notre vérité
Sans crier garde elle s'était retournée vers moi, ses cheveux ayant du mal à suivre son mouvement. Elle avait fait un pas, le deuxième encore plus lentement. J'avais peur mais la fierté prenait le dessus alors j'avais levé le menton et soutenu son regard. Je me forçais à ne laisser transparaître aucunes émotions dans mes yeux. C'était la fin du monde mais elle était belle, plus belle que quiconque.
Je ne respirais presque plus, j'avais un peu oublié comment respirer après cette course pour la survie. Je ne connaissais plus la sensation de l'air qui remplissait mes poumons, c'était comme un beau souvenir, trop lointain pour le désirer à ce point. Oui, j'étais effrayée mais une sorte de curiosité destructrice et de rage folle m'animaient, alors je lui avais lancé sur un ton de défi.
— Vas-y.
Elle avait semblé surprise que je lui donne cette accord précieux. Elle avait probablement pensé que pierre par pierre elle réussirait à démonter le mur de briques qui m'entourait, moi et mes secrets.
— Tu te plais à détester ceux que tu as aimé pour combler le vide qu'ils t'ont laissé. Tu détestes la plupart des gens parce c'est sur eux que dépend ta confiance en toi, tu ne veux dominer personne mais tu détestes que quelqu'un te surpasse. Passer à l'action ça te fait peur parce que ça te fous les boules de savoir qu'il y aura toujours un risque de perte dès que tu commenceras à agir. Tu as eu le cœur brisé bien avant l'Explosion et c'est depuis ce jour là que tu as décidé de porter un masque, mais pas celui post-rupture qui est ridicule, non un autre bien plus collant qui regroupe toutes tes faiblesses derrière une attitude détachée.
D'accord peut-être bien que c'était de l'auto destruction. Voyant que je ne réagissais toujours pas elle avait refait un pas, je pouvais sentir son souffle sur mon visage.
— Tes parents se sont séparés. Il t'a manqué une figure paternelle et ta mère essayait de te ramener de nouveaux papas à la maison, ses petits copains ont défilé et tu étais toujours seule. Tellement seule que cette impression ne t'a jamais quitté, voilà pourquoi à l'école tu as toujours eu très peu d'amis. La solitude te lâchait pas et tu étais trop rapidement dépendante des autres. Alors autant rester seule pour s'épargner toute peine ? Non ? Se protéger pour éviter quelconques dégâts. Ton mantra c'est prévenir avant de guérir. Mais un jour tu as finalement compris que tu ne pouvais pas empêcher certaines catastrophes d'arriver. Ensuite deux choix s'offrent à toi, la passivité ou le combat. Lequel tu choisis Émilie ?
Ma mâchoire était serrée. Ce qui m'avait fait le plus de mal n'était pas la véracité de son discours mais la façon dont elle avait pu lire en moi. Elle venait de détruite ma carapace, ma bulle avec pour simple arme la vérité amère. Cependant je voulais lui montrer qu'elle avait eu faux sur un point. C'était un match et je voulais acquérir au moins un point envers et contre tout.
— Mon père est mort avant l'Explosion. Il n'était pas ma figure paternelle mais mon tout. Et les copains de ma mère ont toujours été insignifiants pour moi.
Ses yeux cherchaient quelque chose mais mon regard restait vide, ce n'était pas un masque mais la douleur qui m'avait engloutie dans un tunnel sans fin. Je savais pertinemment que son but n'était pas de me faire du mal mais plus de me faire réagir, mais cela faisait bien trop longtemps que je vivais comme ça. J'étais devenue ce que je prétendais être comme un comédien étant devenu son personnage. Nous vivions dans le mensonge, le notre, et la vérité nous appartenait. D'une voix qui avait alors perdu toute trace d'assurance, elle m'avait demandée :
— Pourquoi tu continues à te battre ?
— Parce que j'ai fait une promesse.
Un sourire s'était esquissé sur ses lèvres comme si elle venait d'attraper un gamin la main dans le sac de bonbons. Je m'étais apprêtée à ce qu'elle me fasse une leçon sur les promesses. Néanmoins une phrase lui avait suffit.
— Les promesses c'est pour les gamins effrayés, les promesses sont faites quand on sent que l'on va tout perdre.
Je n'avais rien répondu car je savais qu'elle avait raison, cependant je ne perdais plus mon temps à accorder des promesses à autrui. Non, celle-ci était pour moi.
— C'est quoi cette promesse ?
— Que je me battrai tant qu'il y aurait de l'espoir, que je n'abandonnerai jamais.
— Pourtant tu donnes l'impression que tu as tout abandonné, elle avait chuchoté le visage de marbre.
— Mais je suis toujours là.
Cette fois-ci un sourire authentique lui avait éclairé le visage. Un rayon de soleil au milieu de ses traits fatigués. C'était peut-être la fin, peut-être que nous passerions encore une semaine ou plusieurs années ensembles, mais ce moment là était imprimé pour toujours dans mon esprit. Je voulais vraiment l'embrasser, il n'y avait plus rien à perdre, avoir survécu à l'Explosion m'avait dépourvu de toutes émotions. En surface, car les sentiments n'étaient que source de faiblesse dans ce nouveau monde, mais tôt ou tard, avec ou sans accord ils remontaient à la surface. Et la noyade pouvait commencer. Habituellement, une colère noire m'animait mais lorsque j'étais avec elle je me sentais un peu plus vivante. Je voulais l'embrasser pour un morceau de vie, une dernière bouffée d'air.
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