chapitre six

HELLA SOURIT bêtement en fixant son plafond. Pierre vient gentiment de la ramener après cette magnifique soirée passée sur ce yacht. Que peut-elle rêver de mieux pour ce mois d'août ? Rien du tout. Cela va au-delà de ses espérances et même plus loin. Pourtant, la jeune femme ne connait le français que depuis quelques jours, néanmoins... le courant est immédiatement bien passé entre eux, tout est naturel, sans prise de tête.

Pierre met un peu de piment dans sa vie fade la plupart du temps. Il la fait se sentir spéciale, voilà tout. Hella a toujours aimé plaire, n'a jamais réellement eu de relation sérieuse. Elle ne connait pas l'amour. Ses anciens compagnons la prenaient pour ce qu'elle n'était pas, la prenaient pour une moins que rien, la prenaient pour un vide-couilles. Aujourd'hui, la finlandaise a une sensation bien différente au creux de son ventre. Pour la première fois, son estomac se retourne en songeant à un homme. Était-ce ce sentiment ? L'amour ? Non, impossible, pas au bout de quelques maigres jours insignifiants.

Mais Hella n'était pas si naïve : elle savait qu'elle l'appréciait énormément.

En même temps, qu'il était facile pour la jeune femme de s'attacher à quelqu'un. Un vrai cœur d'artichaut, voilà la raison de ses nombreuses déceptions. Les vautours voyaient sa naïveté, son insouciance, une innocence pure masquée par une bienveillance.

Ils venaient, butinaient son cœur et pompaient le pollen de celui-ci avant de la laisser se faner délibérément.

Pierre ne parvient pas à dormir suite à ce trop plein d'événements lors de cette soirée. Il tourne, vire dans son lit bien trop grand pour une seule personne. Katerina aurait dû être à ses côtés, se dit-il.

Le normand secoue la tête. Pourquoi se poser cette question après avoir pratiquemment embrassé Hella parmi cette foule transpirante et alcoolisée ?

Sa main joue nerveusement avec le pendentif accroché à son cou. Offert par son meilleur ami quelques mois avant son décès. Pierre sait que s'il avait été là, il lui aurait dit d'arrêter de faire souffrir cette pauvre femme qui commençait à tomber pour lui. Parce que Pierre ne peut guère lui offrir un confort de vie.

Pierre ne peut lui offrir un sentiment de sécurité.

Ne peut lui offrir du calme.

Ne peut lui offrir des nuits sans soucis.

Ne peut lui offrir l'amour.

Le français n'est pas en mesure d'aimer quelqu'un, au risque de perdre cette personne. Anthoine en avait payé le prix, Katerina est partie elle aussi, puis Charles a bien failli y rester après les rudes événements en Australie quelques mois auparavant, lorsque celui-ci a voulu s'ôter cruellement la vie. Non. Il ne peut plus donner son cœur aussi facilement, pour qu'on le lui rende entaché, chiffonné, brisé ? Inutile, une perte de temps.

Il préfère les brèves relations sans sentiment. Ce qu'il recherche inconsciemment en Hella sans doute, lui-même ne le sait pas. Le normand est indéniablement attiré par la jeune femme, cependant pas de la manière dont elle pourrait le souhaiter.

Peut-être se ferait-il avoir à son propre jeu.

La nuit fut bien courte pour le normand. Le matin-même, il se rend à l'aéroport afin de saluer ses deux amis qui partent retrouver leur famille respective. Pyry lui met un coup de pression afin qu'il effectue toutes ses séances de sport à la perfection, ce qui le fait d'ailleurs bien rire. Pierre est plutôt studieux, surtout lorsqu'il s'agit de s'entretenir pour se sentir bien dans sa monoplace. Il n'aurait pas de problèmes à maintenir ses activités physiques dans sa routine de vacances. Après de très brefs au-revoir, le français se sent idiot, dans cet aéroport rempli d'inconnus. Que faire à présent ?

Il avait contacté Hella en début de matinée, et cette dernière lui a rappelé qu'elle travaillait jusque dix-huit heures. Alors, après avoir trouvé l'activité pour la soirée, il ne se fait pas prier pour faire du sport, décompresser tout simplement. Pierre adore faire du sport, c'est ce qui lui permet de faire le vide dans son esprit lorsque tout semble aller mal. C'est ce qui le sauve continuellement, et sur ce tapis de course, un seul objectif en tête : se dépasser jusqu'à ce qu'il ne tienne plus debout. Peut-être était-ce trop, parfois. Néanmoins, il ne peut guère s'empêcher de perpétuer ces efforts surhumains.

À la fin de la séance, après quelques gorgées d'eau avalées rapidement, il reçoit un appel de Charles. Il s'empresse de répondre, bien trop pressé d'avoir de ses nouvelles, lui qui se trouve sur l'autre île italienne à des dizaines de kilomètres d'ici.

- Calamar ! rit le rouennais en apercevant la tête reposée du monégasque à travers son écran.

- Comment va mon Pierrot ?

- Je viens de finir ma séance de sport, et toi ? C'est beau la Sardaigne ?

