✗⸻𝐞́𝐩𝐢𝐥𝐨𝐠𝐮𝐞;

⸻𝖊𝖕𝖎𝖑𝖔𝖌𝖚𝖊;
𝐀 𝐍𝐄𝐖 𝐏𝐑𝐎𝐋𝐄𝐌.

« Quoi..? »

Avec horreur, Takemichi fixait les pupilles de son interlocuteur. Elles tremblaient légèrement. Le bon à rien s'était brusquement accroché aux accoudoirs de son siège puis, ensuite, s'était redressé sur ses pieds.

« Je suis désolé. » déclara Naoto.

Le silence était comme incrusté dans le bureau du policier. Il était peint sur les murs, servait de parquet, il collait même aux meubles de la pièce. La voix de Naoto s'était fondue dedans tant il avait parlé doucement. Takemichi haletait. Ses yeux étaient grossièrement écarquillés, de manière presque comique, et sa bouche était ouverte sous la contrainte, tant il avait du mal à ne prendre ne serait-ce qu'une simple inspiration. C'était bien trop pour lui, tout ce poids sur ses épaules, il ne pouvait plus le supporter...

« Mais... Hanma.. Hanma il l'a sauvée ! J'étais présent ! Comment c'est possible ? »

Ses yeux se dispersaient sur les nombreux tableaux présents. Toutes ces théories, faits récoltés par Naoto et ses collègues depuis ces dernières années, il observait tout cela avec des yeux méticuleux. Ses propres pupilles tremblaient, il en avait même les mains trempées par la sueur. Un sentiment de terreur l'envahissait et ses tripes hurlaient à l'agonie. Puis, soudainement, son regard se bloqua sur une photographie. Hanma en compagnie d'une jeune femme.

Cependant, ce n'était pas celle qu'il avait sauvée douze ans plus tôt. Takemichi le sut sans un seul doute.

Cette photo ne témoignait en rien le souvenir qu'il avait d'elle, d'eux.

Elle était différente, pas seulement en terme d'âge, mais de couleur de cheveux, son regard était méconnaissable, tout comme son corps et la confiance avec laquelle elle se mouvait. Elle avait un grand sourire plaqué sur la bouche ᅳchose qu'il n'avait jamais vu chez la défunteᅳ et elle dégageait une élégance, une aura des plus somptueuses, totalement différente de la jeune adolescente qu'il avait récemment rencontrée. Ce n'était pas elle. Takemichi avait beau s'approcher de la photographie, l'observer, la détailler : le résultat était le même. Hanma avait tourné la page sur elle. Il l'avait oubliée.

« Hanma n'a rien avoir avec son décès. » reprit Naoto.

Takemichi serrait les poings. Un puissant sentiment de rage prenait possession de lui. Il luttait vainement afin de se contrôler. Voilà pourquoi il baissa la tête et sentit brusquement des larmes de frustration naître aux recoins de ses grands et très expressifs, yeux. Le calme de la pièce restait lourd, et seule alors la voix de Naoto vint la recouvrir.

« Elle s'est suicidée peu après. »

La mâchoire du noiraud se décrocha, si bien qu'elle aurait pu s'effondrer au sol.

« Quoi ? » répéta Takemichi en se tournant vers son acolyte. « Mais je pensais queᅳ Non. Ça ne fait pas sens. Ça ne peut pas être possible. »

« Elle s'est tranchée les veines. Ses parents ont identifié son corps, Takemichi.. Elle est morte. J'ai lu le résultat de l'autopsie et⎯ »

« Tu es sûr au moins que c'était un suicide ? »

« Les caméras de surveillance de son immeuble ne montrent personne aux alentours de son décès et il n'y avait aucun signe de lutte, ni d'empreintes. »

« Le gang de Asgard aurait très bien pu se venger ! » contesta Takemichi.

« Non. » répondit Naoto. « On a vérifié les alibis de tous les membres sauf de ceux qui étaient en prison. Tout était trop propre, ce gang n'est pas aussi méticuleux sur les détails. »

Le garçon restait silencieux. Les mots ne lui venaient plus. Morte..? Elle était morte ?

