Chapitre 1 : Interférence
Sacs de courses dans les bras, Thélia, Meesha et Bélonias refermèrent la porte du local derrière eux. Les deux jeunes Asters logeaient désormais dans un modeste quinze mètres carrés du squat, doté d'un clic-clac de récupération, d'une table basse et d'une étagère. Les lueurs du crépuscule pénétraient par une étroite fenêtre pour nimber l'espace garni de tapis et coussins de seconde vie. Peu adepte du rangement, la paire d'occupants avait étalé ses affaires dans tous les coins.
Thélia avait veillé à leur laisser de quoi payer la cotisation lorsque les collecteurs passeraient la réclamer. Meesha et Bélonias se préparaient des repas frugaux dans l'une des cuisines communes, avec les autres résidents de l'étage auprès de qui ils s'intégraient déjà, et partageaient les douches et toilettes collectives.
L'un comme l'autre ne disposant d'aucune source de revenu, Thélia les prenait à charge grâce à son salaire d'hôtesse au Lucent. En usant de tous les coupons de réduction qu'elle pouvait récolter et en se rendant aux épiceries solidaires, la thaumaturge parvenait à leur assurer de quoi subsister.
Elle ne doutait pas que Mystès, en hôte confirmé et populaire, aurait aisément pu subvenir à leurs besoins, or, depuis sa disparition, personne d'autre qu'elle ne pouvait endosser son rôle de protecteur des enfants. Chaque jour qui passait accroissait l'urgence de le retrouver.
Un paquet de farine en main, Thélia laissa son regard dériver à l'extérieur, vers le coin de ciel flamboyant qui se découpait quelques étages plus haut.
Melcor Nord, dans deux jours. Derrière les anciens hauts fourneaux. Vingt-trois heures.
La date convenue était arrivée sans que Thélia voit les jours passer. Depuis son réveil, elle ne pouvait s'empêcher de faire le décompte des minutes qui s'égrainaient. Un peu moins de trois heures restait avant la rencontre prévue entre Keitan et Cineád.
La figure tendue par l'angoisse, elle exhala un soupir sans parvenir à évacuer le nœud de nervosité niché dans ses entrailles. L'agressivité patente du pyrocien, son absence totale de miséricorde et la chaleur incommensurable de ses flammes, demeuraient vivides dans son esprit. Si Cineád ne se montrait pas enclin à la négociation et décidait d'ouvrir les hostilités, l'agent de l'URIAA se retrouverait à lutter pour sa vie.
Un doux effleurement fit balancer la tresse de Thélia. Meesha venait d'attirer son attention sur le vert de jade qui teintait ses yeux et ses cheveux sous l'effet de l'appréhension.
— Pourquoi t'es flippée ? questionna l'adolescente.
Thélia se mordilla la lèvre inférieure, tout en soupesant distraitement son paquet de farine. Son marché avec Keitan Adamer était soumis à la plus grande discrétion, mais la protection de l'agent s'étendait aux deux enfants... et ceux-ni n'avaient personne à qui rapporter ses agissements.
— Adamer est peut-être en danger, avoua-t-elle.
Les yeux sombres de Meesha s'écarquillèrent d'effroi.
— Comment ça ?
— Il a une rencontre prévue avec le pyrocien de Rigel... mais j'ai peur que ça tourne mal.
Sa mine pointue plissée par la réflexion, Meesha joua avec la pointe d'une de ses mèches sombres.
— C'est où ?
— Melcor Nord. J'ai cherché, c'est une zone industrielle.
Ce qui signifiait un lieu de rendez-vous considérablement isolé, dans un milieu truffé de pièges. Pour ne pas arranger la situation, même si Adamer n'était pas rentré dans les détails quand il lui avait révélé son intention d'entrer en contact avec Rigel, Thélia suspectait qu'il œuvrait de façon aussi officieuse que l'était leur accord. L'agent de l'URIAA ne pouvait donc pas compter sur le renfort de ses collègues. Il était seul.
— Quelle heure il est ? demanda Meesha alors que Bélonias, qui avait prêté l'oreille à la mention d'Adamer, s'approchait.
Thélia tira son portable.
— Vingt heures six.
— On a le temps de faire le trajet ?
Anticipant les intentions de Meesha, la thaumaturge voulut s'y opposer, avant de songer aux capacités extraordinaires de Khaos, l'entité greffée à Bélonias. Percevant son hésitation, l'adolescente insista :
— Bel est intouchable s'il laisse la place à Khaos, et mon Arété est idéal pour prendre la fuite !
