Chapitre 9 : Baroudeur
Chaque fois que Cineád retrouvait Rigel au hangar de Sahira Razès, il se félicitait de s'être dégoté sa propre planque – quand bien-même il y trouvait son lot de préoccupations. Depuis l'adhésion de Cestes et Darrant, l'endroit fourmillait d'activité. Oswald avait réquisitionné un coin pour y établir un atelier d'apothicaire, tandis que le diagovien élevait ses bestioles dans des vivariums et volières reculés contre les murs de ciment. Sous la taule, l'espace se réduisait et ressemblait à un croisement entre un campement et un cabinet de curiosités. Cineád observait d'un œil torve les phalènes cogner leurs ailes de guipure noire contre le grillage quand Oswald pressa son coude contre ses côtes.
— Tu as écouté ?
Cineád repoussa son bras avec un claquement de langue agacé.
— T'occupe pas de moi, je sais ce que j'ai à faire.
— La question est de savoir si tu t'y tiendras, glissa Elias de sa voix soyeuse. Sauf en cas d'extrême urgence, on aura pas besoin de tes flammes, cette fois. Tu seras juste leur couverture.
Il désigna Darrant et Oswald, debout autour des plans d'évacuation et cartes de quartier étalés sur la table d'extérieur branlante. Cestes, que le pyrocien n'avait fait que croiser jusqu'à présent, le dévisagea avec curiosité. Il renâcla.
— Je crois que t'es la dernière personne à pouvoir me faire ce genre de remarque. C'est toi qui vas aller au contact de la Vessarias. Sauf que vous êtes pas vraiment connus pour faire dans la modération, ta frangine et toi.
— Elias va uniquement la neutraliser. Il ne la tuera pas maintenant, assura Elide. On veut ébranler Achernar, pas les déchaîner contre nous.
Cineád haussa les épaules et ouvrit les mains, mimant la reddition d'un air ironique. La thaumaturge maudite ne pouvait pas le voir, mais il s'était aperçu qu'elle discernait chacun des mouvements de ceux qui l'entouraient.
— Et je protégerai sagement vos arrières, rétorqua-t-il. Rassurés ?
Gracieuse comme une macabre poupée de porcelaine, Elide marqua son approbation en inclinant le menton. Les Marcdargent avaient beau mettre ses nerfs à l'épreuve, avec leurs airs guindés et leur suffisance, Cineád ne pouvait que se rallier à l'opération. Non seulement il en profiterait pour renflouer ses poches, mais il en tirerait la satisfaction de porter un coup cuisant à l'orgueil d'Achernar. De prouver à Bryvas que les tout-puissants Vessarias n'avaient rien d'inatteignable.
L'ombre avait gagné le faîte des immeubles et le soleil avait sombré à l'horizon lorsque Cineád quitta la planque. Plutôt que de monter dans les transports pour rejoindre Alphecas, il longea un canal bordé de centres de recyclage et d'usines d'asphalte. Les éclairages industriels jetaient des reflets gras sur les eaux sombres. Cineád s'absorba dans la contemplation de l'écoulement huileux. Ces derniers temps, il supportait moins les heures creuses qui ponctuaient ses journées et soirées. Elles s'étiraient, vides et d'emplies d'ennui, propices à l'amertume et la frustration.
Une impression qu'avait renforcé son dernier échange avec Kaya. Dans son univers fade et apathique, au milieu de la masse d'individus décérébrés, si normaux, si modérés, elle apportait une récréation dont il ne se lassait pas. Ce qui se développait entre eux, engendré par une appétence grandissante, lui plaisait. Les étincelles jaillissaient de manière si décontractée, si spontanée, l'esthésive se montrait si engageante, qu'il en voulait toujours d'avantage. Qu'il se demandait s'il pourrait y plonger les dents jusqu'à satiété.
Or, à force de l'inviter à se rapprocher, à s'exposer, Cineád avait distordu leurs rapports en un lien sur lequel il n'exerçait plus le contrôle initial. Au point de devoir lui rappeler qu'il n'était pas son fauve domestiqué. Qu'il ne dévierait pas de sa voie pour ses beaux yeux.
