𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟑𝟐
— A M E A S S E R V I E —
武士は食わねど高楊枝
LA NUIT A PROGRESSE et je ne cesse de me retourner dans mon lit, mal à l’aise et frustrée. Cette pièce est trop grande pour moi toute seule et mes insomnies sont récurrentes. Dans quelques heures à peine, je vais de voir me lever et, si je n’ai pas un minimum dormi d’ici là, la journée va être très compliquée.
Un soupir franchit mes lèvres en songeant qu’il existe un homme qui n’a eu aucun mal à dormir, j’en suis sûre. Une personne bien lotie qui ne souffre pas d’insomnies. Ses pas ont retenti dans le couloir, il y a quelques minutes. Il est rentré de sa mission en tant que héros, a fini ses patrouilles et doit dorénavant dormir à poings fermés.
J’envie Aizawa. Autant que je ne cesse de penser à lui.
Rien ne demeure clair et limpide trop longtemps, avec lui. Nous nous rapprochons puis Joke fait son apparition. Il me fait savoir dans un baiser qu’il me préfère à elle mais Mina semble convaincue qu’ils sont en couple. Ai-je mal compris les sous-entendus d’Aizawa ? M’a-t-il réellement embrassé alors qu’il est engagé auprès d’une autre ?
Me tirant de mes pensées, deux coups secs retentissent à ma porte. Me redressant brutalement, je fronce les sourcils avant d’éclaircir ma gorge :
— Oui ?
La porte s’ouvre aussitôt et je me fige. Comme s’il avait deviné que je pensais à lui, le professeur est là. Ses cheveux noirs tombent sur ses épaules habillées d’un sweatshirt gris et ses jambes musclées dépassant d’un short. Sa silhouette est à peine visible sous le clair de lune.
Mais les rayons diaphanes mettent en valeur le relief de sa musculature avec une exactitude qui assèche brutalement ma gorge.
— J’aimerai te parler et, puisque tu ne cesses de faire les cent pas dans ta chambre, je me doute que tu es réveillée, explique-t-il.
Embarrassée, je détourne les yeux. Je ne savais pas qu’on pouvait m’entendre.
— Bon bah… J’ai pas de sièges ou de bureau à te proposer pour qu’on s’installe, je lance, mal à l’aise.
Il secoue la tête en fermant derrière lui puis grimpe sur le matelas déjà posé à même le sol. J’ai légèrement honte en voyant l’aspect de ma chambre. Mais je n’ai pas de revenus pour acheter de quoi décorer cet endroit et je serais encore plus embarrassée de demander à Aizawa de mettre la main à la poche — sachant qu’il l’a déjà beaucoup trop fait.
Il ne semble, de son côté, pas du tout gêné par la salle vide. S’asseyant en tailleur devant moi, sur les couvertures, il garde une certaine distance entre nos corps.
Le silence s’installe très vite, assourdissant. Le fait que tous les élèves dorment provoque une absence de bruit de fond encore plus pesante et je ne peux m’empêcher de détourner le regard. Aizawa, lui, me fixe avec une insistance déconcertante.
— Joke n’est pas ma petite-amie et elle ne l’a jamais été.
Mon cœur rate un battement et je lève les yeux vers lui. De toutes mes forces, j’essaye de dissimuler l’explosion d’émotions qui déferle en moi.
— Je n’ai jamais jugé l’amour très utile donc pour moi, les histoires de cœur passent au second plan, explique Aizawa. Un malentendu s’est créé quand, pour me débarrasser d’elle, après qu’elle m’ait demandé si je voulais être son copain, j’ai dis que je le ferais si elle me lâchait le grappe.
Je déglutis péniblement.
— Je croyais que copain signifiait « ami », poursuit-il. Qu’elle me demandait de passer de simple collègue à ami. Et le temps que je réalise mon erreur et éclaircisse les choses avec elle, elle avait déjà annoncé notre couple sur les réseaux sociaux.
Mes sourcils se haussent. Décidément, elle est impulsive. Cela ne m’étonne pas réellement, à vrai dire, elle n’a même pas attendu de me connaitre avant d’utiliser son alter sur moi.
— Depuis, les personnes recherchant des informations sur nos vies privées sur internet n’ont accès qu’à ce vieux statut sur les réseaux sociaux. Je fuis les journalistes comme la peste alors évidemment, taper « Eraser Head, Couple » dans la barre de recherche ne donne que ce résultat.
— C’est ce que Mina a fait ? je demande.
