côte à côte dans les rues vides et silencieuses de la ville. Seul le chant des oiseaux et le couinement des animaux de rue harmonisent le frottement de nos pas sur le sol bétonné.

Lorsque mon regard se pose sur le toit de mon domicile, un soupir discret franchit la barrière de mes lèvres. La matinée a été riche en émotions et en pensées, et je veux bien reconnaître qu'une bonne douche, suivie d'un moment calme et reposant, ne me ferait pas de mal.

Une fois que nous sommes arrivés devant mon petit portail vert, je me retourne lentement vers le jeune homme pour lui faire un sourire d'au revoir. Mais avant que je ne puisse faire le moindre mouvement, Takao fait un pas vers moi, comme s'il s'apprêtait à me parler.

- Je voulais te demander quelque chose avant que tu ne rentres chez toi... commence-t-il.

Un silence s'installe finalement, comme s'il ne savait pas comment entamer sa demande. Il semble tout à coup timide, comme si cela risquait de me déranger. Lentement, je pose ma main sur son bras dans un hochement de tête, et je lui lance un petit sourire, comme pour l'encourager à me parler.

- Eh bien... Comme tu le sais, la Winter Cup commence en début de semaine prochaine. Avec mon équipe, nous voulons nous hisser le plus haut possible dans le classement, et pourquoi pas même remporter le titre. Et je sais qu'il y aura beaucoup de monde, mais... hésite-t-il de nouveau. Je voulais savoir si ça t'intéresserait de venir nous voir jouer ?

Ma respiration se coupe brièvement sous le coup de la surprise. Je ne m'attendais pas du tout à une telle proposition. Je n'ai jamais envisagé de venir voir leurs matchs. Il n'en a même jamais été question. Alors forcément, je ne sais pas comment réagir.

D'un côté, je suis touchée par sa demande. Cela prouve qu'il me fait suffisamment confiance pour ne pas devenir une sauvage comme n'importe quel autre fan. D'un autre côté, je ne suis pas certaine que ce soit une bonne idée que je vienne. Après tout, je risque plutôt de faire tâche dans le décor, sachant tous les ennuis que j'ai déjà...

Je ne sais pas quoi faire. J'aimerais beaucoup y aller, ne serait-ce que pour remercier Takao de tout ce qu'il a déjà fait pour moi. Mais ma peur constante de me faire humilier m'empêche de trouver suffisamment de courage...

- Tu n'es pas obligée de me répondre aujourd'hui, si cela te dérange autant. me rassure Takao dans un doux sourire. Et je comprendrais très bien si tu décidais finalement de me dire non. Je ne t'en voudrais aucunement. Mais sache cependant que je serais ravi de te voir m'encourager, même silencieusement, dans les gradins. Ta présence compte beaucoup pour moi et elle m'aide à avancer.

Ma présence compte beaucoup pour lui... Rien qu'avec de telles paroles, je pourrais fondre en larmes sur le champ. Il tient à moi et m'apprécie malgré mes silences et mes craintes. Il m'apprécie telle que je suis, sans jamais me juger ou m'utiliser. Il est toujours fidèle à lui-même, droit dans ses bottes et dans ses jugements.

Touchée et émue sont les seuls mots qui me représentent actuellement. Je suis très sensible à ses paroles et à sa demande. Et je me dois de me montrer forte et courageuse pour lui, pour sa personne, pour tout ce qu'il a déjà fait pour me sortir de mes enfers.

C'est donc dans un geste lent que je pose mes mots sur mon bloc-notes. C'est donc dans un geste lent que je me relie quelques instants, pesant le pour et le contre de ma décision. Et c'est donc dans un geste lent que je tourne la feuille vers lui, les larmes aux yeux, pour qu'il puisse lire son contenu.

« Je viendrais. »

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