À travers son tee-shirt élimé, il frotta distraitement les marques qui parcouraient son torse. Si Kaya avait formulé sa question autrement, il ignorait quelle tournure aurait pris leur confrontation. Mais, tout comme la première fois qu'elle la lui avait posée, elle avait trop compté sur son Arété, négligeant les failles de celui-ci.
Cineád quitta les berges pour regagner Varmanteuil. Le squat Alphecas abritait trop d'images qu'il associait désormais à l'esthésive et, ce soir, il cherchait à se la sortir de la tête. Il préféra se rendre dans l'un des rares établissements de nuit qu'un Aster criminel pouvait fréquenter en toute impunité.
Cela faisait des semaines qu'il n'avait pas mis les pieds au Baroudeur, malgré les invitations d'Oswald. La même bouffée tiède de souffles alcoolisés et de moiteur corporelle s'écrasa sur son visage lorsqu'il poussa la porte. Les consommateurs ne lui prêtèrent aucune attention alors qu'il traversait la salle.
Son air le plus morne plaqué au visage, Cineád se dirigea vers la ligne de dos agglutinés au comptoir, en calculant qu'il allait devoir éjecter quelqu'un d'un tabouret. La silhouette qu'il entraperçut fugitivement entre les têtes lui fit un instant croire qu'il était plus sévèrement intoxiqué par la Terebros qu'il ne l'avait réalisé.
Cependant, alors qu'il se rapprochait du bar, le catogan auburn que les LED allumaient de reflets rougeoyants et la peau blanche, au satin rubescent, des épaules révélées par un débardeur noir, s'avérèrent n'avoir rien d'une hallucination intempestive. Kaya s'affairait véritablement devant lui, à servir des bières en plein repaire criminel.
Estomaqué, incapable de départager son envie de lâcher un rire désabusé de celle de la saisir à la gorge, Cineád agrippa l'épaule du type le plus intimidable qu'il avisa, et lui fit signe de libérer la place. Une main à plat sur le zinc, il apostropha Malachias ton sourd :
— Une Mythral.
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À présent qu'elle entamait sa deuxième semaine au Baroudeur, Kaya commençait à repérer les habitués et à classer les consommateurs par catégories. Elle disposait d'une liste mentale de ceux dont se méfier, et d'autres avec qui elle discutait volontiers. Comme Faye, le Cebalraï qui égayait toujours son service lorsqu'il se montrait. Lors de leurs discussions, elle en était même venue à mentionner la pièce de théâtre donnée à l'Opéra de Bryvas, auquel elle se rendrait pour photographier l'évènement.
Des nouvelles têtes se pointaient chaque soir, mais aucune apparition ne l'ébranla autant que la voix bien trop familière qu'elle capta soudain. Une tension immédiate imprégna tout son être.
— Merde, marmonna-t-elle en filant s'occuper des clients à l'autre bout du comptoir, laissant Malachias s'occuper de servir une bière pression au pyrocien.
Son patron vint ensuite la retrouver, alors qu'elle feignait d'être absorbée dans la préparation d'une commande. Ses yeux hétérochromes, ennoblis par les fins sillons de rides de caractère, l'étudièrent avec préoccupation.
—T'as un souci avec lui ?
Kaya pinça les lèvres, et résuma à voix basse :
— Je l'ai fait chier la dernière fois qu'on s'est parlé, et comme j'ai pas trop envie que quelqu'un dans mon entourage finisse incinéré...
— Mais tu savais pas qu'il venait ici ?
— Non !
Malachias se massa la nuque, la mine embêtée.
— S'cuse-moi, l'Epine. Je t'aurais prévenu si j'avais su. Mais d'après ce que m'en disais Nori, j'imaginais.
— Ouais, ouais, je sais. Bah c'est plus le cas.
La lourde main du barman lui pressa l'épaule, la lui broyant presque, en guise de réconfort.
— Bon, tu t'en occupes pas ce soir. Tu laisses ça à Jez ou moi, d'accord ?
— Merci, lui répondit-elle en répliquant par une tape reconnaissante sur son bras.
Kaya pouvait sentir la brûlure du regard de Cineád dans leur direction. Le bref aperçu qu'elle avait glané de sa physionomie l'avait révélé d'une maussaderie revêche. Il ne semblait pas plus d'humeur qu'elle à lui adresser la parole, car sa pinte en main, il s'écarta du comptoir et alla s'installer dans un renfoncement de la salle bétonnée.
