𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 𝟐𝟕
— A M E A S S E R V I E —
武士は食わねど高楊枝
SUSPENDUE, MON ESPRIT se fait vide. Autour de moi, les ténèbres m’étreignent. Mais elles n’ont rien d’intimidant, au contraire. Quelque chose en elles me réconforte. Un parfum, une impression, une humeur, une vague sensation.
Petit à petit, je prends conscience des sensations. Sous mon corps, deux bras semblent me porter et contre mon flanc droit se presse un torse. Nous tous bougeons à un rythme effréné, comme si celui qui me portait courrait.
Des cris résonnent autour de nous. Un se fait plus sonore que les autres, plus prêt.
— UN MEDECIN ! ELLE EST BLESSEE ! VITE !
Mon cœur rate un battement. Aizawa. Il s’agit de sa voix. Mes yeux s’entrouvrent légèrement. Le ciel au-dessus de moi est parsemé d’étoiles et sur celui-ci se découpe le visage du héros. Son menton est tendu, il regarde devant lui tandis que ses cheveux, noués en queue de cheval, dégagent son visage.
Le col de sa chemise blanche est inhabituel. Là, je me souviens. Après l’invasion du camp d’été, j’ai été conduite, poings liés, à l’hôpital tandis qu’Aizawa a reçu la tâche de faire une déclaration publique, étant le responsable de la classe touchée par l’évènement. Cela explique donc son costume.
Cependant, la raison pour laquelle il est ici avec moi maintenant demeure un mystère.
— S’IL-VOUS-PLAIT, ELLE A ETE TOUCHEE ! C’EST ELLE QUI S’EST BATTUE AVEC ALL FOR ONE ! hurle-t-il d’une voix si chamboulée que mon cœur se serre.
L’envie de lever la main et la poser doucement sur son torse afin de l’apaiser me prend et je réalise alors combien je suis faible. Car je ne parviens même pas à remuer les muscles ni à l’attraper. Je suis éreintée.
Cependant, un léger sentiment de réconfort me prend à l’idée que le noiraud soit là avec moi, quand bien même notre dernière conversation était une dispute.
— MONSIEUR ? retentit une voix féminine, au loin. PAR ICI, ON A UNE AMBULANCE DE LIBRE !
La course d’Aizawa ne faiblit pas et, bientôt, la femme qui vient de crier reprend la parole, d’un ton plus modéré cette fois-ci, signe que nous sommes arrivés à sa hauteur.
— Posez-la sur le brancard, vite.
Mon dos touche un matelas et le visage de l’homme se tourne vers moi tandis que ses bras s’écartent de mon corps. Dès qu’il remarque que j’ai les yeux ouverts, les siens s’écarquillent.
— (T/P) ! (T/P), tu es réveillée ? Tu m’entends ? s’exclame-t-il, sa paume caressant soudain ma joue.
— Excusez-moi, je vais avoir besoin de la place pour procéder aux premiers examens.
Aussitôt, le noiraud recule. Mais son regard ne me quitte pas et je sens sa main saisir la mienne. Ce contact me rassure aussitôt.
— Vous êtes un ami ? Un membre de la famille ?
— Vous allez m’ordonner de rester loin d’elle si je dis non ? demande-t-il d’un ton particulièrement agressif.
— Je vous ai vu à la télé il y a une heure, répondant aux questions des journalistes, répond l’ambulancière tandis que diverses pressions sur mon corps m’indiquent qu’elle m’examine. Et vous avez fait le trajet de Yuei jusqu’ici, êtes allé chercher cette femme alors que le combat entre All For One et All Might n’avait pas pris fin, risquant votre vie…
Si mes cervicales n’étaient pas immobiles, je me redresserai immédiatement, abasourdie.
— Alors bien sûr que vous pouvez monter dans cette ambulance, je veux juste savoir qui vous êtes par rapport à ma patiente.
Les yeux d’Aizawa s’écarquillent et il me fixe quelques instants, visiblement pris de cours par sa question. Nous ne sommes pas des amis, n’avons pas ce statut. Mais résumer notre relation au fait qu’il est mon garant de caution ne me semble pas convenir. Colocataire, peut-être ? Non. Pas quand la cohabitation prend racine dans quelque chose d’aussi compliqué.
— On s’en branle, Bosuard, fous-les dans l’ambulance, tonne une nouvelle voix dans notre dos qui m’est, cette fois-ci, bien plus familière.
Le décor glisse autour de moi, remplaçant le trottoir illuminé des lueurs des lampadaires orangées par des cloisons de métal traversées d’armoires blanches et perfusions posées çà et là. Il fait soudainement plus chaud. Je suis dans le véhicule.
