Chapitre 16 : Intérêts
Les journées se rafraîchissaient tandis que l'atmosphère se chargeait d'humidité. Il bruinait, cet après-midi-là, et les bourrasques emportaient par nuées les feuilles roussies. Les fines gouttelettes s'étaient prises dans les frisures de Setsuha, serrées par un chouchou sur le dessus de son crâne. Sa chevelure et son plumage semblaient ainsi parsemés de paillettes irisées.
Sortie des cours, elle se dirigeait d'un bon pas vers son café de prédilection dans le secteur. Déjà cliente de l'établissement pour leurs prix abordables et leurs préparations maison, elle le privilégiait davantage que sa BU depuis sa rencontre avec Oswald Faye. Et ce dans l'unique but d'accroître ses chances de le croiser à nouveau, comme ils en avaient implicitement convenu.
Une fois qu'elle y était installée, cependant, elle ne gaspillait pas son temps à le guetter, et s'attelait à ses révisions et rédactions de dossiers. S'il devait se montrer, il ne pourrait pas la manquer.
Setsuha fut parcourue d'une onde de bien-être lorsque, le seuil de la boutique franchi, elle se retrouva environnée des effluves de boisson chaude et de pâte cuite. Alors qu'elle parcourait les îlots de table, à la recherche d'une place, son regard croisa des iris cannelle. Un sourire de contentement ourla ses lèvres. Elle ne s'était pas attendue à être devancée.
Tandis qu'elle s'avançait vers l'homme, Setsuha détailla ses boucles châtaines et ses traits bien dessinés. Les yeux minces, le nez droit, la mâchoire régulière ; elle apprécia son faciès à la dérobée. Un livre ouvert devant lui, Faye se leva à son arrivée, une lueur rusée dansant déjà au fond de ses prunelles.
— Bien le bonjour, la salua-t-il. Vais-je finalement avoir l'opportunité de vous payer un café ?
L'attention de Setsuha tomba brièvement sur sa main gauche. Les contours d'une brûlure apparaissaient sous la bordure de sa manche. Chose que son pull col roulé de la dernière fois avait dissimulé.
— On dirait bien, lui accorda-t-elle en demandant à le joindre d'un signe du menton.
Il l'y invita muettement, et elle déposa ses affaires avant de s'installer face à lui. Sortant déjà sa tablette à clavier, elle s'enquit :
— Ça ne vous embête pas si je travaille en même temps ?
Elle avait beau trouver sa compagnie plaisante, elle ne tenait pas pour le moment à conférer un air de rendez-vous à leur rencontre.
— Faites, acquiesça-t-il. Qu'est-ce que vous prenez à boire ? Je vais vous le chercher.
— Un caramel latte. Et une part de flan à la noix de coco, à mes frais, précisa-t-elle.
Son appétit fit passer un éclair rieur sur la physionomie de Faye alors qu'il passait à côté d'elle pour se diriger vers le comptoir. Setsuha avait ouvert les documents et banques de données nécessaires à son devoir sur la clinique de l'acte quand il revint, un plateau en mains. Elle le remercia, puis laissa ses yeux s'attarder sur le tissu cicatriciel débordant sur son poignet. Elle s'empêcha de les diriger sous ses boucles, à la base de son crâne. Là où elle avait remarqué le tatouage de Cebalraï.
— Je peux vous demander ce qui vous est arrivé ? interrogea-t-elle une fois qu'il se fut rassi. Ça a l'air récent.
Faye baissa un regard pensif vers son bras, qu'il découvrit jusqu'au coude en roulant son pull chocolat. Les stigmates d'une brûlure s'étalaient le long de ses muscles. Ce fut avec un détachement accentué d'un haussement d'épaule qu'il révéla :
— Une mauvaise rencontre. Bryvas n'est pas des plus sûres, ces derniers temps.
Setsuha hocha la tête, sans chercher à creuser le sujet. Il évitait manifestement de s'épancher sur l'incident. Curieuse malgré tout, elle fronça les sourcils de sollicitude.
— Mais ça va, ça n'impacte pas votre motricité ? Avec votre profession...
— J'ai pu bénéficier de soins adaptés. Je garderai une marque, et ma peau a perdu en sensibilité sur cette surface, mais ma dextre reste aussi habile que ma senestre ! lança-t-il avec un air guilleret.
— Tant mieux ! Vous vous produisez, en ce moment ?
Elle prit une gorgée onctueuse de son latté, puis ramena son attention sur son écran, afin de procéder à ses recherches. L'instant de silence de son vis-à-vis la fit cependant relever le menton.
