c h a p i t r e q u a t r e
AMALIA ÉTAIT EN ARRÊT DEPUIS une petite semaine. Bien évidemment, elle continuait ses travails illégaux afin d'éviter d'être dans le rouge. Sa dépendance aux amphétamines se prononçait de plus en plus, bien qu'elle ne prenne "seulement" le double de la dose conseillée. À présent, elle vivait grâce à cela. Ces stupéfiants lui permettaient de ne plus penser une seule seconde à sa défunte mère. C'était le seul moyen qu'elle avait trouvé, et malheureusement ce n'était pas du tout le meilleur. Si elle n'en prenait pas toutes les vingt-quatre heures, elle tombait affreusement malade. De plus, coupler cela avec de l'alcool était plutôt dangereux. Même si elle le faisait quand même.
La jeune femme flanait dans son minuscule appartement, jonglant entre son téléphone et la télévision. En effet, Charles et elle n'arrêtaient jamais de discuter. Durant cette semaine, non stop -mis à part lorsque le pilote était occupé sur les circuits- ils étaient entrain de parler de tout et de n'importe quoi, s'appelaient, en facetime ou non.
C'était incroyable comment des liens s'étaient créés en si peu de temps pour les deux jeunes adultes. Cependant, Amalia était quelque peu... centrée sur elle-même. Après tout, cela arrangeait le brun, puisqu'il détestait parler de lui, et était plutôt discret concernant certains sujets. Au fil des discussions, Charles parvenait même parfois à calmer les crises d'angoisse et le chagrin d'Amalia.
Il était son nouveau pilier, la seule personne à qui se raccrocher, puisqu'elle n'avait plus personne. Aucune famille, aucun ami qui ne lui posait pas de problèmes. Rien de tout ça. Alors elle se rattachait à lui, sans savoir qu'ils étaient de vraies bombes à retardement. Prêtes à exploser à chaque instant, mais quand, personne ne le savait.
En attendant, Amalia fumait à la fenêtre de son appartement, réfléchissant au sens que pourrait avoir sa vie à présent. Que voulait-elle faire ? Sombrer ? Ou se relever et avancer ? Mais en était-elle seulement capable ? Aucune réponse à ces douloureuses questions.
***
De son côté, Charles était pensif dans sa chambre d'hôtel. Il venait d'arriver à Singapour pour le grand prix suivant sa victoire à Monza, il y a une dizaine de jours déjà. Néanmoins, il était tellement submergé par ses émotions en dehors de la formule un qu'il n'avait pas réellement le temps d'être déçu par quoi que ce soit. La nuit venait de tomber, il ne savait pas quand.
La notion du temps lui était égal. Ses écouteurs dans les oreilles, il était allongé sur son lit à regarder le plafond, comme si ses maux allaient s'en aller comme par magie. Il restait éveillé toutes les nuits, et d'énormes cernes apparaissaient à présent sous ses yeux. Tout le monde avait remarqué la fatigue du monégasque, mais personne n'osait vraiment lui faire de remarques là-dessus.
Sentant ses larmes arriver, il tenta de les refouler. Encore plus lorsqu'il entendit quelqu'un toquer à la porte de sa chambre. Il se leva après avoir coupé sa musique et alla ouvrir en essayant de paraître chaleureux. Qui pouvait bien le déranger de cette façon en pleine nuit ?
Mais quelle question. Il n'y en avait qu'une.
- Pierre, t'es matinal.
- Ouais je sais. Désolé de te déranger, mais j'ai clairement pas eu le temps de venir te voir avant. Je voulais savoir comment tu allais.
Pierre Gasly était un très bon ami de Charles, si ce n'était son meilleur ami, son confrère, qui courrait dans une autre écurie en formule un. Ils s'adoraient et s'épaulaient mutuellement, surtout lors de moments difficiles, comme l'événement d'il y a quelques semaines.
- Je te promets que ça va, Pierre. Merci de t'inquiéter.
- J'ai du mal à te croire. Je sais pertinemment que t'adores cacher tes émotions. Et si c'est pas ça, alors donne-moi ton secret pour surmonter ce qu'on vit. Parce que j'en peux plus de voir son visage tous les soirs en fermant les yeux.
- J'essaie de me changer les idées, tout le temps. Je pense beaucoup à lui, mais je fais des activités pour m'occuper l'esprit. Tu devrais faire pareil.
- Tu me dirais si quelque chose n'allait pas hein ?
- Évidemment, mais je te jure que tout va bien.
Menteur. Menteur. Il mentait à son meilleur ami dans les yeux, de manière ignoble.
Comment pouvait-il aller bien ? Il semblait au bord du gouffre, avec les décès bien trop rapprochés de ses trois piliers. Enfin, pour couronner le tout, lui et sa compagne venaient de se quitter, en de mauvais termes.
Néanmoins, il allait bien. À part ces problèmes, créant des crises d'angoisse qu'il devait gérer seul, des insomnies, et cette peur constante de perdre quelqu'un qui lui était cher.
- Je t'admire, Charles. De surmonter tout ce que tu traverses. Je suis fier de toi.
Son ami lui fit une brève accolade avant de quitter la chambre après une discussion d'une quinzaine de minutes. Les mots de Pierre tournaient en boucle dans sa tête. Il ne surmontait rien, comment les autres pouvaient-ils être fiers ?
Il souffla en essayant de faire taire ses pensées. Il sentait qu'il avait besoin de quelqu'un, profondément, près de lui. Le brun prit son téléphone et envoya un message à Amalia.