La gorge de Takemichi lui faisait mal. Ses sanglots l'empêchaient de parler et son cœur lui était si douloureux qu'il aurait donné toutes les richesses du monde pour que cela s'arrête. Cette impression d'être poignardé dans l'estomac, d'être éjecté hors de son corps et d'être secoué jusqu'à lui en donner la nausée le rendait pâle comme un drap. Il en haletait davantage. Naoto le regarda faire, impuissant et inconnu à ne serait-ce qu'un maigre pourcentage de ce qu'il ressentait en cet instant. Seulement, la simple vue de son ami, suffit à lui en briser le coeur.

Sous la respiration inquiétante de son compagnon, Naoto poursuivit.

« Je suis désolé de t'avoir entraîné dedans. » il murmura. « Je pensais vraiment que son rôle étaitᅳ »

« Il l'aimait. »

Les yeux du policier s'écarquillaient.

« Hein ? » il demandait.

« Hanma. » insistait Takemichi avec les larmes aux yeux. « Je peux pas croire qu'il soit passé à autre chose. Il était fou d'elle. »

Soudain, il arracha l'une des photographie présente sur le tableau. Il n'osa même pas jeter un regard à celle-ci, trop enragé pour ne serait-ce que croiser l'air plaisant sur le visage de Hanma et celle de cette inconnue, collée de manière déplacée contre son torse. Leur position lui donnait la nausée, leur sourire lui donnait la nausée et l'étincelle dans le regard de Hanma le rendait fou de rage. Il ne voulait pas y croire. Si il y croyait, alors il en deviendrait malade.

« Il s'est battu pour elle. Je n'ai rien pu faire mais lui, lui a réduit à néant Asgard, il l'a protégée alors qu'il aurait pu l'abandonner. »

« Ce gang aurait pu la tuer. » reprit-il. « Alors il l'a réduit à néant, de ses propres mains. »

Naoto jetait un regard dubitatif à la photographie.

Il observait le contexte dans lequel se tenait Hanma et la jeune femme, tout deux entrant dans un hôtel de luxe. Hanma tenait la demoiselle par la taille, souriant et l'observant avec un regard des plus indescriptibles, il la gardait près de lui, autant de manière protectrice que possessive. Alors que sa compagne, elle, vêtue d'une longue robe sirène, recouverte de somptueuses taches de maquillage, avait le visage figé dans une grimace qui le laissait estomaqué. Le mot belle aurait été trop insultant pour la qualifier. Elle riait tel un ange, le plus beau des anges. Hanma prenait bien soin d'elle, elle n'avait en rien l'air de son précédent amour. Elles étaient comme deux faces d'une même pièce. L'obscurité et la lumière.

Une question lui brûla la langue.

« Qui est cette femme ? » demanda finalement Takemichi.

Naoto reprenait ses esprits, quelque peu embarrassé.

« Uemura Sumiko. » répondit-il.

« Il n'y avait personne de ce nom quand je suis retourné dans le passé. Je la connais ? »

« Non, elle est la fille d'un important CEO. Elle s'est faite kidnappée pendant un temps, mais elle a été sauvée par Hanma lors d'une dispute entre gang et ils sont tombés amoureux. »

Takemichi ne pouvait pas y croire. Hier encore, il les observait se tenir la main et partager un écouteur chacun. Il jurait pouvoir encore les voir se dévorer du regard ou se protéger mutuellement comme deux buffles abrutis. Ce n'était pas que de l'amour, c'était presque une connection astrale, à laquelle même la mort ne pourrait pas y mettre un terme.

« Non. »

« Takemichi, tu reviens de douze ans en arrière... » soupira Naoto. « Beaucoup de choses peuvent changer entre temps. »

« Tu ne comprends pas. » insistait le noiraud.

« Bien sûr que je ne comprends pas. Je n'étais pas là-bas. » reprit-il avec colère. « Ce que je vois, pourtant, ce sont des faits, et ils sont sous tes yeux, Takemichi. »

Takemichi déglutit.

« Elle est morte, elle n'en pouvait plus. Et a sûrement fait du mal à Hanma, mais il a sut tourner la page. » conclut Naoto. « Ça ne devait être qu'un amour de jeunesse. Alors la sauver ne ramènera pas ma soeur, je pense. »

« Tu ne peux pas dire ça. »

Naoto se montrait égoïste, il ne pouvait pas y croire.

« Je suis juste réaliste. Takemichi, écoute.. »

Le policier passa une main nerveuse dans sa chevelure, il allait rapidement desserrer le nœud de sa chemise. Il déglutissait peu après, terriblement mal à l'aise. L'air devenait étouffant et le regard du noiraud n'aidait pas, au contraire. Son cœur battait fort et sa poitrine commençait à lui faire mal. Takemichi était têtu. Naoto était troublé par sa panique, il s'était bien trop attaché à des fantômes du passé.