Mais je n’y prête que vivement attention, mon intérêt étant poqué par la nouvelle ambulancière qui vient d’interpeller sa collègue. Sa voix ne m’est pas inconnue, à vrai dire, je sais totalement qui c’est.
— Eh bah dis-donc, mademoiselle (T/N), deux fois en un soir je vais commencer à croire que vous pouvez pas vous passer de moi, scande Olympe en se plaçant dans mon champs de vision.
M’offrant un léger sourire, elle recule aussitôt afin d’ouvrir l’un des meubles sur le mur. En même temps, la première ambulancière ferme les portes du véhicule, laissant Aizawa s’infiltrer à l’intérieur et, se retournant, me permet de voir son visage. Je suis frappée de stupeur en reconnaissant ma vieille amie.
Deux joues potelées encadrant des lèvres charnues sous-plombent un nez recourbé placé entre deux yeux en amande. Sa peau ébène forme un contraste avec les braids blondes jaillissant de sa casquette bleue marine.
— Edward ! lance-t-elle à l’attention du conducteur. C’est bon, tu peux démarrer.
Bosuard et Edward. Plus que Dan pour reformer un groupe qui, dans des souvenirs lointains et morcelés, m’accompagnait faire la tournée des bars avant mon mariage. Qu’ils soient là maintenant n’est pas anodin. Surtout après la conversation m’ayant poussée à m’en aller combattre All for One.
La châtain, passant un brassard calculateur de tension autour de mon bras que je ne sens quasiment plus, lâche rapidement :
— Elle a l’air stable mais je vais pas vous mentir, son corps a subi un sacré choc.
— J’ai regardé le combat et j’ai pas vu All for One la toucher, objecte Aizawa, sa main pressant la mienne dans un geste rassurant. D’ailleurs personne ne sait pourquoi elle s’est effondrée, subitement.
L’un des sourcils de l’ambulancière se hausse.
— Et c’est la première fois qu’elle tombe inconsciente, comme ça, sans que vous ne compreniez pourquoi ?
Mes yeux — seuls muscles que je peux bouger — se posent sur le noiraud. Celui-ci ne me regarde pas mais l’expression préoccupée qu’il affiche en dit long sur ses pensées. Il fixe un point dans le vide, visiblement préoccupé.
— Je vais prendre ça pour un oui, conclut Olympe.
Le professeur évite précautionneusement mon regard, je le vois. Mais il finit par expliquer ce qui la travaille :
— Je crois qu’elle est victime d’un alter. Elle ressent des douleurs effroyables à la poitrine quand elle va à l’encontre des volontés de son ex-mari décédé.
Olympe et Bosuard échangent un regard. De toute évidence, le pouvoir mentionné par Aizawa ne leur est pas inconnu. Dégainant un talkiewalkie accroché à sa ceinture, elle appuie sur un bouton et un grésillement retentit dans l’espace-clos.
— Allô, Vipère ? demande-t-elle.
— Elle-même, répond une voix grésillante.
Je reconnais la femme voilée et masquée de tout à l’heure, celle qui a déclaré avoir des liens avec Tengen Uzui. La même qui m’a confiée mon armure.
— Trouves n’importe quel bloc et barre-le comme tu peux…
Le regard d’Olympe s’abaisse sur moi avant de couler jusqu’à ma jambe, visiblement inquiet. Aizawa presse sa main autour de la mienne.
— Il va falloir l’opérer.
ꕥ
Mes paupières papillonnent quelques instants, affrontant la luminosité brûlante du vrai monde ainsi que les filaments floutant mon champ de vision. Le réveil est plutôt doux, un silence a pris place dans la pièce, seulement ponctué des tintements du cardiogramme. Et les rayons du soleil caressent mon visage.
Sur moi, une couverture a été remontée jusqu’à mon menton. Quelques douleurs sourdes me traversent, çà et là.
Bientôt, je parviens à voir correctement les détails de la salle. Le plafond crème fait face au sol blanc et les murs de la même couleur rappellent la tristesse des lieux. Sur mon corps, les draps bleus me maintiennent au chaud.
Je suis seule. Enfin, à une exception près qui se trouve assise sur une chaise verte d’eau, à quelques pas seulement de mon lit.
— (T/P) ? Comment vas-tu ? Tu as mal nulle part ? s’enquit Aizawa en se penchant par-dessus le matelas.
