𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟒
— A M E A S S E R V I E —
武士は食わねど高楊枝
• S 0 2 E 0 5 •
STUPIDE. ABRUTIE. ECERVELEE. Débile. Conne. Imbécile. Bête.
Tant de mots tournent en rond dans mon esprit en ce moment précis. Tant d'adjectifs me décrivant parfaitement. Tant de lettres à poser sur mes profonds regrets quant à la soirée d'hier.
Et, en ce jour de fête, je la rumine amèrement.
Le championnat de Yuei prend place dans un large bâtiment circulaire. Dispersé autour de celui-ci, une centaine de stands garnis de sucreries, en-cas et produits dérivés ont été installés mais je n'ai eu le temps de trop bien les voir. Avant même que la voiture ne finisse de se garer, ce matin, Midnight — qui la conduisait — m'a menée dans l'enceinte du bâtiment et jusque dans la loge privilégiée des présentateurs.
Ceux-là se composeront — lorsqu'ils seront au complet — de deux hommes. Le premier est déjà à mes côtés et aussi enseignant à Yuei. Sa coupe atypique est ce qui le distingue du plus des autres, se résumant en de longs cheveux blonds dressés à la verticale sur le sommet de son crâne en une virgule dorée. Sur ceux-là, un casque audio épais couvre ses oreilles, lesquelles supportent aussi des lunettes blanches aux verres orange. Entre cela, son sourire impérissable et sa moustache semblable à des barres de flippers, il n'est sûrement pas de ceux que l'on oublie facilement.
Du moins, surtout si on considère, en plus de sa dégaine particulière, sa voix bien trop sonore.
— On vaaaaaa y allEEEERRRR ! Yeeeeees AAAAIIII ! hurle-t-il dans la loge depuis tout à l'heure.
Mes tympans saignent déjà. La compétition n'a pas encore commencé et les gradins ne cessent de se remplir mais lui est déjà au taquet. Et, sachant que je vais devoir le supporter une journée entière, je songe à me faire de nouveau incarcérer pour meurtre.
Nous nous trouvons dans une loge aux murs de verre. Devant nos yeux, un comptoir affublé de trois chaises s'étend et donne directement sur le terrain. Sous nos pieds, autour de nous et au-dessus, divers gradins pouvant sans aucun doute contenir plusieurs centaines d'individus forment les tribunes.
L'aire où se déroulera la compétition est composée d'un large cercle de verdure et d'un carré de granit rougeâtre au centre. Mais le blondinet à la langue pendue m'a déjà laissé entendre que la configuration du terrain varierait selon les épreuves.
Qu'importe. Je n'ai pas la tête à cela, de toute façon.
Mes pensées sont concentrées sur hier. Les mains d'Eraser Head sur ma peau, mes frissons, ses cinq doigts caressant mon crâne, mon corps tremblotant contre le sien.
Cet homme n'est qu'un dangereux criminel s'en étant pris à mon époux. Comment ai-je pu me laisser aller de la sorte ? Soit, la douleur était si grande que j'ai eu la sensation de mourir à plusieurs reprises, je n'ai fait que m'abandonner au premier soutien présent. Mais de là à trahir la mémoire de l'amour de ma vie...
...Non. Je le refuse. Ce que j'ai fait un impardonnable.
— C'est incroyaaaaaaaaable ! Oh Yeeeaaaaahhhh ! me coupe Present Mic dans mes pensées.
Meurtre. C'est un appel au meurtre. Sous prétexte d'échauffer sa voix, cet abruti me hurle dessus depuis plus d'une vingtaine de minute. Et le lycée a dû prévoir le coup car, entourant mes poignées posées sur mon siège, entre mes jambes, un moulage de fer parfait emprisonne mes doigts entre eux, ne leur laissant aucune possibilité de bouger.
Ce qui est bien dommage car, présentement, j'aimerai bien faire taire cet abruti en envahissant son palais de sable.
Comme s'il m'avait entendu réfléchir, il se tait soudain et entreprend de masser sa gorge du bout des doigts afin de détendre ses cordes vocales. Je me défais de cette vision et pose de nouveau mes yeux sur les gradins se remplissant autour de nous.