« Elle avait l'occasion de vivre, mais elle a choisi de partir en paix. Alors laisse la. Elle a assez souffert comme ça, crois-moi. »

« Qu'est-ce que tu veux dire par là ? » s'étonnait Takemichi.

« Rien. » niait grossièrement Naoto. « Peu importe. »

Le policier finissait par jeter un dernier regard à la photographie avant de se retourner puis d'observer son bureau de sa place. Un sentiment de frustration l'envahissait. Toute cette réalité de nouveau changée, pour qu'au final le destin de sa sœur reste le même, pour que les méchants s'en sortent encore et salissent la mémoire de ceux qu'ils avaient précédemment aimé... Naoto cru devenir fou, cependant, il se reprenait. Il se raclait la gorge, puis se retournait en direction de Takemichi. Il ne voulait surtout pas laisser son ami dans cet état.

Le noiraud et le policier échangeaient un regard. Leur respiration se calma brusquement, néanmoins, leur cœur continuait de battre vite.

« Tu devrais rentrer. » lui proposa Naoto. « On y repensera demain, après un bon dîner et la tête reposée. »

Takemichi ravala ses larmes.

« Je n'aurais pas du m'énerver. » pensa-t-il soudainement. « Tu as raison. »

Le noiraud resserra sa prise sur la photographie, il ne la lâcha point. Les deux hommes vinrent alors s'observer l'espace d'une bonne minute, entourés par un silence poignant et une sensation âcre dans le fond de la gorge. Takemichi ne sut quoi dire de plus. Naoto fut dans le même cas. Alors, lorsque Takemichi quitta le lieu, en direction de son appartement, il le fit dans un silence de plomb. La porte se referma sur sa silhouette, et Naoto ne le retint pas. Il en avait assez vu comme ça pour aujourd'hui.

Durant une bonne heure, sous les rayons lunaires et le calme de la nuit, Takemichi marcha jusqu'à chez lui. Il ne s'arrêta point de pleurer, ni de garder précieusement, dans le creux de sa main, la photographie de Hanma et de sa nouvelle amante. Il errait, réconforté par ce calme nocturne.

Plus il y repensait, plus il revoyait des images de la jeune adolescente dans son esprit et plus il sentait sentait un écho de rage l'envahir. Le combat contre Asgard datait de quelques semaines pour lui, pas de douze ans. Il se souvenait alors parfaitement du regard qu'avait déposé Hanma sur sa petite amie. À chaque fois que l'occasion s'était présentée, il avait saisi sa main, ou l'avait regardée lorsqu'elle, ne l'avait pas fait. Ces coups d'oeil n'avaient pas simplement été doux. Hanma et elle avaient partagés quelque chose de bien plus intense qu'un amour de jeunesse. Les mots n'auraient su l'exprimer.

Hanma l'avait aimée à en mourir. Et toute cette frustration enfermée en lui, après sa "rupture" avec elle, avait été violemment rejetée sur le chef de Asgard. Hanma en avait presque perdu la raison à voir la fille qu'il aimait prisonnière des mains d'un homme aussi lâche et exécrable. Alors Takemichi ne pouvait pas y croire. Il ne pouvait pas croire qu'une femme aussi différente qu'elle pouvait avoir volé le cœur de Hanma. Il en était convaincu jusqu'au plus profond de ses tripes.

Malheureusement, cela ne changea pas la réalité.

Elle était morte.

Une fois arrivé devant la porte de son appartement, Takemichi essuya ses larmes du revers de sa main. Il renifla de manière disgracieuse et sentit sa lèvre inférieure trembler de manière exagérée. Il extirpa les clés de son chez lui de son pantalon, introduisit l'une d'elle dans la serrure et la fit tourner.

C'était à peine si il pouvait se faire à l'idée qu'elle était partie, mais alors celle que Hanma avait tourné la page... Il s'en sentait dévasté. Takemichi crut halluciner. La mort de Baji lui avait fait le même effet. Et il ne savait même pas si il pourrait s'en remettre. Il allait évidement s'en remettre, ce n'était qu'une question de temps et ce n'était pas comme si le choix lui était offert, mais la culpabilité et la tristesse allaient de nouveau le submerger et, en cet instant, il doutait sur le fait d'être capable de surmonter ce nouvel échec. C'était bien la première fois que ça lui arrivait.

