𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟎𝟏











— 𝐁 𝐀 𝐍 𝐀 𝐍 𝐀   𝐁 𝐑 𝐄 𝐀 𝐃 —











𝐑𝐄𝐂𝐄𝐓𝐓𝐄 𝐃𝐔 𝐁𝐀𝐍𝐀𝐍𝐀 𝐁𝐑𝐄𝐀𝐃

𝑰𝒏𝒈𝒓𝒆́𝒅𝒊𝒆𝒏𝒕𝒔 :

𝟔𝟎 𝐺𝑟𝑎𝑚𝑚𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑏𝑒𝑢𝑟𝑟𝑒











Max a une vie que beaucoup pourraient qualifier de parfaite, idéale.

Vingt-six ans, triple champion du monde de Formule 1, riche à million, célibataire et courtisé, il est l'exemple même de la réussite, du rêve devenu réalité.

Mais comme derrière toutes les façades lumineuses se cache souvent une part d'ombre bien gardée, Max n'y fait pas exception. En effet, difficile d'espérer plus, lorsque l'on est déjà censé tout avoir.

Et pour cause, ironique de savoir que l'unique chose qu'il désire vraiment est également la seule qu'il ne pourra jamais avoir, même dans ses rêves les plus fous.

Car Max est éperdument amoureux, désespérément accro de la seule personne au monde qui ne pourra jamais lui retourner ses sentiments.

Le voilà donc coincé depuis de trop longues et douloureuses années dans une parodie risible d'amour à sens unique non désiré qu'il s'épuise à tenter de dissimuler à la terre entière et encore plus à la seule personne qui ait réussi l'exploit de ravir son cœur pourtant férocement protégé.

Max Verstappen, chien enragé sur la piste, amoureux transit en dehors des circuits, un tableau pathétique qu'il s'oblige à supporter à défaut d'avoir trouvé un moyen de récupérer son cœur et les droits de propriété.

À vrai dire, pas certain qu'il ait réellement essayé.

Parce que, une fois libéré du regard des autres, Max doit bien admettre qu'il aime être amoureux. Chercher inconsciemment la présence de l'autre, s'afficher sous son meilleur jour, capter son intérêt, sentir son regard sur lui lorsqu'ils discutent après une course, rire à ses blagues de mauvais goût, sentir son cœur palpiter, les papillons s'envoler et qu'importe qu'il soit le soleil et lui un pauvre mortel prêt à se brûler les ailes.

Max aime aimer, même s'il sera toujours trop timide pour oser faire le premier pas, même s'il ne sera jamais qu'un rival de plus, tout au mieux un ami pour celui qui ne le voit pas, pas comme ça.

Pendant les premiers temps, il a réussi à ne pas trop y penser, un intérêt passager, à peine un coup de cœur. Mais le temps a passé et les sentiments sont restés, gravés dans sa chair, impossibles à effacer, trop tard pour oublier.

Et sans qu'il ne s'en rende compte, le voilà des années plus tard, courant dans les rues désertes de la principauté Monégasque, profitant de la fraîcheur de l'hiver méditerranéen et de la brise glaciale qui fouette son visage pour effacer le souvenir brûlant de ses rêves de la nuit, de ses rêves de lui.

Max passe devant le casino, emprunte l'avenue d'Ostende puis le boulevard Albert 1er, l'avenue du vieux port, toujours le même trajet, le même circuit à chaque fois qu'il part en footing dans sa ville d'accueil.

La pause hivernale se déroule de la même manière pour lui depuis trois ans, fêter son titre, abattre un maximum de travail pour Red Bull avant de rentrer dans sa famille pour les fêtes de fin d'année puis enfin, passer quelques semaines seul à Monaco, coupé de monde et libre de ses mouvements avant de devoir replonger dans le tourbillon médiatique qui ne semble jamais vouloir le relâcher.