— C’est ce qu’elle a fait, approuve-t-il.
Mes muscles se détendent et une douce chaleur se répand en moi. Un soupir d’aise traverse mes lèvres sans que je le retienne. M’entendant, Shota pose sa large paume sur ma cuisse habillée du drap.
Penchant la tête sur le côté, il me fixe d’un regard éloquent :
— Tu sais que jamais je ne me permettrais de t’embrasser si j’étais déjà engagé ?
— J… Maintenant que tu le dis, ça me parait évident, j’admets, honteuse à l’idée d’avoir douté de lui. Mais, je sais pas, je…
Je ne termine pas ma phrase mais il attire de nouveau mon attention en exécutant quelques mouvements circulaires sur ma cuisse avec son pouce.
— Tu ? insiste-t-il.
Ma gorge est serrée et je regarde sa main posée sur ma jambe. Elle semble si douce malgré les cicatrices, si habile et précautionneuse, si désireuse de bien me traiter mais mes yeux se font humides. Je suis censée être une guerrière, une criminelle, une ancienne prisonnière, une battante… Alors pourquoi je ne cesse d’avoir envie de pleurer, depuis quelques temps ?
D’une certaine façon, laisser à Han le contrôle de mes émotions était plus facile. Je n’avais pas besoin de les assumer ni les endurer. Aujourd’hui, leur poids pèse sur mes épaules.
— Je suis jalouse, j’admets simplement, levant les yeux vers lui.
Si ses sourcils se froncent, je ne lis aucun jugement sur ses traits. Seulement une certaine incompréhension.
— Je m’en suis doutée la première fois que j’ai vu Midnight parce que je l’ai détestée à cause de sa silhouette, sans même la connaitre, parce que je me disais qu’elle était plus jolie que moi puis je me suis détestée de la haïr pour une raison pareille. Et quand j’ai vu Joke, son corps, ses cheveux, son regard, sa bonne humeur…
Une larme coule sur ma joue.
— J’ai réalisé que tu méritais quelqu’un comme elle. Et que te demander de te contenter d’une personne comme moi c’est…
Je n’arrive pas à finir ma phrase, transie de honte. Baissant la tête, je fuis son regard. Ses yeux se sont faits douloureux à mesure qu’il m’observait et je n’arrive pas à supporter la pitié l’habitant. Mais, quelque part, elle me rassure.
Même si je suis embarrassée à l’idée qu’il me regarde comme un animal chétif et blessé, il est la seule personne en qui j’ai assez confiance pour me montrer dans un tel état.
— (T/P)…, soupire-t-il.
Je me tends. Il vient de retirer la main de ma cuisse. Je ne lève pas les yeux, sentant mon cœur battre avec ferveur, tétanisé à l’idée que ce soit la goutte de trop et qu’il s’en aille.
Mais, soudain, sa large main se pose sur ma joue et il redresse ma tête de force. Aussitôt, nos regards se croisent tandis que, du pouce, il essuie la larme coulant sur mon visage.
— Si seulement tu pouvais te voir comme moi je te vois.
Mon esprit se fige un instant. Ses iris sont embuées d’un mélange si subtil de douleur et de douceur que ma cage thoracique se contracte et je manque d’éclater en sanglot.
— (T/P), tu as l’air de penser que je t’ai pris en pitié et te mens pour que tu te sentes mieux. Mais je t’assure que j’aime juste passer du temps avec toi. Et, comme je te l’ai dit plus tôt, je croyais que l’amour était inutile et ne comprenait pas l’idée de se mettre en couple…
Je déglutis péniblement.
— …Mais depuis que tu es entrée dans ma vie, je me dis que les réveils seraient plus agréables si tu étais avec moi, dans mon lit. J’arrête pas de penser que de petites choses comme poser les mains sur tes hanches pendant que tu cuisines me combleraient de joie. Je me sens débile de serrer le poing quand je vois tous ces mecs te mater dans la rue parce que si tu les vois pas, crois-moi, je les remarque.
Ma poitrine tremble et je souris faiblement, sentant une douce chaleur se répandre en moi tandis qu’il murmure ces mots dans le silence de la nuit.
— (T/P), tu n’es ni comme Midnight, ni comme Joke parce que tu es unique. Et je t’aime. Je t’aime même énormément.
Sa main sur ma joue se raffermit. Il y dépose l’autre en face, saisissant mon visage. Des capitons de désir éclosent en moi à cette sensation. Jamais mon cœur n’a battu aussi vite.
