𝐑𝐞𝐯𝐞𝐢𝐥 𝐦𝐮𝐬𝐢𝐜𝐚𝐥 𝐞𝐭 𝐥𝐞𝐭𝐭𝐫𝐞 𝐫𝐨𝐲𝐚𝐥𝐞


J'enfouis mon visage dans mon oreiller, espérant étouffer les notes stridentes et disgracieuses de la voix de ma demi-sœur.

Cela devrait être interdit de chanter ainsi de si bon matin. Cendrillon est persuadée qu'elle possède un talent extraordinaire pour le chant. Impossible pour elle d'exécuter nos tâches ménagères sans pousser la chansonnette dans des tons horriblement aiguë. Cela me dissuaderait presque de lui faire laver mes sous-vêtements, si je savais le faire moi-même.
Enfin bref, Cendrillon chante comme un pied. Poussant un cri rageur, je me lève avec difficulté de mon lit douillet pour commencer une nouvelle journée.

J'appuie sur la sonnette pour appeler ma demi-sœur et m'installe à ma coiffeuse pour me maquiller. Il y a beaucoup à faire sur mon visage. Cacher ces horribles cernes, rattraper tant bien que mal mon nez tordu, mais surtout, surtout, faire disparaitre ces vilaines taches de rousseur.


J'observe mon reflet dans le miroir. Mes grands yeux marrons -trop grands- me fixent depuis la glace d'un air incertain. Le résultat ne me satisfait toujours pas, mais je suis déjà nettement moins laide qu'au réveil.
Quelqu'un frappe à la porte.

— Entrez !

Cendrillon s'avance sur le seuil de la porte, une tasse fumante à la main. Un petite tache de café orne son tablier délavé. Ses cheveux blonds sont épars sur ses épaules. Si elle me demandait de lui prêter ma brosse, je refuserais catégoriquement.

— Votre café est prêt, Anastasie.

J'attrape la tasse richement décorée en poussant un soupir.

— Merci. Veux tu bien me laisser me préparer, désormais ? je demande de manière purement rhétorique.

Elle m'adresse un sourire désolé puis retourne vaquer à ses occupations. Je sirote mon café en choisissant ma robe du jour. J'opte pour une rose pâle qui détourne l'attention de mes cheveux roux carotte. J'attache ensuite mes mèches avec des pinces pour éviter de ressembler à une souillonne et me voila enfin prête pour entamer cette journée.

Je rêve souvent d'avoir les cheveux blonds. De douces mèches dorées, qu'un homme viendrait glisser derrière mon oreille d'un tendre geste de la main.

— Anastasie, Javotte ! retentit la voix de ma mère dans le manoir.

Quand Dame Cécilia veut quelque chose, il vaut mieux lui donner tout de suite. J'enfile un gilet de laine et dévale les marches quatre à quatre, jusqu'à me retrouver nez à nez avec une petite bête poilue. Je sursaute et manque de tomber dans les escaliers. Encore une de ces fichus souris que Cendrillon ramène partout ! Je pousse un cri suraiguë bien que la peur soit passée, espérant que Mère m'entendrait depuis le salon. Elle ne réagit pas. Je continue mon chemin en resserrant mon gilet contre moi.

Javotte est déjà arrivée. Elle m'attends avec Mère, affalée sur le sofa. Je m'assois dans un des fauteuils rigides.

— Alors, quelle est donc cette surprise ? s'exclame ma sœur d'un ton excité, comme si elle se retenait depuis plusieurs minutes.

Dame Cécilia affiche un sourire satisfait et sort une lettre d'un tiroir de la commode.

— Nous venons de recevoir une missive, dit-elle, une lueur brillant dans ses petits yeux sombre. Devinez de qui nous provient-elle ?

Javotte se lève et pousse un cri de joie.

— Ne me dites pas qu'il s'agit de Jacob ?!

Mère fronce les sourcils, l'air mécontente.

— Pauvre sotte, réplique Cécilia d'un ton sec. Je t'ai répété mille fois que ce Jacob n'était pas à ta hauteur.

Mère passe très facilement de la joie à la colère, il faut donc faire attention. Mais elle est si intelligente que Javotte et moi écoutons toujours ses conseils. C'est pour cela que ma sœur a dû arrêter de fréquenter Jacob. Selon notre mère, elle méritait bien mieux. C'est vrai qu'elle avait l'air heureuse avec lui, mais c'est ainsi. Javotte, comme moi, trouvera un jour un homme qui la comblera réellement, qui pourra lui offrir ce qu'elle voudra et lui payer des domestiques. Elle trouvera le véritable amour...

— Je disais donc, continue Dame Cécilia, que le prince nous invite à son bal.

— Je disais donc, continue Dame Cécilia, que le prince nous invite à son bal.

Mon cœur bondit dans ma poitrine. Le prince ? MON prince ? A-t-il enfin entendu parler de moi ?! Si j'écoutais vaguement le discours de Mère, elle a maintenant toute mon attention.

Je me tourne vers Javotte pour guetter sa réaction. Elle me lance un regard excité, ses yeux noisettes pétillants. Quelques mèches brunes défaites pendent sur les rebords de son visages.

— Il a invité toutes les demoiselles du royaume. Le prince profitera de ce bal pour trouver sa future femme, et c'est là que vous intervenez. La compétition sera rude, une de vous deux devra l'emporter sur pas moins d'une centaine de jeunes filles. À cette occasion, j'aimerais vous faire confectionner des robes sur mesure. Réfléchissez y bien et faites-moi des croquis.

Oh, Henri n'a donc pas entendu parler de moi. Mais j'ai une chance de devenir la future reine d'un royaume et d'être aimée par nul autre que le prince en personne.

Plongée dans mes rêves de royauté, dans lesquelles une couronne orne ma tignasse rousse, je ne suis que très vaguement le reste de la conversation. À un moment donné, Mère demande à Javotte d'aller chercher Cendrillon et ma sœur s'empresse de s'exécuter.

Après quelques secondes de silence, Cécilia prend la parole :

— Anastasie ? me demande-t-elle d'une voix déterminée avant de vérifier que personne ne nous entendrait. Je crains bien que ta sœur n'ait pas la capacité de séduire le prince. Mais toi... tu dois gagner. Tu dois le faire pour ta famille, pour relever notre honneur, tu comprends ? Malgré quelques... Comment dire ? Défauts physiques et intellectuels, je sais que tu en as les dispositions.

Je ne sais pas que répondre à cela. Est-ce un compliment ou un reproche ? Dans sa voix, la frontière entre les deux est toujours faible. Il est vrai que j'aime me moquer de Javotte, mais là... Ça me semble différent. Heureusement, celle-ci revient, accompagnée de Cendrillon, m'évitant une situation gênante. Mère m'adressa un regard lourd de sens.

— Cendrillon, reprend-elle d'un air hautain. Nous sommes invitées au bal du prince.

— Comment ?! s'écrie Javotte. Elle vient aussi ?

— Bien sûr que non, coupa court Mère.

Cendrillon baisse les yeux au sol. Elle se demande surement quand sera la prochaine fois qu'elle devra le nettoyer.

— Alors pourquoi donc m'avez-vous appelée, Cécilia ? murmure-t-elle doucement.

— J'ai besoin de toi. Tu dois préparer mes filles, les entrainer, les chouchouter pour les montrer sous leur meilleur jour au prince. Dans un mois, l'une d'elles sera sa fiancée.


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