L'avantage de Monaco l'hiver, c'est qu'une fois la ville débarrassée des habituels touristes de l'été, les passants se font de plus en plus rares et il peut se permettre de sortir chaque matin courir pendant une petite heure, s'arrêtant dans une boulangerie sur le chemin du retour pour acheter une baguette et rentrer chez lui streamer avec ses amis ou simplement passer le temps seul et au calme.

Max a toujours aimé être seul, loin du bourdonnement constant de ses activités publiques, loin des journalistes et de leurs questions insistantes sur sa carrière, loin de lui et des pensées intrusives que Max ne peut retenir à chaque fois qu'il l'aperçoit au détour d'une allée ou dans une conférence.

Dans ses écouteurs résonnent les premières notes de « Dancing in the moonlight » et inconsciemment, il cale son rythme sur la chanson de Toploader qu'il adore tandis qu'il descend le long du boulevard Larvotto tout en jetant un regard sur une Ferrari Spider qui s'engage dans le tunnel et le dépasse dans un vrombissement de moteur.

Sur sa gauche, la marina et les quelques yachts qui ne sont pas encore partis tremper dans des eaux plus chaudes. Max n'a jamais été un grand fan de ses grandes villas flottantes, pas qu'il n'ait pas les moyens de s'en offrir un s'il le souhaite, simplement, il n'a jamais eu le pied marin et payer plusieurs millions juste pour aller vider ses tripes sur un yacht à son nom ne fait pas encore partie de ses caprices.

En traversant la principauté, il passe devant le bar de la Rascasse avant de s'attaquer aux escaliers qui mènent au palais princier et poursuit en direction du stade Louis II en suivant la côte et les contours du port de Fontvieille.

Le dénivelé tire sur les jambes, mais l'habitude et les endorphines produites par son corps lui permettent de continuer sans ralentir alors que les musiques s'enchaînent dans ses écouteurs et que sa respiration crée un nuage de vapeur à chaque expiration.

En contrebas du palais royal, il longe le quai Jean-Charles Rey et dépasse les locaux de la Croix-Rouge Monégasque tandis que le rythme entraînant du refrain la chanson phare de son film préféré « Oh, Pretty Woman » de Ray Orbison résonne dans ses oreilles, il croit reconnaître une silhouette, dos à lui.

Marchant sur le trottoir, visiblement mise en difficulté par les nombreux sacs qu'elle porte à bout de bras et ses cheveux blonds décoiffés par la brise marine, Max n'a aucun mal à reconnaître Pascale Leclerc, la mère de Charles.

Ralentissant tranquillement pour parvenir à sa hauteur sans l'effrayer, il croit se souvenir qu'en effet, le salon de coiffure de la mère de famille doit se situer quelque part à proximité, c'est sûrement là-bas qu'elle se rend.

Machinalement, il prend une grande inspiration et retire ses écouteurs qu'il range dans la poche de son short avant de s'éclaircir la gorge.

Max n'aime pas spécialement s'adresser aux inconnus, mais la mère de Charles n'en est pas vraiment une et puis il peut bien faire un effort.

- Bonjour, il souffle dans un Français haché par son accent. Je peux vous aider ?

Autant en profiter pour rafraîchir les connaissances qu'il a acquises sur la langue de Molière au cours des sept dernières années.

Malgré toutes ses précautions, la petite femme dans la cinquantaine sursaute et manque faire tomber son encombrant chargement avant de le reconnaître et de laisser échapper un soupir, rassurée.

- Bonjour Max, elle lui sourit. C'est très gentil merci.

Prévenant, il récupère les sacs les plus lourds et les plus encombrants, laissant la mère de famille reprendre son souffle avant de poursuivre sa route plus lentement.

Max n'est pas particulièrement proche de la famille Leclerc, à l'exception de Charles, mais il a toujours eu l'habitude de les voir aux côtés du pilote Ferrari depuis leurs débuts en karting. Pascale et Hervé ont toujours été très gentils avec lui, même lorsqu'il passait le plus clair de son temps à se chamailler avec Charles et comme beaucoup, il a été très peiné d'apprendre le décès du père de famille il y a quelques années.