Thélia savait qu'elle aurait dû hésiter. Chercher à se raisonner. Cependant, un seul coup d'œil à la mine volontaire du garçon et au rictus sans équivoque de Meesha fit s'emballer son pouls et électriser ses veines. L'impulsion d'agir l'emporta.
— On y va juste pour voir, martela-t-elle. Et on reste à distance.
Le temps que les deux adolescents enfilent des survêtements sombres, et ils se rendaient chez Thélia pour qu'elle se change à son tour. Par précaution, elle remplit une gourde d'eau, qu'elle fourra dans une sacoche.
Thélia dut leur payer les billets de transport ferroviaire, puis du bus qui conduisait à la zone industrielle de Melcor Nord, en périphérie de Bryvas. L'agglomérat d'usines et de raffineries s'érigeait contre le ciel nocturne, magnificence d'acier et de béton, suprématie de l'industrie lourde.
Il leur fallut alors effectuer à pied le reste du trajet, et le trio s'élança au pas de course. Le crépuscule mourant était empli du ronronnement des structures. Les éclairages électriques traçaient des routes d'un bleu néon au milieu des citernes et des tours illuminées de vert, tandis que les conduits tentaculaires et les cheminées s'embrasaient d'ocre.
Ils ralentirent le pas à l'approche de la localisation donnée par Cineád. Vestiges de la sidérurgie du siècle précédent, les hauts fourneaux, éteints depuis des décennies, étaient abandonnés aux ténèbres.
Le souffle court, son survêtement lui collant à la peau par cette chaude soirée de fin d'été, Thélia sonda les masses sombres formées par les cheminées et bâtiments désertés.
— Y a personne, s'étonna Meesha.
Déconcerté, le trio s'avança au beau milieu d'un carrefour, à la jonction entre diverses installations, où étaient censés se rencontrer le Rigel et l'agent. Ils ne demeurèrent qu'un instant interdits, avant qu'un rugissement de flammes ne s'élevât parmi l'écho des bourdonnements mécaniques. Tous trois pivotèrent alors qu'un brasillement bleu illuminait de l'intérieur l'un des bâtiments hors d'activité.
Thélia se mit à courir sans même y réfléchir, les enfants sur ses talons, le cœur cognant frénétiquement dans sa poitrine. À l'intérieur de l'édifice, l'éclat enflammé s'éteignit. Elle redoubla l'allure, et s'engouffra par le premier accès de service qu'elle atteignit. Les grilles sur lesquelles elle posa les pieds la forcèrent à adopter une démarche feutrée, par crainte que le fracas de ses semelles contre le métal ne signal sa présence.
Ses yeux s'écarquillèrent dans l'obscurité qui régnait. Elle protesta à mi-voix lorsque Meesha se faufila devant elle, mais referma la bouche en voyant ses pupilles dilatées miroiter de reflets phosphorescents. L'adolescent était manifestement plus apte qu'elle à ouvrir la voie. Au bout de quelques pas, ils grimacèrent et se couvrirent le nez. Des relents de fumée et de matériaux chauffés empuantissaient l'air confiné.
Les lieux n'étaient qu'un fatras de machines et d'appareils mécaniques entremêlés à un échelonnement d'escaliers et de passerelles, parmi lesquels se tordaient des faisceaux de conduits mangés de rouille. Thélia se sentit vite désorientée, mais l'adolescente devant elle les menait dans les entrailles de l'usine d'un pas sûr. La voix d'Adamer résonna tout à coup, sèche et maîtrisée :
— Cineád, ça suffit! On arrivera à rien comme ça !
Pour toute réponse, le feu gronda de nouveau. La lumière bleutée se répandit sur les structures alentour. Meesha s'élança avec souplesse sur les marches d'un escalier serré entre des rangées de valves, et les deux autres lui emboîtèrent le pas. La passerelle sur laquelle ils débouchèrent leur offrit une vue dégagée sur la scène qui se jouait en contrebas.
Ombre parmi les ombres, Adamer se coulait entre les installations afin de s'abriter des torrents embrasés que déchaînait le pyrocien. Celui-ci se tenait exposé, un rempart de flammes couvrant ses arrières, sa silhouette voilée de fumée. Même à distance, Thélia pouvait percevoir la torsion jubilatoire de ses traits, peints par les marques noires de son Arété.