En dépit du décret implicite qu'ils ne se confronteraient pas ce soir – ou peut-être précisément pour cette raison - Kaya peinait à se concentrer sur les commandes et les préparations de cocktails les plus élaborés. Elle dut se faire violence à plusieurs reprises pour ne pas jeter un coup d'œil vers le pyrocien. Or, distraite, elle devenait une proie facile pour certains clients.
Une portion des individus rassemblés dans l'établissement disposait d'un flair infaillible à cet égard. Auprès de ceux-là, le moindre relâchement, la moindre baisse de vigilance et de promptitude à user de ses remarques virulentes, la rabaissait au rang de chair fraîche.
Ce qui ne manqua pas.
Cheveux raz, teint olivâtre, pas désagréable à l'œil, et des yeux mouillés trompeusement doux, le type se pencha par-dessus l'acier laminé pour l'interpeller :
— Excuse-moi, j'ai pas un truc, là ?
Comme il lui désignait son col en tendant le cou, Kaya se pencha et constata qu'il arborait une égratignure encroûtée de sang coagulé aux creux de la clavicule. En temps normal, elle l'aurait vu venir et l'aurait prestement envoyé promener. Mais, l'esprit ailleurs, elle perdit ses moyens et répondit :
— Euh si, mais c'est rien.
Quoique désappointé qu'elle n'accorda pas davantage de crédit à sa plaie, le client entreprit malgré tout de lui raconter l'échauffourée durant laquelle il en avait écopé. Les relents de transpiration qu'il dégageait trahissaient son recours abusif aux substances psychotropes. Kaya lui fit l'aumône de quelques signes d'écoute, et il en profita pour poursuivre ses déblatérations, jusqu'à l'interroger :
— À ton avis, j'ai quel âge ?
Déjà lasse de sa lourdeur, Kaya ne se priva pas de rouler des yeux tout en essuyant une série de verres.
— Je sais pas.
— Non mais devine.
À l'autre bout de l'espace bar, Malachias s'enquit de la situation d'un regard, lui demandant sans un mot si elle souhaitait qu'il intervienne. Kaya refusa discrètement. Elle se sentirait trop humiliée de devoir être défendue d'un tel minable. Sans rien masquer de sa contrariété, elle émit donc quelques hypothèses hasardeuses, qui se révélèrent toutes fausses.
— Ouais, bon, j'ai autre chose à faire, déclara-t-elle sèchement à la troisième tentative.
Le type la laissa tranquille une poignée de minutes, puis la héla de nouveau quand elle revint lui servir un autre verre.
— Vingt-six ans, révéla-t-il.
— Fantastique.
Elle voulut s'éloigner derechef, mais la main désagréablement moite de l'importun se referma sur son poignet.
— Tu sais, on discute, c'est tout, lui dit-il. Puis, à force de discuter, y aura p'têtre un numéro d'échangé, et à partir de là...
Kaya plissa la figure sur une moue révulsée, les tripes dévorées d'une flambée de courroux. Nul besoin de le sonder pour décrypter son attitude. Il la prenait pour cible car il n'était rien de plus qu'un avorton parmi les prédateurs. Et qu'il la considérait comme plus faible encore que lui.
L'attention de Kaya dériva pour le plus bref instant vers le pyrocien toujours posté sur sa banquette. De tout le temps où le type l'avait accaparé, elle n'était pas parvenue à occulter sa présence, quelques tables plus loin. Leurs regards se rencontrèrent. Figure en clair-obscur dans la pénombre du bar, Cineád demeurait d'une immobilité rigide. Le demi-cercle de ses iris sous ses paupières indolentes luisernait, presque phosphorescent.
Qu'il fût témoin de la scène décupla la honte furieuse qui montait en elle. La mâchoire durement crispée, Kaya ramena les yeux sur l'offenseur. Elle visa le nez.
Son coup dévia cependant de quelques degrés lorsqu'elle l'allongea et son poing s'écrasa contre les gencives de l'homme. La ligne d'émail se rompit en craquant de manière satisfaisante sous ses phalanges et le type perdit l'équilibre, son tabouret basculant en arrière. Il s'aplatit au sol avec fracas.