Aussi, il s'applique à toujours saluer Pascale et prendre de ses nouvelles lorsqu'il la croise dans les rues de Monaco ou sur les circuits. Ce n'est pas grand-chose, mais c'est le moins qu'il puisse faire pour cette petite femme qu'il respecte et apprécie sincèrement.

Bien contre son gré, la curiosité de Max est piquée, à chaque fois qu'il la voit, Pascale est toujours flanqué d'au moins l'un de ses trois fils tous terriblement protecteur envers leur mère et il trouve étonnant qu'ils puissent la laisser s'épuiser à porter des sacs trop lourds pour elle.

Son petit côté fouineur reprend involontairement le dessus et il jette un coup d'œil discret au contenu des sacs dont il vient de la décharger. Il y a principalement ce qu'il identifie comme des produits pour son salon de coiffure, lotions, shampoings, colorations, mais dans l'un des sacs, plus petits et légers que les autres, il reconnaît plusieurs boîtes de médicaments qui lui font froncer les sourcils.

- Vous allez ouvrir votre salon ? Il essaie de demander sans faire de faute de conjugaison.

- Non, elle secoue la tête. Je vais juste déposer des affaires, je ne peux pas ouvrir le salon aujourd'hui.

- Pourquoi ? Il s'intéresse.

À côté de lui, la petite femme blonde à l'air aussi inquiète qu'agacé et Max a du mal à comprendre ce qui peut bien la mettre dans cet état.

Ils arrivent à hauteur de sa boutique, le Quai 28 et Pascale dépose au sol le reste de ses sacs pour sortir ses clés et ouvrir la porte au Néerlandais qui entre le premier.

- Parce que, elle soupire fortement. Mes fils sont des idiots.

Max fronce les sourcils, l'ironie Française dépasse légèrement ses compétences.

- Je ne comprends pas, il grimace.

- Oh, c'est vrai, désolé, s'excuse la Monégasque. Excuse-moi, je suis un peu en colère, je n'avais pas prévu de devoir fermer la boutique aujourd'hui. Je vais devoir appeler tous les clients qui avaient pris rendez-vous.

- Quelque chose est arrivé ? Il s'inquiète.

Les lèvres pincées, il la regarde déposer les grands sacs derrière le comptoir et ne garder que celui qu'il sait rempli de médicaments.

- Rien de grave, elle rassure. Charles était enrhumé, il n'a pas voulu aller voir le médecin et maintenant, ses symptômes ont empiré et il faut que sa maman s'occupe de lui.

Max n'a pas compris tout ce que vient de dire Pascale, mais la phrase reste claire pour lui et, très honnêtement, il ne sait pas comment prendre cette information et il faut dire que l'inquiétude clairement perceptible derrière l'agacement de Pascale ne l'aide pas à relativiser.

Il cherche ses mots.

- Qu'est-ce qu'il a ? Il demande.

- Une grippe, elle soupire. Il n'y a rien à faire d'autres qu'attendre, il n'a pas bougé de son lit depuis hier et il faut que j'aille lui apporter ses médicaments et de quoi manger.

Le fait qu'il ne s'agisse que d'une grippe rassure grandement Max dont la fréquence cardiaque et la respiration se sont nettement accélérés depuis quelques minutes, lui valant un coup d'œil vaguement inquiet de la mère de famille.

Une grippe, ce n'est pas grave, c'est long et douloureux, mais ça n'a rien de dangereux pour une personne en bonne santé, Charles ne risque rien d'autre qu'un peu de fièvre et des courbatures, Max respire déjà mieux.

- Personne ne peut aider ? Il compatit.

- Non, elle soupire de nouveau. Arthur est en vacances avec sa petite amie, Lorenzo est en déplacement pour le travail, Joris est retourné dans sa famille et je ne veux pas déranger ses collègues de Ferrari qui sont également en congé.