— Commence par te montrer, alors, rétorqua-t-il sardoniquement.
Meesha fut la première à repérer l'agent. Son brusque mouvement de tête attira l'attention de Thélia. Adamer émergea avec lenteur de la pénombre vacillante.
— Qu'est-ce qu'il fait ? souffla l'adolescente.
Thélia fronça les sourcils, tout autant en proie à l'appréhension. L'hóplite s'avançait bras levés, les mains en évidence, ses lames rangées dans ses étuis dorsaux. Nimbé par le chatoiement azuré des flammes, il arborait une mine de sévère contrariété. Comme si les attaques du pyrocien représentaient davantage un désagrément qu'une véritable menace.
— On peut reprendre, maintenant ? interrogea-t-il avec une once d'impatience.
— Avec plaisir, siffla Cineád.
Et il dressa la main, doigts écartés, sa paume incandescente crachant des filets de fumée. Meesha se décolla tout à coup de la rambarde, pour fuser le long du passage à une vitesse fulgurante. En un clin d'œil, elle parvint au-dessus du pyrocien, se hissa sur la rampe, et se propulsa dans le vide. Thélia n'eut que le temps d'esquisser un geste dans sa direction en lâchant un hoquet de stupeur. Devenue une parfaite mécanique d'instinct et d'agilité, Meesha rebondit avec précision contre un conduit, ajustant son ange d'attaque.
Son visage éclairé de bleu arborait désormais deux longues larmes charbonneuses. Des taches noires constellaient son front et ses joues. Lèvres retroussées sur un mimique féroce, elle traversa le mur de feu en feulant. Pris de court, Cineád réagit trop tard pour riposter. Il pivota sur lui-même, les langues de flammes qu'il s'apprêtait à relâcher traçant un sillage circulaire autour de lui, mais n'eut pas le temps de viser son attaquante.
Il se déporta d'un saut en arrière. Les griffes de Meesha ne fendirent que le vide. Elle se réceptionna avec souplesse là où il se trouvait un instant auparavant, et émit un grognement courroucé. Dans son dos, l'Ether scintillait, esquissant une puissante queue mouchetée qui ne se décidait pas à s'ancrer dans la matière.
Thélia agrippa la rambarde avec une exclamation d'alarme au moment où l'adolescente accroupie relevait la tête... à quelques pouces de la main brandie de Cineád. La métamorphe se jeta de côté en même temps que se déployait la déferlante de flammes.
Adamer et Bélonias réagirent simultanément. Alors que l'agent s'élançait dans une gerbe de traînées argentées, traversant l'Ether pour filer au cœur de l'affrontement, le garçon plongea dans le reflet métallique d'un imposant conduit d'aération vertical. Thélia se précipita le long de la passerelle tandis qu'émergeait Khaos. Elle dévala les escaliers au risque de s'y rompre le cou, se coula entre les appareils poussiéreux, et déboula à la lueur des flammes.
Ses yeux et sa gorge s'asséchèrent aussitôt qu'elle pénétra dans les gondolements de l'air échauffé. Le rutilement ambré du regard d'Adamer, qui venait d'atteindre Meesha et de la saisir par le col, capta son attention. Il la scruta d'une façon indescriptible à travers la distance qui les séparait, et Thélia se sentit subitement glacée en dépit du braiser.
Puis la silhouette de l'entité se dressa derrière lui, sa peau ocre rutilant comme du métal poli, sa chevelure nivéenne resplendissant à la clarté dansante du feu. Adamer arracha les yeux de la thaumaturge pour se tourner vers l'entité. Ses lames de titane se déployèrent, mais Khaos avait déjà soulevé Meesha dans ses bras et disparaissait, aussi subit qu'un mirage.
Il réapparut à quelques pas de Cineád, lequel lui décocha une œillade d'incrédulité et de fiel. Tous deux face à face, iris céruléens confrontant la mare pourpre sous les cils blancs, l'un couvert de denim, l'autre drapé de son étole noire, ses boucles ondulant dans son dos, ils paraissaient deux démons incarnés.
Cineád écarta les bras, en posture d'attaque. L'ignition qu'il produisit au creux de ses mains siffla furieusement. Khaos étira un rictus de défi. Loin au-dessus de leurs têtes, les attaches d'un massif treuil électrique cédèrent tout à coup.
Thélia n'eut que le temps de voir Meesha crisper les bras autour du cou de l'entité, avant qu'ils ne disparaissent sous l'effondrement que produisit l'appareil dans sa chute. Lorsque le fracas des débris métalliques s'abattant plusieurs mètres plus bas cessa, ils réapparurent indemnes au milieu du désastre.