En tout autre espace public, une telle riposte aurait été considérée comme excessive. Or, ils se trouvaient au Baroudeur, lieu régit par ses lois propres. Ici, Kaya avait tout le loisir de lâcher la bride à ses élans révoltés.
La soudaineté de l'incident assourdit la rumeur des conversations. Dans l'instant de flottement qui s'écoula, un esclaffement rauque fusa, qu'elle n'avait entendu qu'en de rares occasions, mais reconnut aussitôt. S'entremêlant au courant de jubilation sauvage qui l'électrisait, des frissons grisants coururent sur sa peau. Puis des sifflements et exclamations goguenardes éclatèrent dans la salle.
— Malachias ou ses employés, c'est du pareil au même, du con ! s'exclama une femme par-dessus les glaçons de son Bison Negroni. On y touche pas.
Alors que la clientèle retournait déjà à ses consommations et discussions, le type se redressa, la figure tendue de colère et de douleur, le sang de sa lèvre entaillée rougissant sa bouche. Kaya remua les doigts. Les dents qu'elle avait cognées lui avaient écorché les phalanges. De légères lancinations parcouraient ses nerfs.
Malachias la rejoignit et examina sa main. De ses pouces calleux, il tâta ses articulations pendant qu'elle observait sa victime tituber vers l'issue de service.
— Heureusement que tu t'es pas loupée. T'aurais pu te faire aussi mal qu'à lui.
Kaya allait répliquer, quand elle avisa la silhouette de Cineád se frayer un passage à travers la salle. L'allure froidement résolue, il emboîtait de toute évidence le pas au fuyard. Elle lança précipitamment à son patron :
— Je sors deux minutes, je reviens tout de suite.
Elle passa en hâte de l'autre côté du comptoir. La porte se refermait déjà derrière le pyrocien. Kaya la gagna d'une démarche précipitée, et pesa si fort dessus qu'elle déboula à l'extérieur avec trop d'élan. Rétablissant son équilibre en quelques pas, elle appréhenda la scène d'un regard.
Livide, le type aux cheveux ras reculait devant Cineád. Un panache de flammes jaillissait déjà de la paume du Rigel, jetant un halo bleuté entre les murs serrés du passage. Kaya se jeta vers lui et lui saisit le bras. La chaleur des langues de feu lui rasa la face.
— Cineád !
Surpris, il tressaillit et abaissa un regard alarmé vers elle. Ses flammes, trop proches, s'évanouirent en même temps qu'il s'arrachait à sa prise, avec une brusquerie qui confinait au réflexe de retrait. Un sifflement contrarié filtra entre ses dents tandis qu'il se retournait vers sa cible. Allongeant le bras derrière lui, il pressa le bout de ses doigts encore fumant contre le ventre de Kaya, et la repoussa en arrière avant d'embraser sa main libre.
D'un mouvement du poignet, Cineád projeta une trombe de feu sur le type. Lequel se jeta en glapissant derrière une benne, frôlé de peu par le torrent ignescent. Kaya poussa un hoquet effaré et se campa devant le pyrocien, bras écarté.
— Qu'est-ce que tu fous ? Arrête !
Fixés sur sa victime, ses yeux étrécis en fente revinrent sur elle. Il la toisa de manière si corrosive, si redoutable, qu'elle se pétrifia. Cineád retroussa les lèvres sur un rictus courroucé. Incapable de détacher son regard du sien, elle perçut le lent mouvement de la main qu'il approchait à hauteur de sa figure, comme s'il voulait prendre sa joue en coupe. Pourtant, doigts déployés, il laissa une quinzaine de centimètres entre sa paume et elle.
La bouche sèche, elle l'observa incliner la tête de quelques degrés. Son faciès se mua peu à peu en une expression de condescendance détachée.
— Qu'est-ce que moi je fous ? persifla-t-il.
Une bouffée de feu brasilla à quelques pouces du visage de Kaya. Une nappe cuisante lui dévora la peau. Elle tressaillit, les paupières plissées, la cornée irritée. Ses mèches volèrent, barrant son front et sa pommette. Puis Cineád referma le poing, abaissant le bras, et la chaleur mourut. Un coup de semonce.
Elle reprit sa respiration. Il esquissa une mine railleuse.