Takemichi était épuisé.

Il voulait que ce cercle vicieux se stoppe enfin. Il ne comprenait plus.

Hinata, Baji, maintenant elle, et puis qui encore ? Takemichi n'en pouvait plus. Il ne voulait plus perdre personne. C'était bien trop douloureux.

Refermant finalement la porte d'entrée derrière lui, le noiraud ne tardait pas à froncer ses sourcils. Premièrement, et ce, même sans lumière allumée, il sentit un quelque chose émaner dans la pièce. Une odeur de propre y régnait. Chose étrange, puisque Takemichi n'était pas vraiment quelqu'un de soigné. Et, deuxièmement, des bruits étranges suspicieux provenaient du fond de la pièce, là où l'obscurité régnait, où les rayons lunaires de la nuit ne pouvaient parvenir.

Takemichi déglutissait. Il approchait une main tremblante de l'interrupteur de la pièce et le pressa avec terreur. Lorsque la lumière gagna le lieu, que les yeux du noiraud vinrent s'écarquiller d'effroi, il fit face à un tableau des plus traumatisants.

« Ohᅳ »

« Merde. » grogna Hanma.

Takemichi ferma immédiatement les yeux. Il s'écria d'embarras et plaqua brusquement ses mains sur son visage, la peau rosie.

« Je regarde pas ! » il hurla. « J'ai rien vu ! Maintenant levez vous de mon canapé »

La jeune femme éclata d'un doux rire contre la bouche du mafieux. Elle finissait de l'embrasser, dorant sa mâchoire de doux baisers humides, tout en lui offrant un regard des plus enjôleur. Elle abandonna ensuite sa précédente tâche pour se redresser, déjà bien loin des cuisses de son compagnon à langoureusement l'embrasser. Elle se lécha les lèvres, observant Hanma la dévorer du regard avant de tourner son attention en direction de Takemichi. Le noiraud restait assis, pas le moins du monde embarrassé par sa présence.

« C'est bon, fais pas ton gamin. » pesta la jeune femme. « Vu tout les magazines qui traînent dans ta piaule et les chaînes auxquelles t'as souscrit, t'es sacrément mal placé pour parler. Coquin va. » elle le taquina.

« On pensait pas que t'allait être de retour aussi tôt. » expliqua Hanma en terminant de refermer les boutons de sa chemise.

« Et puis faut dire qu'on se fait chier chez toi. » ajoutait la jeune femme. « On dirait pas que tu fais partie d'un gang. C'est pitoyable. »

« Hey. » s'exclama Takemichi. « Ça reste chez moi ! Un peu de respect ! »

Il observa la jeune femme avant de plisser ses yeux de colère. Et, alors qu'il raffermissait la prise de sa main sur la photographie qu'il persistait à tenir, il ne tardait pas à la reconnaître. C'était elle. C'était la fille du soit-disant CEO, celle dont Hanma était soit-disant tombé amoureux.

« Qu'est-ce que t'as à me fixer comme ça, abruti ? » cracha la jeune femme. « Me dit pas que t'es amoureux ? » elle se moquait.

Hanma éclatait de rire dans son coin. Une fois levé, il ne tardait pas à glisser ses mains sur la taille de la demoiselle ᅳcelle-ci recouverte d'une somptueuse robe de soie, parsemée de touche de dentelles, ainsi que d'un corset exagérément resserréᅳ avant de presser sa bouche sur la peau de sa nuque. Il haletait contre elle, suffoquant sous son odeur et grinçant des dents à la sensation de son cœur battant à toute allure.

« Hinata n'est morte que depuis quelques semaines. » elle reprit. « J'espère que tu tournes pas la page aussi vite que tu trompes. Ce serait pas étonnant, mais prends soin du peu de dignité qui te reste. Ce serait dommage vu ton statut dans le gang. Ça plairait pas à Mikey. »

Les yeux de Takemichi s'écarquillaient.

« Hey ! » il s'exclama de nouveau.

Accourant dans sa direction, il la pointa du doigt.

« Il n'y a qu'une seule fille qui a l'habitude de me parler comme ça ! » s'écria-t-il. « C'étaitᅳ »

Sa gorge se serra brusquement. Une montée acide le fit bruyamment déglutir tandis que Hanma et sa compagne vinrent le dévisager dans une même expression aussi ennuyée que répugnée. Finalement, la jeune femme esquissait un doux rire à la sensation des lèvres de son bien aimé remontant le long de sa clavicule jusqu'à sa mâchoire et elle croisa brusquement son regard alors que le sien se mit à pétiller en l'espace d'un simple instant.