Cineád, en revanche, ne se dressait plus devant l'entité.
✧ ✧ ✧
Après que les derniers échos de l'effondrement se furent estompés, Keitan faillit lâcher un juron. Les quelques lames de son hóplonie dont il usait afin de quadriller le périmètre lui avaient permis de détecter à travers les fluctuations d'Ether l'arrivée de trois Asters. Seule la résonance du stylet qu'il avait confié à Thélia Kerdaphy l'avait empêché de les confondre avec des renforts du pyrocien.
Il croyait pouvoir maîtriser la situation, et pensait les tenir à l'écart en usant de ses couteaux de jet. Or il ne se serait jamais attendu à ce qu'ils réagissent de la sorte. Aussi instantanément. Avec une telle férocité.
Keitan promena un regard grave sur la scène. Son erreur de jugement lui revenait en pleine figure. Il avait grandement sous-estimé la bande de jeunes Asters. Trop accoutumés à orbiter hors du système, ces trois-là ne s'en remettaient plus à l'ordre qui le régissait. Ils devaient en outre être plus rompus aux situations périlleuses que la moyenne des citoyens, ce qui faisait d'eux des individus qui ne reculaient pas face à l'affrontement. Quiconque entrait dans un combat en étant conscient de se battre pour survivre devenait une menace sérieuse.
Khaos déposa la jeune Meesha Madani à terre et lui flatta le crâne, alors que Kerdaphy se frayait un chemin vers eux. Toutes deux fouillèrent les décombres d'un regard confus et incrédule. En dépit de la puanteur de fumée et de matériaux brûlés, Keitan prit une profonde inspiration. Davantage que de les avoir sous-estimés, il avait méjugé de leur état d'esprit.
Aucun d'eux trois n'avait d'intérêt à se trouver là ce soir. Rien ne nécessitait qu'ils se dressent face à Cineád. Rien, à part lui. Ils étaient venus pour lui. Et s'étaient interposés à la seconde où ils l'avaient cru en danger.
Keitan chassa les émotions contradictoires que ce constat fit naître en lui. Sa mission n'était pas encore accomplie. Effilées et rutilantes, ses lames fendirent l'air et se fichèrent dans chaque surface réfléchissante pour les fracasser. Le petit Bélonias Bacaria en fut expulsé, dissipant la présence son alter ego.
Alors que l'agent s'avançait vers eux d'un pas implacable, Meesha pivota vers lui, outrée, sa queue intangible battant derrière elle. Conscient de la présence de Cineád, tapis dans l'obscurité, il déploya ses couteaux tactiques, le visage fermé. Les deux jeunes femmes se raidirent, perplexes et alarmées. Kerdaphy ouvrait déjà la bouche, quand le fil de ses lames se positionna sous leurs gorges d'un mouvement vif.
Keitan darda ses yeux dans ceux de la thaumaturge. Il l'avertit d'un regard appuyé, dénué de l'hostilité que le reste de son être renvoyait. Elle cilla, la bousculade de ses pensées transparaissant sur sa physionomie, avant que ses iris et sa chevelure ne passent du vert menthe au corail. De l'anxiété à un semblant d'assurance.
Un sifflement impressionné, empreint d'ironie, précéda l'apparition de Cineád. Le pyrocien arborait un rictus sinistrement moqueur tandis qu'il scannait la situation.
— Je suis pas sûr de saisir ce que tout ça est censé prouver, joli cœur. À part le fait que tu trempes décidément dans des histoires louches.
Keitan s'évertua à afficher un détachement complet, et à tremper sa voix de fermeté.
— C'est seulement une bévue. Je m'en occupe.
— Ça règle la question pour ce soir, conclut Cineád avec un haussement d'épaules. Je vais réfléchir à ta proposition. T'en fais pas, je sais où trouver ta messagère pour te recontacter.
Le pyrocien coula un dernier regard vers Kerdaphy, avant de tourner les talons, drapés de la plus grande nonchalance. Keitan regarda le dos de sa combinaison ignifugée se fondre dans les ténèbres, et prit conscience de la cadence furieuse de son rythme cardiaque. Dès qu'il avait posé les yeux sur la figure en clair obscur de Cineád, la haine lui était montée à la tête. Le dessin facial de ses marques et l'anneau embrasé de ses iris demeuraient inscrits sur sa rétine comme une image résiduelle.