— Je crois que tu ne réaliseras jamais l’impact que tu as eu dans ma vie. Maintenant, je sais ce que c’est que d’aimer. Et je comprends pourquoi les gens sont si exaltés à l’idée de finir leurs jours avec quelqu’un.
Mes épaules tremblent. Il pose son front sur le mien, fermant les yeux. Une larme coule sur mon visage tant l’émotion est forte.
— (T/P), qu’en dis-tu ? chuchote-t-il. Est-ce qu’une personne aussi unique que toi veut bien faire quelque chose de banal comme aimer ?
Un rire mouillé de larmes franchit mes lèvres et j’acquiesce avec force, entourant son cou de mes bras et logeant ma tête dans le creux de son épaule. Ses mains quittent mes joues tandis que ses biceps se referment sur mon corps. Je sens bientôt ses paumes dans le bas de mon dos.
Inspirant son odeur, je savoure pour la première fois depuis longtemps la sensation de mes muscles se détendant un à un. Contre lui, bercée par sa chaleur, je me sens à nouveau moi-même, autorisée à assumer ma personne.
Presque fière de celle que je suis.
— Merci, Shota.
Il me serre plus franchement contre son torse et je ferme les yeux. Le matelas sous nos corps est doux et son étreinte est confortable. Mes membres s’engourdissent tandis que mon esprit tourne plus lentement.
Enfin, je m’endors.
Shota semble d’ailleurs le deviner car, à l’instant où je sombre dans les bras de Morphée, j’entends sa voix murmurer dans le silence de la nuit :
— Bonne nuit, (T/P).
ꕥ
Mes sourcils se froncent. Les rayons du soleil brûlent ma rétine à travers mes paupières closes, me poussant à me retourner par réflexe pour m’en protéger. Mais, aussitôt, mon corps percute un autre, allongé dans les draps.
Un sourire étire mes lèvres quand je réalise que je ne me réveille pas toute seule, dans ce lit. Shota a dormi avec moi. Puisqu’il est maintenant mon petit-ami.
Mon cœur s’emballe à cette simple pensée et je me sens presque stupide d’être si excitée pour cela. Je ne sais pas comment font les autres adultes lorsqu’une telle chose se produit dans leur vie. Mais j’ai tout à fait conscience de ressembler au cliché de l’adolescente amoureuse, dans les films.
Je n’ai le temps d’y songer plus longuement qu’un bras s’enroule autour de ma taille avant de me soulever. Un faible rire franchit mes lèvres quand je me retrouve allongée sur le torse de Shota qui, lui, est encore sur le dos.
Ouvrant les yeux, je regarde ses yeux clos tout proches de moi, posés juste en-dessous de sa large cascade de cheveux noirs s’étalant en une arcade autour de sa tête.
— Ça sert à quoi de dormir ensemble si je peux pas t’avoir prêt de moi ?
Mon cœur s’accélère. Je dois avouer que je ne suis pas habituée à ce genre d’actions, bien qu’elle me mette du baume au cœur.
Durant mon mariage, mon époux dormait rarement avec moi et quand il se réveillait le matin, j’avais plutôt intérêt à ne plus être dans le lit. Mes yeux s’écarquillent d’ailleurs à cette pensée. Mon visage.
Il doit être gonflé, peut-être même traversé de taches de bave ou de traces des draps. Je dois vite aller à la salle de bain. Il est hors de question qu’il me voit dans cet état.
Seulement, à l’instant où je me redresse, ses bras se font plus fermes sur mon corps, m’empêchant d’achever mon geste. Ses sourcils se froncent et il ouvre les yeux :
— Qu’est-ce que tu fais ? grogne-t-il. On est samedi, on peut se détendre.
– Je te promets que je reviens vite, je lâche en détournant les yeux, tentant de cacher mon visage en regardant au loin.
Mais sa paume se referme soudain sur ma joue et tourne ma tête de force. Mon cœur rate un battement et ses yeux s’écarquillent en voyant mon visage. Une profonde terreur s’empare de moi.
Et s’il se moquait, comme Han ? Et s’il m’ordonnait, à partir de maintenant, de me lever plus tôt pour que j’ai le temps de me parfumer et m’apprêter ? Et s’il ne m’aimait plus ?
Cependant, au bout de quelques secondes à me fixer intensément, il murmure simplement :
— Tu es tellement belle.
武士は食わねど高楊枝
2177 mots
un peu de fluff
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