« D'ailleurs. » reprit la jeune femme. « T'étais où ? Ça fait des heures qu'on t'attend. »

Ses yeux perçants retombaient sur Takemichi qui, lui, cherchait encore à digérer la nouvelle. Il relevait un regard sur son élégant visage, et laissait ses sourcils se froncer.

« Tu es morte. » il affirmait.

« Putain. Je savais que Hanma faisait dans la nécrophilie. » plaisanta-t-elle.

Rapidement, elle s'approcha du jeune homme puis, vint rapidement déposer sa main vernie de plusieurs bagues, toutes plus ravissantes les unes que les autres, ainsi que parfumée d'huiles essentielle parfumées, de bracelets, montre et, finalement, d'une somptueuse couche de vernis luxueux sur le bout de ses ongles, sur le haut de son crâne. Le tout contrastait vraiment avec ses cheveux gras, ils étaient tout en bataille, cependant, et, étrangement, la jeune femme ne dit rien à ce propos. Elle se contentait de lui sourire avec hypocrisie, puis de s'abaisser à sa hauteur. Ça lui ressemblait bien.

« Qu'est-ce que tu nous fais, hein ? » demanda-t-elle. « T'es en retard et en plus t'agis bizarrement. » elle observait.

« Nous dis pas que t'as oublié ce pourquoi on a accepté de revoir ta sale face. » se risqua à demander Hanma d'un ton menaçant. « Ce serait tellement dommage. »

« Non.. j'aiᅳ je... »

Soudainement, la demoiselle retira sa main du sommet de la tête de Takemichi pour plonger ses doigts dans son décolleté. Peu après, elle en extirpa un téléphone portable et le tendit sous nez. Elle le dévisageait curieusement, guettant la réaction surprise de celui-ci.

« Tu m'avais garanti que si tu t'en occupais, Mitsuya ne m'en voudrait pas. » affirma-t-elle. « Tiens ta promesse. »

« Mitsuya n'est pas au courant que tu es en vie ? » s'étonna Takemichi.

« Bien sûr que non, triple buse. T'es idiot ou tu le fais exprès !? Toi et Hanma êtes les seuls à le savoir. » s'énerva brusquement la jeune femme. « Hinata aussi était supposée l'apprendre, mais elle a été tuée avant de... »

La demoiselle fut incapable de terminer sa phrase. Takemichi guetta la réaction de Hanma. Il restait impassible. Son regard croisa le sien et Takemichi sentit sa mâchoire grincer sous le coup de la colère. Puis, finalement, il murmura le prénom de la jeune femme, attirant ainsi son attention et planta un regard des plus sérieux dans le sien.

« Quoi ? » elle demandait.

« Est-ce que tu sais qui a tué Hina ? »

« Hanma m'a expliqué que c'était des ennemis du gang. Mais pourquoi tu me demandes ça ? » s'étonna-t-elle avec une mine perplexe. « Tout le monde le sait. »

« Bien. Je vois. »

Takemichi n'osa point lui avouer la réalité. Il ne pouvait pas, il était terrifié. Hanma aurait pu lui arracher tant de choses pour avoir simplement révélé la vérité. C'était lui le meurtrier d'Hinata, lui qui, aux côtés de Kisaki avait tout orchestré. C'était lui qui l'avait privée de revoir son amie, d'apprendre que sa mort n'avait été qu'une mise en scène, et d'avoir pu profiter de toutes ces années devant elle.. C'était Hanma qui l'avait encore manipulée et privée de tant de choses en l'espace d'une fois. Il lui gâchait la vie en contrôlant ses moindres faits et gestes.

« 'Machin. »

La jeune femme insistait en lui tendant son téléphone portable.

« T'as le numéro de Mitsuya ? » elle demandait. « Et j'espère que t'as bien choisi la date de notre rencontre. »

Le noiraud la regardait avec surprise, un peu confus. Il la toisa, puis Hanma à son tour. Il restait muet le long de trente bonnes secondes avant de déglutir puis de sortir son propre portable de sa poche.

« Oui, euhm. Bien sûr. » il balbutiait.

Les deux amis vinrent rapidement échanger leurs contacts.