Dans l'esprit de Max, la liste des amis et proches de Charles réduit à vue d'œil jusqu'à ne laisser, comme elle l'a dit, que Pascale pour prendre soin de son fils malade. L'obligeant à mettre entre parenthèses sa propre vie et son salon le temps qu'il aille mieux.

Pendant qu'il réfléchit, Pascale poursuit son petit discours, sortant au passage son agenda et la liste de ses clients du jour.

- Ce garçon a vraiment le don de choisir les pires moments, elle râle pour elle-même. Déjà petit, je me rappelle qu'il avait attrapé la varicelle la semaine où je devais accoucher d'Arthur et...

Il se passe alors quelque chose d'étrange, sans doute un court-circuit dans le cerveau du Néerlandais, partagé entre la compassion qu'il ressent à l'égard de Pascale clairement en difficulté et son inquiétude un peu trop grande qu'il se refuse à avouer pour Charles qu'il s'imagine à l'article de la mort.

- Je peux le faire, il souffle précipitamment.

Presque immédiatement, son visage prend une teinte rouge éclatante et il baisse les yeux, envisageant très sérieusement d'aller se jeter dans la marina à quelques pas de là.

Mais qu'est-ce qui lui a pris ?

Le regret est instantané. Non mais quel idiot, il se flagelle. Proposer à la mère de Charles d'aller chez lui, prendre soin de lui à sa place, autant lui avouer directement qu'il crève d'amour pour son fils, ça aurait été plus rapide.

Discrètement, il jette un regard à la mère de famille qui le dévisage avec suspicion depuis le comptoir.

Max, espèce de crétin, il rougit encore plus.

- Tu ferais vraiment ça, Max ? Elle demande d'une voix douce.

Comme piqué par une abeille, il relève la tête et se balance d'un pied à l'autre, trop gêné pour oser la regarder en face.

- Non, enfin, je veux dire oui, il bégaie. Mais c'était une mauvaise idée, désolé Pascale, je ne sais pas à quoi je pensais.

Il est à deux doigts de prendre la fuite en courant, son visage est aussi rouge qu'une tomate trop mûre et ses mains moites de stresse alors que son cœur palpite plus vite qu'un cheval au galop.

Lui qui se vantait d'être aussi lisible qu'une porte de prison lorsqu'il s'agit de ses sentiments il y a encore une heure, le voilà bon à remballer son assurance mal placée.

À vrai dire, Max est tellement occupé à s'insulter mentalement qu'il loupe totalement l'expression de Pascale Leclerc qui passe lentement de la surprise à la conspiration, tout comme le petit sourire de connivence qui remonte doucement sur ses lèvres.

- Au contraire Max, elle sourit. Tu n'imagines pas à quel point c'est une bonne idée.

Et s'il ne comprend pas à cet instant précis qu'il est complètement foutu, Max ne peut pas en dire autant quelques heures plus tard, debout devant la porte de l'appartement de Charles, un double des clés à la main et le sac de médicament sous le bras.

Il n'est qu'un sombre idiot, voilà exactement ce qu'il pense tout en faisant les cent pas sur le seuil. Il aurait dû poursuivre son jogging comme d'habitude, ne pas s'arrêter, ne pas être un bon samaritain, rentrer chez lui, prendre une douche, penser à Charles, manger, penser à Charles, jouer aux jeux vidéo, penser à Charles, remanger, penser à Charles, dormir et rêver de Charles, comme tous les jours depuis des années. Garder la même routine, celle qu'il a choisie, sa petite vie bien rangée, parfaitement sous contrôle.

Au lieu de quoi, le voilà devant la porte du seul être vivant de la terre à pouvoir le faire rougir comme une collégienne, censée l'aider, il ne sait comment, à se remettre d'une grippe et donc rester proche de lui pendant les prochains jours, tout ça parce qu'une petite dame un brin manipulatrice l'a pris par les sentiments.