— Non, j'ai d'autres projets. Et ils sont trop astreignants pour que je puisse me consacrer à la scène, sourit Faye avant d'enchaîner avec intérêt : dites-moi, je me posais la question, si ce n'est pas indiscret...
— Oui ?
Elle nota le subtil changement de sujet, mais n'insista pas. S'il ne désirait pas l'aborder, la vie privée d'un homme avec elle n'avait eu que de brèves rencontres ne la regardait pas.
— La psychocriminologie, c'est un domaine bien spécifique. D'autant plus pour une Aster affiliée. Qu'est-ce qui vous a attirée ?
Setsuha marqua une hésitation à son tour. Elle répondait toujours prudemment à ce genre de question, mais l'appartenance de Faye à Cebalraï l'incitait à redoubler de précaution. Elle ignorait quel statut il occupait au sein de la Constellation. Surtout, elle ignorait si dans ses veines coulait le poison que Tancrète Risckal, leur dirigeant, leur inoculait afin de garantir leur fidélité.
Après de fugaces délibérations, elle résolut d'être franche. Ce ne serait qu'une façon de vérifier à quel point le courant passait avec cet homme.
— La richesse du domaine, majoritairement, annonça-t-elle. Mais aussi, je voulais mieux comprendre les dessous de la criminalité. Quand il y a des meurtres, des violences, du trafic, on n'en voit finalement que le dessus de l'iceberg, aux informations, à un instant t. Or, se baser sur l'acte seul pour savoir comment traiter les perpétrateurs et les victimes, ce serait trop réducteur.
De l'index, elle tirailla l'une de ses mèches frisées, attentive aux moindres altérations sur la physionomie de Faye. Celui-ci l'écoutait avec un intérêt croissant. L'étonnement, puis un soupçon de fascination agrandirent ses yeux noisette. Quand elle se tut, il porta son café à ses lèvres, comme pour se donner le temps de rassembler ses pensées. Setsuha attaque du bout de sa cuillère la pointe flageolante de son flan.
— Je trouve ça admirable, lâcha le Cebalraï après avoir dégluti. Et c'est réconfortant de savoir que quelqu'un avec de telles préoccupations occupe ce poste.
Prise de court par le compliment, Setsuha en cessa de mâcher la crème solidifiée sur la pâte brisée. Elle ne s'était pas attendue à recevoir autant d'approbation.
— Vise ce poste, corrigea-t-elle une fois qu'elle eut avalé.
— Tout de même, insista doucement Faye.
Ce disant, il posa sur elle un regard profond, qui la jaugeait sous un jour positif. La détaillait avec appréciation. Elle ne manqua pas la façon dont il traçait les lignes de sa figure, dont ses coups d'œil se perdaient dans la blancheur de son plumage.
Setsuha ajusta ses ailes dans une position plus confortable, et reprit :
— Vous n'êtes pas un amateur des Constellations.
Il parut tiré de sa contemplation, mais revint sans peine au fil de leur échange.
— Ce n'est pas parce que j'y appartiens qu'il s'agit de mon univers, éluda-t-il d'un ton dégagé.
Un autre refus d'explorer les sujets trop personnels. Setsuha opta pour une approche moins sensible :
— Et quel est votre univers, alors ? demanda-t-elle en esquissant une moue d'engageante facétie.
Le visage de Faye s'éclaira, ses sourcils s'arquèrent affablement. Il inclina la tête, un éclat taquin reluisant sous ses cils, et riposta d'une voix suave :
— Vous n'aviez pas du travail à faire ? Je ne voudrais pas vous distraire plus longtemps, mais vous pouvez essayer de le déduire, puisque vous semblez avoir un talent pour ça.
S'apercevant de la façon dont Faye jouait de ses charmes – avec le brio et le succès d'un artiste, elle devait le reconnaître – Setsuha rentra dans la danse. Les manières et la décontraction du Cebalraï lui plaisaient. Un coude sur la table, le menton dans la main, de sorte que sa silhouette soit subtilement mise en valeur, elle plissa les lèvres en une moue charmeuse. Ses ailes se déployèrent infimement, sensibles à l'enclenchement de la séduction. Elle secoua la tête, avant de plaisanter :
— Il va me falloir un peu plus, pour faire d'autres déductions. Je vous dirai ce qui me vient.
Faye eut l'air de se délecter de son jeu.
— Prenez votre temps.
Après quoi, Setsuha se consacra avec davantage de sérieux à son devoir, tout en entretenant la conversation par intermittence. Le roman dans lequel se replongea son interlocuteur leur fit discuter lecture un moment, puis vint l'heure pour elle de quitter le café.
