𝐏𝐑𝐎𝐋𝐎𝐆𝐔𝐄
— A M E A S S E R V I E —
cw : mention d'une
tentative de suicide
武士は食わねど高楊枝
S02E01
MA RÉTINE ME BRÛLE à mesure que je fixe l'intensité des néons accrochés au plafond mais je ne me détourne pas de cette vision. Je sens mes yeux s'assécher et des tâches noires commencent à obstruer le simple paysage auquel je suis accoutumée depuis deux années maintenant. Et sans doute est-ce à cause de celui-ci précisément que je fixe sans relâche cette lumière brûlante.
Car, après tant de jours ici, je préfère m'aveugler que de m'éterniser davantage sur la cage que j'occupe.
Murs, plafond et sol blindés. Du métal argenté dans lequel je ne peux même pas observer mon reflet me tient lieu d'habitat. Au sol, un matelas encrassé constitue le seul meuble de cette pièce. Et je l'occupe constamment. Y compris maintenant.
Mon dos s'enfonce dans ce coussin moelleux et profondément sal tandis que je regarde le plafond, me demandant de quoi j'ai l'air sous ces lumières si peu avantageuses. Cela fait longtemps que je n'ai pas vu mon reflet dans le miroir. Il n'y en a pas, dans la salle de bain à laquelle on me tire tous les jours.
Les conditions de détention dans la Prison Ina ne sont pas des plus déplorables mais ne sont tout de même pas un modèle de confort. Encore, je m'en tire à bon compte. Je sais pertinemment que je bénéficie de nombreux avantages. Je ne suis pas aveugle.
Chaque jour, j'ai le droit à deux heures de balade dans la cour où je bénéficie de la lumière du soleil. Mon uniforme de prisonnière est lavé une fois par semaine — contrairement aux autres détenues qui se trainent le même depuis leur arrivée. Je prends ma douche aux horaires où personne ne se trouve dans les salles de bain, me laissant une intimité que mes chères colocataires ne connaissent pas. J'ai le droit à une cellule tout de même large — bien que profondément déprimante — où aucune compagne de chambre ne perturbe ma tranquillité et, très souvent, j'ai même un visiteur qui se présente à l'entrée de cette cellule.
Mais jamais je n'ai accepté de le voir. Car, même s'il est la raison cachée derrière tous ces avantages, il demeure aussi celle à l'origine de ma détention. Et d'une tentative de suicide.
— Les joies du sentiment de culpabilité..., je chantonne tout bas, les dernières images que j'ai de cet homme me revenant en tête malgré moi.
Un sourire étire mon visage. Nous sommes lundi. Et, si la plupart des cadeaux dont je bénéficie sont quotidiens, il en existe un — bien plus important que les autres — qui survient chaque lundi à huit heures précise.
Et il ne devrait d'ailleurs pas tarder.
Comme si l'univers venait d'entendre ma pensée, le bruit strident et particulièrement sonore de la porte blindée se déverrouillant retentit dans la salle de métal. Je ne prends même pas la peine de jeter un regard en direction de l'entrée. Je sais qui s'y tient. Le même homme depuis deux ans. Celui qui n'a de cesse de me rabâcher cette proposition si stupide.
— Je refuse, je lance avant même qu'il n'ait l'occasion d'ouvrir la bouche.
Il ne tique pas. Il est habitué. Le même cirque se déroule dans cette cellule depuis vingt-quatre mois maintenant, chaque lundi à huit heures précise.
Du moins, à un détail près. Car aujourd'hui, il ne tourne pas les talons sans rien n'ajouter de plus. Non. Au contraire, il parvient même à déclarer quelque chose qui me pousse à me tourner vers lui.
— Aizawa est blessé, mademoiselle (T/N).
Ma réaction est immédiate. Mes yeux, déjà ouverts, s'écarquillent en entendant ces mots. D'un geste brutal, je me redresse sur mon matelas miteux, posant pour la première fois les yeux sur cet étrange personnage depuis plusieurs mois.
Malgré les tâches noires obstruant mon champ de vision suite à ma session d'aveuglement grâce aux néons, je parviens à distinguer la minuscule silhouette animale qui me rend visite hebdomadairement depuis deux ans. Sa fourrure blanche recouvre une tête d'ours zébrée d'une large cicatrice ancienne sur son œil gauche. Mais cette dernière n'enlève rien à l'aspect sympathique de son visage. Tout comme le costume soigné et stricte qu'il porte ne parvient pas à lui conférer une allure professionnelle.