- Je sais que tu as fait quelques années d'étude pour devenir préparateur physique, tu veux que j'essaie de te trouver un stage dans le milieu de la formule un ?
Charles n'attendit aucune réponse. Il savait pertinemment qu'il allait pistonner son amie, mais pour le moment il avait cruellement besoin de quelqu'un qui pourrait le comprendre. Il mit le mode avion et augmenta le son de la musique. En inspirant et expirant doucement, il tentait de se détendre.
- Tout va bien, tout va bien... murmura-t-il pour lui-même.
Avant d'enfin trouver le sommeil, il crut sentir les regards de ses proches sur lui. Comme si, tous les trois, ils le surveillaient calmement. Ce manque se ressentait à chaque instant. Mais c'était réel. Les trois défunts observaient, impuissants, la personne qui les liait sombrer lentement et douloureusement. Des idées emplies de noirceur vinrent occuper l'esprit du brun alors qu'il admirait la ville éclairée du satellite naturel et des lumières artificielles.
Il se disait surtout qu'il était présent pour les autres, mais qu'il ne se passait jamais l'inverse. C'est vrai, tout le monde venait le voir afin de parler d'un quelconque problème, mais personne ne lui demandait réellement comment il allait, lui. Bon, après tout, il n'est pas très démonstratif et n'aime pas paraître faible, pourtant personne ne se souciait de ses problèmes. Si d'autres avaient quelqu'un à qui se rattacher, Charles lui, n'avait plus personne.
Ses trois proches décédés, la rupture avec sa compagne, tout s'enchaînait afin de le faire craquer, pour de bon. Bien évidemment, sa mère et ses deux frères étaient toujours présents, mais loin de lui pendant une grande partie de l'année. Alors ils étaient présents sans l'être vraiment.
Peut-être devrait-il partir. Les rejoindre, tous les trois. Néanmoins, il ne le pouvait pas. Quitter ce monde et le laisser entre les mains de ceux qui restaient, était purement impossible. Abandonner sa famille, ses quelques amis, son rêve, Amalia ? Non. Il avait encore tant de choses à accomplir, tant de personnes à sauver. Il se devait d'être présent pour les autres, quitte à se perdre lui-même.
Le brun pensait tellement qu'il en avait mal à la tête. Submergé par ses pensées, il tenta de trouver le sommeil qui mit du temps à arriver. Encore une nuit entrecoupée de mille et unes questions sans réponse.
Finalement, il avait encore été victime d'une insomnie. Insomnie qui l'épuisait au plus haut point. S'il ne réglait pas son problème et vite, il allait commencer à mettre en danger tous les pilotes du paddock sur les circuits, ainsi que lui-même. Essayant de chasser dès le matin ses pensées néfastes, il prit son courage à deux mains afin d'aller courir.
Dans les rues, il se sentait léger. La vie n'avait pas encore repris son cours, il était encore bien trop tôt pour cela. Musique dans les oreilles, il courait à en perdre haleine, tentant de se vider de toutes ses émotions. Il y parvenait. Il ne savait pas combien de temps il était allé courir, mais quand son compteur afficha une quinzaine de kilomètres et que ses jambes commençaient à flageoler, il se dit qu'il était peut-être temps de rentrer se reposer. La semaine venait de démarrer, mais il devait être en forme pour les essais libres de vendredi.
Chaque week-end, il courait pour les défunts. Monter dans cette voiture lui rappelait trop de souvenirs, autant mémorables que douloureux, mais ces instants dans sa monoplace le maintenaient en quelques sortes en vie.
En rentrant dans sa chambre d'hôtel, il prit une douche bien froide dans le but de se remettre les idées en place. Cela a-t-il fonctionné ? Pas tellement. Il broyait toujours du noir, il ne pouvait s'en empêcher. En stoppant l'eau, il entendit son téléphone vibrer. Comme un automatisme, il se précipita vers lui afin de regarder ce que c'était.
Ça se trouve, c'était totalement inutile.
Mais non, Amalia venait de lui envoyer un message, qui le fit sourire légèrement.
- Charles, ça serait tellement gentil de ta part, mais je ne veux pas profiter de notre "lien" pour avoir des facilités et des passes droits n'importe où...
À vrai dire, il s'attendait à ce genre de réponse. Même s'il la connaissait peu, il sentait qu'elle n'était pas du genre à profiter autant de quelqu'un. Elle ne semblait de toute manière pas préoccupée à faire cela vu l'ampleur de ce qu'elle traversait.
- Si je te propose c'est que ça me fait plaisir. En plus le stage est rémunéré, donc ça pourrait t'aider à réintégrer une école pour finir tes études, peut-être !
- Je sais même pas comment te remercier, vraiment, je t'en serai éternellement reconnaissante.
Charles souriait devant son téléphone. Discuter avec Amalia lui redonnait toujours le sourire, il ne voulait jamais que ça s'arrête. À présent, il fallait en parler à son écurie et surtout à son préparateur physique pour connaître toutes les modalités du stage.
S'il pouvait l'aider, ça serait tout bonnement génial. Peut-être que voir des personnes guérir pourrait l'aider à guérir lui-même. C'était ce qu'il tentait de se persuader, du moins.
En tout cas, cela pourrait lui être bénéfique, la présence de la jeune femme. Une seule nuit avait réussi à les rapprocher alors, qu'en serait-il des journées entières ?
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Je poste le quatrième chapitre tout juste avant le grand prix ! p2 pour Norris, quel plaisir je suis heureuse, je souhaite qu'il remporte sa première course même si ça paraît impossible... on verra !
J'espère que le chapitre vous a plu, à bientôt !
-alcools
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