- Respire Max, calme-toi, il marmonne en passant une main dans ses cheveux ébouriffés.

Voilà qu'il parle tout seul maintenant.

Le Néerlandais esquisse une grimace, rien que l'idée de mettre un pied chez Charles le rend complètement marteau.

Habituellement, il a le temps de se préparer avant de rencontrer le Monégasque, répéter ce qu'il doit dire et ce qu'il ne doit absolument pas dire, mettre ses rougeurs sur le compte de l'effort sportif, calculer le nombre de fois où il peut amicalement le toucher avant que quelqu'un ne soupçonne quelque chose.

À cet instant tout est trop, trop. Max ne sait pas dissimuler ses émotions quand il est paniqué et il est actuellement terrifié. Il ne faudra pas plus d'une seconde à Charles pour capter que quelque chose cloche, le cramer et réduire son cœur en un tas de tout petits morceaux misérables.

Mais il ne peut pas reculer, pas après avoir promis à Pascale d'aider son fils.

Max se jure que s'il survit à cette expérience, il engagera un médecin privé chargé de suivre Charles comme son ombre et d'empêcher par tous les moyens qu'il ne retombe malade.

Voilà qu'il commence à péter une durite, il faut qu'il se calme et qu'il respire.

- Tout va bien se passer, il tente de se convaincre. Tu rentres, tu dis bonjour, tu t'assures qu'il va bien, tu donnes les médicaments et tu t'en vas, il récite.

Un bruit dans son dos le fait violemment sursauter et il se retourne, l'expression d'un cambrioleur pris sur le fait plaqué sur le visage, pour découvrir une petite grand-mère toute ratatinée debout devant la porte de l'appartement d'en face, un caddie rempli dans une main et un hideux petit chien blanc coincé sous le bras.

Un silence pesant s'étire dans la cage d'escalier tandis qu'elle le dévisage des pieds à la tête avec un air mauvais.

- Bonjour, il se sent obligé d'articuler.

La vieille femme ne fait même pas semblant de vouloir répondre et le machin poilu sous son bras laisse échapper un grognement qui déclenche un frisson glacial dans la nuque de Max.

- Belle journée, il tente un sourire crispé.

Nouveau grognement du truc blanc alors elle lui tapote abruptement le dessus de la tête et Max se demande si elle ne vient pas juste de l'assommer.

- Doucement pupuce, doucement, elle parle au chien avant de relever la tête vers lui. Mon neveu travail dans la police.

Le pilote Red Bull la regarde un instant, hébété. En réalité, l'accent du sud de la vieille dame est si terrible qu'il n'a pas compris un traître mot de ce qu'elle vient de lui dire, mais il n'est pas idiot et il a bien saisi le ton de la menace.

Paniqué, il balbutie un bref :

- Je suis venue voir un ami !

Avant de se retourner, d'enfoncer aussi rapidement que possible la clé dans la serrure et de se catapulter dans l'appartement en claquant la porte derrière lui, faisant accidentellement trembler le mur au passage.

Bon, ce n'est pas exactement l'entrée en scène qu'il avait imaginée, mais au moins maintenant, il est dedans.

Adossé contre la porte, le champion du monde en titre laisse échapper un long soupir fébrile alors qu'il peut toujours entendre les jappements du chien des enfers resté dans le couloir.

Pas la peine de paniquer, il doit juste dire bonjour, donner les médicaments, s'assurer que tout est OK et déguerpir le plus vite possible. Le plan est simple, limpide, il n'y a aucune raison que les choses dérapent. Tout va bien se passer.

Stratégiquement, son regard scanne l'entrée de l'appartement pendant qu'il retire ses chaussures et les laissent proches de la porte, politesse oblige.

Max fait deux pas incertains, c'est la première fois qu'il vient ici et il n'a aucune idée de l'agencement de l'appartement Monégasque.