De nouveau, mes pensées se détournent de toute façon de ce qu'il se passe pour se concentrer sur les évènements d'hier, ce qui m'est arrivée après que, reconnaissant Aizawa, devant mes yeux et nu comme un vers, je l'ai sommé de me dire ce qu'il faisait devant moi.
La réponse de l'homme a alors été courte. Franche. Précise. Et particulièrement embarrassante.
— Je me douche toujours avant de patrouiller, la nuit. Et vous êtes dans la section masculine des douches, m'a-t-il déclaré.
Prise de court, une dense chaleur me montant aux joues, j'ai alors bien cru défaillir en me retournant complètement vers la porte d'entrée et remarquant le logo pourvu de deux jambes et deux bras, sans aucun triangle, accroché dessus. Je me suis sentie tellement honteuse que, sans me retourner vers lui — ne voulant de nouveau faire face à sa silhouette entièrement dénudée — j'ai ouvert la bouche pour lui lancer une vacherie.
Une du style que, à en juger par son odeur, je ne pensais même pas qu'il savait ce qu'était une cabine de douche même si, en sentant ses effluves, j'ai bien compris que le problème venait de toutes ses siestes dans son sac de couchage. A force d'y rester enfermé durant des heures — même quand il ne dort pas, d'ailleurs —, ses vêtements macèrent dans sa propre sueur, ce qui explique son parfum peu agréable.
Et, malgré mon aversion pour lui et ma promesse de ne pas m'en approcher ni de lui adresser la parole, je me suis fixée comme objectif depuis la première fois que je l'ai vu d'améliorer son odeur du mieux possible. J'ai d'ailleurs déjà un plan en tête.
Quoi qu'il en soit, à ce moment-là, je n'ai de toute façon pas eu le temps de lui cracher la moindre goutte de venin.
— Quelle est cette cicatrice ? m'a-t-il demandé, me prenant de court.
Intriguée, j'ai froncé les sourcils.
— Pardon ? ai-je alors demandé sans même me retourner.
— Sur le haut de votre cuisse, à l'arrière de votre jambe, a-t-il poursuivi sereinement.
Prise de court par sa question — car je n'avais aucune idée de quoi il parlait — je n'ai même pas relevé le fait que son regard avait dû se poser sur mon postérieur habillé de la fine serviette blanche pour pouvoir remarquer une telle chose. Non. Il avait bien trop titillé ma curiosité.
Me contorsionnant, j'ai alors tenté de regarder le dit endroit, sans succès. J'ai eu beau me tordre et bouger ma jambe afin de comprendre la raison de sa question, je ne l'ai pas saisie.
Et, concentrée dans la tâche, je ne l'ai même pas remarqué, s'approchant de moi.
Une ombre a soudainement surgi dans ma vision périphérique tandis que, le menton basculé par-dessus mon épaule, je fixais mon postérieur, tentant de voir l'arrière de ma cuisse. Avant même que je ne réalise qu'il se trouvait près de moi, bien trop prêt, il s'est arrêté.
A deux centimètres à peine de mon corps vulnérable sous cette serviette, habillé d'un simple jogging noir, sa peau frôlant la mienne, nos torses menaçant de se toucher lorsque je me suis totalement tournée vers lui, j'ai levé les yeux.
La chaleur s'était intensifiée et l'atmosphère, épaissie. Ma gorge s'était asséchée brutalement face aux yeux sombres fixant les miens et la même vieille douleur à la poitrine s'était manifestée, celle qui m'empêchait, à l'époque où j'étais liée à Han, de le quitter.
Je n'ai pu faire quoi que ce soit, paralysée par notre nouvelle proximité. Je voyais chaque détail de sa peau, de sa barbe de trois jours, de ses longs cils, des légères cicatrices rougeâtres qu'il devrait avoir déjà couvertes à nouveau de bandages, de ses mèches brunes s'échappant de son chignon et collant à ses tempes, son front et sa nuque, de sa peau moulant superbement ses épaules et le haut de son torse sculpté.