Pourtant, je me méfie des deux billes noires profondément compatissantes qui lui servent de yeux ou même de ses oreilles blanches dressées qui lui confèrent une allure de chat de calendrier. Car cette créature, au même titre que les monstres qui travaillent sous ses ordres, cache bien son jeu.
Et j'en ai fait les frais.
— Il est..., je commence d'une voix teintée d'une si grande lueur d'espoir et avec un sourire si large qu'il est impossible de douter de mes intentions.
— Son état est stable, il sortira de l'hôpital bientôt, me coupe le proviseur du lycée Yuei avant même que je ne termine mon propos.
Je soupire. Même si l'idée de ne pas être responsable du décès de cette ordure m'aurait gênée, celle qu'il survive à des blessures si graves que Nezu se sente obligé de me les mentionner me taraude beaucoup plus.
Je détourne mon attention de mon interlocuteur et me rallonge sur mon matelas, ma joie aussi vite dissipée que mon excitation apparue plus tôt.
— Un groupuscule se faisant appeler la Ligue des Vilains a attaqué l'un de nos terrains d'entrainement. Aizawa a défendu ses élèves au péril de sa vie et, aujourd'hui, avec un crâne brisé et un coude sévèrement amoché, je me dois de vous admettre que notre proposition tient non seulement toujours mais que je suis prêt à insister davantage pour que vous l'acceptiez.
Un rire franchit mes lèvres. Bien évidemment, si ce cher Eraser Head est blessé, d'autres raisons les poussent à réitérer la proposition qu'ils me font depuis deux ans maintenant, chaque lundi à huit heures.
— Donc, si je résume bien..., je lâche d'un ton joueur. Votre cher Aizawa m'a jetée dans ce trou à rat, il y a deux ans et son sentiment de culpabilité est tel que, en plus de faire jouer ses relations avec le directeur de cette prison pour que je sois mieux traitée que quiconque, il envoie son cher patron me demander chaque lundi si je veux bien devenir professeure dans son école de pacotille. Et aujourd'hui il en a encore plus besoin que d'habitude parce que monsieur est trop blessé pour faire cours tout seul comme un grand.
Je marque une brève pause, abasourdie par l'audace du lycée Yuei. Après m'avoir mise en prison et pris ce que j'avais de plus cher, comment pouvaient-ils décemment revenir la bouche en cœur, faisant semblant de me proposer une liberté inespérée ?
— Vous ne deviendrez pas professeure, corrigea le proviseur de sa voix douce. L'accord passé avec le juge stipule que vous finissez votre peine de prison sous la garde d'un héros et le professeur Aizawa, compte tenu de la nature délicate de votre première rencontre, s'est proposé de devenir ce référent et surveillant. Bien sûr, vous l'assisterez dans ces cours en lui offrant votre aide. Etant donné que votre tâche servira à éduquer des élèves, l'Etat le perçoit comme un service rendu à la nation et comptera cela comme des heures d'intérêt général qui raccourciront votre peine.
Il se tait un instant pour déglutir.
— Mais vous ne serez pas employé du lycée Yuei. Vous n'aurez pas de salaire. Et un bracelet électronique vous sera constamment accroché au mollet. Même si vous vivrez à l'extérieur, il est important que vous réalisiez que vous ne serez pas libre, insista-t-il. Vous avez commis un crime et, dehors, vous ne serez qu'une criminelle purgeant sa peine de façon peu orthodoxe. Mais vous ne serez pas encore en réinsertion. Cet accord n'annule pas magiquement votre sentence, elle l'organise autrement, voilà tout.
Je ne réponds rien. Evidemment que je le sais, cela fait deux ans que lui et les gardiens ne comprenant pas mes éternels refus à cette proposition me le rabâche. Les termes sont clairs, précis. Et, même si je ne serais pas payée, n'importe quelle prisonnière rêverait d'être à ma place.
Seulement accepter cela m'a toujours été compliqué. Du moins, jusqu'à aujourd'hui.
— Qu'en dites-vous, mademoiselle (T/N) ? il reprend après un silence pesant. Cinq ans sous la surveillance d'Aizawa en tant qu'assistante d'éducation dans un lycée réputé ou encore vingt-trois à passer dans cette cellule ?