Charles ne relève pas cette absence de réponse à sa question pourtant si simple. Le brun est souvent maladroit pour lui faire cracher le morceau, alors il se contente de détendre l'atmosphère afin qu'il oublie un peu ses problèmes.

- C'est incroyable, tu devrais venir ici un jour, je suis sûr que c'est encore mieux que la Sicile. Pourquoi tu viendrais pas avant Spa ? demande innocemment le pilote de la Scuderia Ferrari.

- Je vais pas déranger tes vacances avec Matteo quand même...

- Mais si ! En plus il a eu son stage, faut fêter ça.

- Ouais, ouais...

- Oh toi, y'a quelque chose que tu me dis pas.

Pierre soupire en passant sa main dans ses cheveux encore imbibés de sueur puisque la conversation traînait. Charles serait inquiet de savoir ce que le normand faisait et pensait de ses vacances. Cependant, il ne peut rien lui cacher.

- J'ai potentiellement rencontré une fille ici, et j'ai prolongé mes vacances pour passer du temps avec elle...

- Mais c'est super ! Ça te permet de passer à autre chose, pourquoi tu fais cette tête ?

- Je peux pas l'apprécier Charles. Je peux pas. Les gens passent leur temps à m'abandonner, je veux pas m'adonner à ça une énième fois.

- Pierre... elles ne sont pas toutes comme Katerina, ouvres un peu ton cœur et laisse-toi aller, je te promets que tu vas adorer.

Le pilote reste silencieux. C'est bien ça le problème. Charles ne le comprend pas. Personne ne le comprend. Et il n'y a pas pire sensation que de se sentir incompris. C'est la solitude qui entre par la grande porte et vient se loger derrière toi, tapie dans l'ombre, néanmoins toujours présente afin d'opresser ceux qu'elle souhaite faire souffrir.

- Je sais très bien comment ça se termine quand on me dit de me laisser aller.

- Qui te dit que ça sera pareil cette fois-ci ?

- Tu comprends pas... je dois raccrocher, à plus tard Charles.

- Pierre attends-

Le français s'empresse de mettre fin à cet appel avec une culpabilité grandissante à mesure que les secondes passent. Peut-être n'aurait-il pas dû réagir de manière si excessive. Charles essaie de l'aider après tout, il donne le meilleur de lui-même pour que son ami aille bien. Mais cela ne convient pas tellement au normand. Il ne sait même pas pourquoi il ne se contente pas des réponses du monégasque d'ailleurs.

Automatiquement, sa main vient rencontrer le pendentif accroché à son cou. Anthoine manque à l'appel. Le souvenir de son casque orange heurte sa cage thoracique, martèle son crâne de manière virulente. Il vendrait son âme au diable afin d'avoir une discussion avec son ami. Son après-midi se déroule ainsi. Flot de pensées négatives, songes du défunt pilote de formule deux, questionnements sur lui-même. Est-il assez bon pour ce monde ? Oui ? Alors pourquoi tous l'abandonnent lamentablement ?

Dix-huit heures sonnent, au même moment que son téléphone. Hella. La douce Hella qui hante les pensées de Pierre sans cesse. Son service est terminé, elle demande l'heure à laquelle ils se retrouvent.

Le rouennais sait comment faire plaisir à la jeune femme. Comment lui vendre du rêve. Pierre est innocent, et dans le déni de ses propres actes. Jamais Hella n'aurait pensé que l'on puisse faire autant pour elle. Alors que lui, cherche juste à évincer cette solitude qui le ramène à la même conclusion. Leurs objectifs ne sont pas corollaire. Ils se perdent à travers leurs prunelles.

Néanmoins, Pierre donne une heure à la blonde pour se préparer avec simplicité.

Parce que Pierre va encore se montrer trop parfait.

Pierre a la volonté de faire de ces prochains jours une parenthèse inoubliable.

Si Pierre n'était pas si insouciant, on pourrait penser que ceci est un plan machiavélique afin de piéger la jeune femme dans ses filets.

Mais deux âmes si innocentes ne peuvent que se détruire sans le vouloir réellement.

Hella n'a aucune idée de ce que peut bien manigancer le normand lorsqu'elle rentre dans son petit appartement afin de s'apprêter correctement. La finlandaise a ce tempérament doux, aussi léger et fragile qu'une brise un soir d'été. Quand on lui offre des jours aussi idylliques, elle se permet d'oser croire en la bonté humaine. Hella a tellement été déçue et manipulée que sa naïveté la pousse à penser que le moindre geste bienveillant d'un homme veut dire qu'il est intéressé par elle. Parce que son passé lui fait croire que jamais elle ne méritait autant d'attention de la part d'un homme, plus âgé qui plus est.

Hella se parfume à la noix de coco, un parfum aussi léger qu'elle ne l'est. Elle se vêtit d'une robe orange, simpliste comme le lui avait demandé le rouennais. Ses éternelles converse noires aux pieds, la jeune femme est désormais prête à se jeter dans le piège du normand, qui le tend sans le savoir réellement.

Ils se feront avoir à leur propre jeu.

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coucou, j'espère que vous allez bien ! petit chapitre hebdomadaire, j'espère qu'il vous a plu <3

-alcools

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