— Je t'ai bien vu après que tu l'as cogné. T'as adoré ça. Je fais pareil. Admets-le : t'as envie autant que moi qu'il paye.
Kaya secoua la tête en signe de dénégation, niant le parallèle.
— Commence par admettre pourquoi tu t'en prends vraiment à lui ! rétorqua-t-elle.
Il renifla.
— Ça commence à devenir réchauffé, comme argument. J'ai juste les nerfs, et quelqu'un sur qui les passer.
Le son d'un pied butant contre une bouteille de verre attira le regard du pyrocien derrière Kaya. Il tenta de la contourner, mais elle se décala de sorte à s'interposer derechef. Jetant un coup d'œil par-dessus son épaule, elle cracha à l'adresse du type :
— Fous le camp !
Comme il décampait, se retourna vers Cineád, sans cesser de se déplacer pour lui bloquer le passage qu'il s'obstinait à forcer. Haussant un sourcil ironique, elle lança :
— Si c'est vraiment ça, il te reste toujours une personne contre qui péter un câble.
Elle marchait à reculons, à présent, sans plus savoir si elle le contenait ou s'il la faisait pas à pas céder devant lui. Les yeux toujours rivés par-dessus son crâne, Cinead gronda :
— Me tente pas.
— Pourquoi ? Ça te poserait pas de problème, apparemment, lui rappela-t-elle d'un ton vibrant de rancœur. C'est bien ce que tu disais, nan ?
Il lui décocha une œillade fulminante.
— Parfaitement. Et tu vas vraiment finir par y passer avec cette attitude !
Brusquement, elle se retrouva acculée, coincée entre le béton et la stature du pyrocien. Bien qu'il irradiât d'une hargne exaspérée, il se garda de la toucher. Vêtue comme elle l'était, il ne pouvait pas avoir prise sur elle sans s'exposer à son Arété.
— Faut te décider, lâcha Kaya, la voix à mi-chemin entre le ricanement et le murmure.
C'était le provoquer plus dangereusement qu'elle ne l'avait jamais fait, elle en était consciente. Mais elle ne pouvait se résoudre à lâcher l'affaire. Car Cineád avait beau appartenir à l'ennemi, il n'était pas un étranger. Elle connaissait ses humeurs et sa dérision, l'empreinte de son contact, la vibration de son rire. Elle connaissait les défectuosités de son système, ses supplices silencieux et le goût de sa haine.
En agissant ainsi, Kaya ne s'adressait pas au membre de Rigel, mais à celui avec qui elle avait échangé autour d'un burger. Celui qui l'avait tenu contre lui à Antaray, l'avait tiré de sa crise et regardé danser. Elle tenait à élucider la discordance flagrante entre ses actions et ses affirmations.
Le souffle lourd, les iris en fusion, Cineád se rapprocha jusqu'à la frôler de son corps. Le ventre de Kaya se serra violemment.
— Oh, c'est tout décidé en ce qui me concerne, rétorqua-t-il de son timbre le plus bas. C'est plutôt à moi de te dire ça. J'immole qui ça me chante, et je vais pas m'arrêter là. Alors réfléchis bien à ce que tu veux faire de ça.
Baignée dans l'aura surchauffée du pyrocien, sa propre respiration s'amplifiant avec la sienne, Kaya demeura à court de répartie. Il ne s'agissait pas d'un avertissement. Cineád lui présentait une option. Et, sous le regard qui la clouait comme s'il s'abreuvait d'elle, tout son être aspirait à la saisir. Qu'à combler la distance insoutenable entre eux, et céder à la pulsion qui lui embrasait les tripes. Qu'à rencontrer ses lèvres, et se laisser consumer.
D'autant plus qu'il l'observait comme s'il était persuadé qu'il s'agirait d'un choix qu'elle n'effectuerait jamais.
La porte de service s'ouvrit alors dans un grincement de ferraille, et la voix de Malachias s'éleva dans la ruelle :
— Qu'est-ce que j'interromps exactement, comme situation ?
Son attention toujours rivée sur Kaya, le pyrocien afficha la morgue de celui qui vient de prouver ses dires.
— Rien d'important.
Un chapitre centré sur Cinead et Kaya que j'avais hâte de poster !
Je ne sais pas lequel des deux est le plus ambivalent, mais ça les aides pas x)
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