Un faible rire franchit mes lèvres. Cette proposition, je l'ai entendue un nombre incalculable de fois. Aussi alléchante qu'insensée. Pourquoi diable un juge qui m'a condamnée à errer vingt-cinq ans dans ce trou a soudain, du jour au lendemain, signé un accord pour me faire sortir de là et définitivement libérée au bout de cinq ans ? Cela n'a aucun sens, un tel écart d'années entre les deux peines.
Je l'ai retourné et étudié, au cours de ces derniers mois, cet étrange accord. J'ai cherché à y déceler le loup caché. C'est trop beau pour être vrai. Et, de surcroît, me donnant encore plus envie de refuser, l'homme qui a tant insisté auprès du juge pour trouver cet accord est Eraser Head.
Mais, aujourd'hui, c'est différent.
— J'accepte.
Je sens la surprise du proviseur malgré les mètres qui nous séparent. Et je n'ai même pas besoin de le regarder pour deviner l'air ahuri sur son visage. Après deux ans à se déplacer chaque lundi pour une entrevue si brève avec moi où je finis inlassablement par refuser sa proposition avant même qu'il n'ouvre la bouche, il est assez surprenant de m'entendre finalement y consentir.
Mais quelque chose change la donne. Et il s'en doute car il laisse filer un :
— Si je puis me permettre, mademoiselle (T/N)... Pourquoi maintenant ?
Un rire narquois franchit mes lèvres.
— Ça me semble assez évident, enfin...
Là, ma tête reposant sur mes bras pliés sous elle, je baisse les yeux vers mon interlocuteur. Je sais, à son regard vif et quelque peu alarmé, que mon sourire vengeur lui fait froid dans le dos.
— ...je veux voir ce qu'est un Eraser Head blessé au point de supplier mon aide.
La cicatrice du proviseur brille légèrement sous la lueur des néons blancs. Je sais qu'il n'a pas peur de moi sur le plan physique. Je doute moi-même d'être capable de vaincre ce petit être. Il est, après tout, particulièrement intelligent et cela lui est d'une grande utilité en période de combat.
Mais, là, maintenant, je devine son désemparement face à mon regard injecté de sang et mon sourire carnassier. Il sait combien je hais son cher professeur à l'allure de lendemain de soirée. Je suis même sûre qu'il ne comprend pas pourquoi ce dernier cherche tant à m'aider. Ou peut-être qu'il comprend, justement, mais désapprouve.
Je ne mérite pas la liberté. Pas après mes actes. Mais Eraser Head non plus et jamais il n'en a été inquiété.
Ce jour-là, nous avons tous les deux fautés. Et, au regard de la loi, il mérite plus que moi une place en cellule.
Cette injustice me ronge autant que ma douleur. Après ce qu'il s'est produit, comment a-t-il pu filer entre les mailles de la justice ? Ne même pas être soumis à un procès ? Sous prétexte qu'il est un héros ayant rendu service à son pays à de très nombreuses reprises, comment a-t-on pu le laisser s'en aller malgré un crime aussi atroce ?
Des images de ce dernier me reviennent. Une bille de haine remonte le long de mon œsophage et obstrue ma trachée.
— Je sais que vous n'appréciez pas l'idée que je sorte d'ici, monsieur le proviseur, je lance tandis que ce dernier se tourne vers la porte, prêt à rebrousser chemin. Mais ne vous inquiétez pas, je serais bientôt de retour.
Je le vois s'arrêter dans ses gestes du coin de l'œil. Il s'est immobilisé mais ne prend pas la peine de me demander de poursuivre mes propos. Il sait très bien ce que je sous-entends par là. C'est d'ailleurs ce qu'il craint le plus.
— Et oui, Einstein, je ris tandis qu'il me montre le dos, raide sur le seuil de la porte, sa fourrure étincelant sous les néons. La cellule n'aura pas le temps de refroidir que je serais déjà de retour.
Un rire franchit mes lèvres à l'idée d'accomplir mon dessein. Et je termine ma phrase, les yeux brillants d'espoir :
— Car je vais profiter de cette fausse liberté pour tuer Eraser Head.
武士は食わねど高楊枝
2070 mots.
prologue un peu court
mais je me rattraperai
dans les prochains
chapitres !
sur tiktok, vous m'avez
donné l'impression de
VRAIMENT vouloir
cette fanfiction avec
aizawa alors la
voici
finalement je vais toutes
les publier dans cet
ordre :
lundi - âme asservie
mardi - la voix des
martyrs
mercredi - le vent divin
jeudi - sans manières
vendredi - ultime souhait
samedi - sous les cartes
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top