Silencieusement, presque comme s'il craignait de déranger ou juste de ne pas être à sa place, il avance sur la pointe des pieds, jusqu'au grand espace ouvert qu'il devine au bout du couloir. Max ne s'est pas trompé, il débouche sur un grand salon au murs crème et à la décoration boisée qui donne sur une cuisine américaine à l'immense îlot central en pierre blanche naturelle aux veines marbrées d'or.

Max retient un sifflement appréciateur, c'est assurément une cuisine de professionnel, ultra équipée et dernier cri, plutôt ironique quand on connaît les talents inexistants de Charles en cuisine.

À ses yeux, ça constitue presque un crime d'avoir vendu pareil espace digne d'un chef étoilé à un pilote de Formule 1 notablement reconnu pour son incapacité à faire cuire ne serait-ce qu'une casserole de coquillettes.

Appréciateur, Max dépose son sac de médicaments sur le plan de travail, ayant momentanément oublié la raison de sa présence pour faire le tour de la cuisine, découvrant avec admiration les ustensiles dissimulés dans les murs et placards.

Lui qui, sans vouloir se vanter, est plutôt doué dans ce qui relève des arts culinaires, il rêverait d'avoir pareil espace chez lui pour laisser libre cours à ses envies créatives. Malheureusement, il n'est que locataire de son appartement et construire quelque chose pour finalement le laisser à un autre par la suite ne lui ressemble pas vraiment alors il se contente de sa cuisine actuelle, plus décorative que pratique pour se laisser aller à ses petites expérimentations.

Mais si Charles acceptait de lui laisser utiliser sa cuisine de temps en temps, Max est certain qu'il pourrait faire des étincelles.

Un bruit quelque part dans l'appartement le fait soudainement sursauter le Néerlandais se rappelant soudain qu'il n'est ni chez lui, ni dans un épisode de top chef.

La panique faisant son grand retour dans son esprit, Max laisse échapper un faible :

- Charles ?

Mais seul un silence lourd et chargé de tension lui répond, crispant encore plus les épaules déjà bien tendues du pilote. Il aura des courbatures demain.

Se remettant en quête du propriétaire des lieux, Max laisse derrière lui la cuisine et le sac de médiatement sur l'îlot. Sur ses gardes, bien plus qu'il ne devrait l'être, le Néerlandais s'engage dans un nouveau couloir aux portes presque toutes closes.

En ouvrant la première, il tombe sur une chambre vide, reconvertie en bureau et au fond duquel repose une grande étagère sur laquelle s'entassent des dizaines de coupes et de trophées.

Sans pouvoir s'en empêcher, Max entre dans la pièce, laissant la porte ouverte derrière lui pour aller découvrir cette nouvelle partie de la vie et du passé de Charles intimement liée à la sienne. Sous ses yeux, s'étalent les souvenirs d'une carrière, d'une vie passée sur les circuits depuis les premiers jours du karting jusqu'aux derniers Grand Prix remportés par le prince de Ferrari.

Curieux, il redécouvre avec nostalgie les coupes de karting de Charles, celles que Max n'a pas gagnées lui-même. Un fin sourire étire les lèvres du Néerlandais alors que lui revient également en mémoire les ébauches de son béguin pour le pilote Monégasque.

Depuis les sentiments incompris du petit garçon qu'il était, rapidement tournés en rivalité et en jalousie à défaut de pouvoir les expliquer, l'incompréhension du désir qui naît à l'adolescence, cette volonté de se cacher, de renfermer les sentiments qui débordent.

D'aussi loin qu'il puisse se souvenir, Max a toujours eu des sentiments pour Charles, et même s'il ne s'est jamais senti près à les assumer, il n'en a jamais eu honte.

Délicatement, il passe un doigt sur la poussière qui recouvre l'une des coupes, visiblement pas nettoyée depuis longtemps quand un détail attire son attention.