« Cool ! J'espère qu'il sera content de me revoir ! »

« Mitsuya t'a toujours bien aimée. » sourit Hanma en allant doucement saisir sa main.

« Je sais.. » murmurait la demoiselle. « Mais maintenant que je fais partie d'un gang, que cette fille est morte par ma faute et cette fausse identité... »

Takemichi se sentait à deux doigts de l'évanouissement. Il regardait les deux âmes sœurs s'enlacer et partager peur et réconfort dans de doux murmurs. Il ne ressentit ni jalousie ni une quelconque chaleur agréable l'envahir à les voir, seulement de la terreur. C'était monstrueux. Hanma n'avait pas tourné la page, au contraire. Il n'était désormais qu'un surplus d'obsession, de toxicité. Qu'avait-il donc fait à ce CEO pour obtenir ce faux témoignage ? Et sa vraie fille alors, s'était-elle vraiment sortie de ce kidnapping ? Toute cette histoire prenait un tournant troublant.

Takemichi émettait plusieurs hypothèses les plus horribles que les autres en ignorant le doux spectacle qui se déroulait sous ses yeux.

« Arrête tu me chatouilles. » rit brusquement la jeune femme. « Ahᅳ hey, pas ici ! »

Hanma embrassa la tempe de sa compagne dans un rictus moqueur avant de déposer un regard sur Takemichi. Il le voyait se perdre dans ses pensées tandis qu'une expression d'horreur baignait sur les traits grossiers de son visage. Hanma finissait par hausser les épaules.

« Il a vraiment l'air con. »

La constatation de la jeune femme le fit sourire.

« On devrait le laisser dans son merdier. » proposa-t-elle. « En plus on a une réservation au restaurant, oublie pas. »

Hanma hocha la tête. Rapidement, la demoiselle glissa ses doigts sur sa main jusqu'à entremêler les siens à ceux du noiraud. Hanma la sentit faire et le contraste entre sa main veineuse, imposante et salie par le travail de gangster et celle douce, frêle et dorée de décoration coûteuse, fit rater un battement à son pauvre cœur. Hanma ne put résister à l'envie de regarder leurs mains enlacées. Ce spectacle le rendit fou de joie. Il y jetait un coup d'oeil et fut incapable de détourner le regard.

« Allons-y. » affirma-t-il peu après.

Takemichi fixait le sol. Ses yeux restaient écarquillés de manière exagérée et ce fut à peine si il respirait. Il semblait hors de son corps. Alors, il n'entendit point la jeune femme et Hanma quitter son appartement miteux, il ne réagissait que quelques temps plus tard, alors qu'il entendait des rires éclater au niveau de l'escalier extérieur. Takemichi manqua de trébucher. Tout lui revenait en pleine face, si bien que la violence de ceci lui fit prendre une immense inspiration. Il en avait mal aux poumons. Takemichi hoqueta d'horreur, pris par la panique.

Il finissait par rassembler son courage à deux mains, et se ruer vers la sortie de son appartement. Il pressait la poignée, écrasait la photographie au sol et, cherchait du regard la jeune femme, brusquement saisis par le besoin de la revoir, de lui dire quelque chose. Il la voyait s'éloigner des escaliers et se diriger, en compagnie de Hanma, hors de sa location.

Il en oubliait la porte grande ouverte donnant sur son appartement. Takemichi courait, il n'avait pourtant pas l'impression de les rattraper mais il courait aussi vite qu'il le pouvait. Sa gorge lui faisait mal. Que dire ? Que faire ? Hanma n'avait pas le droit de lui mentir ainsi dans les yeux, elle avait toutes les raisons du monde de savoir que l'homme de ses rêves faisait partie de ceux qui avait comploté contre Hinata. C'était même plus qu'un droit, c'était un devoir. Takemichi se précipita jusqu'à elle dans l'espoir de la sauver, ce simple fait manqua de lui donner des ailes. Takemichi s'arrêta une fois devant la balustrade : Hanma et la jeune fille avaient depuis longtemps descendu l'escalier. Ils se trouvaient à quelques mètres de là en bas.

Et finalement, dans cette douce pénombre éclairée par les ravissants rayons lunaires de cette nuit de pleine lune, Takemichi les contempla échanger un doux baiser.