Ses yeux encore plus rougis que d’habitude me fixent, analysant mes moindres expressions faciales. Je lui souris légèrement, rassurée que quelqu’un soit avec moi et, surtout, qu’il s’agisse de lui. Son inquiétude aussi, quelque part, me met un peu de baume au cœur.
— Tiens, tu ne dors pas ? je ris légèrement pour le taquiner.
— J’ai pas réussi, répond-t-il le plus sérieusement du monde, posant sa main large sur ma joue.
Le cardiogramme s’emballe légèrement à ce contact. Embarrassée, je détourne le regard. Un soupir le prend.
— J’ai eu peur à l’idée que notre dernière conversation ait été une dispute.
Là, je me tourne à nouveau vers lui, touchée.
— Non en réalité j’ai eu peur à l’idée qu’on ait eu une dernière conversation, tout simplement, murmure-t-il.
Sa main ne quitte pas ma joue et son regard s’attarde sur moi. Le silence dans la pièce est reposant. Bien sûr, je demeure considérablement vexée qu’il m’ait soupçonnée d’être une criminelle et lui en parlerait sans doute plus tard d’un ton ferme.
Mais, là, maintenant, je me sens si bien en sa présence que je ne peux que me taire là-dessus.
— Qu’est-ce qu’il t’a pris d’aller l’affronter seul ? lâche-t-il, visiblement légèrement agacé.
— Je… Plein de choses, à vrai dire…
Mais surtout le fait que je voulais lui prouver qu’il n’avait pas à douter de moi. Qu’il pouvait me faire confiance. Car même si notre relation n’est pas partie du bon pied, je réalise que son opinion est maintenant la seule qui m’importe réellement.
Ses cheveux toujours noués en une chignon qu’il a tant gratté et trituré que certaines mèches s’en échappent, il me fixe entre ses paupières mi-closes. Sa main est toujours fermement posée sur ma joue. Douce et délicate.
— J’ai été stupide de te parler comme ça et te traiter en criminelle.
— Tu avais peur pour tes élèves, je réponds dans un léger sourire.
— Non, j’avais peur pour toi.
Mes sourcils se froncent. Ses yeux se posent sur le sol, fuyant les miens tandis que sa main quitte sa joue. Je ne pipe mot, décontenancée par sa dernière intervention.
— J’ai cru que l’alter de ton mari, celui qui te fait t’évanouir t’avais entièrement possédée et que…, sa voix meurt dans sa gorge. J’ai confiance en celle que tu es mais pas en lui. Et…
— Et tu as fait ce qui était le plus logique de faire en période de crise.
Déplaçant une mèche rebelle que je fais glisser derrière son oreille, je le regarde. A ce geste, il lève les yeux en ma direction, abasourdi. Je le fixe alors, me sentant apaisée par son regard sombre et cerné.
Il est vraiment très bel homme.
— On rentre quand à la maison ? je chuchote dans le silence s’installant entre nous.
Là-dessus, il semble revenir à lui et, cessant de me regarder, secoue la tête lentement.
— Le lycée devient un internat pour protéger les élèves sans arrêt. Tu emménageras avec moi et eux demain.
— Je ne dois pas rester un petit moment à l’hôpital, d’abord ?
— Edward a accéléré ta cicatrisation histoire de vider un maximum de chambre, c’est pour ça que tu n’as pas mal malgré l’opération.
Mes muscles se figent. J’avais entièrement oublié la conversation qui a précédé mon anesthésie, dans l’ambulance.
— Opération ? je répète, la gorge sèche.
Il acquiesce lentement, poussant un soupir qui ressemble fortement à du soulagement. Puis, levant la tête en ma direction, il me gratifie d’un sourire des plus apaisants.
— Tout s’est bien passé.
— Mais ce qui s’est « bien passé », c’est quoi, exactement ? je demande, légèrement alarmée malgré son calme.
Entendant les tintements du cardiogramme s’accélérer, il saisit doucement ma main dans la sienne et trace quelques cercles circulaires sur ma peau afin de m’apaiser.
— Je ne sais pas quelles études ont fait les ambulanciers mais ils ont localisé la source du venin qui te poussait à des évanouissements répétés. Une espèce de crocs de serpent gigantesque était planté dans ta jambe. Ils l’ont retiré.
Mes yeux s’humidifient. En effet, aucune douleur ne m’a prise lorsque j’ai songé à la beauté d’Aizawa, tout à l’heure.
— Alors ça veut dire que…
Son sourire s’agrandit et il acquiesce.
— Ton âme n’est plus asservie.
武士は食わねど高楊枝
2084 mots
ça se rapproche hehe
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