Faye se leva en même temps qu'elle et, leurs manteaux endossés, ils se dirigèrent vers le comptoir afin de régler leur consommation. Il la précéda à la caisse tandis qu'elle fouillait son sac, à la recherche de son porte-monnaie. Mais ses doigts s'enfoncèrent dans les diverses poches sans rencontrer la texture familière du cuir.
— Vous cherchez quelque chose ? s'enquit malicieusement Faye.
Elle releva les yeux vers lui, pour découvrir qu'il agitait l'étui replet, et cilla de saisissement.
— Quand est-ce que vous... ?
— Comme tout magicien qui se respecte, je ne peux pas répondre à ça, pas vrai ? rétorqua-t-il avec un clin d'œil.
Il paya donc leurs deux boissons et la pâtisserie de Setsuha, avant de lui rendre son bien.
— Alors, questionna-t-il en le lui déposant dans la paume. Des nouvelles déductions ?
Elle remit la pochette à sa place, puis remonta la bandoulière de son sac sur son épaule.
— Vous m'avez surestimée, répliqua-t-elle, ses inflexions imprégnées de finesse. Je ne suis pas douée à ce point. Je crois qu'en ce qui concerne votre univers, vous allez devoir me le montrer.
Bien sûr, Faye saisit le message implicite, et pivota vers elle quand ils eurent franchi la porte-vitrée.
— Ça peut s'envisager, susurra-t-il.
✧ ✧ ✧
Thélia se rendit à vélo au squat Alphecas, ce matin-là. La face rosie et vivifiée d'avoir fendu l'air frais, elle toqua à la porte du local occupé par les protégés de Mystès. Des effluves de pain grillé l'accueillirent quand Bélonias lui ouvrit. Meesha n'était qu'une bosse sous la couette d'une des couchettes.
— Elle dort ? chuchota Thélia.
Le jeune thaumaturge secoua négativement la tête et lui proposa une tartine, qu'elle refusa. Elle déposa une enveloppe sur la table basse.
— C'est pour vous. Pour compléter ce que Mystès vous donne.
Bélonias tira à demi la liasse qu'elle lui remettait. Ses yeux écarlates s'écarquillèrent devant la valeur des billets. Il s'agit d'une partie du cachet qu'elle avait perçu lors de son shooting avec Keitan.
— Pas la peine, lança Meesha en émergeant du lit. Mystès veut plus qu'on te prenne des sous. Il a dit que t'en avais besoin, pour tes études. Il paraît qu'elles coûtent super cher ?
La crinière en bataille, elle vint s'attabler devant son bol de céréales. Une croûte sang séché maculait son arcane sourcilière. Trois sutures adhésives refermaient les bords d'une plaie fraiche. Thélia fronça les sourcils.
— Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?
La bouche déjà pleine, l'hétairie arrondit des yeux étonnés. Devant l'index qui désignait son front, elle remua, le regard fuyant.
— J'me suis battue.
Perplexe, Thélia la dévisagea, tandis qu'un silence inconfortable tomba soudain sur la table.
— Avec des types d'ici, lâcha finalement Meesha. C'tait juste un défi.
— Avec des Régulus ? Mais Mystès le sait ?
L'hôte devait être familier du tempérament fougueux de la jeune hétairie. Elle espérait qu'il l'empêcherait de s'attirer l'hostilité des Régulus. Bélonias déglutit sa bouchée et répondit :
— Il a dit que y avait pas de quoi s'inquiéter.
— Évite quand même de contrarier les Régulus, enjoignit Thélia à l'adolescente.
Cette dernière hocha la tête, l'air penaud, et le sujet fut clos. Thélia leur laissa l'enveloppe malgré leur protestation, puis gagna les étages supérieurs pour rejoindre Kaya et Nori, qu'elle avait prévu de retrouver ce jour-là. Chargées de couvertures et de thermos, elles montèrent s'installer sur le toit.
Le thé fumant fut servi sous la douceur blonde des rayons automnale. Thélia put alors sortir la pochette grand format, reçue la veille, qui contenait les tirages de la séance photo. Si cela n'avait tenu qu'à elle, elle les aurait cachés quelque part dans sa chambre, mais les deux autres avaient insisté pour les voir.
— Tu les as vraiment pas regardées ? s'étonna Kaya.
— Non, répondit-elle piteusement. J'osais pas.
— Qu'est-ce qu'on fait ? demanda Nori, amusée. On les regarde pour toi et on te dit ?
— Non, c'est encore pire ! On a qu'à les regarder ensemble.