Là, dans le reflet de la coupe qu'il est en train d'épousseter, un éclat brillant éclate soudainement.

Max ne doit son salut qu'à ses réflexes de pilote. Sans s'en rendre compte, il baisse la tête, ne se laisse pas distraire par le choc du métal contre l'étagère et se redresse, saisissant au vol le poignet de son assaillant, près à riposter avant d'écarquiller les yeux subitement.

Juste sous son nez, trempé de sueur, les yeux brillants de fièvre presque révulsés et le teint blafard se tient Charles comme il ne l'a jamais vu.

Surprise, Max le relâche rapidement avant de se reculer pour créer un espace entre leurs deux corps beaucoup trop proches à son goût.

- Charles ? Il appelle, inquiet.

Les bras redevenus ballants, le pilote Ferrari tangue un instant sur ses pieds, semblant le chercher du regard sans le voir, inquiétant encore plus son vis-à-vis.

- Charles ? Il répète en faisant un pas en avant. C'est moi, Charles, c'est Max.

La panique enfle doucement dans les entrailles du Néerlandais alors que Charles titube de plus en plus fort sur ses jambes et manque de tomber en arrière, obligeant Max à passer un bras protecteur derrière ses épaules.

Le regard vitreux du Monégasque semble enfin parvenir à se figer suffisamment longtemps pour qu'il le reconnaisse et il tente de faire un pas dans sa direction.

- Max ?

Le sang du pilote Red Bull se glace dans ses veines lorsque l'autre garçon s'écroule dans ses bras comme une poupée de chiffon brûlante, sa respiration difficile venant s'échouer contre sa nuque et que l'odeur de la maladie parvient aux narines de Max.

- Je suis là, il souffle. Je te tiens.

À moitié avachi sur le sol, le corps bouillant de Charles pressé contre le sien, immobile, Max n'a d'autres choix que de prier. Prier pour que Charles ne sente pas les battements furieux de son cœur, prier pour que la peau d'une chaleur ardente et d'une douceur inégalée qu'il sent glisser sur la sienne ne le mène pas à sa perte, prier pour ne pas tomber plus irrémédiablement qu'il ne l'est déjà.

Inconsciemment, il baisse les yeux vers l'objet avec lequel le Monégasque a essayé de l'assommer et le reconnaît immédiatement malgré son incrédulité.

De tous les trophées, de toutes les coupes, il fallait que ça soit celle-ci, celle qui reste gravée dans sa mémoire comme le point de départ de toute cette histoire.

World Super Kart Euro Series 2012, malgré leur disqualification, Charles a gardé le trophée.

Le cœur de Max se serre un peu plus alors que l'amour immonde son corps et qu'il tombe pour lui, encore.

Depuis le départ, il n'avait aucune chance de s'en sortir, pas qu'il ait vraiment essayé et pourtant, Dieu sait à quel point il trouve ça injuste, d'être le seul à aimer.

Tout simplement injuste.



🍌🍌🍌🍌🍌



Partant pour de nouvelles aventures ?

Nous retrouvons donc un Charles méchamment grippé et un Max plutôt très gêné dans le tout premier chapitre de cette histoire qui (normalement) devrait compter entre quinze et vingt chapitres.

Une petite histoire courte donc, toute douce et toute légère où nous suivons Max, déterminé à garder ses sentiments secrets et à ne jamais rien tenter pour les concrétiser qui malgré lui se retrouve à jouer les infirmières au chevet d'un Charles rendu faible et particulièrement grognon par une grippe carabinée.

Toute cette histoire a été écrite avec et pour RedBoulette, elle est la seule capable de me faire changer mon planning de publication, c'est aussi elle qui m'a convertie au Lestappen, thanks girl.

Dans le prochain chapitre, c'est l'heure du bain, Charles reprend connaissance et Max est au bord de la crise de nerf.

Accrochez-vous à vos petits cœurs, ces deux-là ne sont pas là pour plaisanter.

Bye les copains ♡

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