La jeune femme s'accrochait aux avants-bras du gangster, les yeux clos, mise sur la pointe des pieds de ses immenses talons aiguilles et la nuque emprisonnée dans sa main ferme. Hanma la gardait contre lui. Son autre main restait autour de sa taille, son pouce y fit de doux gestes circulaires, faisant brusquement accélérer les battements de son cœur. Hanma rougissait bêtement, et elle esquissait un sourire idiot contre lui. Il la tenait avec toute la douceur et tout l'amour du monde. Il l'embrassait avec la peur de la réduire en morceaux.

Et alors qu'ils vinrent enfin se séparer, Takemichi sentit une brusque douleur le saisir dans la poitrine. C'était un fait et il lui tomba en plein coeur.

Takemichi sut qu'il n'était pas en position de la priver de ce bonheur, aussi faux était-il. Il en était incapable. Elle le regardait avec amour, légèreté. Elle était entièrement envoûtée. Jusqu'à preuve du contraire, elle ne le croirait pas et si, par pur hasard, elle voyait une once de vérité dans son récit, elle finirait sûrement par en mourir de chagrin. Takemichi se retrouvait dans une impasse, à les voir ainsi, blottis l'un contre l'autre, il ne sut quoi faire. Impuissant et faible, il se sentit mal. La gorge nouée, le noiraud contempla le tableau dessiné sous ses yeux avec l'effroyable pensée que cette scène d'amour jouée sous ses yeux, à quelques mètres de là, n'était que la face cachée de l'iceberg.

Hanma la voulait près de lui.

Et elle le voulait près d'elle.

Ensemble, ils avaient dû tuer, voler, torturer et planifier tant de choses ignobles. Takemichi n'arrivait pas à croire que l'adolescente qu'il avait désespérément cherché à sauver se soit transformée en une demoiselle aussi matérialiste. Aveuglée par son nouveau train de vie, elle était méconnaissable. Au final, Takemichi était conscient qu'il n'y pouvait rien. Il faisait face à ce poignant tableau : la jeune femme, le visage détendu par un sentiment de sécurité, pressée contre le torse de Hanma, embrassée par ses bras et reposant son entière confiance sur l'homme qui avait assassiné sa plus proche amie, tout en sachant parfaitement que, dans ce futur, il avait de nouveau échoué. Hinata était morte et elle, était tombée entre des mains auxquelles il avait fait autrefois confiance.

Au loin, Hanma jeta un regard à Takemichi. Il conservait la tête de la demoiselle contre son torse, ses yeux rivés en direction du noiraud. Il le foudroyait du regard. Peu importait la distance qui les séparait, le vide les entourant, Takemichi pouvait parfaitement sentir la menace de mort qui planait sur lui. Hanma le regardait de ses beaux yeux dorés, ceux-i sintillants dans la pénombre de la nuit. Hanma était conscient qu'il représentait une menace pour son couple. Takemichi en savait bien trop. Il ne pouvait pas se risquer à perdre celle qu'il aimait.

C'était donc un compte à rebours, avant qu'il ne se charge aussi de lui.

Il était le prochain sur sa liste.

Ainsi donc, la fille dont il était amoureux depuis sa tendre enfance resterait sienne, entièrement dépendante de lui, aveuglée par l'admiration qu'elle lui portait, sans se rendre compte du monstre qu'il était devenu, car Hanma n'était plus le gentil garçons qui l'avait autrefois protégée et aimée et ce, pour toujours et à jamais. Il n'était plus qu'un hors la loi, un assassin.

Takemichi regarda la demoiselle et le gangster quitter l'endroit de sa location, il le fit sans bouger un muscle car il savait qu'il ne pourrait rien n'y faire. Main dans la main, ils avancèrent, baignés par une splendide pleine lune et disparurent ensuite, sans ne laisser aucune trace de leur passage. Takemichi ne sut ni quoi dire, ni quoi faire, alors, à l'instar de partir à la poursuite du couple, il resta stoïque pendant plusieurs minutes. Incapable de mettre des mots sur la situation. C'était une catastrophe sans nom.

Il avait tant donné, pourtant rien n'avait changé.

Il avait voulu sauver les deux, Hinata et son amie. Et cette fois-ci, il avait encore échoué.

⸻𝖊𝖓𝖉 𝖔𝖋 𝖙𝖍𝖊;
𝐅𝐀𝐍𝐅𝐈𝐂𝐓𝐈𝐎𝐍.

⸻ᅳ𝖜𝖔𝖗𝖐 𝖇𝖞;
@_𝐒𝐇𝐎𝐄𝐒𝐔𝐊𝐄_

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