Elles se rapprochèrent donc, pelotonnées dans leurs couvertures, gobelets en main, afin de découvrir les clichés imprimés sur papier mat. En sa qualité d'amatrice de photographie, Kaya fut la première à s'exclamer qu'elles rendaient bien, tandis que Nori qualifiait son employée de "vraie beauté".
Thélia devait admettre que les prises s'avéraient flatteuses, chacune d'elle saisissant son meilleur profil. Bien sûr, elle ne dégageait pas le magnétisme des modèles professionnels. Néanmoins, alors qu'elle s'était attendue à transpirer la nervosité et la maladresse, elle se trouva authentique et mise en valeur. Devant le résultat de la séance, elle réalisa tout à coup à quel point Keitan avait contribué à la tranquilliser.
— Quel poseur, ricana Kaya.
De fait, la vedette de l'URIAA irradiait d'aplomb, campé dans des postures à l'élégante nonchalance. Alors qu'elle faisait défiler les photos, Thélia finit par être interpellée par une distinction singulière dans son allure. Lorsqu'il se trouvait tourné vers elle, pour les prises en mouvement durant lesquelles on leur avait demandé d'interagir l'un avec l'autre, Keitan présentait ce visage radieux qu'elle lui connaissait. Dans leurs yeux animés, dans la spontanéité de leur sourire, se lisait l'amusement qu'ils avaient partagé.
Mais lorsqu'il fixait l'objectif, il apparaissait comme un étranger. Elle n'avait jamais vu cet être au regard envoûtant, pénétré de majesté, qui exhibait une masculinité enjôleuse. Chacun de ses traits, chacune des lignes données à voir semblait destiné à plaire, présenté comme un appel. Tout en lui proclamait son titre et son statut.
Apparut alors le tout premier cliché du shooting. Celui pris lorsque que la thaumaturge, propulsée sous les projecteurs, cherchait encore ses marques. Debout derrière elle, Keitan lui couvrait les yeux de ses mains, tandis qu'elle inclinait la tête en arrière. Le coup d'œil qu'il jetait vers l'objectif ne recelait cette fois aucune lueur de séduction, seulement une proclamation défensive.
— Oh oh ! Ça veut dire chasse gardée, ça ! lança Nori avec un sifflement stupéfait.
Troublée, ses ondulations teintées d'un rose pêche, Thélia préféra ne pas relever, et passa à la photo suivante. Kaya s'enveloppa plus étroitement dans sa couverture, prise d'un frisson.
— Il fait pas chaud.
— Tu veux aller chercher Cineád? railla Nori.
Sur un grognement renfrogné, l'esthésive pressa le front contre ses genoux repliés.
— J'pense qu'il m'a assez vue, dernièrement.
Ce qui ne fit que tirer un éclat de rire à Nori. Kaya leur avait rapporté l'incident à l'Opéra de Bryvas, ainsi que l'interrogatoire qui avait suivi. Néanmoins, tandis qu'elle relevait la tête, yeux brou-de-noix vrillés sur l'horizon, un pli préoccupé sur le front, Thélia eut le sentiment qu'il ne s'agissait pas uniquement de ce à quoi elle faisait référence.
Avant qu'elle ne pût trouver comment formuler son interrogation, Kaya s'appuya de l'épaule contre elle pour se pencher derechef sur les photos.
— Bon, on finit ?
Thélia parcourut donc les clichés restants, au milieu des compliments et plaisanteries de Kaya et Nori. Elles s'arrêtèrent tout particulièrement sur les quelques poses au caractère intime qu'ils avaient effectué.
— Ça, c'est à encadrer ! s'exclama l'esthésive devant la photo d'eux l'un contre l'autre, la jambe de Thélia relevée contre la hanche de l'agent.
Ses yeux pourpres ancrés dans l'ambre de ceux de Keitan constituaient un rappel au velours dont il était vêtu. Sous les lames dressées au-dessus d'eux, ils se scrutaient comme s'ils cherchaient à assimiler une découverte qui venait de leur surgir à la figure.
— Comment tu en es arrivée à poser avec lui, déjà ? s'enquit Nori d'un ton plein d'insinuations à l'égard de Keitan.
— Un peu par accident, le défendit-elle. Il a essayé d'écourter la séance parce qu'on avait un truc à discuter, et ça s'est retourné contre lui.
Kaya enchérit à son tour :
— Il a pas l'air de trop se forcer, non plus.
— Il a une copine ! protesta Thélia.
— Ah oui, la Fukurõ...