Keitan ne pouvait même pas être certain de la fructuosité de l'entrevu. Le pyrocien lui avait à peine laissé exposer ses termes avant libérer ses flammes contre lui. Quand le son de ses pas se fut estompé, Keitan fit s'abaisser les lames qui menaçaient les deux intruses. Sur une traction de sa volonté, son arsenal réintégra les rangées d'étuis fixés dans son dos.
Comme tirée de son inertie par le soudain mouvement, Kerdaphy ouvrit derechef la bouche, mais il leva la main pour l'enjoindre au silence. Il suivit les déplacements de Cineád à distance par le biais de ses lames, et n'abaissa le bras qu'une fois assuré qu'il avait quitté le périmètre. Alors ramena-t-il son regard sur la thaumaturge. L'exclamation qu'il retenait depuis leur arrivée éclata avant qu'elle ne puisse s'exprimer :
— Qu'est-ce qui vous a pris ?!
— On s'inquiétait ! protesta-t-elle d'une voix fêlée d'émotion.
— Vous êtes pas habilités à intervenir dans ce genre de situation, c'était totalement inconscient !
Keitan se rappela trop tard que les effusions d'humeur étaient sans effet sur elle, sinon pour la braquer davantage. Or sur le moment, il ne put se contenir. Les yeux de Kerdaphy devinrent deux gemmes améthyste sous ses sourcils froncés. Ses mèches se parèrent d'une surprenante couleur lilas.
— On a pas pris plus de risques que toi, fit-elle observer.
L'aplomb avec lequel elle assumait leur interférence tira un souffle estomaqué à Keitan. Il se passa une main dans ses cheveux coagulés de sueur pour les ramener en arrière.
— Tu oublies juste un détail : je suis un agent de l'URIAA. Prendre ce genre de risque, c'est ma mission.
La thaumaturge n'en démordit pas.
— Et si tes collègues, tes supérieurs, avaient su que tu allais rencontrer Cineád seul, ils t'auraient laissé faire ?
Bien sûr, puisque l'ordre émanait d'eux.
— C'est mon job, Kerdaphy ! C'est ce que je fais !
La chevelure de la jeune femme s'assombrit, au même titre que le violet de ses yeux.
— C'est absurde !
Keitan haussa les sourcils, frappé de stupéfaction, alors que son faciès se décomposait. Puis, il éclata de rire. Un rire sans joie, aussi amer que libérateur, qui déstabilisa les trois autres.
Parce que foncièrement, elle n'avait pas tort. Parce qu'il comprenait à quel point cette façade de surhomme taillé pour tout endurer était vaine, avec eux.
— Quelque part, ça l'est, peut-être, admit-il. Mais ça ne change rien. Je peux pas laisser des ados sans expérience affronter des Asters criminels.
— Je m'en suis très bien sortie contre le pyro ! intervint brusquement Meesha. Et Khaos est une entité centenaire transmise de génération en génération. Donc niveau expérience...
— Bélonias a douze ans, la coupa-t-il. Tu as failli finir carbonisée. Et vous n'êtes que trois, sans aucune institution pour vous soutenir.
Cette énumération indiscutable parvint finalement à les atteindre. Aucun d'eux n'argumenta davantage. Keitan en profita pour poursuivre :
— D'accord, vous savez vous défendre. Et j'ai pas de problème à ce que vous le fassiez si vous êtes attaqués. Mais intervenir dans des affrontements qui n'ont rien à voir avec vous, c'est hors de question.
La posture de Kerdaphy, jusqu'ici crispée par l'emportement, se relâcha. Une teinte pivoine coula dans ses mèches et ses iris.
— C'était exceptionnel, lâcha-t-elle, la mine contrite. Je pensais pas que ça irait si loin.
Ce qui confirmait ce qu'il avait déjà déduit : ils n'avaient fait fi des précautions que parce qu'il s'agissait de lui. Keitan se radoucit à son tour.
— Alors, faites en sorte que ça le reste.
Un début de tome qui passe tout de suite à l'action !
Avec une première rencontre échauffée entre Cinead et Keitan
Et puis je dévoile un petit peu l'arété de Meesha ! D'ailleurs, le type d'aster auquel elle appartient est assez présent dans l'histoire et sera développé dans ce tome
Un grand merci à toutes celles et ceux qui sont là pour ce deuxième tome, j'espère qu'il vous plaira !
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