La souffrance au niveau de mon cœur s'est intensifiée quand la pensée incontrôlée que cet homme était séduisant m'a alors traversée. Mais je l'ai ignorée.
Sa main a saisi la mienne. Un frisson. Ma salive passant difficilement dans ma gorge, mes lèvres s'entrouvrant inconsciemment.
Il se tenait là, tout prêt de moi. Alors que nous ne nous étions presque jamais parlés auparavant. Cette situation semblait surréaliste. Je le haïssais sans même le connaitre. Et, pourtant, je ne pouvais pas bouger.
Était-ce par peur ? Par curiosité ?
Quoi qu'il en soit, il a guidé ma main sur ma cuisse, m'arrachant presque un frisson lorsque mon propre index est entré en contact avec ma peau. Ses yeux sont restés ancrés dans les miens, ne les lâchant pas une seule seconde. Nous étions si près que nos deux souffles n'en formaient qu'un et, à chaque respiration, son torse menaçait de se presser au mien au travers de ma serviette.
Déglutissant péniblement, j'ai laissé sa main — brûlante sur la mienne — guider mes doigts. Et, même si s'agissait de mes phalanges, j'ai inconsciemment serré les cuisses en sentant cette caresse sur ma peau. Comme si elles n'étaient pas les miennes.
Mais la douleur s'intensifiant subitement dans ma poitrine m'a alors rappelée à l'ordre. Qu'étais-je donc en train de faire ? Là, quasiment nue devant l'assassin de mon époux, laissant celui-ci me caresser sans même me toucher ? Serrant des cuisses devant son regard incandescent ?
J'ai voulu le repousser. L'idée m'a traversée l'esprit. Mais, au moment où elle m'a effleurée, mon index a trouvé l'endroit que le noiraud cherchait à me désigner depuis tout à l'heure. La fameuse cicatrice.
Et je le sais car, au moment où ma peau est apparue plus lisse, plus glissante, signe d'une ancienne plaie, la souffrance dans ma poitrine est subitement devenue insupportable.
J'ai bien cru que mon buste s'était fendu en deux tant la brûlure froide s'était brutalement faite intense. Ma tête s'est brusquement renversée en arrière tandis que la nouvelle douleur assourdissante m'a fait perdre le contrôle de mon corps.
Mes jambes ont cédé sous mon poids. Un cri a déchiré ma gorge, écorchant mon œsophage sous la surprise et le mal. Ce dernier était tellement grand, trop immense pour mes organes, le déchiquetant sous son passage, que je n'ai pas réalisé une seule seconde qu'en m'effondrant, j'étais tombée sur l'homme en face de moi.
Et, paralysée par la douleur, incapable de me concentrer, j'ai laissé le goût métallique du sang envahir ma bouche tandis que je trouvais un léger réconfort dans l'étreinte chaude et rassurante nouée autour de moi. Ma souffrance était telle que, prise de spasmes incontrôlable, je n'ai fait que profiter de la sensation de ces cinq doigts massant mon crâne et cette main ferme me plaquant contre un torse brûlant ou même de ce pectoral d'acier contre ma joue.
Oui. Aveuglée par la douleur, mes yeux révulsés dans leurs orbites, ma voix se cassant dans ma gorge à mesure que j'hurlais malgré moi, je n'ai même pas réalisé qu'Eraser Head m'avait rattrapée dans ma chute.
Revenant peu à peu à moi, j'ai finalement compris ces massages sur mon crâne, ces doux murmures apaisants à mon oreille, cette main ferme dans mon dos, ce torse contre mon visage. C'était lui.
L'homme que je veux tuer. L'homme que je hais le plus au monde.
Et, même si je me suis immédiatement relevée, courant rapidement hors de sa portée sans lui adresser un seul regard, m'arrachant à cette étreinte anormalement réconfortante pour mettre un maximum de distance entre nous, je me sens coupable à présent.
Car notre proximité était trop grande et mon corps, trop échauffé par celle-ci.
Cet homme est mon ennemi. Je ne dois pas l'oublier.