La mine songeuse, Nori fit observer :
— Maqué ou pas, il doit bien avoir une espèce de faible pour toi. Je pense pas qu'il soit aussi disponible pour tout le monde.
Thélia passa distraitement à la photo suivante.
— C'est vrai qu'on est plus trop sur des rapports contractuels, admit-elle. Mais je préfère, en fait.
— Tu m'étonnes, lâcha l'esthésive avant d'étirer un sourire rusé. Je voudrais bien savoir ce qu'il pense des photos !
— Oh, moi aussi, abonda Nori. Mentionne-les la prochaine fois que tu le vois.
— Il va me dire qu'elles sont super, anticipa-t-elle.
Kaya parut soudain prise d'une illumination, et claqua des doigts.
— On peut faire un petit test, si t'es ok, Thélia.
Nori fut la première à saisir ses intentions.
— Bonne idée ! Sors ton téléphone, Miss.
Comprenant à son tour, Thélia attrapa la bandoulière de son sac pour le tirer à elle. Si elle n'adhérait pas réellement à l'expérience qu'elles projetaient, l'opportunité d'échanger avec Keitan lui plaisait assez pour qu'elle s'y prête.
— Je lui envoie juste un message, prévint-elle. Je vais pas le déranger s'il travaille, non plus.
Kaya haussa les épaules.
— Oui, oui, fais à ta manière, c'est le but.
Elle pianota donc quelques lignes destinées à informer l'agent qu'elle avait reçu les photos et à la remercier pour l'opportunité d'approcher l'univers de la mode. Avant qu'elle eut le temps de ranger son smartphone, l'écran se ralluma, et l'appel de Keitan le fit sonner dans sa main, sous les expressions triomphantes de Nori et Kaya.
— Allô ?
— Hey ! Alors, les photos ? Ça va ? Elles te vont ? s'enquit Keitan sur un ton de sincère préoccupation.
Le bruissement d'air et grondement de circulation qui filtraient par le haut-parleur lui indiquèrent qu'il se trouvait à l'extérieur.
— Elles sont très bien, oui , lui confirma-t-elle, un rien décontenancé. Je sais pas si c'est ce que l'agence voulait, mais...
— Mais oui, t'as été super ! Elles rendent très bien ! Tu recevras aussi un exemplaire du magazine avec les photos qu'ils ont sélectionnées. Donc s'il y en a que tu veux pas rendre publiques, surtout hésite pas à me le dire.
Thélia grimaça, avant de laisser échapper :
— Pour être honnête, il y en a que j'aurais préféré ne pas voir...
Une plainte mortifiée lui répondit.
— J'en étais sûr. J'aurais pas dû les laisser t'en demander autant, je -
— Non ! le coupa-t-elle. C'est pas ça ! C'est juste que c'est pas vraiment mon domaine, alors j'assume pas beaucoup. Mais elles me plaisent.
— Vraiment ?
Songeant aux commentaires de Nori, Thélia répondit :
— Vraiment. Si ça risquait pas de paraître un peu narcissique, je pourrais les encadrer.
L'esclaffement de l'agent la fit sourire avec complicité.
— Hésite pas, si ça peut t'inspirer pour tes dessins. J'attends toujours mon portrait.
— J'ai jamais dit que je le ferai !
— Tu as dit que tu devrais. C'est tout comme.
— Je vais y réfléchir, atermoya-t-elle.
Ce qui sembla contenter Keitan. Forcé de mettre fin à l'appel pour retourner à ses fonctions, il la salua avec son affabilité habituelle avant de raccrocher. Kaya et Nori, qui s'étaient écartées le temps de la conversation, mais avaient suivi ses réactions à distance, revinrent s'installer auprès d'elle, exultantes.
— Il t'a appelé dans la minute, jubila Nori.
Thélia soupira, sans se donner la peine de justifier la rapidité de Keitan par ses inquiétudes vis-à-vis des photos. Kaya brandit alors son propre portable.
— Je viens d'écrire à Fukurõ, annonça-t-elle. Pour lui proposer d'aller boire un café, à l'occasion. Entre la manif et le braquage, on a pas trop eu l'occasion de faire connaissance.
Thélia soupçonnait cependant qu'elle eut un autre motif en tête.
— Et tu fais ça juste après qu'on a parlé de Keitan, parce que...?
— Elle est la mieux placée pour décortiquer le spécimen, non ?
Setsuha et Oswald continuent de faire connaissance (aka le ship qui match le plus facilement)
Et les filles commencent à se poser des questions sur la relation Keitan/Setsuha...
Vous le devinez, elles vont donc se recroiser bientôt ~
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