A nos voix perdues.


Elle avait toujours su, eu l'intime conviction qu'elle pouvait utiliser sa voix, crier haut et fort ce qu'elle ressentait, scander ce en quoi elle croyait, mais elle ne l'avait jamais fait. C'était un peu comme se retenir de respirer, ne jamais pleinement vivre. Car pour elle, sa voix n'avait jamais vraiment compté. Après avoir rencontré le vide de trop nombreuses fois on finit par en faire son foyer.

Le vide, quel mot étrange et à la fois si familier. Pour elle c'était ne plus rien ressentir, la solitude la frappant aux tympans.

Tu es inutile.
Personne ne te mérite.
Que tu sois là ou pas qu'est-ce que cela change ?

Ce n'était pas uniquement des phrases parmi tant d'autres. Non, c'était ce qui l'accompagnait chaque jour, c'était ses voix. Et dans cette mer de douleur, là où Allison c'était toujours vue comme une moins que rien, elle avait coulé, toujours aux coudes à coudes avec la plus petite des voix qui s'était démenée pour se faire entendre. Elle, cette voix, se battait contre l'abandon, le rejet, l'angoisse, le vide et la jeune fille n'avait jamais pensé que celle-ci pourrait finalement gagner le combat.

Au cours de sa dix-huitième année, des gens avaient commencé à mourir, d'autres simplement à disparaître, et les cimetières se remplissaient pendant que les murs de bétons affichaient de plus en plus d'affiches de portés disparus. C'était l'extinction, l'extinction de tout ce que Allison avait connu. Et la toute jeune adulte qu'elle était, celle qui n'avait jamais cru vivre plus de vingt ans, se trouvait maintenant sur cette estrade, ses yeux perdus dans la foule immense. Les Résistants, ceux qui résistent contre un ennemi commun pour le bien.

Ses voix,

Tu n'existes pour personne.
Tu devrais abandonner.
Qu'est-ce qui cloche chez toi ?

L'ennemi.

Et
Sa voix.

— Est-ce que vous savez pourquoi on se bat ?

La Résistante.

Les milliers de personnes qui se trouvent devant elle, debout dans le désert aride luttant contre la chaleur et la panique lui répondent d'une seule et même voix.

— La liberté !

Les Résistants se déchaînent et prouvent que malgré l'extinction de masse que l'humanité avait subi, ils lutteraient jusqu'au bout contre ceux qui avaient décidé que leurs vies ne valaient plus rien.

Devant elle, des femmes, des hommes, des enfants sur le côté qui regardent les yeux grands ouverts, et l'effervescence qui danse provoquant cette noirceur caractérisant la fin du monde. Allison observe cette euphorie et laisse son cœur s'emballer mais la détermination reste gravée sur son visage. Si elle a survécu jusque là ce n'est pas pour perdre son sang froid. Se hisser en haut de l'échelle n'avait pas été une partie de plaisir, mais cela lui avait donné un but dans le chaos qui avait détruit la planète. Il y avait eu les envieux, les conservateurs, les faux amis, les supercheries mais envers et contre tout elle avait gagné Naïa.

Sa partenaire dans un combat pour gagner la dernière des marches. Leur évolution avait été tumultueuse car Naïa avait toujours eu un tempérament de feu alors que Allison venait juste de se réveiller. À deux, elles avaient grimpé au sommet, non pas pour le pouvoir mais pour faire entendre leur voix. Si l'une tombait, l'autre l'aidait à se relever dans un monde mis en pièces où sombrer dans le vide était synonyme de la fin ultime.

Naïa se trouvait à droite de l'estrade un sourire de conquérante marquant son visage. Ses pupilles brillaient reflétant son désir de vengeance mais par dessus tout son excitation. Elle et le millier de personnes rassemblés en cet instant désiraient une chose plus que tout, récupérer leur humanité pour faire renaître l'espoir.

Allison tapote sur le micro, les cris s'arrêtent, l'attention lui est donnée. Elle ferme les yeux durant quelques secondes et toutes ses voix défilent dans sa tête et elle se voit, elle. Son ancien reflet la taquine et lui chuchote les pires horreurs qui avaient failli gâcher sa vie. Elle ressent la tristesse infinie qui l'avait guidée à vouloir mettre fin à son monde. Elle rouvre les yeux et voit l'espoir briller devant elle comme l'étendu d'un océan infini. Elle prend une grande inspiration, Naïa chuchote une phrase qu'elle seule peut entendre.

— Si le destin existait je pense que l'on pourrait facilement affirmer qu'il est le plus grand des salauds.

Des rires fusent, mais le calme dompte à nouveau la foule.

— Je sais que c'est la colère et l'envie de se venger qui vous ont gardé éveillé jusqu'ici, c'est une bonne motivation, certainement plus légitime que celle de ceux qui ont décidé que nos vies devaient se terminer. Cependant nous allons leur prouver que nous valons mieux qu'eux, sur toutes les échelles. Ils portent la destruction et l'envie de conquérir, nous portons l'espoir et sommes venus récupérer ce qui nous est dû. Notre humanité et la paix. Nous aurions pu nous diviser mais nous avons décider de nous réunir, et ça ils ne s'y attendent pas.

Elle voit les enfants sur le côté et leurs pupilles remplies d'admiration et d'espérance.

— Tout le monde à sa place ici, ce qui est important n'est pas le pouvoir, mais la force individuelle que nous possédons en chacun de nous. Je ne vous promets pas la victoire mais le combat que vous avez tous tant attendu. Trouvez votre but et battez vous pour ceux qui ont perdu la vie, pour vos enfants, pour le monde pour notre humanité.

Sa gorge se serre et les larmes menacent de couler. Allison a enfin espoir, ses cicatrices sont lourdes et même si elle venait à mourir durant leur opération elle rendrait son dernier souffle sans regret, car pour elle, son combat était rempli de sens. Elle avait battu ses voix.

— Naïa va vous rappeler les opérations et chacun de vos postes. Même si vous mourrez d'envie de passer à l'action je vous demande de garder encore votre calme et sang froid car nous n'aurons qu'une chance.

La foule acquiesce d'un même mouvement et les applaudissements éclatent. Allison en a presque le vertige et elle prend une dernière grande inspiration avant d'aller retrouver son acolyte.

— Quelle est la raison de ce tout nouveau sourire ? Lui demande Naïa pourtant déjà bien au courant de la réponse.

— J'ai finalement réussi à les battre.

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