Alors, à présent, après être partie comme une voleuse, je crains de le revoir. Notre singulier échange me reste en travers de la gorge. Enfin, surtout la façon dont mes cuisses se serrent malgré elles quand j'y repense.
Je tente de me rassurer avec le fait que, mon mari ne m'ayant déjà pas touché depuis longtemps lorsqu'il est décédé, je suis simplement trop en manque de relations sexuelles. Mais cela ne me convient pas non plus. Je n'ai pas le droit de le tromper. Il me l'a fait jurer. Je ne peux pas le trahir.
Et encore moins avec son assassin.
— A quoi tu penses ma délinquante faaaaaavoooooorIIIIIIIIIteuuuuuuuuuh ! s'exclama soudain Present Mic à ma gauche, me tirant de mes pensées dans un sursaut brutal.
— Au meilleur moyen de se débarrasser d'un corps, je réponds fermement, mon regard froid posé sur les gradins à présent bien remplis.
— S'il parle trop, tu n'as qu'à lui remplir la bouche de sable, retentit soudain une voix dans mon dos.
Je me fige. Ce ton grave, ennuyé et presque endormi, vrombissant sur ses cordes vocales.
Eraser Head.
Il est là. Dans mon dos. Dans l'encadrement de la porte.
Je ne suis pas prête à l'affronter de nouveau. Pas après hier. Pas après son torse contre ma joue. Pas après sa main sur mon crâne. Pas après sa paume dans le creux de mes reins. Pas après ses murmures à mon oreille.
Et, pourtant, un pincement me prend à l'idée de l'ignorer. C'est ridicule. Il mériterait que je le fasse se sentir mal, seul, minable, que je le laisse parler dans le vent.
Mais, aussi fou cela puisse paraitre, en une journée, cet homme m'a prêté bien plus d'attention que mon époux durant nos trois années de mariage.
Alors, feignant de ne rien savoir de la vive douleur dans ma poitrine et de mon esprit me hurlant d'ignorer ses paroles, je lève mes bras au-dessus de ma tête sans ne rien répondre, me contentant de lui montrer mes mains liées par les solides attaches.
C'est stupide. Déloyal envers Han. Mais je me sentirai encore plus mauvaise d'ignorer quelqu'un qui a essayé de m'aider, hier.
Même si je compte toute de même l'assassiner, bien évidemment.
— Je vois, retentit sa voix dans mon dos.
Je sursaute, les bras toujours en l'air. Je ne m'étais pas rendue compte qu'il s'était approché. Sans doute l'habitude des patrouilles aidant, il s'est déplacé à pas de loup. Et, maintenant, il se trouve juste derrière moi.
Je tressaille. Il vient de saisir mes poignets dénudés d'une seule de ses mains larges. Sa peau contre la mienne est douce. Une douleur me prend à la poitrine.
— Tu n'es pas une criminelle, tu n'as rien à faire avec ça.
J'ignore la chaleur s'emparant de mon être lorsque j'entends la première partie de la phrase. Eraser Head cherche à se racheter, ce n'est pas nouveau. Il pense sans doute le contraire de ce qu'il vient de déclarer.
De nouveau, mes cuisses se serrent. Ma mâchoire se contracte à ce geste. Et, j'avoue que je me demande s'il parle de mes menottes ou de ma vie lorsqu'il déclare :
— Laisse-moi t'aider.
Mais je me rappelle soudain du fait qu'à chaque fois que je m'intéresse à quelqu'un différent d'Han, que je me détourne de mon mari, une vive douleur anormale me prend à la poitrine. La même que celle qui me paralysait à l'époque quand j'essayais de le quitter et me poussait parfois à cracher du sang tant elle était insupportable. Comme si mon corps ne tolérait pas que je sois déloyale envers Han.
Comme si mon âme était asservie.
Alors, honteusement, même si je le hais et simplement car je commence à réaliser que quelque chose n'est pas normale dans mon lien à mon défunt époux, je me surprends à penser, le temps d'un instant, une horrible réponse.
Oui, s'il-te-plaît. Aide-moi.
武士は食わねど高楊枝
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ennuyant je vous
le PROMETS
on rentre dans
le vif de
l'action dès
la semaine
prochaine
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